Changements sur APB : l’orientation post-bac encore pire pour les éleves

Sous couvert d’aide aux élèves, le gouvernement a renforcé la carte scolaire universitaire, pour la plus grande perte des élèves eux-mêmes.

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Changements sur APB : l’orientation post-bac encore pire pour les éleves

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 10 mars 2016
- A +

Par Jean-Baptiste Noé.

université credits marc gélinas (licence creative commons)
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Les Terminales et anciens lycéens connaissent bien le système APB (Admission Post-bac), gigantesque usine à gaz qui centralise les inscriptions dans le supérieur pour un grand nombre d’établissements.

Cette année, quelques nouveautés ont été intégrées, qui renforcent la coercition et la contrainte.

Première nouveauté : l’obligation de s’inscrire dans une licence libre. On comprend la bonne volonté qui sous-tend cette mesure qui est d’éviter que des Terminales se retrouvent sans affectation lors du premier tour APB et attendent avec angoisse le tour 3 qui a lieu mi-juillet. L’idée est louable, sauf que tous les Terminales sont obligés de déposer un dossier dans une licence dite libre (marquée en vert dans le portail), y compris des Terminales qui ne veulent pas s’y rendre. On comprend dès lors le problème de ce système : si ces licences sont libres, c’est qu’il y a, à peu de choses près, autant de demandes que de places. Si on oblige tous les Terminales à s’y inscrire, il y aura forcément beaucoup plus de demandes que de places. Bien sûr, la plupart n’iront pas dans ces filières, mais si, dans le lot, des Terminales ne pensant pas y aller sont contraints de s’y inscrire parce qu’ils n’ont pas trouvé de place ailleurs, alors ces licences seront engorgées. Bel effet du socialisme universitaire.

Deuxième nouveauté : lorsqu’un Terminale choisit une licence dans une discipline tendue (c’est-à-dire là où il y a beaucoup de demandes), il est obligatoire de s’inscrire dans toutes les licences proposées pour cette discipline, par toutes les universités de son académie ou de sa région. Prenons un cas que j’ai à traiter : un élève veut s’inscrire en droit à Nanterre, il habite dans les Yvelines, à 30 mn de cette université. Il est obligé de déposer aussi un dossier à Créteil, Marne-la-Vallée, Melun et Évry, pour des temps de transport qui, de porte-à-porte, avoisinent parfois les 2 heures. C’est ce que l’on appelle le choix groupé. Obligé donc de déposer des dossiers dans des universités dont le niveau scolaire et l’organisation laissent parfois grandement à désirer.

Dans sa grande mansuétude, le gouvernement a prévu d’attribuer des bourses pour permettre aux étudiants de payer le transport ou les frais d’hébergement causés par l’affectation contrainte dans un établissement. Il est vrai que l’État peut se permettre des dépenses supplémentaires

Mais il y a pire. Cet élève, originaire d’Aix-en-Provence, souhaite déposer un dossier d’inscription dans l’université de droit de cette ville. S’il n’est pas pris à côté de son domicile parental, il pourra ainsi loger chez un oncle, ce qui permet de substantielles économies.

Les années passées, il aurait pu agencer ses vœux ainsi :

  • Choix 1 : Paris-Ouest Nanterre
  • Choix 2 : Aix-en-Provence
  • Choix 3 : Paris 1

Avec le choix groupé, son dossier passe en priorité dans tous les établissements de l’Académie ou de la région (ici, l’Ile-de-France). Les dossiers déposés dans les autres académies passent après tous les autres. Donc, le dossier déposé à Aix viendra forcément après ceux déposés de façon contrainte à Évry ou Melun.

Il n’y a donc plus de liberté d’inscription universitaire. Sous couvert d’aide aux élèves, le gouvernement a renforcé la carte scolaire universitaire. Plutôt que de manifester contre la réforme du Code du travail, c’est contre cela que les apparatchiks de l’Unef auraient dû se lever.

