Revenu universel ou impôt négatif ?

Au moment où le Haut-Rhin conditionne le versement du RSA à quelques heures de bénévolat, quelles pistes peuvent être envisagées pour rationaliser la fiscalité ?

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David Goehring-Money (CC BY 2.0)

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Revenu universel ou impôt négatif ?

Publié le 7 février 2016
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Par Nicolas Beyls

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David Goehring-Money (CC BY 2.0)

 

Le revenu universel est aujourd’hui une utopie très en vogue.

En Europe, le gouvernement finlandais va prochainement expérimenter ce dispositif. Il a fait même l’objet d’une conférence, organisée par le think tank Génération Libre ce jeudi 4 février. Mais cette révolution sociale n’est pas une idée neuve en France !

Lionel Stoléru a popularisé dès 1974 l’impôt négatif dans son ouvrage Vaincre la pauvreté dans les pays riches. Diplômé de Stanford, il a importé des États-Unis cette déclinaison libérale du revenu universel. Cette mesure a d’abord été développée par Milton Friedman dans Capitalisme et liberté en 1962. Lionel Stoléru a étudié ce dispositif lors d’un séjour d’étude à Washington, puis l’a soumis sans succès à Valéry Giscard d’Estaing, dont il était le conseiller économique.

L’auteur estime d’abord que le système français de protection sociale n’a pas été conçu pour lutter contre la pauvreté. La redistribution ne se fait pas des ménages riches vers les plus pauvres mais des célibataires vers les familles nombreuses. Certains peuvent alors tomber rapidement dans la pauvreté du fait de l’absence de filet de sécurité universel. Le système social français, décrit comme une « superposition de régimes catégoriels » (p. 93), multiplie les « trappes à pauvreté » dans lesquelles il est facile de chuter.

Lionel Stoléru propose une solution extrêmement séduisante, l’impôt négatif. Il se démarque d’une solution qu’il juge « trop simpliste » (p. 120), le revenu minimum garanti. Celui-ci compléterait les revenus jusqu’à un seuil prédéterminé (par exemple 450 euros). Au-delà, les revenus resteraient inchangés. Mais ce dispositif n’incite pas à l’activité car en dessous de ce seuil, tout gain personnel réduit l’aide d’un montant égal à ce gain. Au contraire, l’impôt négatif garantit le fait que le travail soit plus rémunérateur que l’assistance. En effet, l’allocation versée baisserait moins vite que la progression des revenus du travail. Cette allocation disparaîtrait au-delà d’un seuil de sortie du dispositif.

L’impôt négatif est transparent et simple à mettre en oeuvre. L’allocation d’un bénéficiaire serait calculée sur la base de ses ressources réelles et non de son revenu fiscal net, ce qui supprimerait les niches fiscales. Le système socio-fiscal serait grandement simplifié car l’impôt négatif serait intégré à l’impôt sur le revenu. Pour limiter la fraude, paiements et versements seraient réalisés à la source.

Les préconisations de Lionel Stoléru sont assez proches de celles du think tank Génération Libre dans son rapport sur l’impôt négatif publié en 2014. Marc de Basquiat et Gaspard Koenig notent ainsi que l’impôt négatif permettrait de réaliser d’importantes économies de gestion car il unifierait le système socio-fiscal et supprimerait de nombreux mécanismes de transfert, comme certains impôts (CSG et IRPP) et certaines prestations non-contributives (RSA, prime pour l’emploi, allocations familiales).

Mais il manque une volonté politique. Une telle rationalisation ferait un grand perdant, l’administration, qui n’est pas prête à renoncer à la complexité du système socio-fiscal !

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  • Ou simplement « prime à l’oisiveté »?

    • Non mais franchement, c’est comme si on donnait 1 centime à un SDF dans la rue… C’est n’importe quoi ! C’est pas avec 67 euros de plus de votre RSA que vous allez survivre ! Des méthodes Soviétique ou Nazisme ! Un emploi pour tous, oui je veux bien avec le SMIC ! Du bénévolat… ça va servir à quoi dans votre porte monnaie ? Rien ! Pourquoi la majorité des français sont pour les allocations chômage degressive ? Parce qu’il y a eu des fraudes de la part de pas mal de gens… Résultat, c’est tout le monde qui prend… C’est comme une punition collective à l’école, celui qui ne se dénonce pas, c’est toute la classe qui prend ! On en est là ! Mais franchement la majorité des français sont pour ? Les chômeurs aussi sont pour parmi la majorité des français ? A moins que ce sont des gens qui ne se sont jamais confrontés au chômage… On supprimera le RSA aussi tant qu’on y ait ! Si il y a un emploi pour tous, pas de souci pour le supprimer ! Mais vous savez qu’il y a des personnes qui touche le SMIC sans rien faire aussi ? Je dis ça parce que pas mal de gens disent que les chômeurs qui touchent le rsa ou les alloc chômage sont des fraudeurs ou des feignants. Lui c’est un député qui gagne 6000 euros par mois sans rien foutre !

