Comment Valls utilise la police pour casser la contestation

Manuel Valls sait utiliser la police pour neutraliser le mouvement social qui lui fait barrage, comme on le voit avec les opposants à la loi travail et Nuit Debout.

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Comment Valls utilise la police pour casser la contestation

Publié le 18 mai 2016
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Par Éric Verhaeghe.

By: DenisDenisCC BY 2.0

Manuel Valls a sans doute beaucoup de défauts, mais il a une compétence incontestable : l’utilisation discrète, mais redoutablement intelligente, de la police pour neutraliser le « mouvement social » qui lui fait barrage. L’histoire de la loi Travail en a donné un exemple particulièrement abouti. À de nombreux égards, la maîtrise du Premier ministre, et de son ministre de l’Intérieur, excède ici le simple savoir-faire pour flirter avec le talent, et peut-être même le génie.

Valls et la Nuit Debout : un premier tour de force

Qu’on le veuille ou non, la première marque de génie de notre Premier ministre dans la gestion de la contestation s’appelle la Nuit Debout. Bien entendu, celle-ci s’appuie sur un fond réel et spontané de mécontentement qui occupe beaucoup nos étudiants universitaires fâchés avec les diplômes, et un certain nombre de bobos dont la prolétarisation rampante nourrit les palabres.

Tout le génie du pouvoir policier consiste non pas à combattre ce type de mouvement, mais « à faire avec » intelligemment pour donner l’illusion de son indépendance, tout en neutralisant ses effets néfastes. Dans le cas de la Nuit Debout, la première intuition géniale de Manuel Valls a consisté à comprendre que des contestataires cantonnés tous les soirs sur une place de Paris étaient moins dangereux que des contestataires livrés à eux-mêmes tous les jours dans les rues.

La sédentarisation du mouvement, sa fixation en une zone géographique délimitée, a permis de le circonvenir, de le neutraliser, et de l’éroder sans stress majeur.

Comment Valls a circonvenu la Nuit Debout

Si le gouvernement n’est pas à l’origine de la Nuit Debout (opération planifiée plusieurs semaines à l’avance par l’équipe qui a réalisé Merci Patron !), Valls a eu l’intelligence d’en mettre la prolifération sous contrôle. La création très rapide d’un site Internet dédié à l’événement par des proches du Parti Socialiste a permis de mettre l’ensemble de l’expression du mouvement en pilotage automatique.

On se souvient ici que le nom de domaine « Nuit Debout » est géré par l’agence RAIZ dont le patron est un certain Baki Youssoufou. On n’a peut-être pas assez dit que Youssoufou est le fondateur de Wesignit, une plate-forme de pétitions en ligne.

Il se trouve que Wesignit n’est pas complètement née de la seule volonté de Youssoufou. Cette plate-forme est une émanation (un spin-off pour les bobos) de la Netscouade, l’agence du très socialiste Benoît Thieulin. Rappelons que ce dernier fut le responsable de la campagne Internet de Ségolène Royal, et, en récompense de ses bons et loyaux services, fut nommé en janvier 2013 président du conseil national du numérique.

Le site de la Nuit Debout tenu par un proche du pouvoir socialiste, amusant non ?

Comment neutraliser la Nuit Debout ?

Pour neutraliser en douceur la Nuit Debout, le pouvoir n’a pas manqué d’idées astucieuses. La première a consisté à ne jamais dénigrer le mouvement, et même à lui accorder une sorte de capital de sympathie. La deuxième a essentiellement résidé dans une stratégie d’attrition. En interdisant l’installation du mouvement en dur (proscription des tentes, des installations pérennes, des « constructions au sol »), la préfecture de police a condamné les bobos du mouvement à reconstruire chaque soir ce qu’ils avaient dû déconstruire en partant.

Cette décision simple était un coup de génie, car elle s’appuyait sur la conviction, étayée par l’expérience, que le bobo parisien aime le prolétariat mais n’en partage ni la persévérance, ni l’ardeur. L’effort que cette reconstruction quotidienne demandait a vite épuisé les palabreurs du mouvement.

Une autre tactique a consisté à mettre en évidence, en permanence, la nécessaire délibération spontanée au sein de la Nuit Debout. Chaque jour, une masse de gens anonymes a donc défilé pour paralyser tout processus de décision. D’emblée, le mouvement était donc condamné à pourrir sur place, installé dans une précarité et une indécision qui ne pouvaient que lasser les plus assidus.

La mise en avant des casseurs

Tout aussi astucieusement, le pouvoir a régulé les interventions policières dans les cortèges de manifestants pour dégrader l’image du mouvement et dissuader les militants syndicaux de se mêler à des défilés de plus en plus risqués.

On notera qu’il a fallu attendre cette semaine pour que les préfets interdisent à des « casseurs » identifiés de se mêler aux manifestations. Au demeurant, la justice administrative n’a pas fait grand cas de ces interdictions qui sont devenues toute symbolique. Mais preuve est donc faite qu’en plein état d’urgence, la police a identifié un certain nombre de fauteurs de trouble et les laisse délibérément en liberté. Le fait mérite d’être relevé : manifestement, les renseignements généraux, dont on connaît les défaillances en matière de terrorisme, sont restés très efficaces pour tout ce qui touche à la politique intérieure.

Dans le maintien de l’ordre, la police a en outre fait le choix de laisser agir les casseurs le temps qu’il fallait pour justifier des dispersions à coups de gaz lacrymogènes et de coups de matraques. Pour l’opinion publique, la contestation contre la loi Travail est apparue comme une opportunité de désordres inutiles. Pour les manifestants, cette stratégie a posé un rapide dilemme : qui a envie de perdre une journée de salaire en protestant contre une loi qui passe au forceps et qui ne rapporte que des coups de bâton ?

Une parfaite maîtrise du calendrier

Dans cette stratégie, il existait un point de risque : la journée du 1er mai, où syndicalistes et contestataires auraient pu s’unir. Valls avaient d’ailleurs mis en garde tous les participants contre des dérapages ce jour-là. Une fois la « convergence des luttes » passée à l’as, plus rien ne s’opposait à un passage en force par le 49-3. Valls avait efficacement fait son œuvre pour épuiser la contestation.

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  • il n’y a surtout plus grand chose dans la loi : un coup de com’

  • Ce n’est pas une question d’intelligence: nous avons maintenant une police politique. Le modèle Francais se rapproche de plus en plus de celui de l’ex RDA. La police se révèle inefficace pour protéger les citoyens ( attentats commis en plein Paris sans être arrêtés, explosion des cambriolages, rues de Paris bloquées pour la prière du vendredi, zones de non droit par centaines, autoroutes bloquées par les romps ou les routiers etc etc…) . Par contre, pour bousculer des mères de famille à la manif pour tous ( objectif de faire peur), pour empêcher les patriotes de d’exprimer, pour harceler les conducteurs, pour faire de la paperasserie inutile etc etc… ils sont au top.
    Les pauvres pleurnichent par ce qu’ils ne sont pas aimés mais cela leur passera car ils vont bientôt l’assumer totalement.Le plan vigipirate est une fumisterie.Quand les policiers disent que c’est une question de moyens ( comme toujours avec le public) ils feraient mieux d’avouer que c’est un problème de priorités, de bureaucratie et de justice ( la justice relâche la grande majorité de ceux que la police arrête). Le gendarme Soubelet ( n°2 e la gendarmerie à l’époque) avait expliqué la réalité de la situation et il a donc été muté sous les tropiques!

  • Magnifique stratégie ! J’étais déjà convaincu, cet homme est très dangereux.

  • Bof. Pour moi, il n’y a pas du tout de génie là dedans. La vérité est bien plus simple: le gouvernement a laissé faire les casseurs parce qu’ils étaient d’extrême gauche. Le gouvernement n’avait pas envie d’avoir des problèmes supplémentaires avec l’aile gauche du PS et avec les syndicats (ce qui auraient été le cas si ils avaient réprimés les casseurs). Surtout, les casseurs d’extrême gauche sont les spécialistes de pousser la police à commettre des violences policières en les provoquant et puis à médiatiser l’affaire pour s’attirer la sympathie du public. Pire, ils n’hésitent pas à manipuler le public en diffusant sur les réseaux sociaux des vidéos d’une partie de l’action (à savoir quand les flics répriment les casseurs) donnant l’impression de violences policières (alors qu’il suffit de voir la scène en entière pour comprendre que l’action de la police est légitime).
    La racaille de banlieue fait la même chose.
    Le gouvernement a eu peur que s’ils ordonnaient à la police d’arrêter les casseurs, il y ait des violences policières qui soient apparues et médiatisées.
    Nuit debout est un mouvement composé de gauchistes sectaires avec une idéologie d’extrême gauche. Les médias ont largement idéalisés et surmédiatisés ce mouvement. Si le gouvernement avait voulu réellement nuire au mouvement, il aurait pu utiliser ses relais dans la presse pour montrer la simple vérité: le sectarisme et l’extrémisme de ce mouvement qui ne représente que les bobos.
    Nuit debout a fini par se nuire tout seul. L’agression de personnalité médiatique a quelque peu ouvert les yeux des médias sur ce mouvement (même s’ils sont restés très positifs vis à vis de Nuit debout).
    Nuit debout n’a jamais représenté une menace réelle. Ce mouvement est d’extrême gauche. Ils sont bien trop extrémistes pour représenter une menace. La plupart des gens ont d’autres choses à foutre qu’à passer toute la nuit dehors

