Vote FN en milieu rural : quels ressorts ?

Quel lien entre vote FN et isolement du monde rural ?

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Marine Le Pen à Sciences Po en 2012 (Crédits Rémi Noyon licence Creative Commons)

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Vote FN en milieu rural : quels ressorts ?

Publié le 3 mars 2016
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Selon une analyse IFOP de la carte électorale, le vote FN répond à des ressorts clairement identifiables et révélateurs de la vraie politique proposée par le parti de Marine Le Pen.

Marine Le Pen à Sciences Po en 2012 (Crédits Rémi Noyon licence Creative Commons)
Marine Le Pen à Sciences Po en 2012 (Crédits Rémi Noyon licence Creative Commons)

Le Front National enregistre élection après élection des performances élevées. Dans un climat de peur, elles conduisent à des tentatives de reconquête de l’électorat plus ou moins habiles et à de nombreuses analyses et commentaires médiatiques plus ou moins pertinents. Cette étude IFOP qui propose d’améliorer la compréhension du vote FN en s’intéressant à son caractère rural est donc bienvenue pour mieux appréhender les motivations de l’électorat.

De fait, l’étude commence par noter l’intérêt marqué du personnel politique, tous bords confondus, pour les zones créditant le FN des meilleurs scores. Ils ont donc localisé le problème. L’ont-ils compris ?

La distance aux centres urbains

Comme le montre l’exemple parisien ci-dessous, le vote FN est clairement fonction de la distance aux centres urbains. Les autres agglomérations sont elles-aussi plus ou moins concernées. L’étude explique que ce schéma est contraint par deux facteurs : le premier est la catégorie socio-professionnelle (les classes populaires vivent assez loin des centres urbains) et le second est la relation à l’immigration (on suppose donc, probablement fort justement, que les immigrés ou proches d’immigrés ne votent pas ou peu FN).

Sondage Fn monde rural

L’analyse de l’IFOP avance les problèmes de transport et la rareté des services de proximité, de même que la difficulté du retour à l’emploi pour expliquer ces scores élevés.

Prix de l’immobilier

Un autre exemple dans la région du Mans montre que le vote FN est anti-corrélé avec les prix de l’immobilier. Ces prix sont souvent eux-mêmes corrélés à l’accessibilité de la zone et on observe donc un vote FN plus important à distance des axes routiers principaux.

sondage Fn monde rural2

L’étude avance l’isolement et la paupérisation de la zone comme ressort du vote. La sensation d’isolement et de défaut d’accessibilité aux pôles d’activité contribuerait puissamment à la part de votants FN.

Services de proximité

L’absence et la disparition de services de proximité s’avère être un facteur supplémentaire de vote pour le FN. Les services cités dans l’étude sont : la boulangerie, la boucherie-charcuterie, l’épicerie, le café, le restaurant, le bureau de poste, le relais-poste chez un commerçant, la banque ou la caisse d’épargne, le médecin omnipraticien (généraliste) et la pharmacie. Sont présentés les scores du FN en fonction du nombre de ces services dans les communes de moins de 500 et de 500 à 1000 habitants.

Sondage Fn monde rural3

Même si les petites communes dotées de nombreux services affichent un score FN de base déjà élevé, l’anti-corrélation avec le nombre de services est très claire. Ce constat est confirmé par la répartition géographique nationale du vote FN, plus élevé dans les zones rurales du nord-est, dont les villages comptent moins de services que dans les autres régions, qu’en dégradé, dans les zones rurales du nord-ouest du pays, plus denses en services de proximité.

Quelle conclusion pour les politiques ?

Si l’étude présente des limitations non dissimulées, particulièrement concernant les effets cumulatifs des facteurs d’influence indiqués, il n’en reste pas moins qu’elle est riche d’enseignements pour le politique.

Le premier d’entre eux est que la France des campagnes est en décalage avec celle des villes. Elle perçoit probablement des nécessités plus urgentes et plus proches que la COP21, l’accueil des migrants, la construction européenne ou encore la dette grecque. Ces sujets qui focalisent l’attention des médias sont de nature à entretenir la sensation d’exclusion d’un microcosme cantonné dans les villes qui aurait les moyens de se soucier des autres. Dans ce contexte, le discours de Marine Le Pen ne peut qu’avoir de la portée. Il promet de prioriser la France et les Français, en particulier en milieu rural, et met en avant des valeurs pseudo-conservatrices, rappelant parfois la « vieille France » paysanne et ses villages alliant un certain dynamisme local et une qualité de vie indéniable. Il promet aussi beaucoup d’intervention étatique pour que tout le monde ait accès aux services et à l’emploi. Nul doute que pour combattre le vote FN, le reste de la classe politique montrera une imagination débordante sur ce plan. Certains, très à gauche, concurrenceront le FN sur la libre circulation des biens et des personnes, la création monétaire et le rejet de l’Europe. D’autres, plus modérés, à droite ou à gauche, promettront une Europe plus généreuse en subventions et moins pointilleuse sur les déficits comme solution à tous ces maux.

