La dépense publique est-elle plus performante que la dépense privée ?

Quand l’État lève un impôt, il supprime la dépense qu’aurait faite le contribuable au lieu de payer cet impôt. Mais personne ne mesure la performance de l’État par rapport à celle du contribuable.

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La dépense publique est-elle plus performante que la dépense privée ?

Publié le 29 avril 2016
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Par Pierre Tarissi.

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Il existe deux volets dans la dépense publique. Le régalien (armée, police, justice, diplomatie, fisc, législateur, …) constitue l’armature de la nation et assure l’ordre public, plus ou moins bien, depuis des millénaires. Sans ces institutions et les dépenses qui assurent leur fonctionnement, pas d’État ni de Nation. On constate que ces dépenses… baissent depuis des décennies.

Le second volet, largement développé au XXe siècle, rassemble toutes les dépenses de l’État ou para-étatiques qui « aident » au développement économique. Aides aux entreprises, aux individus, en particulier les « pauvres » ou réputés tels, ou encore financement des « services publics » ou considérés comme tels (énergie, éducation, santé, routes, …). Ces dépenses augmentent depuis des décennies.

L’effet d’éviction : chaque euro dépensé par l’État ne l’est pas par le contribuable

Or, quand l’État lève un impôt ou s’endette et dépense ou investit cet argent, il supprime la dépense ou l’investissement qu’aurait fait le contribuable au lieu de payer l’impôt ou de rembourser la dette. On notera que le problème est exactement le même si l’État réussit à recouvrer de l’impôt non acquitté à la suite d’une « fraude fiscale ».

Si ce point n’est pas pertinent pour le domaine régalien, la question pendante, parce que jamais posée ni mesurée, est celle de l’efficacité de la dépense publique du second volet. Cette « efficacité » économique se juge objectivement, à condition de la définir. Le but de l’activité économique est clairement de fournir à la population de la nation, au moindre coût, tout ce qu’il faut pour manger, se soigner, se loger, s’habiller, s’instruire, se distraire. L’« efficacité » se mesure alors par le volume des ventes de biens et de services à ladite population. Encore faut-il que ces biens et services soient achetés librement par des clients. Un sous-ensemble du PIB est une mesure, très approximative et biaisée, de ce résultat.

Personne ne mesure la performance de la dépense de l’État par rapport à celle du contribuable

La question clé est donc la suivante : hors dépenses régaliennes, quelle est la production finale de biens et de services achetés résultant de l’injection de 1 000 € de dépenses de l’État par rapport à 1 000 € de dépenses ou d’épargne des contribuables citoyens ou entreprises ? Accessoirement, quand le gouvernement s’endette, en quoi cette dette supplémentaire va-t-elle concourir à produire au moins assez de richesses pour la rembourser, avec ses intérêts ?

Il est clair que l’un des « grands principes » de la comptabilité nationale (la « non affectation des recettes aux dépenses ») est loin de contribuer à assainir le débat … D’autre part, aucune loi se voulant « économique » ne porte jamais la moindre évaluation de ses résultats attendus en termes de ventes de biens et de services. Encore moins la mesure de ces résultats dans le temps.

Qu’est-ce qui nous empêche de mesurer cette performance, outil de pilotage de la politique économique ?

Nous disposons pourtant par l’INSEE de très nombreuses statistiques en tous genres, fort précises, dont pour le moment on se garde bien de « sortir » les agrégats mesurant cette efficacité de la dépense publique. C’est pourtant cette efficacité concrète qui légitime, ou pas, l’action des pouvoirs publics, l’impôt et la dette de l’État … plutôt que les arguments actuels qui relèvent davantage de l’idéologie ou de l’incantation.

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  • Voilà peut être LA bonne question à poser à nos amis collectivistes de tout poil
    Avec son corollaire : « est ce juste? »

    • Mais pas du tout !
      Il existe un outil étatique de mesure de pertinence de la dépense public : c’est la cours des comptes.
      Donc pour le contribuable c’est double peine : une dépense mal fichu plus un organisme couteux qui travaille bien mais qui ne sert à rien car ses rapport sont enterrés dès la parution.
      Triple peine même puisque les fonctionnaires de la cours des comptes font valoir leurs compétences pour se faire élire et augmenter la dépense public.

      • Bonjour Liam, Bonjour à toutes et à tous,
        La Cour des Comptes pointe certes des dérives – le plus souvent incongrues – de la dépense de l’Etat, mais ponctuellement et par rapport à l’Etat lui-même. Ce n’est en aucun cas une comparaison globale d’efficacité « dépense d’Etat vs dépense privée » …
        Amitiés,
        Pierre T.

        • Vous avez raison; mais tant que la cour des comptes n’aura pas un pouvoir de sanctions, ce qu’elle raconte n’aura guère d’efft!

  • « C’est pourtant cette efficacité concrète qui légitime, ou pas, l’action des pouvoirs publics, l’impôt et la dette de l’État… »
    Pas seulement. Vous pouvez ne pas vouloir d’un service même s’il est efficace. Notre état, en plus d’être inefficace, s’immisce dans tous les aspects de notre vie.

  • La dépense de l’Etat pourrait être théoriquement plus efficace que celle d’un opérateur privé car elle bénéficie en général d’un effet de volume et de masse par rapport à la dispersion de la réponse privée. Et pourtant, de fait, elle manque son but car elle a des usagers (individus taillables et corvéables à merci) et non pas des clients, donc aucune sanction à son inefficacité potentielle. Si elle ajoute de plus, ce qu’elle fait souvent, une organisation de monopole, agrémentée ou non d’un statut particulier, alors là toutes les dérives sont quasi certaines. Pour être complet, il faudrait ajouter les effets d’aubaine : qui a refusé le cadeau de la municipalité pour ses enfants à Noël ? Il est pourtant aussi dans nos impôts !

    • Même théoriquement, je ne vois pas comment 1€ de dépense publique pourrait être plus efficace qu’un euronde dépense privée, il n’y en effet pas que les économies d’échelle. Il y a surtout le fait que l’État définit le produit ou le service seul dans son coin, alors que le secteur privé est constitué de millions d’agents qui ont tous des préférences différentes, et différentes façons de répondre à un besoin. Nous sommes globalement, nous en tant qu’agent du marché, infiniment plus intelligents, créatifs et efficaces qu’une bordée de ronds de cuir. La où le leviathan impose l’uniformité, nous pourrions proposer la diversité, donc une bien meilleur satisfaction un fine. Et cela ne nous empêcherait pas pour autant de rechercher, et de trouver, les économies d’échelle…

    • « La dépense de l’État pourrait être théoriquement plus efficace que celle d’un opérateur privé »
      Même pas.
      http://www.contrepoints.org/2012/04/13/79014-henri-fayol-et-lincapacite-industrielle-de-letat-1

    • Yves, si vous pouviez nous donner un seul exemple de dépenses de l’état par lesquelles nous serions gagnants de par l’effet volume, je suis preneur.
      Tous les services publics ont existé sous forme privée avant d’être nationalisés (Train, énergie, santé, retraite etc…)

  • Pour avoir oeuvré sur des appels d’offre publics, un des éléments de dépense stupide est quand même la mise en oeuvre de marchés publics. Le fameux moins-disant est un vrai pipeau, tous les cadres fonction publics ayant une idée d’avancement de carrière et/ou de reconversion s’immiscent dans les processus de rédaction, de publication, de commissions de choix… Les remises en concurrence à l’échéance sont de vraies plaisanteries, etc… Auquel on ajoute une faible compétence devant les représentants des entreprises privées soumissionnaires, voire une incapacité, aux moments utiles, de mobiliser en task force, les compétences annexes (juridiques, financières, techniques…). Donc, sans même se poser la question de la pertinence politique de grands projets nationaux (LGV, aéroports, autoroutes), la dépense engagée est souvent excessive. Les exemples récurrents du type Chorus, Louvois en sont de bons exemples.

  • Bonne question, mais l’affirmation « Personne ne mesure la performance de la dépense de l’État par rapport à celle du contribuable » est fausse.

