Les pays nordiques ferment leur porte

Le gouvernement suédois, qui rassemble les sociaux-démocrates et les Verts, a opté pour la voie de la fermeté et du repli.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Stockholm Suède CC flickr Let Ideas Compete

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Les pays nordiques ferment leur porte

Publié le 10 février 2016
- A +

Par Corinne Deloy.
Un article de Trop Libre

Stockholm Suède CC flickr Let Ideas Compete
Stockholm Suède CC flickr Let Ideas Compete

Le 29 janvier dernier, des dizaines d’hommes masqués ont agressé des immigrés – ou plus précisément des personnes qu’ils pensaient être étrangères – dans le centre de Stockholm.

Au cours des derniers mois, plusieurs centres d’accueil de réfugiés ont été incendiés à travers la Suède. Enfin, il y a peu, on a appris que 36 plaintes pour agressions sexuelles avaient été déposées à l’encontre de personnes étrangères en août 2015 lors du festival de rock We are Sthlm et que les autorités avaient décidé de ne pas communiquer sur ces faits, une décision exceptionnelle qui va à l’encontre de la transparence suédoise.

 

Que se passe t-il donc dans le royaume scandinave ?

Il possède une tradition d’accueil des réfugiés politiques qui date des années 1970.

L’immigration (de travail) est un phénomène récent en Suède même si Stockholm a accueilli dans le passé de nombreux immigrés en provenance de Turquie ou du Pakistan.

Les Suédois se considèrent comme ouverts et tolérants et leur pays, dont 20 % des résidents sont d’origine étrangère, est très généreux avec les personnes qu’il accueille. Un réfugié reçoit en effet 6700 couronnes (670 euros) par mois et bénéficie d’un permis de résidence permanent (seuls des permis temporaires sont délivrés par les pays voisins). Les réfugiés sont autorisés à travailler dès qu’ils obtiennent le droit d’asile alors qu’ils doivent patienter un an après son obtention au Danemark et en Norvège. Enfin, ils peuvent choisir leur lieu de résidence tandis que celui-ci est soumis à l’agrément des autorités dans les pays voisins.

Le concept de Folkhemmet (littéralement, la maison du peuple), État-providence créé par les conservateurs dans une Suède rurale et communautaire, qui a montré sa forte capacité de résistance lors des dernières crises économiques des années 1970, 1990 et de la fin des années 2000, est aujourd’hui à la peine.

L’Organisation pour la coopération et le développement en Europe (OCDE) a révélé en 2014 que la Suède était le pays développé dans lequel les inégalités avaient le plus augmenté au cours des 25 dernières années : le coefficient de Gini a cru de 25 % en une génération.

 

De la solidarité au contrôle des frontières

Conscient des problèmes que traverse le pays et du mécontentement d’une partie de l’opinion publique, le gouvernement suédois, qui rassemble les sociaux-démocrates et les Verts, a opté pour la voie de la fermeté et du repli.

Le 17 décembre dernier, le Riksdag, Parlement suédois, a voté (par 179 voix contre 39) en faveur du rétablissement du contrôle de la frontière entre la Suède et le Danemark, mettant fin à 60 ans de libre circulation entre les deux pays.

Le 12 novembre, Stockholm avait déjà rétabli le contrôle de la frontière passant au milieu de l’Øresund, pont de huit kilomètres de long reliant la Suède au Danemark (Malmö à Copenhague), et pour tous les ferries en provenance des ports danois et allemands de la Baltique. Ce contrôle était cependant appliqué de façon aléatoire.

Plus de 15 000 personnes utilisent chaque jour l’Øresund, principalement pour se rendre de la Suède vers le Danemark, le taux de chômage atteignant 15 % à Malmö. Les conducteurs des trains et des autocars doivent désormais vérifier les identités de tous les voyageurs avant l’embarquement sous peine de se voir infliger une amende de 50 000 couronnes suédoises (5400 euros) par contrevenant.

En septembre 2015, le Premier ministre social-démocrate Stefan Löfven affirmait :

« Mon Europe accueille les réfugiés qui fuient la guerre, elle n’érige pas de murs ».

Deux mois plus tard, au bord des larmes, il annonçait des mesures restrictives à l’égard des personnes cherchant asile en Suède, dont la restriction de la possibilité de regroupement familial et la fin du permis de séjour permanent.

