Hillary Clinton ne sera pas inculpée par le FBI. Mais à quel prix ?

Le FBI recommande au ministère de la Justice de n’entreprendre « aucune poursuite judiciaire » à l’encontre d’Hillary Clinton, ce qui ne fait pas taire les interrogations.

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Hillary Clinton ne sera pas inculpée par le FBI. Mais à quel prix ?

Publié le 7 juillet 2016
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Par Stéphane Montabert.

Dans une présentation attendue, le directeur du FBI James Comey a enfin donné le point de vue des autorités sur l’affaire des emails qui empoisonne la campagne présidentielle d’Hillary Clinton. Le FBI recommande au ministère de la Justice de n’entreprendre « aucune poursuite judiciaire » à l’encontre de l’ancienne secrétaire d’État.

Le texte intégral de l’intervention de James Comey se trouve en ligne sur le site du FBI.

La déclaration de M. Comey clôt des mois d’enquête et d’examens. André Archimbaud donne un résumé du contexte et des enjeux sur Boulevard Voltaire. Tout démarre avec l’attaque de Benghazi, où un ambassadeur américain réclamant en vain des renforts se fait assassiner par des commandos islamistes bien préparés. Après ce fiasco, l’opinion publique est abreuvée d’une fable rocambolesque où l’attentat n’aurait été qu’une « simple manifestation dégénérant en émeute », elle-même consécutive à la présence sur YouTube de la bande-annonce d’un film américain islamophobe. La mort du fonctionnaire entraîne la création de deux commissions d’enquête qui vont révéler bien des choses :

« Le 11 août 2014, la seconde commission d’enquête découvre, après injonction, que seuls dix courriels sur Benghazi sont produits par le ministère… parce que l’ancienne secrétaire d’État utilisait un serveur privé pour les affaires d’État. Suspicion supplémentaire : au lieu de remettre le serveur aux enquêteurs, Hillary les inonde de dizaines de milliers de pages de photocopies… en spécifiant royalement que 30.000 courriels ont été détruits du fait de leur nature « privée ». Intervention du FBI, qui exige poliment la remise du serveur… déjà effacé. On saisit alors le serveur de sauvegarde installé dans la salle de bains d’une micro-société de consultants, avant de passer à l’archéologie numérique : 100 employés du FBI sont sur le pont… sachant que le respect d’une multitude de lois et règlements fédéraux est en jeu, en particulier sur les secrets d’État. »

L’affaire se termine donc, apparemment, en queue de poisson :

« Le FBI a tranché : Hillary Clinton a fait preuve d’une « négligence extrême » en utilisant inconsidérément sa messagerie personnelle, via un serveur privé, lors de son passage à la tête du Département d’État, de 2009 à 2013, mais elle n’avait « pas l’intention de violer la loi ». »

Les partisans pro-Clinton seront aux anges, mais ils seront bien vulnérables face à des accusations de partialité de la justice. Rappelons juste quelques éléments contextuels :

  • La loi américaine exige l’utilisation d’une infrastructure spécifique pour les communications électroniques conduites dans le cadre d’un mandat officiel, pour des raisons de transparence, d’archivage, et de contrôle, et punit la destruction de preuves.
  • Par une heureuse coïncidence, le nom de domaine clintonmail.com utilisé pour les échanges de mail « privés » des Clinton fut enregistré le 13 janvier 2009, soit exactement huit jours avant que Mme Clinton ne soit officiellement nommée secrétaire d’État de l’administration Obama.
  • Mme Clinton a utilisé de grands moyens pour effacer ses archives, et a en partie réussi : de nombreux trous de plusieurs mois subsistent dans sa correspondance, notamment autour d’un voyage de Mme Clinton en Libye en 2011. Nous savons que ces lacunes existent parce que des traces d’e-mails envoyés durant ces périodes se retrouvent dans des conversations avec des tiers.
  • Malgré le nettoyage opéré par Mme Clinton, certains de ses mails montrent encore des échanges d’informations top-secrètes, et qui l’étaient déjà au moment de la conversation électronique. Les traces de 110 e-mails « classifiés » ont ainsi été retrouvées alors qu’elle avait affirmé la main sur le cœur qu’il n’y en avait aucun. La transmission d’informations classifiées est un crime fédéral.
  • La semaine dernière, Bill Clinton rencontra « par hasard » la ministre de la Justice Loretta Lynch (en charge du FBI) sur l’aéroport de Phoenix. Pendant les trente minutes d’un entretien informel, ils ne discutèrent que « de golf et de leurs enfants et petits-enfants », affirment-ils.
  • Le Président Obama est tout autant impliqué comme témoin ou complice, ayant entretenu des conversations électroniques avec Mme Clinton sur cet e-mail privé et étant donc parfaitement au courant de son existence.
  • En 2012 un ambassadeur fut sévèrement réprimandé par Mme Clinton, et ensuite licencié, pour avoir utilisé une adresse e-mail privée dans le cadre d’affaires professionnelles. Hillary Clinton signa elle-même, en 2011, un message enjoignant tous les ambassadeurs à ne pas utiliser des adresses privées dans le cadre de leurs activités professionnelles. Peut-on parler d’hypocrisie ?

En résumé, Mme Clinton mit en place un serveur mail privé pour déroger délibérément aux obligations de transparence liées à son rôle officiel, s’en servit avec abandon et, une fois découverte, chercha à effacer toute trace compromettante.

On peut s’interroger sur ce qu’Hillary Clinton avait à cacher. Sa responsabilité dans le fiasco de Benghazi et le scénario échafaudé ensuite pour l’excuser, certainement. Mais aussi, sans doute, un mélange des genres assumé entre son rôle de secrétaire d’État, la fondation Clinton — qui n’a distribué « humanitairement » que 10% des fonds levés depuis sa fondation en 2001 — et la caisse politique des Clinton en vue, notamment, de la campagne d’Hillary pour l’élection présidentielle. Autrement dit, les e-mails manquants portent certainement la marque des innombrables trafics d’influence auxquels s’adonne le couple présidentiel le plus célèbre du monde.

Jamais la législation américaine n’a prévu que quelqu’un ne devrait pas être inculpé pour avoir violé la loi sans le savoir, sans même considérer la légèreté de l’excuse dans ce cas précis. Compte tenu d’autres affaires où les accusés n’ont pas bénéficié de la même mansuétude, il est évident que Mme Clinton a bénéficié d’un traitement de faveur.

La non-entrée en matière du FBI n’est donc pas surprenante. Malgré les dénégations de son directeur, c’est évidemment un verdict politique, le seul qui puisse épargner la candidate démocrate dans sa campagne électorale. Mais Hillary Clinton n’en sort pas indemne. Le grand public américain est bien plus au courant des tenants et aboutissants de cette affaire, et la décision du FBI suscite une indignation légitime.

Beaucoup de gens ont le sentiment qu’il y a une justice pour le bas peuple et une autre justice, infiniment bienveillante, pour les puissants ; difficile de les contredire. Lorsque Donald Trump qualifie continuellement Clinton de « crooked Hillary » (crooked pour malhonnête, véreuse, tordue…) sur Twitter, il n’est que l’écho du sentiment de nombreux Américains. Mme Clinton s’en sort peut-être indemne légalement, mais elle aura fort à faire jusqu’aux élections pour changer son image de politicienne corrompue, hypocrite et au-dessus des lois.

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  • Clinton est ce qui peut arriver de pire à un pays, mélange de Borgia, de Hollande et Kennedy (je suis gentil). Pour elle, devenir Présidente, c’est surtout éviter la prison. En proie à tous les lobbyistes (à part la NRA, et encore, on se sait jamais), elle est le produit de cette pseudo-intelligentsia des Ivy qui se payent sur la bête depuis 50 ans. Je n’arrive pas à comprendre qu’une personne saine d’esprit vote pour une telle horreur. C’est un peu le Facebook de la politique: sans foi ni loi et dangereuse.
    Cette histoire d’e-mails et le fait que le FBI ne fasse rien montré la puissance de ceux qui sont derrière elle. Certes, Trump a de nombreux défauts, mais au moins, il n’ira pas faire des guerres aventureuses pour faire oublier ses échecs et ses scandales. Les EU sont tombés bien bas.

    • « Trump a de nombreux défauts, mais au moins, il n’ira pas faire des guerres aventureuses pour faire oublier ses échecs et ses scandales. »

      En politique étrangère à priori Clinton est pire que Trump, mais en réalité ce dernier est tout aussi va-t-en-guerre qu’elle. Trump ne cherche pas à mener des politiques légitimes. Il cherche à mener des politiques « viriles. » Les véritables non-interventionnistes critiquent Obama parce que ses politiques sont illégitimes, tandis que Trump critique la « lâcheté/absence de virilité » d’Obama.

  • Le serveur ayant vraisemblablement été piraté , attendons ce que Wikileaks va publier.
    Il est possible que les Russes aient également une copie de tout ou partie de cette correspondance, ils vont bien s’en servir un jour ou l’autre.

  • Il est clair que le directeur du FBI se fout du droit quand il prétend que Clinton n’a pas agit « intentionnellement ». Il est clair qu’elle savait clairement que la loi punissait par une grosse amende et une peine de prison le simple fait de stocker des mails échangés dans le cadre de son boulot où il ne faut pas (son ordi de la maison ou un serveur mail privé) et d’utiliser des canaux d’échange autres que ceux prescris par le gouvernement.
    Ce n’est pas comme si Clinton étourdie utilise son propre mail pour une correspondance gouvernement juste au moment où elle finit d’en rédiger une pour sa fille. Oups ! Je suis certain que des commentateurs de Contrepoints diront que ce n’est pas grave du tout. Comme quoi, croire que la vie se résume à Ayn Rand ou Murray Rothbard ne rend forcément pas conscient de la gravité d’un acte délictieux, surtout s’il s’agit d’une Clinton.

    • Au passage, intentionnel ou non, quand un citoyen lambda commet une erreur de bonne foi, par simple mégarde, on lui rétorque que « nul n’est censé ignorer la Loi ». Il n’y a pas de raison qu’il en soit autrement pour elle.

      • :Nul n’est censé ignorer la loi » est un principe de droit français, qui n’est pas à ptiori applicable en droit fédéral US

  • pour les anglophones voici trois livres fort instructifs concernant les Clinton : Stealing America, the Clinton cash et crisis of caracter.
    Si elle est élue, je crains le pire !

  • john ashe , ancien président de l’assemblée générale des nations unies est  » bizarement mourrut  » le 22 juin 2016 , soit quelques jours avant sa présentation devant la justice pour témoignage contre clinton…. d’ailleurs , on mourrut pas mal en ce moment dans l’entourage des clinton ; je n’aime pas cette femme , elle est sale….

  • Il me semble que l’article a été rédigé un poil avant la déclaration de la ministre de la justice, Loretta Linch.

    Et, surprise, la ministre démocrate a absous la candidate démocrate…

  • Qui choisir ?Les Américains ont le choix entre une crapule corrompue ou un démagogue d’exteme droite…

  •  » Beaucoup de gens ont le sentiment qu’il y a une justice pour le bas peuple et une autre justice, infiniment bienveillante, pour les puissants ; difficile de les contredire.  »

    Maddof qui s’est pris perpète, Il se situe dans quel catégorie?

    D.J

    • Dans la catégorie du 1%, pour reprendre la terminologie socialiste, mais qui a, comment, dire, roulé d’autres 1%, c’est pour ça qu’il est en taule.

    • Madoff a roulé des riches , c’est donc un règlement de compte entre riches ; si cela avait des gens de la classe moyenne ou des pauvres spoliés le coût des avocats aurait été trop élevé et un procès se serait terminé par un accord financier !

  • Les commentaires sont fermés.

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