  • Le gouvernement francais s’est montré d’une totale incompétente pour la loi du travail. En effet, ils n’ont pas du tout été pédagogues. Ils n’ont pas réussi à montrer l’utilité de cette loi. Le gouvernement n’a pas réussi à expliquer le texte et a laissé l’opinion publique se laisser imprégner par les simplifications et présentations abusives qui ont été faites par les opposants à cette loi. Les mensonges des opposants à cette loi ont réussi à convaincre l’opinion publique. La caricature faite par les opposants à cette loi ont été pris pour des vérités par la plupart des gens en raison de l’incompétence du gouvernement.
    Je parle ici de la loi du travail dans sa version initiale qui était plutôt une bonne chose. Elle n’était pas parfaite mais c’était un bon début.
    Aujourd’hui, le gouvernement est obligé d’utiliser le 49.3 pour faire passer une loi qui ne contient strictement rien. Cette loi à part détruire les franchises (comme l’a montré votre article sur le sujet) ne va servir strictement rien. Je ne comprends même pas l’utilité de faire passer une telle loi alors qu’elle ne contient rien. Autant l’abandonner si c’est pour l’avoir totalement vider de tout contenu

  • Analyse discutable, Valls aurait agit avec le niveau de stratégie que nous serions en droit d’attendre d’un prefet de police et vous trouvez cela genial?
    Quid de l’Etat de droit? Des policiers blessés? Des commercants et citoyens lésés?
    Il me semble que les francais attendrent clairement moins de laxisme, il est parfaitement intolerable qu’une minorité d’extreme-gauche totalitaire ait pu beneficier d’un tel laxisme et d’un tel soutient mediatique.
    Je partage l’avis de Jacque sur l’echec patent de ce gouvernement, reduit a des petites combines pour faire passer en force un texre vider a 90% de sa substance!
    Certe l’inversion des valeurs au niveau entrerprise et syndicat et un pas important vers l’avenir maos a ce rythme l’avenir reste toujours aussi loin pour tout ceux qui ne supporte plus de payer les retraites mirobolantes des fonctionnaires qui nous dirige comme des moutons.

    Bref, aucun mérite a Valls, au contraire, il me semble que le mouvement a ete soig eusement orchestré et entretenu pour:
    1- jutifier du manque de reforme et manipuler l’Europe: vous voyez on peut rien faire, sinon c’est la guerre civile!
    2-effrayer la clientèle habituelle du PS qui derive trop a gaucheau goût deces gourous et ramener les « brebis perdu » a la raison:
    Enfin « il n’y a pas d’alternative a gauche: clamait Hollande sur Europe 1 fier de sa manipulation.

    Votre analyse habituellement plus pertinente fait l’impasse sur l’impacte de cet evenement chez la « clientele » socialiste habituelle or c’est un element d’analyse indispensable et forcement prisen compte pas nos cyniques en chefs…qui sont deja en campagne pour 2017.

  • encore 1 an et apres la deculottee …mais apres….fillion ,juppe …!!

  • Tout est ordonné par Valls et Hollande pour rester au pouvoir. Tout.

  • Pour préciser, ce qui se passe sert plusieurs objectifs en même temps:
    – susciter une demande de sécurité et d’ordre, donc faire monter le FN
    – focaliser l’attention des médias sur la violence, au détriment d’un débat sur le fond de la loi travail
    – savonner la planche pour la droite et les idées de réforme qu’elle commence à avancer

  • VAlls n’est pas un stratège, c’est un manipulateur. Très fort pour taper (ou faire taper) sur les manifestants pacifiques de l’opposition. Combien de manifestations violentes de casseurs, de syndicalistes et d’antifas ou autres a t’il toléré en interdisant à la police d’intervenir malgré les dégâts considérables provoqués sans impunité ! Il suffisait d’être de gauche ou mieux, d’extrême gauche pour avoir le droit de « s’exprimer » dans la rue.
    Alors si finalement, après plusieurs semaines de chienlit, on a enfin une ou deux gardes à vues dont on ne sait pas si elles auront une suite quelconque, ce n’est pas de la fermeté… C’est simplement dire « allez les enfants, vous avez assez joué, il est temps de rentrer à la maison, mais vous ne serez pas venu pour rien, on va vous faire des cadeaux avec l’argent de ces idiots de contribuables… »
    La loi travail ? Une mascarade sensée aider les entreprises et qui se termine comme prévu par plus de charges pour elles…

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