Le bac, ce totem dépassé

Comment peut-on affirmer que le Baccalauréat a encore une valeur quand les correcteurs de l’épreuve obéissent à des injonctions chiffrées fixées arbitrairement par le pouvoir politique ?

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Le bac, ce totem dépassé

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 18 juin 2016
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Par Rafaël Amselem, Guillaume Thomas et Damien Theillier.

Totem bac
Totem By: Claude RobillardCC BY 2.0

« Le monopole est ainsi fait qu’il frappe d’immobilisme tout ce qu’il touche. » Frédéric Bastiat, Baccalauréat et socialisme.

Depuis quelques jours, les élèves de terminale de toutes les sections découvrent, avec une touche de fébrilité, les joies du baccalauréat. Mais alors que ce diplôme est présenté comme la clé de la réussite, ouvrant les portes de l’enseignement supérieur, il incarne en réalité la dure loi du monopole de l’État sur l’éducation. Il en résulte essentiellement une large uniformisation des esprits. Et le bac en est l’un des fruits les plus flagrants.

La question du Baccalauréat s’inscrit dans la problématique plus large de l’Éducation nationale. La France a pour tradition assez récente un fort égalitarisme dans sa politique d’enseignement. Ainsi, l’Éducation nationale a mis en place des réformes telles que la carte scolaire, ou la non-sélectivité dans certains parcours, notamment à l’université. Non-conscient que cet ensemble de mesures entraîne une lente dérive quant à la qualité des cours, notre système scolaire souffre en réalité de deux maux : la centralisation et le monopole.

Le monopole sur les esprits

L’idée reste que l’État doit s’occuper de l’éducation des enfants de la Nation et inculquer des valeurs pour en faire des bons citoyens au détriment de leur autonomie intellectuelle et de leur créativité qui sont pourtant indispensables au XXIe siècle. Cette conception de l’éducation a connu un véritable apogée durant la IIIe République et a laissé des traces durables dans la mentalité de nos gouvernants hostiles à toute concurrence dans ce domaine.

Elle est parfaitement incarnée par ces mots de Léon Bourgeois, l’un des hommes politiques et théoriciens les plus importants de la doctrine républicaine : « Il ne peut y avoir dans un pays un véritable enseignement public, une université nationale, que s’il existe entre les maîtres de cet enseignement, entre les membres de cette université, une doctrine, acceptée et reconnue, du but de l’éducation, de son esprit, de ses méthodes, en un mot une pédagogie commune1. » Dans son esprit et celui des législateurs de l’époque les professeurs doivent dépendre de l’État et transmettre une « éducation morale » aux enfants, tandis que « la vocation de l’enseignement supérieur est en effet d’influencer « la direction générale des esprits »2 ».

On le voit, tous les éléments qui bloquent notre système éducatif étaient en germe à l’époque : centralisation, monopole, organisation hiérarchique, politisation de l’enseignement…

Qu’en est-il aujourd’hui de ce « modèle républicain » prétendument  méritocratique qu’aucun pays ne tente d’imiter ? Chaque élève se retrouve dans un système où il lui est appris de manière uniforme les mêmes matières, avec les mêmes enseignements, les mêmes méthodes, tout au long de sa scolarité. Sa voie au sein de l’enseignement est presque déjà tracée dès le début à cause de la carte scolaire qui enferme certains dans des ghettos où l’autorité de l’enseignant se perd, et d’autres dans des ghettos de riches où les fils de ministres et de dirigeants d’entreprises se fréquentent.

La bureaucratisation de l’enseignement encadrée par des rectorats (exception française) limite les initiatives, les expérimentations locales et les pratiques pédagogiques innovantes, réduisent aussi la motivation des premiers acteurs du monde éducatif : les enseignants. Ces derniers sont tellement démotivés qu’ils souhaiteraient, pour une part importante, changer de métier (pour 68% d’entre eux selon un sondage Ipsos).

Le niveau baisse

L’ensemble de ces caractéristiques fait que les enquêtes PISA révèlent à la fois une baisse du niveau global des élèves français par rapport aux autres élèves du monde, mais fait surtout de la France l’un des pays les plus inégalitaires en matière d’enseignement3 ! Il est d’ailleurs largement inadapté à ceux qui sont trop avancés ou au contraire pas assez.

Face à ce système, toute école décentralisée, ou issue d’association de parents, est non seulement un obstacle, mais surtout un danger. La question de l’éducation fait l’objet d’affrontements depuis des décennies entre les tenants du monopole scolaire et ceux qui défendent la possibilité d’opter pour un système alternatif.

De manière générale, ce sont les premiers qui ont dominé en ne tolérant, sous la pression de la société civile, qu’un secteur privé strictement contrôlé. Mais la tentation est vive pour le remettre en cause. En 1984, le projet de loi Savary visait à créer un « grand service public unifié et laïque de l’éducation nationale » mettant sous son giron les écoles privées. Aujourd’hui, c’est la volonté de Najat Vallaud-Belkacem de mieux contrôler l’enseignement privé hors contrat.

Le baccalauréat est le symptôme d’une tendance plus récente du système éducatif qui est de tendre vers un égalitarisme qui nivelle par le bas. Comme tout bien économique, un diplôme n’a de valeur que par sa rareté, sa difficulté à l’obtenir, et aux compétences qui le certifient.

Or, comment peut-on affirmer que le Baccalauréat a encore une valeur quand les correcteurs de l’épreuve obéissent à des injonctions chiffrées fixées arbitrairement par le pouvoir central (depuis les « 80% d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat » de Lionel Jospin) ? N’importe quel enseignant qui a donné cours dans un établissement supérieur (dont certains signataires de la tribune) sait pertinemment que le Baccalauréat ne certifie ni d’une maîtrise de la langue française (à l’écrit et à l’oral), ni de capacités de réflexion et de logique pourtant nécessaires pour poursuivre des études supérieures.

L’Éducation nationale ne pouvant se réformer de l’intérieur et l’abolition du Baccalauréat n’étant pas à l’ordre du jour, il convient donc de contourner ce monopole imposé en invitant les jeunes générations à bénéficier d’une opportunité inouïe : se former à partir des multiples ressources qu’offrent internet – cours en ligne, e-books, audiobooks, etc. Après l’ubérisation des transports, de l’hôtellerie et de la finance, l’heure est à la révolution des Moocs et à l’ubérisation de l’enseignement ! Si cette perspective vous enchante, soutenez l’École de la liberté, qui développe ce projet.

  • Guillaume Thomas, Doctorant et enseignant en sciences sociales, Délégué Général de l’École de la Liberté,
    Rafael Amselem, étudiant en droit, chargé de mission à l’École de la Liberté, CoPrésident #HackLaPolitique,
    Damien Theillier, Professeur de Philosophie, Directeur de l’École de la Liberté, fondateur de l’Institut Coppet.
  1.  Cité dans Serge Audier,  Léon Bourgeois. Fonder la solidarité, Paris, Michalon, 2007.
  2.  Ibid., p. 50.
  3. Comme indiqué clairement dans le dernier rapport PISA : « En France, la corrélation entre le milieu socio-économique et la performance est bien plus marquée que dans la plupart des autres pays de l’OCDE », cf. OCDE, PISA, note pour la France, 2012.
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  • Objet des sujets 2016 bac S et ES Français:

    Les textes cités:
    Victor Hugo (socialiste célèbre pour ses pamphlets anti-patronaux(Les misérables)) texte en éloge de Honoré de Balzac écrivain anti-capitaliste proche des idées Marxistes.

    Texte de ZOLA (prêcheur doctrinaire socialiste) en éloge a Guy de Maupassant.

    Texte d’Anatole France (ancien journaliste de l’Humanité, communiste devenu socialiste), en éloge à Emile Zola

    Texte de Paul Eluard auteur d’un ode à Staline au passé communiste, sur Desnos au passé socialiste affirmé.

    Avoir son bac S ou ES nécessite de faire l’apologie de l’anti-capitalisme et l’allégeance au socialisme….
    Une bonne formation a ne jamais créer de Start up ou devenir patron. Une bon endoctrinement pour un futur à vivre dans l’illusion que chacun peut vivre aux dépens des autres……

    • Les sujets de bac sont ékaborés par des profs… L’idéologie sévit à tous les niveaux rappelée par l’auteur avec l’exigence de « pédagogie commune ». Les profs qui résistent ont du mal à tenir le coup…
      Un élève de 3e demande au prof dihistoire quelle est la différence entre la droite et la gauche. Pour l’enseignant questionné, les choses sont très simples : les gens de gauche sont des progressistes, les gens de droite des conservateurs. Slogan simpliste, jugement de valeur suggéré, exit la réflexion sur le sens des mots. En opposant les gens en les plaçant dans des catégories qui n’existent que dans sa tête, (la CGT n’est-elle oas un bastion du conservatisme?), cet enseignant contribue aux divisions exacerbées d’une société où le débat s’absente, et rend les jeunes perméables à diverses idéologies.
      L’islamisme aussi oppose les progressistes et les conservateurs, la modernité et la tradition… De façon radicale.

  • « 80% d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat »
    Cela sous-entend que seul compte le Bac; que vont penser d’eux-mêmes les 20% d’exclus ? Avec ce genre d’idée il ne faut pas s’étonner que l’apprentissage soit déficitaire.

  • Bienvenue au Bac Low-coast Hollande-Peillon-Belkacem.

  • Monsieur Theillier, je vous ai écrit sur Facebook comme convenu.
    Bonne journée. Cordialement,
    Yves

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Les auteurs : Nathalie Sayac est Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen Normandie. Eric Mounier est Maitre de Conférences en didactique des mathématiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC).

 

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