L’État continue d’aider les taxis contre votre avis et avec votre argent

La corporation des taxis continue son lobbying auprès de l’État pour obtenir le remboursement des licences qui furent pourtant distribuées gratuitement.
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Taxi parisien - Crédit photo : Chris Goldberg via Flickr (CC BY-NC 2.0

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L’État continue d’aider les taxis contre votre avis et avec votre argent

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 11 juillet 2016
- A +

En France, l’État aime passionnément les corporations, surtout lorsqu’elles sont puissantes, comme par exemple celle des taxis et des compagnies de taxis.

On pourrait croire cela paradoxal, mais il n’en est rien : après tout, les politiciens qui dirigent l’État ont bien compris l’intérêt de s’acoquiner avec ces corporations, qui représentent un levier financier dodu souvent doublé d’un pouvoir de nuisance important et présentent un sommet, limité à quelques personnes, faciles à identifier et aisées à pressurer en cas de besoin. On comprend dès lors très bien pourquoi ces corporations sont choyées, protégées même, et pourquoi les politiciens font régulièrement d’énormes efforts pour les contenter : le capitalisme de connivence tient d’abord à ces petits arrangements entre copains et coquins.

Malheureusement, tout ne se passe pas toujours bien dans ce monde décidément encore trop ouvert : ces dernières années, l’arrivée d’entrepreneurs audacieux et surtout très politiquement incorrects aura bouleversé l’ordre établi. Dans le monde du taxi, ce fut Uber et ses véhicules de tourisme avec chauffeur, dont la concurrence directe et implacable avec les taxis se sera rapidement transformée en guerre.

uber vs taxis pas contents

Le chaos n’a jamais gêné l’État sauf lorsqu’il ne peut en tirer profit ; cette situation promettait la disparition d’une corporation, sans l’apparition d’une autre pour compenser. Il devait donc intervenir rapidement pour, au moins, mitiger les effets d’Uber sur la puissante corporation des taxis. Depuis, on observe donc différentes tentatives de l’État et de ses différents bras armés (le législateur et la police notamment) pour mettre des bâtons dans les roues des VTC.

On se souvient par exemple de l’incroyable réalisation d’une application mobile bancale destinée à concurrencer celle d’Uber et ses concurrents. Cette application, réalisée avec l’argent du contribuable mais destinée à venir en aide à des taxis privés n’a semble-t-il défrisé que quelques libéraux. Son usage, finalement sans intérêt, est resté franchement confidentiel (ce n’est pas grave, ce n’est pas l’État qui paye, c’est vous).

dos equis - applications mobiles

Parallèlement, pour ne pas s’arrêter en si bon chemin, l’État s’est aussi dit qu’il faudrait peut-être atténuer les vilains problèmes de licence de taxis qui se profilent maintenant avec insistance. Ces dernières, gratuitement délivrées par les préfectures, sont revendues de particulier à particulier ou, plus exactement, de compagnie de taxis à compagnie de taxis. Leur nombre étant très syndicalement et très manifestement limité par les taxis eux-mêmes, leur pénurie est donc savamment entretenue pour attirer leur prix vers les sommets qu’on a observé ces dernières années.

évolution prix licence de taxiJusqu’à l’arrivée des VTC en nombre… qui ont commencé à faire dégringoler ces prix, concurrence oblige (ah, méchante, méchante concurrence qui fait tomber les prix des licences, des voitures, des télécoms, de l’électricité et des yaourts !). Panique chez les taxis qui n’entendent pas se voir ainsi dépossédés d’une partie de leur patrimoine pourtant exclusivement acquis sur une législation obsolète, sujette à changement (depuis le premier octobre 2014, les licences délivrées sont incessibles, par exemple), et qui interdit explicitement tout rachat (loi Pasqua de 1995) : il faut faire quelque chose, et de préférence, rapidement !

Âprement sollicité (et de plus en plus vocalement à mesure que les prix tombent, la concurrence s’intensifie et le consommateur, tout joyeux à l’idée de la faire jouer, s’adapte sans problème), le gouvernement est pressé de trouver une solution. En France, rappelez-vous que lorsqu’un problème survient, tout le monde se rue dans les jupons de l’État-maman pour obtenir qui un câlin, qui un bonbon, qui une protection.

Première surprise au début du mois de juillet : et si la puissance publique, avec tout son argent gratuit des autres, rachetait les licences ? Oh, bien sûr, on ferait ça discrètement, en limitant le rachat à certains chauffeurs de taxis, les plus valeureux, les plus proches de la retraite, ceux qui ont acquis une licence depuis assez longtemps, bref, à la tête du client et à hauteur des crédits disponibles exclusivement (une centaine de millions, une broutille, oubliez ça), hein, pas de blague…

L’argent ? Alain Vidalies, ministre de tutelle des chauffeurs et auteur de ces propositions, entend le trouver via « une taxe forfaitaire sur les réservations », un « droit forfaitaire » acquitté par les nouveaux entrants ou encore « une taxe sur le chiffre d’affaires » qui serait acquittée par les plateformes de réservation. Oh, oui, une taxe, que voilà une idée lumineuse !

