Edward Chamberlin : le père de la concurrence monopolistique

Edward Chamberlin a proposé une théorie des marchés plus conforme à la réalité que le modèle de la concurrence pure et parfaite : la concurrence monopolistique.

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Edward Chamberlin : le père de la concurrence monopolistique

Publié le 2 août 2016
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Par Sylvain Fontan.

Edward Chamberlin : le père de la concurrence monopolistiqueNé en 1899, Edward Hastings Chamberlin (plus connu comme Edward Chamberlin) est un économiste américain. Il obtint sa thèse en 1927 à l’université de Harvard aux États-Unis qu’il ne quittera plus jusqu’à sa retraite. Sa contribution principale aux sciences économiques a été publiée en 1933 sous le titre « The Theory of Monopolistic Competition » (« Théorie de la concurrence monopolistique »). Sa théorie a deux ambitions : expliquer le comportement individuel d’entreprises concurrentes quand des éléments de différenciation existent, et souligner la façon selon laquelle un équilibre de marché s’établit entre elles.

En pratique, avec la théorie de la concurrence monopolistique, Edward Chamberlin souligne le degré de liberté stratégique dont dispose une entreprise lorsqu’elle combine utilisation du prix et de la publicité, ainsi que la différenciation du produit pour assurer la distinction sur un marché. Dans ce cadre, le producteur essaye de se différencier de la concurrence en présentant des distinctions afin d’obtenir une forme de monopole et ainsi être l’unique producteur à proposer un certain nombre de caractéristiques.

Différenciation des produits

La différenciation des produits est une stratégie visant à introduire une distinction entre, d’une part, le produit fabriqué et vendu par l’entreprise et, d’autre part, les produits des concurrents. Ainsi, l’entreprise cherche à créer pour son produit un ou plusieurs avantages relatifs perçus comme uniques par les acheteurs. Le but est de réduire l’âpreté de la concurrence quand il y a homogénéité des produits proposés par les différentes entreprises, et donc quand il y a substituabilité entre eux. Le producteur qui différencie son produit réussit ainsi à s’approcher des conditions du monopole (production assurée par une seule entreprise), même si celui-ci est limité dans l’espace et dans le temps.

La différenciation des produits est la stratégie centrale de la concurrence monopolistique. La différenciation concerne le produit soit directement (qualité, modèle, design, emballage, image du produit donnée par la publicité…), soit indirectement (qualité du réseau de distribution, commodité du lieu de vente, image de marque du producteur, réputation du vendeur, conditions générales de ventes et de paiement…). Dans ce cadre, la publicité joue un rôle déterminant pour persuader le consommateur que le produit présenté est unique.

Concurrence monopolistique

La concurrence monopolistique est une structure de marché où les producteurs sont nombreux mais où ces derniers mettent en œuvre une stratégie de différenciation de leurs produits pour bénéficier d’une position commerciale ressemblant au monopole. Fréquente dans les économies modernes, cette structure de marché comprend deux aspects :

  • des éléments de concurrence avec un grand nombre de vendeurs de produits similaires face à une multitude d’acheteurs ;
  • des éléments de monopole, où le producteur pratique une différenciation du produit dans le but de le rendre unique.

La concurrence monopolistique est ainsi une forme de concurrence imparfaite. En effet, un certain nombre d’hypothèses du modèle de la concurrence dite « pure et parfaite » sont ici abandonnées. Dès lors, il n’y a plus d’homogénéité des produits car le but est justement de distinguer les produits les uns des autres ; il n’y a plus également de transparence du marché puisque chaque entreprise développe des actions publicitaires pour s’attacher une clientèle spécifique. Par conséquent, le but de cette théorie est de proposer une théorie des marchés plus conforme à la réalité que les modèles de la concurrence pure et parfaite d’une part, et du monopole pur d’autre part. La concurrence monopolistique constitue alors une situation hybride entre la concurrence parfaite et le monopole pur.

Évolution dans le temps de la concurrence monopolistique

La portée de cette théorie varie selon l’horizon temporel envisagé. En effet, alors que l’équilibre de concurrence monopolistique de court terme se rapproche de celui du monopole, celui de long terme se rapproche de la concurrence pure et parfaite. De façon pratique, le surprofit que les entreprises réalisent en courte période attire de nouvelles entreprises, ce qui entraîne la diminution de la part de marché de chacune des entreprises, et au final il y a extinction progressive du surprofit.