Le ministre de la Justice et de l’Immigration Morgan Johansson (SD) a déclaré le 6 janvier dernier :

« L’année dernière, en 2015, nous avons reçu 163 000 demandeurs d’asile (81 000 en 2014), le plus grand nombre que notre pays ait jamais connu. C’est le double de notre précédent record. Sur les quatre derniers mois, 115 000 demandeurs d’asile sont arrivés en Suède. Parmi eux, il y avait 26 000 enfants et mineurs non accompagnés, soit 1000 salles de classe ».

Le royaume scandinave est en effet le pays européen qui reçoit le plus grand nombre de demandes proportionnellement à sa population.

Le gouvernement a annoncé qu’il souhaitait diviser le nombre de réfugiés accueillis par dix en 2016.

 

L’effet domino

Dès l’annonce par Stockholm de sa décision de fermer sa frontière avec Copenhague, le Danemark a fermé sa frontière avec l’Allemagne.

Le Parlement danois a également voté 34 propositions qui durcissent la politique d’asile dans le pays : prolongement, de un an à trois ans, du délai nécessaire à un demandeur d’asile pour demander le regroupement familial, réduction de moitié (de 10 849 couronnes danoises – 1454 euros – à 5945 couronnes – 797 euros) de l’allocation d’intégration versée aux réfugiés, confiscation d’une partie des liquidités et des biens détenus par les demandeurs d’asile arrivant dans le pays (d’une valeur supérieure à 10 000 couronnes danoises, soit 1340 euros) pour couvrir le coût de leur accueil. Les demandeurs d’asile sont néanmoins autorisés à conserver leur alliance et tout autre objet à valeur sentimentale.

Ces mesures ont été soutenues par l’ensemble des partis politiques représentés au Parlement danois.

Durant la campagne des élections législatives qui ont eu lieu le 18 juin dernier, le Premier ministre Lars Lokke Rasmussen (Parti libéral, V) avait promis à ses compatriotes de diminuer le ralentissement du flux de réfugiés (20 000 personnes en 2015). À la tête d’un gouvernement minoritaire, le dirigeant du Parti libéral est dépendant du soutien de la formation populiste du Parti du peuple (DF), qui l’a devancé lors du scrutin.

Le soutien des sociaux-démocrates aux mesures proposées par le chef du gouvernement ne doit pas surprendre. Le parti de gauche a considérablement durci son discours sur l’immigration au cours des quatre dernières années, période où il était aux commandes du royaume. La politique restrictive mise en place à l’égard des réfugiés au Danemark a d’ailleurs en partie empêché l’ancienne chef du gouvernement Helle Thorning-Schmidt (SD) d’obtenir en novembre dernier le poste de Haut Commissaire aux réfugiés.

La Finlande, qui a reçu 31 000 personnes en 2015, soit dix fois plus que les années précédentes, a également durci sa politique d’accueil des réfugiés.

Jorma Vuorio, directeur général du Département des migrations dans le pays, a indiqué :

« Nous ne leur disons pas de ne pas venir, mais nous leur disons que la Finlande n’est pas le paradis. »

Enfin, la Norvège a également réduit les aides qu’elle accorde aux réfugiés (- 20 %).

 

« C’était plus facile quand l’Europe existait encore »

« C’était plus facile quand l’Europe existait encore » ironisait un voyageur en partance pour Bruxelles il y a quelques semaines à Paris.

En effet, en l’absence de politique européenne de l’asile, chaque État membre de l’Union prend ses propres mesures pour gérer la question des réfugiés. Aujourd’hui, sept des vingt-six membres que compte l’espace Schengen (France, Slovénie, Autriche, Danemark, Allemagne, Suède et Norvège) ont rétabli les contrôles à leurs frontières. Fin janvier, l’Autriche a achevé la construction d’une barrière de quatre mètres de haut et 3,7 kilomètres de long à sa frontière avec la Slovénie, le premier mur à être installé entre deux pays membres de l’espace Schengen.

L’exception devient la règle et la libre circulation au sein de l’espace Schengen est menacée. Le 26 janvier dernier, la Commission a annoncé qu’elle pourrait suspendre la convention de Schengen durant deux ans.

Le 19 janvier dernier, le président du Conseil européen Donald Tusk a mis en garde :

« Il ne nous reste plus que deux mois pour sauver Schengen. »

« De six à huit semaines »a confirmé Mark Rutte, Premier ministre néerlandais dont le pays assure la présidence de l’Union européenne jusqu’en juillet prochain.

