Plus important que les inégalités, la mobilité

Dans le monde qui se dessine, il sera plus important de faciliter la mobilité en levant les obstacles à la réussite que de la contraindre par la réglementation ou l’impôt.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Plus important que les inégalités, la mobilité

Publié le 15 septembre 2016
- A +

Par Erwan Le Noan.
Un article de Trop Libre

Plus important que les inégalités, la mobilité
By: Nicolas AlejandroCC BY 2.0

La régulation qui vise à réduire les disparités économiques ou sociales devient inadaptée. Dans le monde qui se dessine, il sera dès lors plus important de faciliter la mobilité.

Le FMI a publié récemment une nouvelle étude qui conteste les travaux de Thomas Piketty : les données empiriques ne confirment pas sa thèse selon laquelle, lorsque le rendement du capital (r) est supérieur à la croissance (g), les inégalités s’accroissent. Du point de vue économique, c’est une nouvelle contribution dans un débat passionnant. Mais cela importe finalement peu car le sujet des inégalités a quitté le domaine académique depuis longtemps. Il appartient désormais au débat politique et est à ce titre révélateur à la fois du malaise démocratique contemporain et des réponses à y apporter.
Le Capital au XXIe siècle, relayé par de fidèles critiques de l’économie de marché, a projeté sur le devant de la scène la question du niveau des inégalités acceptable dans un pays. On le retrouve saillant dans la plupart des démocraties occidentales : il suffit de voir le succès de Podemos, en Espagne, de Bernie Sanders, aux États-Unis ou le discours de Theresa May, outre-Manche pour s’en convaincre. Cette question, éminemment politique, renvoie au besoin de cohésion des sociétés démocratiques : il est indispensable que leurs membres expriment une adhésion à leur modèle, construit sur des normes.

En ce sens, le débat sur les inégalités n’est que le pendant de celui sur l’identité nationale en France ou des interrogations sur le multiculturalisme que connaissent le Royaume-Uni, l’Allemagne ou même les États-Unis. Dans l’un et l’autre domaine, certains comportements sont critiqués et condamnés parce qu’ils sont perçus comme des refus d’appartenir à la collectivité ou d’en accepter les règles.

Décalage absolu

La première force de l’ouvrage de Thomas Piketty et de ses relais a été de présenter ce débat politique sous l’angle de travaux académiques. Son second atout est d’avoir transmis, de façon d’ailleurs revendiquée, une réponse politique nettement orientée, fondée sur la redistribution fiscale.

Ce message du Capital a trouvé un écho très fort, particulièrement pour la gauche, qui garde un culte pour l’égalité, surtout réelle. Rappelons que la France a un ministre chargé de ce thème incertain et que même Emmanuel Macron se sent régulièrement obligé de rappeler son attachement à cette valeur du triptyque républicain pour afficher un marqueur idéologique fort.

Ces pistes sont pourtant en décalage absolu avec l’économie qui se dessine devant nous. Celle-ci est marquée par une fluidité élevée et une stimulation concurrentielle tous azimuts. Les nouveaux entrants d’aujourd’hui détrôneront les champions d’hier si aucun obstacle ne les ralentit, avant d’être eux-mêmes relégués par des entreprises plus efficaces demain. Dans le monde économique comme dans la sphère sociale, certains opérateurs peuvent monter très haut, très vite. L’avenir pourrait ainsi reposer sur des logiques profondément méritocratiques, valorisant l’ascension des plus performants. « Sky is the limit. »

Inventer un nouvel État social

Dans le monde qui se dessine, il sera dès lors plus important de faciliter la mobilité en levant les obstacles à la réussite que de la contraindre entre des bornes par la réglementation ou l’impôt, dans un esprit malthusien de redistribution. Dans un système plus fluide, l’action publique devra certainement se reporter sur la lutte contre les fardeaux qui grèvent la réussite, c’est-à-dire contre les injustices. La France a beaucoup à faire : son système scolaire est l’un des plus discriminants, son marché du travail est durablement figé et segmenté, sa réglementation est sclérosante.

Un changement de paradigme complet s’opère progressivement sous nos yeux. La régulation traditionnelle, qui vise à réduire les disparités économiques ou sociales plutôt qu’à valoriser les réussites et à répartir les places plutôt qu’à favoriser les opportunités, est inadaptée. Il faut maintenant inventer un nouvel État social. Dans cette perspective, le combat contre les inégalités est dépassé.

  • Article initialement publié dans Les Échos

Sur le web

Voir les commentaires (3)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (3)
  • d’après un article du point lu récemment, les universitaires français sont presque tous d’extrême gauche(en particulier en sociologie, mais aussi en économie) et pour eux le salaire devrait dépendre du diplôme et non de la réussite professionnelle: on est mal barré pour ce qui est de la valorisation de cette dernière….

  • Article très optimiste !

    La dialectique marxiste s’impose au débat public : si une réforme de l’état est entreprise les gardiens de la pensée vont s’assurer que « les plus modestes ne vont pas y perdre ».

    Le prochain gouvernement voudra réduire les prélèvements obligatoires ? Tous les médias diront « d’accord mais les plus modestes doivent garder leurs allocations », et les bon citoyens conscientisés devront acquiescer.

    Les plus modestes commencent bien sûr juste en dessous du salaire médian, la réforme est donc condamnée.

  • « Sky is the limit » êtes vous sûr? ou « Highway to Hell »,
    Thomas Piketty a certainement raison, mais je ne crois pas qu’il ait envie diagnostiquer la gravité de la situation en résumant tous les symptômes:
    LE SYSTÈME EST EN TRAIN DE MOURIR.
    Warren Buffett résume d’une formule notre époque :
    “Les ultra-riches mènent une bataille contre les 98% les moins riches, et cette bataille, ils sont en train de la gagner”
    Il a tord ? Pas s^r. En qui pouvons nous donner notre confiance?
    Les élus? Leur politique ou leurs programmes? Et ceux qui décident sont décidément de moins en moins propres!
    Le FMI, LEurope, Une carriériste et une victime de l’alcoolisme (J.C. Junker n’a pas fait un seul procès sur ce point)
    Les banques? Après 2008, elles sont reparties sur leur trip, et elles tiennent les mors des canassons politiques.
    Les bourses? Votre portefeuille? Luttez en bourse pour défendre vos actions… contre des ordinateurs..!
    Votre retraite? Retraites versus ponctions fiscales
    Votre entreprise? Attendez de piétiner les intérêts d’un plus puissant pour remarquer, soudain, que vous avez fait des erreurs 😉
    Votre job? …. Loi travail 2016 (les lois c’est comme les feux rouges, moins il y en a moins il y a de bouchons ou d’accidents)
    La justice ? Désolé, je préfère croire à une étoile filante et faire un vœux
    Les médias? En Europe, ils appartiennent en majorité à des groupes privés industriels ou financiers
    L’éducation et les services régaliens? Tous unis pour un enfumage; je me demande ce que vaut un Bac français à l’étranger.
    Vous croyez en Liberté Egalité Fraternité, moi aussi, mais plus en ceux qui se servent de l’émotion pour nous duper.

    Et, après 25 ans à l’étranger, je crois qu’une majorité ne fait plus confiance à ceux qui profèrent « In God we trust », et aussi « God save the queen,..ou bien Das Deutsche Volk! Wir schaffen es… Sortez des cercles informés, sondez les réseaux sociaux, Demandez à vos contacts étrangers,

    Alors Sky is the limit » ou « Highway to Hell »?
    Ou bien, pour repartir vers le ciel, faut il toucher le fond de l’abîme?
    Je me souviens du conseil de mon premier employeur:
    « N’entreprend que ce que tu peux contrôler par toi même, et ne jette jamais un pont si tu ne connais pas l’autre rive.  »
    Donc pas de pessimisme, mais seulement remettre la réflexion avant les émotions, et douter.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Oliver Faure, premier secrétaire du Parti socialiste a pris la plume car il a un rêve, qu’il estime révolutionnaire et qu’il souhaitait partager avec l’ensemble de la population : réaliser une plus grande égalité réelle entre les Français. Pour atteindre cet objectif impératif, il a une méthode qu’il présente comme originale : distribuer aux citoyens des aides supplémentaires, en euros sonnants et trébuchants, qu’il fera abondamment financer par une augmentation de la fiscalité pesant sur les plus riches et contrôler par une administration pl... Poursuivre la lecture

1
Sauvegarder cet article

La réflexion critique sur le thème de l'inflation est aussi ancienne que l'économie elle-même, et elle va bien sûr au-delà de l'économie en tant que science. Le problème de l'inflation commence dès lors que l'on confond la rareté des moyens réels avec une rareté de l'argent, autrement dit lorsqu'on tente de masquer la rareté des moyens réels en créant de la monnaie.

 

Un expédient individuel qui pénalise le collectif

Le point de vue économique individuel (microéconomique) d'un groupe de personnes devient la référence pour u... Poursuivre la lecture

La politique monétaire expansive de la Banque centrale européenne s'accompagne depuis plus de deux décennies d'une inflation disproportionnée des prix des actifs.

Cette forme grave d'inflation n'est toutefois pas prise en compte dans l'indice des prix à la consommation harmonisé, et n'impose donc pas de limites à la politique monétaire. Tant que les prix à la consommation n'augmentent pas trop rapidement, la masse monétaire peut être élargie, en dépit de la hausse vertigineuse des pri... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles