Attentats : comment se perd la bataille culturelle

Comment gagner une bataille que nous avons décidé de ne pas livrer ?

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Attentats : comment se perd la bataille culturelle

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 17 juillet 2016
- A +

Par Virginie Martin1.

Un 14 juillet By: Ville d’Issy-les-MoulineauxCC BY 2.0

 

Cette journée de deuil qui vient s’ajouter à d’autres journées de deuil, devrait nous permettre, au-delà de l’émotion, de pouvoir être encore dans une éthique de conviction, comme aurait dit Max Weber.

Mais les politiques ne semblent plus être capables de cela ; éthique de responsabilité est leur seul mot, comme vidé de sens, de substance… responsabilité bien sûr, mais arrimée à quelle conviction ? À quelle vision ? À quel projet ?

Des projets asséchés, des visions court-termistes, de réponses toujours plus sécuritaires qui vont finir par rendre crédible l’idée « d’un policier derrière chaque personne ».

Quand serons-nous capables de parler du fond, de travailler en amont ? Quand aurons-nous le droit médiatique et politique de pouvoir expliquer, comprendre, mettre à plat, creuser, être dans le long terme, réfléchir ? Il devient urgent de penser au lieu de sans cesse panser (les plaies) ; il devient impératif d’être dans le calme, l’intelligence et la clairvoyance.

Au lieu de cela nous sommes déjà encore et toujours dans les polémiques, dans la guerre des mots, dans la surenchère, dans l’accusatoire.

Des icônes économiques

Et surtout, surtout plus que jamais, nous sommes dans le tout sécuritaire : état d’urgence probablement prolongé de trois mois, pourquoi pas quatre ? Un ? Six ? Experts en tout sécurité qui préconisent de mettre des sas pour entrer dans tous les endroits publics. Hommes politiques qui affirment des « y avait qu’à » avec, au choix : avoir un lance-roquettes, des accès plus complexes aux lieux publics, des chicanes pour la Promenade des Anglais, des « si tous les moyens avaient été pris… », etc.

Mais de fond, jamais ; d’observation du pourquoi, jamais. Jamais au point que d’aucuns ont estimé qu’expliquer, observer et comprendre ne faisait que donner des excuses aux terroristes ; les chercheurs que nous sommes ont apprécié.

Le seul « fond » autorisé est celui de l’économie ou plutôt des croyances économiques, des icônes économiques, des savoirs savants qui ont engendré des chiffres déifiés comme ce fameux 3 %. Une croyance devenue réalité, un objet utile à François Mitterrand pour justifier le tournant de la rigueur.

Ce type de croyance est devenu notre « fond ».

Le binge tous azimuts

Et, alors que nous sommes dans une bataille culturelle sociale idéologique, idéelle, nous avons déserté les lieux et les territoires oubliés pour respecter un sacro-saint 3 %. Les déficits publics finiront peu à peu par se résorber pour atteindre ce chiffre au mépris de la cohésion sociale, du vivre ensemble, de la volonté de faire société, de tisser du lien.

Alors pour respecter ces 3 % de déficit public, il n’y a plus d’associations, plus de police de proximité, très peu de service public, d’assistance juridique, sociale, etc. Bref, il n’y a plus d’intermédiaire entre les marges de la République et la République. Plus rien, peu d’école, peu de parents, peu de structures d’accueil…

En revanche, il y a le tout marketing, le tout consommation gratuite illimitée : le tout jeu vidéo, le tout télé-réalité, le tout clip vidéo, le tout violence, le tout YouPorn, le tout FIFA, Facebook, Snapchat, Tinder… Le binge tous azimuts.

Et dans ce binge excessif, l’individu existe, devient parfois super héros, exhibe ses fesses, ses muscles, parfois son cerveau, chacun son ego ; mais chacun veut en être, chacun exige le droit d’en être.

Qui fait communauté ? Qui fait lien social ? Qui travaille l’ensemble ? Personne.

Les ego sont partout présents ; le quart d’heure de gloire ne suffit plus, plus du tout. C’est « moi aussi je veux en être ». Dans les milieux un peu privilégiés, cela donne des ambitions politiques individualisées, des primaires de droite mais aussi de gauche par exemple ; dans les milieux plutôt cultivés, cela donne, par exemple, des experts médiatiques ; quand les milieux sont moins favorisés cela donne parfois de beaux story telling ou bien aussi des Ribéry, parfois des Zahia, mais l’essentiel demeure d’exister sur la photo ; l’image qui remplace l’activité réelle. Et puis tout le monde veut en être à sa manière, au nom d’Allah ou au nom d’autre chose… Et un jour cela donne l’horreur…

Comme un jeu vidéo avec un camion. Strike !

Besoin de réenchantement

Les zones délaissées de la république deviennent peu à peu des points aveugles, des angles totalement morts, exsangues.

Le Parti communiste jouait son rôle dans les années 70, puis le FN comme l’avaient montré certains travaux, dont Anne Tristan, puis aujourd’hui d’autres radicalités bien plus radicales ont pris le pas. Simultanément l’argent n’est plus rentré dans les caisses et Guy Abeille a inventé son 3 %. Et aujourd’hui, il n’y aura plus rien, plus rien que du désert dans des lieux qui ont, comme tout le monde, ont besoin d’idéologie, de culture, de social, de projet, de réenchantement.

Alors l’enchantement, le besoin indispensable de sacré se fraye un chemin parmi les plus horribles et sinueux, et de plus il sait se mettre en scène, se communiquer, se marketer – merci le Binge Web…

Taper la Promenade des Anglais en juillet, taper le tourisme dernier vrai poumon économique de la France, taper le jour de la fête nationale – rien que cela – taper juste des « gens », ne pas taper pendant le trop attendu Euro, taper et savoir que l’image restera sur le web… Mourir à condition d’être médiatiquement immortel…

Face à cela, nos politiques répondent par le vide, le néant, la méconnaissance crasse d’une certaine jeunesse, pas celle du Lycée Henri IV, évidemment. Face à cela, nos responsables iront encore plus loin dans une guerre qui est celle des Américains, pas la nôtre. Face à cela, les lieux de déshérence continueront à être désertés.

Et nous perdrons une bataille, celle que nous avons décidé de totalement ignorer au nom du « rationalisme » et du chiffre : la bataille culturelle et idéologique.

Bien sûr que nous sommes en train de perdre, mais comment gagner une bataille que nous avons décidé de ne pas livrer ?

Sur le web-Article publié sous licence Creative Commons-CC BY-ND 4.0.

  1. Virginie Martin est docteur en Sciences politiques, Présidente du think tank Different
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  • Cet article montre simplement qu’ils n’ont rien compris !

  • pour l’instant , nos politiques sont occupés à se pourrir les uns les autres , tremblant à l’dée d’agrandir un boulevard largement ouvert au FN ; » on ne va quand même pas abandonner le térrain à marine le pen  » , voilà les paroles émanant du cabinet estrosi ( le parisien ) ; est ce vraiment le momment de s’occuper de politique ? n’y a t’il pas plus urgent ? la seule bataille que les politiques ont le désir de mener , c’est celle qui les méttra sur le trone ; ne rien attendre de ces gens là ;

  • tiens un article communiste sur con trepoints ?

    • Je me suis fait la même réflexion à la lecture, par exemple, de ces deux passages :

      Alors pour respecter ces 3 % de déficit public, il n’y a plus d’associations, plus de police de proximité, très peu de service public, d’assistance juridique, sociale, etc. Bref, il n’y a plus d’intermédiaire entre les marges de la République et la République. Plus rien, peu d’école, peu de parents, peu de structures d’accueil…

      Qui fait communauté ? Qui fait lien social ? Qui travaille l’ensemble ? Personne.

      J’ai eu l’impression que dans l’esprit de l’auteur c’était là le rôle de l’État, comme si ce n’était pas des problématiques qui relevaient de la société civile (hormis la question de la police). Bastiat disait : « Partira-t-on toujours de cette fatale hypothèse, que tous les gouvernants sont des tuteurs et tous les gouvernés des pupilles ? », dois-je en conclure que Mme Martin se rêve en tuteur du peuple ou que ce dernier revendique et réclame sa situation de pupille ?

      • Tout à fait : en fait on est en train de crever (littéralement…) du « mal » d’état : TROP d’état là où n’en faudrait pas… et absence d’état là où il en faudrait au moins un peu : police, justice, défense… autant de domaines régaliens laissés en déshérence par un état obèse et devenu impotent…

    • Pareil, je me suis dit à la lecture des paragaphes cités par Turing que CP s’était fait hacker et peut-être aussi le site de The Conversation qui ne nous avait pas encore habitué à cela… ou alors j’avais pas vu. Un chercheur dissident ?

      • Il est clair que, dans l’urgence, la seul bonne réponse sera la plus efficace, quelle que soit son origine, probablement ni libérale ni appartenant à une autre idéologie dont l’ EI se contrefiche, évidemment! Si vous pensez devoir vous armer, faites-le, légalement ou pas: il y a le feu et les « pompiers » sont dépassés par les événements! Et comme pour les 3 %, l’état s’en fout!