Conséquences de la bureaucratisation de l’orientation scolaire

Plus que jamais, c’est le copinage et le réseau qui triomphent. Dans l’exemple donné ci-dessus (fictif pour respecter l’anonymat des personnes, mais qui pourrait être réel) cet élève pourra toujours aller au secrétariat de l’université d’Aix pour valider son inscription en dehors d’APB. S’il connaît bien la secrétaire ou le directeur de l’université, cela facilitera les choses. Tant pis pour les autres, qui n’ont ni réseau ni accès aux copains. Une carte au PS ou à l’Unef pourrait être d’un grand secours.

Les établissements privés qui y sont auraient grand intérêt à quitter le système APB. Il ne leur apporte rien, et les contraint inutilement.

Plus que jamais, vivement la liberté scolaire !

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  • Pour un pouvoir socialiste les citoyens sont des pions qu’il convient de mettre à la place assignée. L’étape suivante est l’élaboration de plans de développement de l’économie pour lesquels il faudra remplir des fillières appropriées. Comme à la guerre de 14: un trou, un poilu!
    La liberté n’est plus de mise. Cet article en est nouvelle illustration.

  • C’est du grand n’importe quoi « à la française » alors que c’est inspiré du système britannique ( UCAS – University and colleges admissions service ) qui a bien des défaut aussi, mais qui fonctionne parce que
    1) il y a un outil efficace de recherche des cursus permettant de trouver les offres par rapport à la formation recherchée
    2) les universités ont le pouvoir de choisir à qui, parmi les postulants, elle font une offre de formation (sélection à l’entrée). L’étudiant conserve le dernier mot : accepter l’offre, ou pas.
    3) les frais de scolarité sont importants, ils représentent réellement une ressource pour les université et du coup il n’est pas de leur interêt de fonctionner sur un mode malthusien, et pour les étudiants c’est un investissement conséquent qu’ils prennent au sérieux (même si ils ont droit à système de prêt public pas mal foutu).

  • Je ne connaissais pas ce système et encore moins ces nouveautés. Cela me laisse sans voix. Si j’avais été concerné par cette usine à fabriquer de la frustration, j’aurais effectivement été tenté par une action de force dans la rue. C’est d’une tristesse infinie.

  • Je ne saisis pas bien lse deux critiques émises contre la nouvelle version d’APB.

    – Obligation de choisir une filière libre (disons plutôt non sélective). Cela évite que des bacheliers trop surs d’eux ne s’inscrivent que dans des filières sélectives et, du fait d’un dossier un peu léger, se retrouvent sans aucune inscription à la rentrée. Je connais un tel cas : élève inscrit uniquement sur des classes prépas scientifiques, et qui, faut d’autre choix, est contraint de s’exiler en Suisse pour une prépa intégrée. Heureusement, les parents pouvaient payer…

    – Obligation de faire plusieurs voeux dans les filières tendues. Si j’ai bien suivi, rien n’empêche d’interclasser de tels voeux avec ceux d’autres filières, par exemple en 1-Droit à Nanterre, en 2-Sociologie à Aix en Pce, en 3-Droit à Toulouse, etc. Je ne comprends donc pas la critique, sauf à me dire que, le système se complexifiant, il faut que les jeunes et leurs parents se fassent conseiller pour remplir leurs voeux.

    Pour moi, ces changements à la marge dans le système ne procèdent d’aucune idéologie, mais ne sont que des correctifs afin d’éviter des situations difficiles pour des élèves (et les parents !) qui présument un peu trop des qualités de leurs dossiers pour des filières sélectives.

    • Si j’ai bien compris ce que dit l’onisep,
      http://www.onisep.fr/Choisir-mes-etudes/Au-lycee-au-CFA/La-procedure-Admission-Post-Bac/Admission-Post-Bac-tout-savoir-sur-la-procedure-2016/APB-2016-ce-qui-change-dans-la-procedure-admission-post-bac
      je ne vois pas comment vous pouvez interclasser parce que si vos préférences sont, par exemple,
      1-Droit à Valence
      2-Droit à Aix en Provence
      3-Droit à Grenoble
      (vous excluez totalement Droit à Chambery)
      Et bien le système vous impose de saisir
      1 -droit dans l’académie de Grenoble avec trois sous-voeux possible (classement obligatoire de tous les cursus correspondant) :
      1-a Valence
      1-b Grenoble
      1-c Chambéry
      2-Droit à Aix en Provence
      Ainsi, si le système vous impose de choisir votre 3ième choix avant votre second, et il vous propose un truc que vous ne voulez pas (Chambéry). Super …
      Si il vous trouve une place en droit à Chambery , dont vous ne voulez pas, vous n’avez plus qu’à refuser votre premier vœu et c’est mort non seulement pour Valence, mais aussi pour Grenoble (votre troisième vœu )…Et si il vous trouve une place à Grenoble (votre 3ieme choix mais classé en 1 par la nouvelle mouture), soit vous acceptez et votre second choix (Aix en Provence) n’est même pas examiné. soit vous refusez en espérant avoir Aix, mais vous ne pourrez plus y revenir si Aix vous est refusé
      Autrement dit le nouveau système
      * remonte systématiquement au niveau le plus élevé possible toutes les formations de même nature de l’académie, en passant par dessus tous vos autres choix
      * y compris en insérant des cursus donc vous n’avez aucune envie (Chambéry par exemple)

      De même, l’obligation de s’inscrire dans une filière « libre » ne résout rien : cette possibilité était déjà ouverte et fortement conseillée, à partir de là ceux qui ne le faisait pas savait ce qu’ils risquaient, et ils savaient aussi pourquoi : les filière libres ne les intéressent tout simplement pas. En clair votre gugusse partira encore pour la Suisse au lieu de choisir son dernier choix fait uniquement pour la forme.
      Le seul avantage, c’est que l’administration pourra se défausser « c’est pas moi m’sieur, c’est lui, il a demandé un truc et puis il en à pas voulu à la fin »

      • Et c’est franchement pas leur rendre service que de leur faire perdre quelques années de plus dans des « filières ouvertes ».

      • Je ne fais pas la même lecture que vous. Je comprends que dans le cas cité vous pourrez mettre en position quelconque droit à Valence, Grenoble et Chambery, le tout intercalé avec d’autres choix, afin de pouvoir pondérer comme souhaité des critères géographiques et des critères de choix de métier. La seule obligation serait alors de bien classer chacun de ces trois choix dans la liste. Il est vrai que l’intérêt est limité : obliger les candidats à faire le tour de manière exhaustive des formations à un certain métier dans leur région.
        Maintenant, si c’est vous qui avez raison et qu’en effet le choix du droit dans l’académie de Grenoble empêche d’interclasser autre chose entre les trois choix de Valence / Grenoble et Chambery, c’est en effet une très grave contrainte, notamment pour les parents modestes pour qui le critère géographique peut primer le critère du choix de métier.

    • « Pour moi, ces changements à la marge dans le système ne procèdent d’aucune idéologie, mais ne sont que des correctifs afin d’éviter des situations difficiles pour des élèves (et les parents !) qui présument un peu trop des qualités de leurs dossiers pour des filières sélectives. »

      Il faut supprimer ces filières sélectives ce qui mettra fin au problème et les situations « difficiles pour les élèves ». Vous ne trouvez pas ?
      Avec vos conneries il y a trop d’élèves qui n’ont pas le niveau pour faire des études supérieures. Démerdez vous.

      • Dans pratiquement tous les pays, on pratique le contraire : la sélection PARTOUT. Il vaut mieux dire en effet à des gens qui n’ont pas le niveau pour faire des études supérieures d’aller immédiatement faire autre chose. Et si on regarde ce qui se passe en Angleterre, Allemagne, Danemark, etc. on constate que ces jeunes recalés après le bac, le plus souvent, prennent quelques mois ou une année sabatique – y compris en voyageant ici ou là – pour digérer cet échec, réfléchir à des métiers possibles pour eux, et en final postuler à des formations courtes professionnalisantes. Chez nous il leur faut avoir tenté une, deux, trois, etc. premières années en fac, en testant quelques cursus, pour se rendre compte qu’ils ne peuvent pas y arriver. Même résultat me direz vous, sauf qu’ils ont perdu une, deux, trois années, sont aigris par le système, et finissent dans des « jobs » sans qualification, par exemple conducteur Uber…, alors qu’ils auraient pu devenir plombiers et gagner plus d’argent que certains de leurs condisciples passés par l’université voire des formations plus prestigieuses.

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