      • Il y a un emploi pour tous, justement.
        Mais le SMIC, le RSA, les charges et règlements sociaux empêchent bon nombre de trouver cet emploi. Et bien évidement tous n’auront pas un emploi payé 4000€ par mois, ça dépend bien sûr de la productivité de chacun. Et de sa mobilité, si l’emploi convenable se trouve à Concarneau quand on est au départ à Nîmes, il faut bouger.

  • Economies de gestion ? Evidemment non, puisque les fonctionnaires sont indéboulonnables, même quand ils sont totalement inutiles, et que leur nombre est en constante augmentation.

  • Quelle est donc cette propagande en faveur de ce revenu universel? Tous les jours nous avons maintenant un article ventant les mérites de cette mesure totalement communiste. Oui car cette mesure est en rien libérale, et complètement communiste.
    Pour avoir côtoyé ses défenseurs, leur véritable objectif est de libérer les bons citoyens de la dictature du travail, qu’ils puissent s’épanouir sans se soucier de l’argent, ne plus avoir à travailler pour vivre, mais profiter pleinement.
    Une utopie égalitariste contraire aux valeurs libérales, ni plus ni moins.

    • Tout le contraire du communisme!,Encore quelqu’un qui n’a pas tout lu ou rien compris,ce sont que des liberaux en grande partie qui defendent cette idée,voir wikipédia(Madelin,De Villepin,et maintenant Lefebrve),Le plein emploi,les 30 glorieuses et l’ère post-industrielle pour tous est terminé!,Metier du numérique,robotisation,economie de partage…

    • La valeur travail est un des fondements marxistes. Pour les libéraux, c’est uniquement l’échange, le marché qui crée la valeur.

      • oh ? uniquement l’échange et le marché?

      • C’est faux. S’il est vrai que Marx parlait beaucoup du travail, ce qui l’intéressait était la condition des travailleurs et les inégalités des « prolétaires » face aux « capitalistes ». Ainsi le plus grand rêve de Marx était de créer une société où le travail n’existait plus, une dictature des prolétaires.

        • La dictature des prolétaires n’est pas une société où les hommes ne travaillent plus, mais où il n’existe plus de division du travail. Pour Marx, le travail est la nature humaine, c’est ce qui le rend différent des animaux.

          « Notre point de départ c’est le travail sous une forme qui appartient exclusivement à l’homme.  »

          L’utopie de Marx n’est pas un monde sans travail, mais un monde où la seule valeur reconnue est le travail et que ce travail et ses résultats soient également répartis : que chacun produise et obtienne de façon égale.

          • Il est vrai que j’ai été un peu vite en besogne. La société idéale de Marx est celle que vous décrivez, où les travailleurs ont une répartition égale des capitaux, où la richesse ne s’obtient plus par le travail, mais de manière innée et également répartie. Cependant, selon moi en tout cas, ce rêve tendrait à faire de cette société un monde où le travail n’existerait plus.
            En tout cas, dans la vision de Marx, le travail n’a pas la même valeur que dans la vision des libéraux (car oui le travail est bien une valeur pour les libéraux). Selon le premier le travail ne doit pas crée la richesse des individus, celle-ci devant être répartie de manière égale entre tous (par un Etat collectiviste a priori).
            Pour les seconds la richesse des individus se crée uniquement par le travail, plaçant ainsi un lien très fort entre le travail, la propriété privée et le capital. Ainsi pour les libéraux des inégalités entre les individus n’est pas un problème en soi.

            • Ok, je comprend la confusion.

              Pour les libéraux, le travail est une propriété. C’est même la base de la propriété : tout fruit du travail est par nature propriété du travailleur.

              Mais cela ne veut absolument pas dire que le travail soit la source de la valeur, ni que le travail ou la propriété aient une valeur intrinsèque.

              C’est le marxisme qui entretient cette confusion et qui a « créé » le capitalisme en liant travail valeur et propriété dans cet artifice qu’est le capital.

              Pour le libéralisme, propriété et valeur sont absolument et totalement dissociés, ce qui n’est pas le cas pour le Marxisme et toutes les variations socialistes qui suivent.

              Le principe ici est très proche de la laïcité : la travail est humain, privé, comme la propriété, ce qui définit deux valeurs distinctes : la valeur personnelle (ce que l’on valorise, que l’on aime, qui est une liberté d’opinion) et la valeur publique qui se définit uniquement dans l’échange, le marché. Il n’y a donc aucune valeur travail ou matérielle, mais uniquement des valeurs spirituelles, psychologiques diraient on maintenant.

              C’est ce fondement moral qui fonde le libéralisme économique et que ses opposants réfutent et c’est pour cela qu’ils légitiment l’Etat interventionnistes en utilisant ce sophisme comme quoi seul le fruit du travail ou du capital aurait de la valeur, d’où l’immoralité du capital, etc… Et qui font tout un discours sur l’immoralité du libéralisme, alors qu’ils ne respectent pas la liberté de définir la valeur comme on l’entend.

  • La langue française est vraiment formidable: en politique, le mot « vol organisé » peut être remplacé par « contribution », « revenu universel », « impôt négatif », « justice sociale » ou encore « solidarité ».

    Bref appelons un chat un chat, cela consiste juste à donner 100 à l’État pour nous en redonner 70% (au lieu de 50%: c’est la fameuse économie de gestion).

    L’idée fait son chemin car il est bien plus facile de faire quelques mesurettes sans importance plutôt que des réformes structurelles: TVA pour financer l’État (justice, armée, diplomatie), impôt unique pour financer les communes (routes…), code du travail en 3 pages.

    On peut rêver…

  • D’un point de vue comptable, j’aimerais bien voir comment marcherait cet impôt négatif ? Ça reste quand même de la redistribution verticale même si on tend à simplifier et uniformiser le système.
    Ça revient toujours à prendre X, redistribuer Y, nous coûtant Z de charges.

  • J’ai eu Stoléru comme prof, et il ne m’a pas laissé le souvenir d’un grand libéral ni d’un grand rationalisateur. Pire, il ne m’a jamais paru exprimer l’avarice de l’argent du contribuable qui devrait être la première caractéristique de celui qui conseille les puissants.

  • L’impôt négatif est déjà pratiqué depuis plusieurs années en Belgique, mais ne semble pas avoir simplifié grand chose.

    • Les Etats aux USA qui ont instauré l’EITC on vu des effets sur l’emploi et sur la délinquance, mais le contexte est complétement différent. En effet si l’impôt négatif s’ajoute aux systèmes, ca ne sert pas à grand chose.

    • Ou avez-vous un impot negatif en Belgique?
      Il y a bien une quotite exemptee d’impot (tranche a 0%) qui varie avec le revenu.
      Mais si on regarde la courbe revenu net vs revenu brut, on voit qu’on a une etroite tranche, environ au salaire minimum, ou le taux marginal est > 60% (de memoire). Car la quotite exemptee diminue quand le salaire augmente.
      Bel exemple de « simplicite » qui complique les calculs.

  • L’impôt négatif est un des plus vieux éléments libéraux, qui provient de Locke avant Friedman.

    Le principe est que la société ne peut pas garantir un parfait état de nature, un monde parfaitement libéral.

    Donc afin de compenser cela et de permettre aux citoyens un gain positif à vivre en société versus à vivre en autarcie, il faut un mécanisme, afin de permettre la liberté, la propriété, la sécurité etc…

    Et cet impôt doit aller dans les deux sens, de la société vers les individus les plus impactés, ceux qui subissent le plus le poids de la société et des individus qui en tirent le plus de profit vers la société.

    Cela a du sens uniquement si la société n’est pas cannibalisée par l’Etat et par la démocratie, parce qu’alors l’impôt devient un instrument de pouvoir politique, de clientélisme au service des politiciens.

  • #allocspourtous = mort de la dignité humaine

    Un peu d’estime de soi messieurs dames, qui veut mendier des allocs du berceau au tombeau ?

    • Djilas ou Voslensky disait que le communisme était le meilleur système pour vivre aux frais des autres. La preuve par Flamby, Ségolène, mélenchiasse et les autres.

  • L’impôt négatif porte un nouveau nom depuis le 1er janvier 2016 s’appelle la prime d’activité.

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