Qui proposera aux habitants de ces territoires abandonnés de réduire drastiquement les contraintes normatives et fiscales françaises afin de favoriser l’initiative individuelle économique et sociale ? Qui proposera de faire confiance aux populations pour s’organiser au mieux de leurs intérêts locaux ? Qui cessera de promettre que l’État peut tout, partout et en tout temps ? Qui combattra les arguments fallacieux de ce parti par des arguments plus valables qu’une diabolisation qui ne fonctionne manifestement plus ? Enfin, quel manque d’empathie peut bien animer la classe politique pour ne jamais proposer à ces habitants de créer eux-mêmes les conditions de leur bien-être ?

IFOP Focus, Département Opinion et Stratégies d’Entreprises, n°135, Mars 2016, L’influence de l’isolement et de l’absence de services et commerces de proximité sur le vote FN en milieu rural.

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Créer un compte Tous les commentaires (16)
  • Le problème des zones rurales c’est qu’elles subissent les règles de l’offre et de la demande : elles se vident et vieillissent. Dans le village de mes parents il y avait une boulangerie, une épicerie et un bar qui changeaient de main en même pas un an car pas rentables en raison d’un manque de clients, même des aides départementales n’auront pas suffit à garder la boulangerie à flot…Aujourd’hui il n’y a plus rien à 15km à la ronde.
    Peut on les sauver ? ça me paraît impossible, et la mort accélérée de la génération du baby boom rendra ça encore plus difficile.

    • « Peut on les sauver ? »

      Je pense qu’une libéralisation pourra les sauver si ces gens acceptent du changement. Les campagnes deviendront comme celles de certains états US. Il y aura de grandes exploitations agricoles, quelques industries et autres trucs qui prennent de la place, des lotissements et on pourra facilement accéder aux villes grâce à des 2×4 voies.

      La question c’est de savoir si ces gens veulent tenter de construire quelque-chose ou simplement que l’on entretienne un style de vie passé.

      • J’ai oublié l’exploitation du gaz de schiste qui semble aussi prometteuse pour certaines régions rurales.

      • sauf que les nouvelles lis rendent encore plus difficile toute construction et tout établissement loin des centres villes.
        l’objectif des politiques actuelles est de concentrer encore plus la population dans les villes , donc les zones rurales vont encore plus se vider.

        • Je suis d’accord avec vous, je parlais dans le cadre d’une libéralisation et d’une mise en place d’une politique de zonage non restrictif comme le propose Vincent Bénard.

          • Bien au contraire, sans tropisme idéologique, on comprend que le simple principe de l’offre et de la demande va vers une désertification des campagnes isolées.

  • C’est très relatif. Dans mon département du « Sud Heureux » par exemple, expression inventée par un journaliste sudiste pour décrire la bande côtière qui part du Perthus jusqu’à Menton, qui place le FN le plus souvent en première position, j’habite un village de moins de 5000 habitants près du chef lieu du département. Nous avons une zone commerciale, trois médecins, un kiné, un cabinet d’infirmière, deux coiffeuses, une toiletteuse de chiens, un tabac-presse et un tabac bistrot, une épicerie boucherie, une fleuriste, deux pizzerias et deux restaurants, une crèche, une petite école et une école primaire, et environ 40 associations culturelles et sportives. Le village d’à côte en a une bonne soixantaine, un autre qui est également station estivale près de 100, avec donc une vie associative intense pour le canton. On le voit bien lors du forum des associations qui a lieu début septembre et où elles cherchent à attirer de nouveaux membres en présentant leurs activités.

    Pour ma part, quand j’étais en activité, j’ai toujours vécu comme un « rurbain » par choix réfléchi, dans un village à proximité de la ville où je travaillais, que ce soit en Bretagne, en région Ile de France ou en Provence et je ne me suis jamais senti isolé bien au contraire. Il y a une vie dans les villages.
    Par contre, bien évidemment, je n’ai jamais connu de régions qui souffraient de dépopulation. Là où je suis retraité, dans le Roussillon, bien au contraire, la population s’accroit et la question n’est pas de conserver une ou des écoles mais de les agrandir.