Le mécanisme de l’évolution du profit dans le temps est le suivant. Le fait d’être le seul producteur à proposer un bien (ou un service) avec des caractéristiques ressenties par le consommateur comme uniques, permet de se retrouver dans une situation proche du monopole, et ainsi de pouvoir s’écarter du prix du marché (hausse du prix de vente). À court terme, l’entreprise améliore donc son bénéfice. Toutefois, ce profit attire de nouvelles entreprises qui vont essayer de capter une partie de ce bénéfice en copiant ou s’inspirant des caractéristiques du produit. Ainsi, l’entreprise qui se trouvait initialement dans une sorte de monopole va perdre une partie de ses clients et le surprofit va diminuer jusqu’à disparaître. Notons que ce mécanisme concernant les caractéristiques d’un produit fonctionne également pour la localisation d’un marché. En effet, initialement, le produit proposé peut ne pas se distinguer des autres produits mais pénétrer une localisation géographique spécifique dans laquelle ce produit n’est pas encore disponible (ex : nouvelle épicerie dans une zone où jusque-là ce type de commerce n’était pas disponible). L’entreprise bénéficie d’un surprofit qui attire d’autres épiciers jusqu’à ce que le surprofit disparaisse.

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  • Une concurrence monopolistique formera aussi des barrières à l’entrée contre les nouveaux arrivants du marché, et ainsi ces acteurs assurent leur pérennité pour le long terme.

    • Il semble que Chamberlin oublie l’action de l’Etat en la matière. Qu’est-ce qui différentie une position monopolistique acquise légitimement sur un marché, ce qu’il nomme concurrence monopolistique, d’un monopole étatique imposé par la loi ? Le risque permanent de voir apparaître de nouveaux concurrents pour la première, la garantie de l’élimination de la concurrence pour l’autre.

      Le risque de concurrence est similaire dans ses effets à une concurrence effective. Il contraint le monopoleur de marché à s’améliorer constamment. Il est d’autant plus élevé que le coût d’entrée sur le marché est structurellement décroissant pour les nouveaux entrants. Pour sa part, le monopoleur étatique, bénéficiant de la protection de la loi, n’aura pas besoin de s’améliorer pour tenir sa position et pourra capturer indéfiniment une marge indue aux dépens de sa clientèle. La marge sera distribuée sous forme d’impôts, de dividendes, de surfacturation à ses fournisseurs complices, de salaires, de retraites, de financements syndicaux, ou parfois d’autres distributions favorisant une corruption encore plus discrète (cf les monopoles étatiques français). On note que la marge volée par le monopoleur étatique à ses clients est strictement équivalente à un impôt. On note également que le montant de la marge est par construction inconnu puisque l’activité n’est sanctionnée par aucun prix mais repose sur des tarifs (faux prix). En outre, du fait de l’absence de concurrence, l’analyse des coûts ne permet pas de calculer cette marge avec pertinence : une partie de la marge est en effet présente dans les coûts (faux coûts).

      La différence entre les deux situations est fondamentale, au point qu’il devient abusif de parler de monopole en l’absence de l’Etat. Ainsi, on comprend qu’il n’existe aucune possibilité de monopole durable sans la complicité active de l’Etat.

      Tout monopole est nécessairement une excroissance de l’Etat obèse. Lutter contre les monopoles, c’est lutter contre l’Obèse.

      • « Le risque de concurrence est similaire dans ses effets à une concurrence effective. Il contraint le monopoleur de marché à s’améliorer constamment. »

        Il y a bien des manières de lutter contre le risque de concurrence, et l’amelioration des performances n’est qu’une des options. Celle de la Standard Oil a été d’essayer de saboter physiquement les chantiers des premiers pipe lines. Celle de la Compagnie des Indes de l’Est a été de lever une armée…

        • Quand on vous parle d’activité délictueuse (réelle ou supposée, ce n’est pas la question) sanctionnée par un démantèlement, qu’est-ce qui n’est pas clair à vos yeux ?

          Quand on vous parle de « Charte royale », qu’est-ce qui n’est pas clair à vos yeux ?

          • C’est parfaitement clair à mes yeux. Mais vous devez alors qu’avoir qu’activités délictueuses et corruption d’agents publics font partie intégrante de la panoplie du monopoleur et de l’oligarque. Ce sont des methodes d’étouffement de la concurrence parmi beaucoup d’autres (rachat, propriété intellectuelle, partage de maeché, denigrement mediatique, FUD, SLAPP …)

      • votre affirmation; « le coût d’entrée sur le marché est structurellement décroissant pour les nouveaux entrants » doit être nuancée car la nature du bien ou du service exercé par les acteurs en place, notamment sa technicité, son expérience et sa notoriété acquise, lui procurent un avantage concurrentiel. Car 1) le coût de production du service ou du produit a déjà été ramené à son meilleur niveau de productivité obligeant le nouvel entrant à assassiner ses perspectives de marge rapide 2) la clientèle est fortement fidélisée et la capter pour le nouvel entrant va lui demander de chers efforts.. C’est par exemple le cas de l’assurance auto en France, ou des services bancaires pour lesquels on observe que la banque directe a du mal à s’installer.

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Un article de Philbert Carbon.

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