Orlando : le vice antilibéral au cœur du massacre

Que faire face à la tragédie sanglante d’Orlando ? Nous rappeler les fondements philosophiques de notre monde commun : rechercher la paix. Tolérer, et même célébrer les différences parmi nous.

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Orlando : le vice antilibéral au cœur du massacre

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 16 juin 2016
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Par Jeffrey Tucker.

orlando
orlando By: Fibonacci BlueCC BY 2.0

Les événements horribles du bar Pulse d’Orlando en Floride, la pire fusillade de masse de l’histoire américaine, illustrent ce que signifie le terme de terrorisme. Il s’agit de violence ayant pour but de secouer nos sentiments de sécurité et sûreté, d’instiller la peur, de nous rappeler combien est fragile l’existence de ce que nous appelons civilisation. Un moment, les gens dansent et apprécient la musique ; le suivant ils sont couverts de sang au milieu d’un carnage sans nom, et se demandent quand les balles déchireront leur propre chair.

Une boîte de nuit, un symbole manifeste d’effervescence commerciale et de créativité culturelle progressiste, devient une zone de guerre en un clin d’œil, et pourquoi ? Il n’y a pas de réponse définitive à cette question gigantesque, mais il y a de fortes suggestions basées sur l’identité du tueur et des récentes expériences avec le terrorisme islamique. Il découle de l’intolérance, conduisant à une haine bouillante, débouchant sur la violence, ne laissant que peur et dévastation dans son sillage. Un seul cœur corrompu, poussé à l’action par une méchanceté profonde, transforme une boîte de nuit en un champ de mort.

Aucune solution politique

C’est une saison politique, donc cette tragédie va bien sûr avoir des répercussions sur la direction prise par la politique. L’islamophobie reprend de l’élan, ce qui aide la cause de l’intolérance religieuse et le nativisme, bien que le tueur soit un citoyen américain et ne représente en rien les vues d’un milliard et demi de musulmans pacifiques et fidèles qui luttent pour une vie meilleure.

Deux nuits plus tôt, la star bien aimée de Youtube Christina Grimmie a été abattue par un homme n’ayant aucune motivation liée à l’islam. La peur conduit les gens à chercher des solutions politiques, de sorte que les détails de l’affaire n’importeront probablement pas. Le contrôle de l’État sur nos vies et nos biens va suivre sans aucun doute cette catastrophe comme il l’a fait après le 11 septembre.

Et pourtant, il n’y a pas de solutions politiques, tout du moins aucune facilement à portée de main. Oui, la radicalisation de certains pans de l’islam pourrait ne jamais avoir suivi son cours actuel si les États-Unis n’avaient commis des dérapages flagrants en politique étrangère, incitant des millions à la vengeance. En observant les décennies précédentes, à partir des années 1980, lorsque les idéologies les plus extrêmes ont reçu le soutien des États-Unis en tant que mesure de la guerre froide, jusqu’aux déstabilisations de l’Irak, de la Syrie, et de la Libye, on constate comment la violence de la guerre a nourri la violence du terrorisme, dans des cycles se répétant.

Pourtant, personne ne peut dire avec certitude qu’en l’absence de telles maladresses, quelqu’un comme le tireur d’Orlando, Omar Mateen, n’aurait pas existé. La société est toujours menacée par des individus au cœur corrompu et à l’intention malveillante de purifier le monde du péché. Nous essayons de nous protéger. Les systèmes de sécurité réagissent en s’améliorant dans leur domaine d’intervention. L’horreur a déjà relancé le débat entre les partisans du droit aux armes et ceux favorables à leur contrôle ; bien que légalement, ce bar était une zone exempte d’armes, signifiant que ses occupants ne pouvaient se protéger ou arrêter d’autres personnes ayant l’intention de tuer. Et pourtant, au final, il n’existe aucun système politique et aucun système de sécurité capable de mettre fin à toutes ces menaces au bien-être humain.

