#NuitDebout : révolution sur les réseaux sociaux

C’est sur Facebook, Periscope, Twitter, que Nuit Debout se consolide. Aperçu sur de nouvelles pratiques militantes.

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I like Facebook (Crédits : Charis Tsevis, licence CC BY-NC-ND 2.0)

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#NuitDebout : révolution sur les réseaux sociaux

Publié le 14 avril 2016
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Par Farid Gueham.
Un article de Trop Libre

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Avant de battre le pavé, c’est sur les réseaux sociaux que le collectif « Nuit Debout » s’est structuré, dans le sillage de la lutte contre le projet de loi Travail. Sur Facebook, Periscope, Twitter, le mouvement se consolide : la semaine dernière, 80 000 personnes suivaient la manifestation sur Périscope. Un nouveau souffle pour une mobilisation que l’on pensait déjà sur la fin.

Les militants décident alors que le mois de mars jouera les prolongations avec des « 32, 33, et 34 mars » qui ne sont pas sans rappeler le calendrier révolutionnaire. L’autre force des réseaux sociaux, c’est de diffuser la contestation, de l’étendre à l’ensemble du territoire national. 4.000 personnes se sont réunies Place de la République le 31 mars.

À ceux qui regrettent le manque de lisibilité dans cette multitude de revendications, les manifestants répondent que, plutôt que de rester dans une posture d’attente, ils veulent participer, être des sources d’inspiration, d’idées, d’expériences, de savoirs et de savoir-faire. Un mouvement sur lequel les nouveaux indignés veulent garder la main.

Un format audacieux, se faire entendre dans la nuit.

La paternité du mouvement est le plus souvent attribuée à François Ruffin, l’auteur du documentaire « Merci Patron », rapidement soutenu par des syndicalistes, des intermittents, des militants qui tablaient alors sur une manifestation choc et unique, une nuit rouge pour marquer les esprits et les médias.

Devant un succès inattendu, la nuit Rouge est devenue la Nuit debout, pour rassembler davantage, pour transcender les couleurs politiques aussi. C’est à ce moment là que le mouvement part à la conquête des réseaux sociaux.

Lancement des comptes Twitter et Facebook et couverture sur Periscope.

La semaine du 4 avril, les comptes Facebook et Twitter comptabilisent respectivement 27 000 abonnés et 15 000 followers. Puis il y a ces témoignages sur le vif, d’internautes qui couvrent la manifestation en direct, comme Rémy Buisine, un community manager de 25 ans dont les lives sur Periscope rencontrent un succès immédiat : le 3 avril, son live a été suivi par 81.005 personnes et 385.000 personnes en cumulé, au fil des 5 heures de direct.

Le live sur periscope, c’est en quelque sorte un reportage qui s’adapterait aux remarques et aux suggestions des internautes, à travers un « tchat » publié sur l’écran. Des interviews de militants, des panoramas ou des focus sur les revendications. La vidéo est largement reprise sur les réseaux sociaux. Pour les manifestants, les vidéos de Rémy Buisine ont amené des vues, mais la réciproque est tout aussi fondée.

Les réseaux sociaux permettent de diffuser le mouvement au-delà de la capitale.

Avec presque 50 villes déjà mobilisées, le mouvement souhaite s’étendre en Europe, en Espagne, en Belgique et en Allemagne. Une cartographie interactive permet d’ailleurs de suivre l’expansion du mouvement.

Une nouvelle agora, faite d’assemblées de rue dont certains rêvent qu’elles rivaliseront avec les célèbres réunions de la Puerta del Sol à Madrid. Certains indignés ont d’ailleurs fait le voyage depuis l’Espagne, pour partager leur vécu, leur organisation. Un mouvement c’est aussi une sémantique et les indignés mettent un point d’honneur à ce que la mobilisation ne soit en aucun cas teintée d’un caractère belliqueux.

Et derrière le mouvement sur le terrain, la communauté internet est une véritable ressource, un moteur. Les directives, les rassemblements sont pour l’essentiel lancés en ligne et les comptes Twitter des antennes locales se multiplient. Un éveil social par les réseaux sociaux. Depuis le début du mouvement le #nuitdebout a été posté près de 270 000 fois. Un mouvement que l’on peut mettre en parallèle avec les veilleurs qui s’opposaient à la loi Taubira.

On retrouve donc les  « nuit debout » un peu partout, à Strasbourg, à Toulouse sur la place du capitole, à Rouen où le mouvement a déjà sa page Facebook, à Berlin, on caricature le premier tweet de la Loi travail. La place de la République s’anime avec un mouvement social mais surtout avec des débats, des assemblées populaires, autour de la Loi travail mais pas seulement. Une vraie volonté de prise de pouvoir citoyen, pour rénover les valeurs de la République et de la démocratie.

Rassemblés par la volonté de faire de la politique autrement, hier soir, ils étaient un million. La loi El Khomri est en fait un prétexte, fer de lance d’un raz le bol général. Un mouvement qui prend de l’ampleur et se propage, à Strasbourg et à Lyon.

Les réseaux sociaux sont aussi le signe d’une détermination et d’une liberté : celle de faire vivre le débat coûte que coûte.

Pour Gaël Brustier, docteur en Sciences Politiques, le mouvement s’appuie énormément sur des applications du type Telegram, ou Periscope. Mais il y a aussi une véritable organisation sur le « décider ensemble », « C’est un mouvement qui a une très haute vision de la démocratie, mais qui parallèlement se fait une piètre idée des institutions françaises telles qu’on les connaît aujourd’hui.

Cela va au-delà de la loi El Khomri, ce sont des gens qui mettent la démocratie au cœur de tout, et qui contestent notre modèle productif, et vous avez dedans une vaste gamme d’idées. Si on veut parler du débat central au cœur de ce mouvement, ça pourrait être de changer le monde sans prendre le pouvoir » affirme-t-il. Le rapport au pouvoir des manifestants est dégradé. Prendre de la distance avec le pouvoir, les institutions et le monde politique est en fait un gage de crédibilité.

Un mouvement sorti de nulle part ?

Pas si sûr. Gaël Brustier rappelle qu’en sciences sociales et en sciences politiques en particulier, la spontanéité pure n’existe pas. Ce mouvement est donc le produit de luttes intellectuelles, de combats sociaux, de militants de l’éducation populaire, mais également d’une jeunesse qui n’est pas forcément rodée au militantisme. « Et c’est là que le mouvement transcende la somme des petits groupes qui l’organisent à sa base » précise le politiste.

Quant au risque de récupération politique, il est mineur : les groupes qui composent le mouvement sont pour la majorité d’entre eux, anti-politiques. Le cofondateur du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon aurait même déclaré « je ne veux pas récupérer le mouvement mais je serai très fier que le mouvement me récupère »Mais du côté des manifestants, la prise de distance des politiques au sens large est plus qu’actée.

Enfin, la jeunesse des « intellos précaires », sur-diplômée, déclassée a de plus en plus de mal à se positionner à gauche ou à l’extrême gauche. Il y a donc peu de chance pour que le mouvement se transforme en parti politique. En Espagne, le parti Podemos n’est pas né des indignés, mais il a trouvé sa place dans le sillon du mouvement, pour apporter des réponses aux revendications du mouvement. En revanche, il n’est pas exclu que de nouveaux partis émergent si la mobilisation perdure.

Les lives de Rémy Buisine : première vitrine du mouvement.  

Au fil des nuits consécutives de mobilisation, les manifestants ont trouvé un relais important sur Periscope. Au plus fort de l’audience, 80.000 personnes ont suivi les événements sur le compte de Rémy Buisine, un community manager de 25 ans, qui diffuse, chaque jour, plusieurs heures de direct. Dimanche dernier, il a filmé pendant près de 4 heures et rassemblé 80.000 internautes.

« Quand je commence un live, j’ai déjà mon idée en tête. Elle consiste à montrer tout ce qui se passe au cœur de l’événement. J’adapte ensuite les vidéos selon ce qu’on me demande par tchat», explique-t-il. Dans ses posts, Rémy Buisine commente, observe, échange avec les manifestants.

Témoin privilégié au cœur des manifestations, il est fréquemment interpellé par les internautes. Des questions, des messages d’encouragement, des insultes aussi. Periscope est plus vivant que les médias classiques, moins confortable aussi. Cette information sans filtre séduit les internautes : les directs de Rémy Buisine ont connu un tel succès jusqu’au blocage de la diffusion avec 385.000 personnes en cumulé qui ont regardé le direct. En Grande-Bretagne, le succès le plus important sur Périscope a réuni près de 540.000 personnes en cumulé.

Des réseaux sociaux à une véritable chaine youtube « TV debout ».

Florent est co-créateur de la chaine Youtube du mouvement Nuit Debout « tv debout » c’est une chaine pensée par Clément et moi. On s’est connu via internet dans la nuit de dimanche à lundi. Et, lundi midi, nous avons décidé de prendre la voiture, notre matériel, et de venir ici sur place, à Paris, pour créer notre chaîne de TV, pour faire en sorte que tout ce que nous faisons ici puisse être vu un peu partout. Nous sommes branchés sur le groupe électrogène de l’AG du mouvement.

Pour le son, nous avons l’aide de nos amis de la « Radio debout ». Une chaîne faite de bouts de ficelles mais qui fonctionne. Une évolution pour le moins inattendue, puisque le mouvement «Nuit Debout» développé à la marge, se lance dans une opération de retour aux médias traditionnels avec sa chaîne youtube et une radio. À l’origine de l’initiative « Radio Debout », des journalistes de France Culture et de France Inter, Alex et Bastien. Un peu de matériel, un ordinateur portable, Ils ont une clé 4G pour streamer en direct, des micros, une table de mixage et le tour est joué.

Du spontané, du bricolage, comme à l’origine du mouvement et pour l’instant, la magie opère. Pour Stéphane Sirot, historien et sociologue du syndicalisme à l’université de Cergy-Pontoise, les réseaux sociaux supplantent les organisations structurées dans l’opposition à la loi El Khomri. « Avant, les syndicats organisaient les mobilisations (…) au-delà de la jeunesse, ces pratiques nouvelles ont un impact majeur sur les syndicats traditionnels de travailleurs, peu connectés.

Ceux-ci vont devoir modifier leurs pratiques. Ils vont tenir compte de ce qu’expriment ces réseaux, de la manière dont les gens veulent être associés à la construction de ces mouvements de contestation » précise l’universitaire. Un nouveau mode de militantisme, un nouveau rythme aussi. Dérives possibles : celle d’une surenchère de la violence de l’image, répétée et martelée à l’infinie. Cette même image qui vient remplir et combler le vide du message, des revendications affaiblies.

Pour aller plus loin :

– « Pétition, réseaux sociaux, Nuit Debout : la contestation contre la loi Travail est-elle d’un genre nouveau ? », Metro News.

– « Nuit debout tisse sa toile sur le web », France Tv Info.

– « Nuit Debout sur Internet : les liens, les adresses », Reporterre.net

– «#NuitDebout : comment Periscope participe au succès du mouvement », Metro News.

Sur le web

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  • De nouveaux mouvements se manifestent actuellement dans les médias:

    —Un nouveau mouvement vient de naître les « allongés la nuit »….Parait il qu’ils sont des millions à se coucher tous les soirs pour manifester silencieusement.

    —Un autre les « Debout dans le RER tôt le matin »….Parait ils qu’ils occupent les trains de banlieue et les quais de gare RER par milliers tous les jours.

    —Un autre, les « Accroupi dans les WC », ont décidé de faire chier cette vil société.

    • Excellent !
      Pour ma part, je ne suis pas certain que ce qui sorte de ce mouvement ne soit pas justement la conservation des privilèges de certains (intermittents et autres…)

  • Il ne suffit pas de fédérer des mécontentements pour faire un projet positif et cohérent. Beaucoup de mouvements d’extrême gauche se retrouvent dans ce mouvement dont on sait qu’ils sont tout sauf libéraux.

  • Mon prof de math en prépa nous a dit le premier jour de classe, en nous voyant sortir qui une calculette, qui une antique règle à calcul : « ce n’est pas l’outil qui fait le maçon ».
    Les médias numériques, aussi interactifs soient-ils, restent des outils. S’il n’y a pas de vraie matière derrière (ce qui est en parité le cas chez nuideboutistes), il n’en sort pas grand-chose. AMHA!

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