Au total, Bruxelles s’est engagé en septembre dernier à relocaliser 160 000 personnes au sein de ses 28 États membres. Ce chiffre représente moins d’un quart des 700 000 personnes venues d’Asie, d’Afrique ou du Moyen-Orient et entrées en Europe en 2015 selon l’Office des migrations internationales.

À ce jour, seules 272 personnes ont été relocalisées, dont 43 en France, et 4237 places ont été rendues disponibles dans dix-sept États membres.

Lire sur Contrepoints notre dossier spécial Crise des migrants

Sur le web

 

Voir les commentaires (17)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (17)
  • Ils me font bien rire avec la relocalisation des réfugiés. Comme si celui qui a tout quitté en Afrique du Nord pour rejoindre la Suède, la France ou l’Allemagne avait envie qu’on le « relocalise » en Pologne (p. ex.). Combien de temps va-t-il rester en Pologne avant de revenir, illégalement et clandestinement, en Suède ou en Allemagne ? Si on parle de libre circulation, on laisse circuler. Ou on ferme tout et la libre circulation ne s’applique qu’aux européens (de papier).

    • De toutes façons une foi que ces gens quittent leur pays, qu’ils sont déracinés, c’est trop tard. Ces gens passeront les prochaines décennies à chercher à s’installer dans un pays meilleur. Dès qu’ils ont passé plusieurs mois en Turquie c’est déjà trop tard, ces gens ont abandonné l’idée de retrouver leur vie d’avant. Et ça ne fait que commencer…

  • tant que l’on n’aura pas solutionner les problêmes de ces pays en guerre , rien n’avancera ; les occidentaux , ou plutôt leur dirigeants sont allés mettre le boxon dans ces pays mais certainement pas pour raisons humanitaires , tout le monde le sait ; maintenant on paye l’addition et ce n’est qu’un début ;

    • Remercie Poutine et Bachar, ils nous amènent les prochaines vagues 😉

      • Allez savoir pourquoi, l’Europe et la Turquie abriteront bientôt la majorité des syriens mais on a pas notre mot à dire sur le dossier. Apparemment au moins 40 000 et au maximum 600 000 vont venir en Turquie à cause de la bataille d’Alep. Comme la Turquie est submergé et que ces gens ne veulent pas y rester, une partie significative partira pour l’Europe.

        La Syrie sera encore en état de guerre pour longtemps et même après ce sera une société totalitaire avec des checkpoints à tout les coins de rues, ces gens seront encore légalement des réfugiés pour très longtemps. Si on essait tout de même de les expulser vers la Syrie, alors on aura juste une explosion de gens sans papier dont on aura aucune idée de l’identité.

        J’ai peur que cette guerre soit entrain de créer un nouveau peuple de semi-nomades, des gens qui pendant des années ne voudront pas revenir sur leurs pas mais n’arriveront pas à la destination vers laquelle ils souhaitent aller.

        En tous cas d’ici 10 ou 15 ans ont aura de formidables livres sur la guerre civile syrienne dans toutes les langues européennes.

      • On ne remercie pas assez les olibrius néoconservateurs américains d’avoir mis le bazar dans la région et soutenu les terroristes modérés (ils egorgent mais avec modération: pas plus de deux chrétiens ou trois kurdes par jour…)
        En plus ils s’en vantent ouvertement !
        Bon pour ça il faudrait avoir lu autre chose que le journal de Mickey, hein ! Par exemple le « grand échiquier » de Brzezinski ou « project for the american century ». Tout y est expliqué sans détours. Seuls les niais et cuistres se bornent au manichéisme otanesque porté par leurs valets de pied : Scooterman 1er et l’homme du sang contaminé …

    • « les occidentaux , ou plutôt leur dirigeants sont allés mettre le boxon dans ces pays »

      @marie : Disons plutôt que c’était déjà le boxon dans ces pays du tiers-monde, et que les dirigeants occidentaux sont venus ajouter encore plus de bordel.

      Vous avez raison de dire que ce que nous occidentaux considérons comme des « aides » fournis par nos dirigeants aux peuples du tiers-monde (exemple : « aides » visant au renversement des dictateurs comme Kadhafi) ces « aides » ne sont en réalité qu’une forme d’asservissement des peuples du tiers-monde mais également des contribuables occidentaux.

      Du coup les peuples du tiers-monde ne pourront jamais être réellement indépendants et se développer normalement tant que nous occidentaux nous ne nous débarrasserons pas de nos propres dirigeants antilibéraux qui prétendent constamment leur venir en « aide. »

      C’est triste à dire mais le mieux qu’on puisse faire pour aider les pays du tiers-monde c’est de ne pas les « aider ».