    * l’INSEE proclame, par principe, que la production public a une valeur égale à son cout. Selon l’INSEE, et très officiellement, la production publique a une valeur ajoutée nulle, alors qu’une production privée a nécessairement une valeur ajoutée positive, donc supérieure.

    * le ministère du budget produit chaque année un tombereau de documents, dont des « projets de performance » et des « rapports de performance »
    il y a trop d’information plutôt que pas assez, aussi focalisons nous plutôt sur un chapitre essentiel et qui a l’avantage d’offrir une comparaison directe des performances respective de la dépense de l’État par rapport à celle du contribuable : l’enseignement.
    Dans le gros pavé de +de 300 pages ( http://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/farandole/ressources/2016/pap/pdf/PAP2016_BG_Enseignement_Scolaire.pdf ) vous lirez
    — ) pour le privé ( « présentation stratégique du projet annuel de performances » du programme 139)
    « L’aide de l’État représente 7,18 milliards d’euros » pour 2 079 149 élèves
    C’est à dire que l’enseignement privé coute à l’État 3 450 € par élève. Ajouter quasi rien des collectivité territoriales, et quelques centaines d’euro des parents.
    — ) dans la « présentation stratégique du projet annuel de performances » des programme 140 (primaire) et 141 (secondaire)
    respectivement 5 880 897 élèves et 4 381 000 élèves, pour respectivement 20.200 M€ et 31.278 €, soit respectivement 3450 € et 7150 € par élève selon qu’on parle du primaire ou du secondaire, et 5000 € par élève tout confondu. Auquel il faut ajouter les dépenses des collectivités locales, qui payent pour les bâtiments, la restauration etc.
    On peut évidemment regarder plus en détail, mais le résultat, parfaitement connu, parfaitement public, mais soigneusement non mis en évidence par le ministère ni relevé par les médias complaisant, c’est que le privé soumis à exactement les mêmes exigences, les même normes de « service public », et des résultats comparables (et supérieurs) coute 70 % de ce que coute le secteur public, ou, pour dire la même chose autrement, le secteur public coute 40 % de plus que le secteur concurrentiel quasi identique…

    • Bonjour P

      C’est comme les dispensaires médicaux publiques, leur coût d’équilibre d’une consultation est de 70 € tandis que les cabinets privés fonctionnent avec la consultation.à 23€.

  • Il y a quand même plusieurs pistes qui se posent ici pour l’exploration de cette problématique. C’est même un marronnier de la science économique.

    1.Les « arguments » en faveur de la dépense publique.

    L’effet massif et contra cyclique des investissements publics permet de stimuler la demande quand celle ci est trop faible (élucubrations keynesiennes s’apparentant à de l’alchimie, on sait tous que c’est de la foutaise, je ne vais pas plus loin).

    Les investissements publics qui ne cherchent pas à être rentables sont forcément moins chers puisque leur existence ne sert pas à enrichir les méchants capitalistes tortionnaires de châtons (« theorie économique » essentiellement fondée sur la convoitise du bien d’autrui et le présupposé que les « salauds de riches » sont des voleurs et veulent chier dans le caviar en regardant les pauvres crever de faim.): Du vent: Le profit sert aussi à discriminer les bons investissements des mauvais. Dans cette optique un organisme en faillite serait plus vertueux qu’une structure profitable. Par ailleurs c’est faire fi de la concurrence et de sont impact motivant sur la productivité (qui n’existe pas en cas monopole) ainsi que son impact négatif sur les marges, qui rend l’enrichissement des salauds beaucoup plus compliqué.

    Les dépenses publiques bénéficiant d’un monopole sont des bons investissements économiques mais ça ne se voit pas de manière comptable parce qu’en fait la solidarité force tout le monde à rentrer dans un systme bénéfique dont les « externalités positives » ne sont pas mesurables comptablement. (Exemple type: le bénéfice de l’éducation ne serait pas mesurable, comme si une main d’oeuvre productive ne pouvait pas être quantifiée au moins en relatif)

    Les dépenses a forte externalité positive qui ne sont pas possible à facturer doivent être prises en charge par l’Etat: Exemples (tupides parce que non vérifiés historiquement): Les phares (ils ont été souent natinalisés de force), l’éclairage public (ou comment dépenser 15 fois plus d’énergie que nécéssaire pour sécuriser les rues alors que les commerçants laissent déjà souvent les lampes allumées dans leurs boutiques la nuit et seraient prèts à se cotiser en associations privées, de même que les propriétaires de logements à louer etc…). L’argument principal est qu’il est impossible d’en exclure cleui qui ne paye pas. Je vous raconte pas comment le SEUL commerçant qui va refuser de payer l’éclairage va être traité par ses voisins… Plus de crédit, concurrence acharnée sur ses produits pour le principe

    2. Les arguments (les vrais) qui expliquent mieux le phénomène de nullité publique:

    Ronald Coase (j’adore le travail de ce mec): Théorie des couts de transaction VS couts d’organisation. Les structures économiques comme els entreprises existent à la place d’avoir uniquement des travailleurs indépendants contractant parce qu’ils permettent de remplacer des coût de transaction par des coûts d’organisation. Or pour simplifier la courbe des coûts de transaction en fonction de la taille de l’institution est une droite (y=ax+b) alors que celle des couts d’organisation est exponentielle. En clair, quand on fait du trop gros on se bureaucratise et ça coute pas moins cher que de payer de négociateurs pour faire le même taf avec plusieurs petites structures qui coopèrent.

    Les institution étatiques cherchent elles aussi un rente (avantages aquis, primes, sécurité de l’emploi)

    Les dépenses publiques désintéressées n’existent pas. Elles servent soit des intérêts particuliers de personalités politiques soit des corps constitués, et dérivent inéluctablement vers ces utilités si elle n’étaient pas dévoyées au départ.

    L’effet contra cyclique est une anerie: la dépense suit les cycles électoraux et non pas les cycles éco.

    les arguments qui soutiennent la dépense publique sont des arguments « religieux » ésotériques inverifiables et emprunts de jugements de valeur. C’est pas de la science éco mais des comportements de gourou

    Les arguments contre la dépense publique sont des arguments froids réfléchis, et fondés sur des hypothses fixes, sans jugement du comportement des acteurs. Ca c’est de la science.

    • Bonsoir Mitch, Bonsoir à toutes et à tous,

      Le problème majeur, Mitch, me semble justement de mettre clairement ce débat sur la place publique, en tant que sujet politique central : à l’Etat de prouver la légitimité de ce qu’il dépense, et donc du montant de l’impôt et de la dette qu’il lève … Nous en somme aujourd’hui TRES loin …

      Amitiés,

      Pierre T.

  • A cette question il faut aussi prendre en compte d’autres questions comme l’investissement sur le long terme (ex. infrastructures), comme la péréquation entre citoyens, comme la péréquation territoriale, comme des taux d’emprunt différents entre un Etat et un citoyen, etc.
    On peut aussi noter que dans certains domaine comme l’eau, les déchets, avec des exemples concrets la reprise en régie par une collectivité permet de réduire les coût pour le citoyen par rapport à une entreprise privée.
    Conclusion, les entreprises privées et les services publics n’ont pas les mêmes objectifs (ces deux modes ont leur utilité) donc la comparaison purement financière, sur un base de performance est impossible à effectuer et n’a finalement que peu d’intérêt.
    Ceci ne signifie pas que la dépense publique doit pas être performante notamment en terme d’efficacité sociale par euro investit …

    • Bonsoir LD, Bonsoir à toutes et à tous,
      « Réduire les coûts » n’a en principe aucun rapport avec la nature « publique » ou « privée » de l’opérateur ni avec le statut de ses personnels, et tout avec les techniques employées …
      La notion de « service public » est en soi très confuse en France ….
      Amitiés,

      Pierre T.

  • Bonjour,
    Les Autrichiens ont réglé la question depuis longtemps et une fois pour toutes, François Guillaumat s’étant distingué sur ce sujet avec sa loi de Bitur Camember dont voici les liens.
    Bonne lecture. SG
    http://www.wikiberal.org/wiki/Bitur-Camember
    http://fr.liberpedia.org/Loi_de_Bitur-Camember

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