    Question: pourquoi le Sud Heureux vote-t’il FN ?

    • « Question: pourquoi le Sud Heureux vote-t’il FN ? »

      Oui, mais c’est un peu hors sujet. L’IFOP ne s’intéresse qu’aux populations « malheureuses » et l’auteur vante l’alternative libérale.

      Bon. Quand Pompidou disait d’arrêter d’emm. les Français, était-il un libéral qui s’ignore ou un étatiste prudent ?

      • « Oui, mais c’est un peu hors sujet. L’IFOP ne s’intéresse qu’aux populations « malheureuses » et l’auteur vante l’alternative libérale. »

        Les sondeurs ont trouvé le fil à couper le beurre en évoquant les « populations périurbaines » isolées donc malheureuses » et qui votent FN pour cette raison. C’est idiot.
        J’ai vécu et travaillé quatorze ans en Région parisienne dans un pavillon situé dans un village de la Brie (Seine et Marne) soigneusement choisi, dans la vallée du grand et petit Morin tout près de Mickey que j’ai vu construire. Toutes sortes de commerces et de restaurants partout, dans le village et celui d’à-côté plus important, avec la SNCF à Esbly et le RER A à côté chez Mickey, l’autoroute A4 à proximité, alors parler d’isolement … Quand on parle des villages d’IdF peuplés de citadins qui ont voulu vivre « à la campagne »- la qualité de vie -, il faut préciser qu’ils ne sont pas isolés du tout. La petite et la grande Couronne sont bien desservis et les « isolés » exilés de Paris par choix s’entassent tous les matins dans les trains ou les RER pour se rendre au travail à moins qu’ils ne prennent leur voiture.
        Finalement, on vit très bien en « banlieue » sans avoir trop envie d’aller à Paname pour ses loisirs, d’autant qu’il y a déjà presque tout à proximité.

  • Bonjour

    C’est simple, les centres villes sont habités par des étudiants-bobos et des immigrés qui ne votent pas FN.

  • Trop d’état. Trop de normes à appliquer de gré ou surtout de force. Trop de charges.
    Comment demander à un commerçant de cocher la case sur un formulaire, chaque jour, pour montrer qu’il bien passé la serpillière sur son sol en bois brut ? Cela n’amène rien de positif.

    Forcément, les gens tentent de changer de crèmerie. C’est une punition. Et tant pis pour le pays.

  • La conclusion de cet article pourrait tout aussi bien porter sur les partis de gouvernements que l’extrême gauche (rouge ou verte) !
    A ce niveau d’analyse (le libéralisme et le peuple du bas), je ne vois pas la singularité du FN.

    • C’est tout à fait vrai, en fait quand on regarde avec détachement la vie politique française, on s’aperçoit que le PS, et aussi l’UMP, sont des partis populistes qui promettent et mentent pour se faire élire, pratiquent la désinformation et la corruption et n’obtiennent aucun résultat d’amélioration de la France. Ils sont complices et c’est parce que le FN risque de leur piquer une part du gâteau qu’ils se partagent depuis si longtemps qu’ils tentent de le diaboliser. De plus en plus d’électeurs se rendent compte qu’on va dans le mur, et le vote FN représente pour eux, tantôt un rejet viscéral de ceux qui ruinent la France et les Français, tantôt un pari risqué pour sortir d’une situation sans autre issue. Rien ne dit que le FN pourrait réussir, mais tout dit que l’UMPS va échouer.

  • Les zones rurales paient les memes charges et impots que les parisiens, mais ne bénéficient jamais des services publiques ou de l’État. Ils doivent se priver du nécessaire pour financer un État dispendieux qui ne se soucie jamais d’eux. Les politiques aussi les oublient, sauf lorsqu’il y a une election quelconque.

    • Exact, et toutes les communes de france cotisent pour le Grand Paris… parce que le métro… euh bah nan en fait !

  • On peut faire et publier toutes les études plus ou moins tordues pour démonter le phénomène et tenter de démontrer que le vote FN est à considérer comme extrémiste et dangereux pour la France, les citoyens ont fini par comprendre que1: la droite comme la gauche françaises qui se sont succédé mènent depuis quarante ans le pays à la ruine , à la perte de ses valeurs et de son identité culturelle , et maintenant à l’ affrontement et 2:qu’on leur ment en permanence sur tous les sujets en cachant ou contrefaisant les véritables motivations et enjeux des décisions prises par les oligarches de l’ Élysée et de Bruxelles. Plus aucune confiance, plus aucun crédit à leur donner.

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