Ne sacrifions pas notre liberté aux terroristes

Contre le terrorisme, que pouvons-nous faire d’autre qu’éviter de scinder encore plus la société ?

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Ne sacrifions pas nos libertés aux terroristes By: Sarah - CC BY 2.0

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Ne sacrifions pas notre liberté aux terroristes

Publié le 1 août 2016
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Par Aurélien Véron.

Ne sacrifions pas notre liberté aux terroristes
Ne sacrifions pas notre liberté aux terroristes By: SarahCC BY 2.0

 

Après la sanglante année 2015, dont les attentats de janvier et novembre restent dans toutes les mémoires, l’État Islamique a encore frappé la France à l’occasion de la fête nationale. Pour autant, plus que jamais, il faut faire corps face à la menace et ne pas abandonner nos valeurs.

Le 14 juillet et la fin de semaine ont été infiniment tristes. Une fois de plus, les mots nous manquent à tous après l’effroyable attentat. Une fois de plus. À Nice, des dizaines de milliers de personnes ont assisté en direct au massacre. Le drame ne s’arrête pas là. Les symptômes d’une dislocation de la maison France sont plus forts et plus nombreux qu’auparavant. À chaque nouveau coup des terroristes islamistes, les fondations de notre société se fissurent davantage. Le danger, ce sont évidemment les terroristes, mais aussi nous-mêmes.

C’est ce que Abou Moussab al-Souri a théorisé pour Daech. Faute d’avoir les ressources pour nous affronter, le djihadisme islamiste s’appuie sur le terrorisme de 3ème génération – mobiliser les descendants les plus déstructurés et les plus instables d’une intégration ratée – poussant l’Occident à assurer lui-même le travail de sa propre destruction par la guerre civile. Le week-end dernier, sa théorie a marqué des points chez nous. Sous le choc, notre pays vacille et doute de ses valeurs.

Des réactions indignes

Personne ne peut me reprocher d’être favorable à la politique de l’actuel gouvernement. Quelle que soit notre opinion de son action, les huées, sifflets et insultes adressées au Premier ministre juste après la minute de silence à Nice étaient déplacés pour la France comme pour les victimes qui méritaient le respect du recueillement. Les leaders de l’opposition n’ont pas été plus dignes en dégainant le lance-roquettes – au propre comme au figuré – sans attendre la fin de la période de deuil national. Nous assistons à une combustion rapide de nos institutions qui n’annonce rien de bon au moment où nous devrions être forts et unis.

Quelques minutes plus tard à l’endroit où le terroriste a été abattu, concours de crachats sous les applaudissements de la foule sur un tas de détritus en feu : exutoire ou réveil d’instincts bien sombres chez des Français remués par la peur ? Plus loin, une femme balançait, péremptoire, « Casse-toi, rentre chez toi ! » à une autre femme… simplement parce qu’elle avait un accent. Cette dernière s’est alors effondrée en larmes avant de répondre « Je resterai, je resterai ici, madame, car ma fille est morte ici jeudi ». Le Professeur de Droit Jean-Louis Harouel en est même venu à écrire une tribune appelant à renoncer à la « religion  des Droits de l’Homme ». Sommes-nous devenus fous ?

Allumer des bougies s’est vidé de son sens et ne résout rien, prenons-en acte. Est-ce plus efficace de manifester son envie d’en découdre ? « Nous sommes en guerre », mais contre qui ? Hier Al Qaïda, aujourd’hui Daech, cette nébuleuse protéiforme s’adaptera pour prendre demain un nouveau visage. « Il faut passer à l’action », mais comment ? Plus nous intervenons au Moyen-Orient, plus la fréquence des attentats s’accroît sur notre territoire. « Punissons les coupables », mais lesquels ? Nous avons affaire à des ratés transformés en kamikazes en quelques mois, quelques semaines, peut-être même quelques jours. Les commanditaires sont insaisissables, pour la plupart, cachés à l’étranger au sein de réseaux occultes. Si la solution n’est pas à portée de main, elle passe aussi par des mesures concrètes pour réduire les risques ou les dégâts de futurs attentats.

