« Vous n’aurez pas ma haine » d’Antoine Leiris

« Vous n’aurez pas ma haine » par Antoine Leiris, le récit bouleversant du mari d’une victime du terrorisme au Bataclan. Un deuil exempt d’amertume et empreint d’une philosophie pas banale.

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« Vous n’aurez pas ma haine » d’Antoine Leiris

Publié le 19 avril 2016
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Par Johan Rivalland.

La Bataclan By: ParisSharingCC BY 2.0

 

On ne peut que partager les regrets d’Antoine Leiris, qui écrit ceci : « J’aurais aimé que mon premier livre soit une histoire, et surtout pas la mienne. J’aurais voulu aimer les mots sans les craindre. » (« Vous n’aurez pas ma haine », Fayard, lien Amazon)

Car ce petit livre plein de pudeur et de retenue est une narration du deuil au quotidien, celle d’un père qui refuse de céder à la haine et au ressentiment que peuvent entraîner les circonstances pas banales du décès de sa femme tant aimée, et de la mère de son petit garçon, assassinée de manière aveugle par une bande de terroristes au Bataclan le 13 novembre 2015, dans l’horreur que l’on sait.

"Vous n'aurez pas ma haine" d'Antoine LeirisCe récit, ponctué des vide et chagrin qui ont pris place, au rythme des jours qui ont suivi, est tout simplement bouleversant, plein de force, voire même de poésie, loin des sentiments auxquels il aurait pu laisser place à l’endroit de ces « âmes mortes », comme les qualifie cet homme blessé.

J’ai toujours été relativement stupéfait par le désir de vengeance, ou plus communément de trouver à tout prix un coupable lors d’un accident dramatique, une catastrophe, ou tout autre événement du genre. Parfois sans que cela ne me paraisse tout à fait juste ou justifié.

En même temps, il ne m’a pas échappé que cela participait en général à la reconstruction des êtres affectés par la mort soudaine d’un proche dans des circonstances dont on pense qu’elles auraient pu être évitées. Une sorte de réflexe naturel, en quelque sorte, peut-être nécessaire dans une certaine mesure au deuil et à la reconstruction.

Mais ici, rien de tout cela. Et pourtant, les circonstances sont tout autres, puisque la responsabilité des auteurs de la mort d’autrui est totale et revendiquée.

Nous avons donc ici surtout affaire à un témoignage exceptionnel et d’une très grande force morale, celle qui consiste à avoir la capacité de faire face à cette absence soudaine de l’être aimé et au vide qu’elle induit, à ses responsabilités de père, puis à l’arrivée du deuil, sans jamais céder aux mauvais instincts qui peuvent pourtant si facilement et si communément prendre place dans pratiquement n’importe quel coeur brisé par un disparition dans de telles circonstances.

Antoine Leiris a conscience que la haine ne lui sera d’aucune utilité et ne lui ramènera pas sa femme. Il prend donc le parti de la vie, du simple mépris à l’égard de ses bourreaux dont il plaint la petitesse.

À ne pas parler d’eux, à ne pas les flatter de sa haine, il fait preuve d’une force imparable, celle qui consiste à ne pas entrer dans leur jeu et ne pas ajouter de la haine à la haine, pour demeurer à jamais, au-delà du malheur et de la perte de l’être irremplaçable, un homme libre.

Pour ceux qui liront ce récit, et partageront une toute petite part du chagrin de cet homme, je vous laisse apprécier ce passage particulièrement fort où Antoine Leiris, las de devoir toujours exprimer sa douleur aux yeux de tous, choisit lors de l’enterrement, de prendre la parole au nom de son fils, trop petit pour s’exprimer et même simplement être présent. Il lit une lettre imaginaire, telle qu’aurait pu l’écrire ce petit bonhomme en parlant de sa mère et de ce qu’il vit depuis qu’elle n’est plus là. À vous arracher toutes les larmes de votre corps.

Je n’ajouterai rien de plus. Place au silence et respect profond à l’humanité d’un tel homme.
Et surtout, qu’il parvienne à faire perdurer cette force vitale exemplaire pour poursuivre sa vie de la meilleure manière, tout en parvenant à transmettre ce message de philosophie et d’espoir au plus grand nombre.

  • Antoine Leiris, Vous n’aurez pas ma haine, Fayard, mars 2016, 144 pages. Lien Amazon

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  • respect pour la force morale de ce père de famille ; perso , si j’avais dus passer par une telle épreuve , je ne suis pas sure que j’aurai réagi de la même façon ; et pourtant il a raison , la haine ne lui rendra pas sa femme ;

    • En quoi c’est une force morale que de n’avoir pas de haine???? Padamalgam, les petites bougies, les embrassades, je suis Paris, je suis Charlie et puis gnan gnan.

      • Non, c’est une question de santé mentale: votre haine vous abîme vous-même et vous gâche la vie, pas du tout ceux à qui elle s’adresse: ils ne sont même pas au courant et c’est d’ailleurs bien le but qu’ils recherchaient!

      • La haine est un sentiment, contrairement à la reflexion. Pour controler ces sentiments il faut une force morale, car dans ces cas, il est plus facile de faire exploser sa haine et chercher des coupables que de réfléchir et ne pas chercher a accuser tout le monde, tout un banc de la société (reflexe naturel). C’est précisément la définition de « force morale » arriver a controler ses sentiments pour ne laisser que la reflexion apaisée agir, et je ne dis pas que j’en serais capable, mais voila.

        Quand a votre padamalgam et le reste du couplet, il est pitoyablement utilisé, on parle d’un père de famille qui a vu sa famille se faire assasiné lachement…
        Sur le fond, je ne vois pas le rapport entre ce que vous dites et ce que ce père aurait pu dire (je n’ai pas lu son livre), il n’y a aucun rapport entre l’un et l’autre, si ce n’est le contraire. Je vous rappel que les « je suis Charlie » pensent précisément comme vous « les terorristes sont méchants, nous on est gentil, on est les plus fort », y’a t’il plus bisounours que çà ? le « padamalgam » je ne vous l’ai pas vu sortir quand certains ont dit que les pretres sont tous des pédophiles et que certains ont dit « padamalgam » en gros…. et le « gnan gnan » désolé cette phrase phylosophique est réservé a Finkelkrault, il a meme du la déposer, vu qu’il l’a sorti a NuitParTerre.

    • Je ne suis pas sûr que ce soit sa réaction spontanée immédiate: il a certainement connu l’angoisse, d’abord, puis a eu la certitude, puis une saine révolte et une colère bien compréhensible puis le regard de son fils qui lui a dit toute sa responsabilité, désormais, et la toxicité de lui communiquer ces sentiments de révolte, de colère et de haine à ce fils qui est certainement aussi victime que lui.

      Mais ces sentiments pourtant justifiés, se retournent toujours contre celui qui les vis et c’est là que courageusement, il a décidé de continuer à vivre, par responsabilité vis à vis de son fils et sans se faire plus de mal qu’on lui a déjà fait. Lucidement, la colère, le ressentiment, la rancune et la révolte lui auraient plus de mal qu’à ceux qui les ont provoqués, au contraire, c’est bien le résultat qu’ils espéraient! Dès lors pour son fils et pour lui-même, mieux vaut ne pas subir en plus le mal qu’on se fait à soi-même. Il y a mieux à faire: s’attacher à son fils devenu sa raison de vivre et fils qui ne peut compter que pour lui: il est probable que la relation qui va unir ces 2-là sera d’une force peu commune!

      Il est vrai que ce genre de réaction est peu commune, elle est pourtant à la fois lucide et protectrice: c’est ce paradoxe qui n’est pas facile à franchir tant la souffrance vous pousse dans l’autre direction. En partageant son expérience, il ne se sera pas faire plaisir et pourtant ce livre peut être une aide précieuse pour les autres victimes « collatérales ».

      Dans tous les cas, chapeau bas!

  • Tout cela est bien dit, mais on ne peut pas pardonner à quelqu’un qui ne reconnaît pas sa faute. Je n’ai pas lu le livre en question, et s’il est en effet plus intelligent de ne pas se laisser envahir par la haine et le ressentiment, émotions négatives qui lui seraient aussi préjudiciables à lui qu’aux autres, j’estime qu’on ne doit pas s’en tenir à ce petit couplet humaniste, qui est en fait la position chrétienne incomprise de celui qui tend l’autre joue. Il faut, aussi, dire le mal que cela fait, dire le mal que c’est de tuer ainsi, il faut dire le mal tout court, et demander justice, et ne laisser aucun criminel s’imaginer qu’il va s’en sortir comme ça avec une déclaration de non-haine.

    • Il faut reconnaitre que c’est bien Fr.Hollande qui avait dit AVANT, qu’il était en guerre contre l’ « état » islamique et qui a envoyé des rafales pour les bombarder.

      La Belgique fait également partie de la coalition et a donc été aussi visée (même si les attentats de Bruxelles étaient d’abord destinés à Paris mais comme les terroristes étaient en partie identifiés, ils ont renoncer à voyager).

      Ces assassins ne respectent évidemment pas les lois internationales de la guerre mais frappent là où ça fait mal en augmentant, si possible, la discorde entre musulmans et autres Français.

      Il n’y a rien à pardonner Rien à changer non plus dans le mode de vie des Parisiens ou des Bruxellois: tout changement, comme tout « amalgame » serait pour eux une victoire non méritée après ce geste ignoble ne visant que des civils. (Et n’oublions jamais que des musulmans paient un tribu encore bien plus lourd que le nôtre (voir les attentats en Turquie, par exemple): histoire politique utilisant la religion mais visant surtout le pouvoir sur la Syrie, comme toute guerre dite « de religion », c’est toujours le bon prétexte pour acquérir plus de pouvoir!)

  • Je vous invite à lire l’article de Philippe psy, intitulé « les surhumains », en contrepoint à celui-ci (et qui j’espère sera publié ici). La logique développée m’y paraît beaucoup plus saine que celle de ces victimes des derniers actes terroristes, tel ce belge amputé d’une jambe suite à l’explosion du métro qui appelle à ne pas faire d’amalgame.

    • Tout juste… Les étapes du deuil n’ont pas été passées à vitesse grand V, le deuil n’a tout simplement pas démarré. Attendons quelque mois que le soufflé soit retombé.

      Pour donner envie aux lecteurs de lire le blog de Philippe Psy :

      « C’est la résilience exprès ! Ce sont les étapes du deuil de Kubler-Ross franchies en un temps record ; un contre la montre ahurissant qui voit tous les chronos tomber. Déni, colère, marchandage, dépression et acceptation sont traversées à la vitesse de la lumière. Hier je marchais, aujourd’hui je perds mes jambes et alors ? La vie est belle, je suis en vie et c’est le principal ! Et puis j’ai entendu dire que la C-leg d’Ottobock, le grand prothésiste allemand était une vraie merveille ! J’ai hâte de l’essayer ! »

      http://psychotherapeute.blogspot.fr/

      • @ sam player

        J’ai lu le blog de Ph.Roy. Par contre je n’ai pas lu le livre d’A.Leiris.

        Je comprends la réaction du psychothérapeute mais il dit lui-même qu’il s’énerve quand il égare ses clés: ce n’est pas la réaction de tout le monde non plus et cette réaction ne l’aide sans doute pas à les retrouver: si il les a égaré, c’est qu’il ne les a pas laissées à l’endroit habituel mais, énervé, je parie qu’il ira 2 ou 3 fois regarder cet endroit habituel: il est bien plus sage de réfléchir calmement sur ce qu’il a fait, depuis la dernière fois qu’il les a eues en main: là, il risque fort de les retrouver dans un endroit inhabituel! Il se sera aussi épargné le stress de l’énervement inutile: c’est tout bénéfice pour lui.

        A.Leiris a certainement passé une phase d’émotions diverses: angoisse, révolte, désir de vengeance, chagrin aigu, colère. Mais d’une part, il n’a pas compté sur un psy pour résoudre tout ça: il a remplacé sa psychothérapie par l’écriture de son livre, ce qui est une auto-thérapie connue surtout en se relisant le lendemain et en se corrigeant: c’est une bonne façon de reprendre le contrôle de ce chaos émotionnel.

        D’autre part, il n’est pas douteux que son très jeune fils l’a influencé: au lieu de lui communiquer son trouble émotionnel, il a dû comprendre qu’il devait maintenant le chérir, l’entourer, le rasséréner, et le distraire, si possible.

        Je suis sûr qu’A.Leiris ne se prend pas pour un « surhomme » mais il a dû ressentir, au ralenti, ce qui motive les « héros » qui n’hésitent pas, par exemple, de se jeter à l’eau pour sauver quelqu’un en train de se noyer: ces « héros » n’ont pas le temps de réfléchir: c’est « instinctif » ou réflexe par éducation ou par conditionnement professionnel, par exemple. Les « héros » sont d’ailleurs souvent étonnés d’être honorés, tant cela leur a paru naturel et « la seule chose à faire ».

        Il existe maintenant toute une littérature, des coachs, des cours … pour diminuer l’impact des sentiments envahissants avant d’être submergé. des apprentissages existent aussi dans la psychologie corporelle et comportementale officielle: ce sont des outils efficaces qui peuvent être répétés sans dommage et peuvent éviter un traitement médicamenteux dont, si il est efficace, il est parfois angoissant et difficile de se passer.

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