  • Inspiez vous de l’Australie au lieu de favoriser l’extreme droite messieurs damles les politiciens…

  • Quelle horreur ce repli sur soi des vikings…..Ah mais au fait peut être un petit début d’explication:
    La Suède est maintenant à la deuxième place sur la liste mondiale des pays au taux de viol le plus élevé. Selon une enquête de 2010, la Suède, avec 53,2 viols pour 100 000 habitants, n’est surpassée que par le minuscule Lesotho, situé en Afrique australe, qui a quant à lui un taux de 91,6 viols pour 100 000 habitants.

    Comment se fait-il alors, qu’en 2008, le voisin de la Suède, le Danemark, n’avait qu’un taux de 7,3 viols pour 100 000 habitants comparativement à celui de la Suède qui était quant à lui de 53,2 viols pour 100 000 habitants? La législation danoise n’est pourtant pas très différente de celle de la Suède.

    Depuis 2000, il n’y a eu qu’un seul rapport de recherche sur la criminalité des immigrés en Suède. Il a été réalisé en 2006 par Ann-Christine Hjelm de l’Université de Karlstads (Suède). Il est apparu qu’en 2002, 85% des personnes condamnées à au moins deux ans de prison pour viol dans le Svea hovrätt, une Cour d’appel suédoise, étaient nés à l’étranger ou étaient des immigrés de deuxième génération.

    En cas de viol collectif, coupables et victimes sont le plus souvent jeunes et dans presque tous les cas, les auteurs sont issus de l’immigration, la plupart d’entre eux sont originaires de pays musulmans.

    Dans un nombre incroyable de cas, les tribunaux suédois ont montrés de la sympathie pour les violeurs et ont acquittés les suspects qui affirmaient que la jeune fille voulait avoir des relations sexuelles avec six, sept ou huit hommes à la fois….

    • LOL
      Les vikings préférait affronter, sur leurs coquilles de noix sans pont, la mer, le froid et l’humidité qui vous gèle jusqu’au os même à la bonne saison, que leur bonne femme à la maison. Vu comme ils étaient « tendres », c’est dire comment était madame…
      Apparemment la suédoise d’aujourd’hui a un problème : elle s’est habitué à son mâle qui accepte qu’on lui interdise de pisser debout, du coup elle a perdu la main.
      La sélection naturelle ne se peut abolir, pas plus que la gravité. La suite s’annonce rigolote : la suédoise et le syrien vont-ils s’entendre, ou s’affronter ? Et dans ce cas, qui va gagner?

  • Les socialistes qui ont construit le modèle suédois sont tellement sur de leur supériorité qu’ils s’imaginent pouvoir intégrer des millions de réfugiés musulmans. Ces types sont fous.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

J’ai déjà dit, ici et ailleurs, que la meilleure politique du logement que vous puissiez imaginer consiste à laisser des ménages relativement aisés — ou même riches — se faire construire des logements neufs. Je remets le sujet sur la table parce qu’une étude sur des données suédoises apporte non seulement une énième confirmation mais démontre surtout que les effets de ce type de politiques sur les conditions de logement des plus modestes d’entre nous sont beaucoup plus rapides que ce que je pensais. En l’occurrence, cette étude porte sur l’in... Poursuivre la lecture

Si l’Iowa et le New Hampshire représentent vraiment l’opinion du Parti républicain, alors l’immigration sera le sujet des électeurs en novembre. Et avec la bataille constitutionnelle qui se pointe au Texas, les dialogues de sourds et les attaques fuseront de toute part pour les dix prochains mois.

En effet, las de voir autant « d’illégaux » traverser la frontière au Texas, le gouverneur Greg Abbott a décidé de la fermer à Eagle Pass (sud-ouest de San Antonio) depuis le 10 janvier. Il a utilisé la garde nationale pour installer des barb... Poursuivre la lecture

L’INSEE vient de publier un bilan démographique pour l’année 2023 qui met en évidence un affaissement de la natalité française. Selon des sources concordantes, celle-ci n’est plus guère soutenue que par la fécondité des femmes immigrées. Ce qui laisse entrevoir à terme une diminution de l’effectif global de la population, et une nouvelle configuration de sa composition ethnique et culturelle.

Faut-il s’en inquiéter ? Pour la plupart de nos concitoyens, cette question n’a pas de conséquence directe et immédiate, encore moins pour les re... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles