Destitution de Dilma Rousseff : gare aux effets secondaires ! [Replay]

La procédure de destitution de Dilma Rousseff au Brésil est en bonne voie, mais gare aux effets secondaires pas forcément positifs.

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Destitution de Dilma Rousseff : gare aux effets secondaires ! [Replay]

Publié le 14 mai 2016
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Par Fabio Rafael Fiallo.

La procédure de destitution de Dilma Rousseff, présidente du Brésil, est en cours
Dilma Rousseff: UnB AgênciaCC BY 2.0

Qu’on se le dise : de par les négligences commises quand elle était ministre de tutelle de Petrobras – entreprise pétrolière publique au centre du plus grave scandale de corruption qui a secoué son pays – la Présidente du Brésil, Dilma Rousseff, a une indéniable responsabilité dans cette affaire de corruption. Responsabilité, elle l’a davantage encore dans le maquillage des comptes publics, entrepris après avoir assumé la présidence, dans le but de cacher sa mauvaise gestion de l’économie et ainsi augmenter les chances de se faire réélire en 2014, comme elle le fut finalement, bien que de justesse (51,2% des suffrages).

Les motivations de la procédure de destitution de Dilma Rousseff

C’est précisément sur ce dernier point, donc sur la manipulation comptable, que la procédure de destitution a été déclenchée et vient d’être approuvée par la chambre basse du Parlement brésilien. Il reste maintenant au Sénat de donner son accord, ce qui est probable, suite à quoi Mme Rousseff serait destituée.

Tous ces torts, qui ont mis des millions de Brésiliens dans la rue, auraient pu l’induire à démissionner. Mais elle n’en a cure. Épaulée par son parti, le Parti des travailleurs, et le parrain de celui-ci, le charismatique leader de la gauche populiste latino-américaine Luis Inácio Lula – soupçonné à son tour d’enrichissement personnel –, la Présidente du Brésil a opté pour que la procédure de destitution aille jusqu’au bout.

En ce qui concerne Lula, la façon dont il a tenté de se dérober à la justice, en essayant de se faire nommer au gouvernement pour ainsi obtenir une certaine immunité, a écœuré à juste titre nombreux de ses compatriotes.

Le combat sans panache contre la menace de destitution de Dilma Rousseff

Rousseff et Lula, ces porte-étendards de la gauche populiste latino-américaine, se battent sans panache, malgré les soupçons qui pèsent sur eux, l’une pour garder la présidence du Brésil, l’autre pour ne pas être inquiété par le pugnace juge Sergio Moro, chargé de l’enquête sur le scandale de Petrobras.

Comme ligne de défense, ils ont choisi de jouer un rôle cher à la gauche populiste latino-américaine, une gauche en déclin de popularité partout où elle aura gouverné à cause d’un bilan exécrable en matière de corruption et calamiteux dans le domaine économique. Le rôle en question n’est autre que celui de se poser en victime d’un supposé complot, voire d’une soi-disant tentative de coup d’État ourdi à chaque fois par la « bourgeoisie antipatriotique » avec l’aide de « l’empire » américain.

Cette ligne de défense est toutefois d’autant plus fragile que le processus de destitution de Rousseff et l’enquête sur Lula se déroulent conformément à la Constitution et à la législation du Brésil.

La procédure de destitution de Dilma Rousseff aurait aussi des conséquences négatives

Il n’en demeure pas moins que les arguments pour jouer à la victime ne manquent pas. En effet, dans le cas désormais probable de destitution de Rousseff, celui qui assumerait la présidence du Brésil en attendant de nouvelles élections, c’est-à-dire l’actuel vice-président Michel Temer, de même que le président de la chambre basse, Eduardo Cunha – qui ont tous deux pris position en faveur de la destitution de Dilma Rousseff – sont, eux aussi, empêtrés dans des affaires de corruption.

Si bien que, si Temer et Cunha restent à leur place, les deux leaders de la gauche populiste brésilienne ne se priveront pas de crier au deux poids, deux mesures – ce qui, à n’en pas douter, pourrait donner un nouveau souffle à leur popularité, en tout cas à celle de Lula, qui a déjà fait savoir qu’il entend se présenter aux élections présidentielles de 2018.

Selon un sondage récent, plus de 60% de Brésiliens veulent le départ de Dilma Rousseff. Rien ne dit, cependant, que tous ceux qui font partie du 60% voteraient contre Lula.

Il convient de rappeler à ce sujet que Lula quitta la présidence en 2010 avec une cote de popularité dépassant le 80%. Il y a donc de la marge pour que Lula puisse gagner les futures élections présidentielles même avec un effritement de sa popularité. D’autant que, si Temer et Cunha restent dans leurs fonctions malgré le soupçon de corruption qui pèse contre eux, il y a fort à parier que ceux qui hésitent à prendre parti dans les polémiques en cours seront enclins, par dépit, à donner leurs voix au candidat du Parti des travailleurs dans la prochaine élection présidentielle.

Ajoutons à cela que le gouvernement qui remplacerait celui de Dilma Rousseff sera obligé de s’attaquer aux dégâts produits par la mauvaise gestion économique de celle-ci. Des mesures impopulaires devront à coup sûr être prises, ce que Rousseff elle-même, de par la gravité de la situation, avait commencé à faire, bien qu’avec valses-hésitations.

Ainsi, si Dilma Rousseff est évincée de la présidence du pays, comme elle le sera probablement, le Parti des travailleurs et son candidat éventuel, Lula, pourront tirer à boulets rouges contre les mesures de redressement macroéconomique – inévitablement impopulaires – que le successeur de Rousseff sera obligé d’amorcer. Au passage, les tenants du Parti des travailleurs ne manqueront pas d’occulter le fait que de telles mesures auront été rendues nécessaires par les cafouillages multiples et variés de la gestion économique de Rousseff et, dans une certaine mesure aussi, par ceux de la fin de deuxième mandat de Lula (2010), lequel avait ouvert les digues de la dépense publique pour faire gagner les élections à sa dauphine.

À la lumière de ces considérations, il vaudrait mieux, pour le Brésil et pour la démocratie, que la destitution de Dilma Rousseff soit accompagnée de la mise à l’écart aussi bien de Michel Temer que d’Eduardo Cunha. Cela ôterait toute validité à l’argument de deux poids deux mesures et faciliterait l’assainissement de la vie politique du Brésil, ce dont le pays a tant besoin. Dans le cas contraire, la sortie de la gauche populiste du pouvoir pourrait s’avérer être de courte durée.

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  • Difficile de choisir au Brésil car avec 20 Partis Politiques aucun n’est propres. Ils sont tous mouillés. Comme on le dirait en France, ils sont tous Pourris

  • Les commentaires sont fermés.

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