La tolérance comme vertu

La réponse réside dans la conversion du cœur humain.

Où tout cela commence ?

Étant donné que la force motrice est ici la religion, nous pouvons nous tourner vers les origines mêmes du libéralisme. On croyait autrefois que la société, pour qu’elle fonctionne correctement, nécessitait un accord complet sur les questions de foi. Mais après des siècles de guerre n’aboutissant à rien, une nouvelle norme a émergé, il y a un demi millénaire, qui peut être le mieux résumée par l’idée de tolérance.

L’idée était qu’il n’était pas nécessaire aux gens d’être d’accord afin qu’ils trouvent de la valeur dans les autres et s’entendent. Une société peut tenir, même en cas de profond désaccord religieux. Nous avons tous davantage à gagner à maintenir la paix les uns avec les autres qu’aucun d’entre nous a à gagner un conflit religieux. Comme l’ecclésiastique libéral du XIXe siècle John Henry Newman a dit : « Apprenez à faire votre part et laissez le reste au ciel ».

C’était la conviction profonde, et elle a mené à un nouvel éclairage sur un éventail de questions au-delà de la religion : la liberté d’expression, la presse libre, le libre-échange, la liberté d’association. Cette vision concernant la tolérance a planté une graine qui a conduit à une nouvelle prise de conscience dans la façon dont l’humanité peut profiter du progrès. Le Traité sur la tolérance de Voltaire, qui a résumé l’affaire, est apparu à peine vingt-et-un ans avant la Richesse des nations d’Adam Smith. Leur idée centrale était la même : nous avons davantage à gagner par la tolérance, l’échange et la liberté que nous avons à éliminer l’ennemi de la surface de la terre.

Dès lors il ne devrait pas être surprenant que la tentative de revenir sur ces progrès et de ramener un nouvel âge de guerres tribales commence par remettre en cause la notion fondamentale de liberté religieuse. Au contraire, on cherche à purifier le monde de l’hérésie et de sauver les âmes par la violence, si ce n’est grâce à l’État, par l’action individuelle. C’est une manière pré-moderne de penser, qui cherche à mettre fin aux vies de ceux qui utilisent leur liberté de façon qui contredisent ses propres points de vue de ce qui est juste et bon.

Et remarquez aussi combien la montée de l’intolérance a visé un signe manifeste de la consommation capitaliste : une boîte de nuit, et en particulier, une qui répond à la communauté gay. Le capitalisme est la réalisation économique de l’idée de la liberté des hommes, celle dans laquelle les gens choisissent leurs partenaires, leurs musiques, leurs modes d’expressions. Personne ne blesse personne ; chacun est libre de profiter, de rester dehors tard, de boire de l’alcool, de bouger et chanter comme expression de son individualité.

L’esprit antilibéral exècre cette liberté et veut la détruire. C’est pourquoi, au final, c’est toujours le capitalisme lui-même qui est en ligne de mire. Et vous ne pouvez pas tuer le capitalisme sans tuer des gens.

Résister à la peur

Que nous reste-t-il à penser et à faire face à une telle tragédie sanglante ? Nous rappeler les bases de ce qui fait de nous ce que nous sommes, les fondements philosophiques par lesquels le monde moderne excelle. Rechercher la paix. Tolérer, même célébrer les différences parmi nous. Trouver la valeur dans l’autre par le commerce. Défendre les droits de l’homme et la liberté contre tous ceux qui cherchent à les éradiquer.

Résister à la peur. Rejeter la haine. Défendre les institutions qui aident chacun de nous à réaliser ses rêves. Détournons-nous des fantasmes de revanche et ré-engageons-nous à nouveau à vivre en paix avec les autres, traitons même nos ennemis comme si un jour ils pouvaient être nos amis. La construction d’un monde exempt de violence et de terreur prend place dans la conversion d’un cœur humain à la fois, en commençant par le nôtre.

  • Traduction Contrepoints

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