  • Quoi qu’on en pense, ce qui fait lien, ce sont les valeurs décrédibilisées ( pour de bonnes ou mauvaises raisons, qu’importe) de travail, famille , patrie, que 2 générations ont suffi à éradiquer.
    Dans les têtes et dans le réel en France.
    Restent la peur, les résidences château fort 3.0, le virtuel et le mythe de l’Éternelle Jeunesse porté par une techno-science porteuse, bon gré mal gré, des espérances autrefois assumées par la religion.
    Bâtir toujours plus haut en détruisant les fondations millénaires semble absurde. C’est pourtant ce que nous nous acharnons à faire.
    Réanchanter un business model suppose un changement de paradigme difficilement concevable.
    Quant aux « zones délaissees », il n’est que de voir les milliards engloutis en pure perte dans les « politiques de la ville » depuis 30 ans, et d’y vivre, pour en constater la vacuité, typique des experts sortis du Lycée Henri IV pour s’aventurer jusqu’ à Orsay et ses Grandes Écoles …
    Des docteurs Diafoirus.

  • Excellente analyse, mais malheureusement, comme le disait Michel Rocard, nos hommes politiques n’ont plus le temps de lire, de réfléchir, de se cultiver. Donc que pouvons-nous espérer d’eux ?

  • Prose d’universitaire complètement hors sol.
    Ci dessous lien pour un exposé autrement plus concret

  • Ils sont méchants avec vous ces affreux libéraux !
    Votre article dénote de l’intelligence de la sensibilité et c’est déjà beaucoup. Mais après qu’est ce qu’on fait ?
    Un intervenant utilise l’expression hors sol qui définit parfaitement la question. Des universitaires échevelés, il en faut quelques uns, enfin pas trop, car avec leur statut, ils nous coûtent assez cher. Contrairement à ce qu’ils pensent, ils ne détiennent pas la solution a nos graves problèmes de société. A vouloir trop mepriser l’économie la finance, la dette, ils sont au mieux inefficaces, voire dangereux.
    Desolé !

    • Pour être complet, vous auriez pu (dû?) dire qu’il y a des personnes derrière « économie, finance et dette » mais quand on est « en guerre » (ce n’est pas moi qui l’ai dit!), Oui c’est sale et moche, ça fait des morts et des blessés: c’est la logique du genre! Et tout est bon pour en sortir vainqueur! Vous croyiez quoi quand ce mot « guerre » fut prononcé? Des victimes que d’un côté???

  • Alors pour respecter ces 3 % de déficit public, il n’y a plus d’associations, plus de police de proximité, très peu de service public, d’assistance juridique, sociale, etc. Bref, il n’y a plus d’intermédiaire entre les marges de la République et la République. Plus rien, peu d’école, peu de parents, peu de structures d’accueil…

    Complètement faux. Délire d’universitaire. S’il n’y a plus de police de proximité (et …), c’est à cause de l’étatisme, qui rabote tout ce qui est régalien dans l’unique but d’être réélu. Il faut au contraire que les gens apprennent à se débrouiller sans l’état. Ne pas écraser le pays d’impôts, de taxes, nommer les potes des mais politiques. On est en France pour travailler, pas pour glander et ruminer.

    Vous ne voulez pas de Darwin pour certains ❓ Vous l’aurez pour tous. C’est ce que vous voulez.

    • Vous y serez maintenant, aussi pour vous battre, solidaires de la « guerre » déclarée de Fr.Hollande, étonné qu’on s’attaque à son pays et « à ses gens »! Ben oui! La guerre c’est comme ça!

  • Article complètement surréaliste !

    -La France est no2 mondial pour l’imposition ! RECORDMAN MONDIAL !
    -MALGRÉ CELA, CA FAIT 41 ANS QUE L’ÉTAT DÉPENSE PLUS QU’IL NE PREND EN IMPÔTS ! Vos « 3% » c’est un enfumage digne de la pravda. En 2015 l’état a ENCORE claqué 42% DE TROP (ouvrez un rapport budgétaire pour une fois dans votre vie) ET VOUS OSEZ PARLER « D’AUSTÉRITÉ » ?
    -La sécurité, police, gendarmerie, armée ne coûte QUE 6% du budget !!!. Pour voir ou va l’argent ouvrez un rapport de la Cour des comptes, c’est LE PILLAGE TOUT AZIMUT !

    Pour finir on se demande bien ou vous voyez la « responsabilité » des politiques. La France est complètement en faillite, malgré un record mondial pour l’imposition et plus aucun service de l’état ne fonctionne correctement ou n’est pas en faillite. Et pourtant, pas UN seul politique n’est comptable de cette gestion désastreuse, même les pires d’entre eux se représentent voir sont élus sans aucune honte. Il y a même une députée qui vient au parlement avec un bracelet de liberté surveillée !

    Ahurissant !

    • « Alors pour respecter ces 3 % de déficit public, il n’y a plus d’associations, plus de police de proximité, très peu de service public, d’assistance juridique, sociale, etc. » Pourquoi veulent-ils que l’on se sépare des gens utiles tels les infirmières, les médecins, les personnels médico-techniques alors qu’il y a beaucoup plus d’administratifs qui se tournent les pouces dans les hôpitaux et bien mieux payés que les autres. Et de même dans bien d’autres domaines…

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