Forcément, ça devrait bien marcher, d’autant qu’on va faire ça bien comme il faut en concertation avec les intéressés, c’est-à-dire les syndicats des taxis, des VTC, mais surtout pas des plateformes qui mettent les clients en relations avec ces VTC et ces taxis.

oh noesBizarrement, l’information, assez scandaleuse lorsqu’on y réfléchit deux minutes — comment justifier auprès du public que des entreprises comme G7, pas particulièrement pauvres, vont brutalement s’enrichir au frais du contribuable ? — a fait comme un petit flop mou auprès de toutes les organisations de chauffeurs, au point de calmer nettement les ardeurs du gouvernement à sortir sa matraque taxatoire :

« Le succès de notre proposition a été mitigé »

…a convenu le pauvre Vidalies, le secrétaire d’État aux transports, dans un euphémisme quasi-hollandesque. En effet, pour ces taxis, l’État-maman est responsable de la baisse de prix à cause de son inertie (ben voyons) et doit donc indemniser les petits chatons qui, bien que souples et pas du tout inertes, n’ont pas pu s’adapter, eux. D’autres n’approuvent pas l’avalanche de taxe à la source du fonds (oh, franchement, c’est étonnant !). Le gouvernement, sentant l’odeur fétide planer sur son projet, a prudemment demandé une consultation écrite de tous les chauffeurs intéressés en espérant que, d’ici le 15 septembre, une tendance se dégage.

À ce stade de l’imbroglio dans lequel s’est empêtré le gouvernement, il apparaît délicat de savoir comment toute cette histoire va se terminer. Plusieurs solutions étaient envisageables : on aurait pu annuler le principe même de licence. On pouvait aussi distribuer progressivement une licence supplémentaire à tout détenteur de licence et ce, régulièrement jusqu’à ce que le marché, redevenu moins tendu, établisse un prix bien plus faible de la licence tout en laissant le temps à chaque détenteur de vendre ses licences surnuméraires. L’État pouvait aussi choisir d’augmenter sensiblement et régulièrement le nombre de licences sur les marchés tendus.

La solution actuelle, proposée par le gouvernement, ressemble tout de même à la plus pourrie possible puisqu’elle mobilise, d’une façon ou d’une autre, l’argent du contribuable ou du consommateur pour payer un bien qui fut distribué gratuitement en premier lieu, que la loi interdit à l’État de racheter, et que ce dernier a lui-même contraint en nombre par simple calcul électoral.

Aucune remise en question de la démarche étatique n’est, semble-t-il, à l’ordre du jour. Aucune remise en question du monopole des taxis non plus, du reste. Pourtant, une autre solution existe pour l’État et le contribuable : ne rien faire, et laisser faire le marché, qui se charge déjà, actuellement, de répondre à la demande des consommateurs avec des solutions pratiques qui entraînent déjà un ajustement des prix de licence, sans frais pour le contribuable.

Oh, bien sûr, certains patrons-taxis, certaines sociétés de taxi qui misaient sur un marché toujours en hausse en seront pour leur frais. Aussi triste cela puisse-t-il paraître, c’est malheureusement le cas pour tout marché, pour tout artisan, sur toute la planète : votre fonds peut se dévaloriser, votre profession peut disparaître, votre métier peut changer.
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  • Cette application, réalisée avec l’argent du contribuable mais destinée à venir en aide à des taxis privés n’a semble-t-il défrisé que quelques libéraux.

    Normal, de la part d’un président normal, de faire usage de l’argent gratuit généreusement donné par l’état. A votre bon cœur, messieurs dames…

  • Investir 200 000 euros pour avoir « un droit a travailler », faut vraiment n’avoir rien dans le ciboulot.
    Prenez votre perte, votre rente n’a pas a etre garantie ni protégée par la force publique.

    • Oui et non… c’est bien la même somme qu’on investit plus ou moins dans un logement pour « gagner » le loyer qui est même inférieur au salaire qu’on tire d’un taxi… et heureusement, la différence étant grosso modo le travail fourni.
      Si les licences ont pris une telle valeur c’est bien qu’il y avait un bénéfice réel à en tirer si les conditions ne changeaient pas. Le fait de pouvoir aussi éluder une partie des revenus était aussi un paramètre du prix de la licence.

    • c’est une profession reglementee,c’est l’état qui decide,du prix minimum de la course par exemple!!!!!
      Mais comme d’habitude vous parlez sans savoir!!!!!

      • Ben c’est justement ce qu’on dit : arrêtons avec cette intervention de l’état. Que les taxis gèrent eux même le prix de leur course, leur façon de travailler, etc. Ils sont grands, majeurs et vaccinés, et donc aptes à prendre leurs décisions et en assumer la responsabilité. Le contribuable n’est pas responsable de ce que les taxis ont fait de leur système de licence, c’est bien leur lobbying qui a conduit à faire voter de mauvaises lois avec la complicité des pouvoir publics. Que ces lois soient idiotes, et que cela commence à se voir n’est pas de la responsabilité du contribuable. Vous voulez récupérer votre mise? Allez la récupérer auprès de vos syndicats ou des hommes politiques complices, pas dans ma poche et contre mon gré.

        • Julien j’ignore si vous avez des enfants, on réglemente pour assurer une sécurité, dans le transport de personne, il y a le mot transport => déplacement d’un point A à un point B dans un véhicule de préférence au norme, avec des personnes qui devront dormir de temps en temps afin de ne pas s’encastrer dans un mur à 110 km, donc contingenter, revient également à limiter les risques de saturations du marché. Nous vivons dans une société du TOUT, tout de suite, j’ai faim => frigo…. donc réfléchissez un minimum…

          • J’ai des enfants, oui… mais quel rapport?
            D’ailleurs, sans être taxi, je peux déjà les conduire. C’est fou non? La partie réglementaire existe donc déjà, ça s’appelle le permis de conduire.
            Ce permis atteste du fait que j’ai passé un examen comme quoi je sais conduire. Et mon véhicule a son contrôle technique et tout. Juste avec ça, n’importe qui a déjà le droit de conduire femme et enfants. Si je suis bourré ou non en état de conduire, en cas de contrôle je serai immobilisé. Tout ça existe donc déjà et n’est pas spécifique aux taxis.

            Si je suis votre raisonnement : si le marché sature… au point que les gens n’ont plus le temps de dormir, tout ça.. Alors ne faut-il pas au contraire arrêter de limiter le nombre de licences? –> et on en revient au fait que c’est bien l’intervention de l’état et des syndicats de taxis qui met le bazar.

            • Et bien monsieur, vous conduisez combien d’heure par semaine? Le permis certes donne le droit de conduire, cependant, donnez moi raison ou tord, est ce que le fait d’avoir le permis de conduire, me permet d’obtenir une assurance, notamment si j’ai fait 3 accidents responsables, là où je veux en venir, un marché qui arrive à saturation, dans le transport de personne, pousse beaucoup de personne à se rendre disponible derrière le volant. Le temps moyen d’un taxi ou VTC est 12h… Les taxis font 12h par jour! Pour beaucoup, il lutte contre le sommeil fin d’arriver à boucler l’objectif de chiffre afin de compenser les vacances scolaire, de continuer à payer l’assurance de transport de personnes ( en moyenne 300 € par mois… Donc certes il y a eu des effets pervers avec les licences, mais tout ce qui est rares se paient au prix chère, sachez qu’un VTC qui n’a pas de limite d’heure, et qui est ponctionné de 30% par course… Il n’arrive pas à boucler son objectif, car le nombre de VTC n’étant pas containgenter, comme le dis Coluche plus on est de fou moins il y a de Riz… Donc forcément, les gars roulent plus jusqu’à saturation. J’espère que vos enfants continueront à prendre le taxi… et surtout les VTC bien souvent ne paient plus leur charge.. Mais ils sont Independant donc ceci ne regarde pas les plateformes.

              • Mais le problème, c’est que tout ce beau monde subit les inconvénients d’un modèle économique inadapté qu’ils ont défendu en grande partie :
                – Les charges : ça c’est le débat éternel sur la sécu en France. Beaucoup vous diront ici qu’on peut faire bien mieux avec bien moins, mais tant qu’on laisse l’état gérer la sécu, parce que « c’est le meilleur modèle du monde », on ne peut avancer là dessus
                – Les licences : Gratuites à l’origine. Certains acceptent aujourd’hui de payer 200 k€ ce « droit à travailler » que d’autres ont eu gratuitement, qui ne vaut donc rien en valeur faciale. Ca, c’est l’erreur des taxis et de leurs syndicats, c’est à eux de l’assumer.

                + les taxes diverses et variées.
                La « formation » qui coûte une blinde, que les syndicats se battent pour conserver, et qui permet aux taxis de payer encore plus cher pour s’assurer un monopole qui n’a, là non plus, aucune valeur faciale.
                Allez expliquer aux gens qu’ils ont le droit de conduire leurs enfants/amis/voisins avec un simple permis de conduire, mais que pour faire la même chose un taxi doit absolument subir 2 semaines de formation à 5000€.

                Laissez les gens vivre du fruit de leur travail, et vous verrez qu’ils auront tout de suite moins besoin de travailler 12h par jour, sachant que sur les 12h travaillées seules la moitié sont « du travail pour eux ». Seulement, ça suppose de cesser avec ce monopole qui à l’avenir aura de moins en moins de sens.
                Mais en attendant, cela revient à pleurer les conséquences et chérir les causes.

  • S’il n’y avait que sur cet item que l’état gaspillait notre argent ……………………

  • vous pourriez traiter de la meme façon les propriétaires de terrains qui étaient gratuit à l’origine des temps comme la plupart de ce qu’il a sur cette terre. Si les taxis ont préférés acheter leur licence c’était l’ascension dans leur métier qu’ils cherchaient comme n’importe quel travailleur indépendant qui est obligé d’investir pour ouvrir son commerce (fond de commerce et matériels).

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