Les nouvelles mesures n’ont servi à rien

Le gouvernement n’est pas exempt de toute critique, loin de là. Les lois anti-terroristes et l’État d’urgence n’ont servi à rien d’autre qu’à faire reculer nos libertés. L’opération Sentinelles épuise aujourd’hui 10.000 militaires pour rassurer l’opinion alors que les experts s’accordent sur son inutilité. Elle doit être recalibrée. Le rapport Fenech/Pietrasanta offre des pistes trans-partisanes qui vont dans le bon sens en simplifiant SEPT services différents cloisonnés, TROIS coordinateurs qui ne coordonnent pas et SIX bases de données non inter-opérables. Le Ministre de l’Intérieur – en Allemagne ou au Royaume Uni, il aurait démissionné dès le 15 juillet par souci de responsabilité – peut encore revenir sur sa décision d’avoir directement jeté ces propositions à la corbeille.

Les professionnels de la sécurité privée ont aussi des propositions judicieuses pour améliorer la protection des foules lors des grands événements populaires. Policiers hors service et vigiles spécialement formés devront sans doute porter une arme de service sur eux à l’avenir. L’extension du port d’arme à une garde civile formée et encadrée remédierait efficacement à l’épuisement de nos forces de l’ordre et étofferait le maillage d’individus aptes à riposter en cas de nouvel attentat. Mais comme l’admet le président d’un syndicat d’officiers de police : « Il faut oser dire que la police ne peut pas tout et qu’il y a une part d’irrationnel, d’imprévisible devant ce genre d’actes isolés. » Yoram Schweitzer, ex-conseiller antiterroriste du Premier ministre israélien, nous rappelle qu’il faut rester humbles : « Les leçons s’apprennent par le sang versé ».

Vivre avec, et ne pas entretenir une guerre civile

En fait, notre colère révèle notre impuissance dans l’immédiat. Nous savons que nous allons devoir vivre avec le terrorisme. Cette idée est proprement insupportable dans le pays qui est le nôtre, celui du bonheur de vivre, des terrasses et de la bonne bouffe. Nous allons pourtant devoir rester stoïques pendant les années de lutte qui nous attendent. C’est un combat qui engage à chaque instant l’ensemble de la société. C’est un engagement qui exige que les Français fassent corps. Corps contre la menace permanente, corps contre la peur qui noue le ventre à chaque nouvel attentat, corps contre l’intoxication des fausses alertes qui rongent l’unité nationale.

« Les pacifistes d’aujourd’hui sont les collabos de demain », mais collabos de qui ? Des femmes qui portent le voile comme Malala, prix Nobel de la Paix, ou les combattantes qui mettent Daech à mal ? Des Français musulmans ou, plus simplement, des Français d’origine maghrébine ? L’ultra droite qui mène la danse sur ce plan ne fait pas dans la dentelle. Alliée objective de Daech, elle n’attend qu’une chose comme l’a indiqué le patron du renseignement français, Patrick Calvar : la guerre civile entre musulmans et non-musulmans, quitte à réduire notre pays en cendres.

Rien ne serait pire que de considérer les Français musulmans comme complices de ce terrorisme qui tue aux cris de « Allah akbar ! ». Cette barbarie promeut une forme d’Islam que de nombreux savants et théologiens musulmans rejettent comme une interprétation sanguinaire incompatible avec la plupart des autres manières de vivre l’Islam, en particulier en Occident. Comme la première femme fauchée d’ailleurs, un tiers des victimes de Mohamed Lahouaiej Bouhlel sont de confession musulmane. D’une certaine manière, nous sommes tous égaux comme cibles de cet islamisme génocidaire. Nous n’emporterons ce combat de notre civilisation contre ce virus pathogène qu’en restant tous soudés autour des valeurs qui définissent notre pays, à commencer par la liberté.

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  • Bien dit.
    Mais je persiste à penser que l’essentiel n’est pas dans ces belles paroles.
    L’essentiel est de cesser de sûr-médiatiser ces événements, et d’arrêter de traiter publiquement (politiques, peuples, médias de tous bords) un problème que nous fabriquons de toutes pièces.
    Le terrorisme est plus le produit de notre « pensée créatrice » que d’un quelconque sympathisant du Califat en recherche d’identité.
    Malheureusement, nous sommes un pays où celui qui gueule le plus (syndicaliste, manifestant, nuideboutien, brûleur de pneu, politicien extrémiste, écolo-activiste, etc) est le plus médiatisé et au final à le plus souvent gain de cause.
    La seule chose qui distingue cette lie de la societe (la liste non exhaustive que je viens de rappeler) des terroristes actuels et le moyen de se faire entendre. Ou plus exactement le nombre de morts.
    Mais fondamentalement, c’est le même cancer, entretenu par la même culture : la notre…

    • Oui, et le terrorisme nous atteint par nos faiblesses.
      L’article parle de renoncement à « la religion des Droits de l’Homme ». Ceux qui s’expriment ainsi demandent que l’on cesse cette idéologie des « droits à » qui nous dessert pour retrouver les droits fondamentaux de la personne humaine.
      Je pense même que notre servilité vis-à-vis de certaines minorités, les discriminations positives etc… en lieu et place de l’exigence, ont fait le lit du mépris qu’elles ont pour nous.

      • « Je pense même que notre servilité vis-à-vis de certaines minorités, les discriminations positives etc…  »

        Ou avez vous vu de la discrimination positive en France?

        • Lois limitant la liberté d’expression pour protéger certaines minorités (Pleven, Gayssot etc…), dont la liste s’est allongée au fil du temps au point que notre comité consultatif des droits de l’homme s’est inquiété de la multiplication des catégories que ´Etat entend protéger au risque de nuire à l’universalité des droits de l’homme. Dans un autre registre, embauche de jeunes de banlieue sur critère d’appartenance et non de compétence.

          • Le seul cas que j ai pu voir c est Sciences Po (et d ailleurs, c est regrettable)

            « embauche de jeunes de banlieue sur critère d’appartenance et non de compétence. »

            « criteres d appartenance »? Kezako?.

            Je ne connais aucune entreprise en France qui recrute ses ingénieurs en fonction de leur couleur de peau ou de leurs origines supposées. Pouvez vous svp citez au moins un exemple.

            Pour le moment, je n ai vu que des rapports (organisation internationale travail, ecole economie paris, universite de Califronie etc…) expliquant que Ibrahim doit envoyer 4 fois plus de cv que Michel pour avoir droit à un entretien (et non une embauche).

    • +1
      Harouel ne raconte que des sottises destinées diviser la nation française en jouant sur les bas instincts.

  • Je suis d’accord.Inspirons nous d’Israël seule démocratie du moyen-orient au lieu de vouloir copier les méthodes de Poutine…

    • Je suis toujours surpris qu’une telle démocratie considére normal d’envahir les territoires de son voisin et d’y établir des colonies. Tout en refusant à son voisin exproprié le droit d’exister en tant qu’Etat… Ça vaut bien Poutine et la Crimée ou l’Ukraine, non ?

      • Ça vaut bien Poutine et la Crimée ou l’Ukraine, non ?

        Non.
        La Russie n’est pas entourée de dictatures belliqueuse 10 fois plus peuplées qui ont juré sa perte.
        Le Danemark n’appelle pas à la guerre sainte contre la Russie et les Suédois ne vont pas se faire exploser sur les marchés de Volgograd.

        • D’accord. Mais ça ne justifie pourtant pas la colonisation, les « territoires occupés », le,viol des frontières, etc.
          Un tel expansionnisme (sans jeu de,mot dissimulé) est une forme de guerre non déclarée. Comparer au comportement de pays plus belliqueux (USA) ou moins respectueux du droit (Russie) ne change rien au fait. Le repentir éternel de nos sociétés envers le peuple juif et Israël ne doit pas faire tout accepter.
          Je ne condamne pas ce pays entouré de voisins belliqueux, ce n’est pas mon propos. Je critique simplement l’aveuglement qui est le nôtre et la tolérance de ces comportements au prétexte que c’est un pays « ami » qui nous protège du pire…

      • d’envahir les territoires de son voisin qui vous a par 3 fois déclaré la guerre.

  • OK sur ce qu’il n’y a pas vraiment priorité à faire car ça n’accroît en rien notre liberté et notre bien-être. Mais dénoncer les amalgames, refouler les mécontentements au nom du Vivrensemble, faire la Fête des Voisins à chaque attentat, ne fait que rendre routinier et fataliste le phénomène. Rester soudés autour de la liberté, c’est bien beau, ça ne l’a jamais faite prendre de l’ampleur. Ceux qui luttent contre les ennemis de la liberté se rendent parfois coupables d’atteintes au Vivrensemble, et le Vivrensemble n’a jamais offert que des victimes consentantes et des chemins faciles aux ennemis de la liberté. Responsabilité illimitée, liberté, individualité, voilà les priorités. Quand cela aura été gagné, il sera temps de se préoccuper du Vivrensemble et de compenser les dégâts collatéraux.

  • Vivre avec, et ne pas entretenir une guerre civile… Belle politique de l’autruche, fort bien assumée au demeurant!

    Croire que la société française va miraculeusement, magiquement, s’adapter à ce nouvel état de fait constitue, à mon sens, une profonde erreur d’interprétation. Touchés dans leur coeur, dans leur sécurité (le plus fondamental des besoins humains, profondément ancré dans notre cerveau reptilien), les Français ne pourront accepter de vivre avec cette peur au ventre, peur viscérale et compréhensible.

    Considérant le nombre de musulmans en France (même si, bien entendu, tous ne sont pas terroristes) et que 30 à 40% des musulmans de moins de 35 ans soutiennent farouchement, ou vaguement, les actions de Daech, nous pouvons nous attendre au développement d’une véritable paranoïa chez les Français, qui légitimera, en temps et en heure, une répression féroce contre tout un pan de la population. Les droits de l’homme tels que nous les avons connus n’auront bientôt plus droit de cité, tout comme certaines catégories de populations d’origine étrangère. Malheureux peut-être, mais Histoire et Paix ne concourent pas toujours…

    La récente vague d’attentats terroristes replace au centre de la vie politique le thème le plus important actuellement: l’immigration. On peut le regretter, le déplorer, ou le célébrer, cela me paraît incontestable. Pour des raisons culturelles et économiques, l’intégration d’un trop grand nombre de populations immigrées semble difficile, voire impossible. Empiriste, je ne fais que dresser un constat. C’est la fin d’une politique d’Etat qui, pour des raisons électorales et idéologiques, a favorisé l’arrivée de personnes aux antipodes culturelles de notre civilisation occidentale. Mais ces histoires ne finissent pas bien de manière générale… No happy ending in sight.

    Accrochez vos ceintures, le temps des turbulences est arrivé.

    • Je rejoins votre constat et vos craintes. L’auteur de l’article trouve indignes certaines réactions. Mais elles ont l’avantage de s’adresser aux vrais responsables qui ne sont pas les musulmans ou les étrangers dans leur ensemble. Combien de nos gouvernants actuels ont refusé de voir que notre politique migratoire était une bombe à retardement dans un contexte de laxisme judiciaire, d’Etat providence et de déliquescence de l’Education Nationale? J’ajoute que dans un pays où les médias sont aux ordres, il faut bien que la population s’exprime, et il vaut mieux que ce ne soit pas dans la violence.

      • « qui ne sont pas les musulmans ou les étrangers dans leur ensemble »

        Au bout d’un moment il faudra ouvrir les yeux sur cette question, il est évident pour quiconque fréquente la communauté musulmane française ou étrangère de prêt qu’elle est responsable de ce qu’il se passe et que c’est elle qui a enfanté ces terroristes.

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