Comment la France veut nationaliser Internet

Les politiciens français de tous bords s’unissent pour tenter de nationaliser Internet. En le surveillant, en le censurant, en restreignant les contenus et les usages, ils s’appliquent à imposer des frontières à un réseau mondial – une affaire d’argent et de pouvoir.

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Comment la France veut nationaliser Internet

Publié le 23 janvier 2016
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Par Baptiste Créteur.

Des députés ont proposé qu’on ne parle plus d’Internet mais de l’Internet. Il faudrait aller plus loin et parler de l’Internet français : nos dirigeants sont lentement mais sûrement en train de nationaliser Internet, qu’ils jugent incompatible avec leur agenda économique et sécuritaire.

Rétablir des barrières économiques

logo AirBnB
logo AirBnB

Du point de vue économique, Internet fait tomber les barrières. En ouvrant le champ de la concurrence, il bénéficie au plus grand nombre – au détriment des acteurs établis et de l’État lui-même, qui n’entendent pas laisser avancer le progrès.

AirBnB ouvre l’hébergement de courte durée à la concurrence. UberPop et BlaBlaCar, le transport de personnes. Ils ne proposent pas ce service eux-mêmes : ils créent une plateforme, un marché où peuvent se rencontrer l’offre et la demande et où chacun d’entre nous peut être l’un, ou l’autre, et souvent les deux à la fois.

Tout le monde est content, sauf ceux dont les activités étaient protégées par des barrières à l’entrée. Les hôtels et les taxis, certes, mais pas seulement : l’État lui aussi a besoin de frontières pour exercer son pouvoir. Entre les intérêts des citoyens d’une part, et ceux des lobbies (tourisme, taxis, presse, culture…) et de l’État d’autre part, devinez lesquels seront les mieux défendus par nos politiciens ? Si Internet efface les frontières, l’État les rétablira coûte que coûte :

  • En interdisant purement et simplement certains services : hier Netflix, aujourd’hui UberPop et le coavionnage ;
  • En imposant ses conditions : une limite au nombre de nuitées, l’interdiction de la livraison gratuite de livres, des quotas de production française, l’interdiction de liens hypertexte et le filtrage automatique des contenus soumis au droit d’auteur ;
  • En rançonnant les acteurs : Google est ainsi obligé de financer la presse française.

Internet - Public Domain (pas d'attribution requise)Sur Internet, la souveraineté perdue de l’État n’est pas transférée aux géants du web : Internet donne plus de liberté aux citoyens, qui n’ont plus besoin d’une autorisation pour proposer leurs services ou d’un employeur pour exercer une activité. Ces bouleversements remettent profondément en cause un modèle social inadapté.

Et bien entendu, non content de restreindre l’usage d’Internet sur le territoire français, l’État veut sa part du gâteau. Internet est un réseau mondial ; un internaute français peut découvrir un livre via une publicité sur un forum allemand et l’acheter à un libraire anglais sur un site américain. Où ont été générés les revenus ? et les profits ? L’État a tranché : s’il y a une activité quelque part, il veut sa part.

Un contrôle parental étendu à l’ensemble de la population

Mais pour nationaliser Internet, contrôler les transactions ne suffit pas. Il faut tout contrôler. L’État s’est donc doté des moyens législatifs et opérationnels lui permettant :

  • de surveiller Internet, via une loi renseignement l’autorisant à surveiller le trafic de l’ensemble des Français ;
  • de censurer les contenus en ligne, en faisant porter la responsabilité des contenus par les hébergeurs et fournisseurs d’accès pour restreindre la liberté d’expression sur Internet autant qu’ailleurs.

Et parce qu’un contrôle parental étendu à l’ensemble de la population laisse encore à désirer, certains voudraient contrôler jusqu’aux outils que nous utilisons :

  • les systèmes d’exploitation, en développant un « système d’exploitation souverain » sur le modèle de la Corée du Nord (Redstar OS) ;
  • les services de messagerie, en imposant à leurs développeurs de créer volontairement des failles de sécurité que les États pourraient exploiter.

L’Internet mondial et l’Internet français

Internet Surveillance - Credits Mike Licht (CC BY 2.0)
Internet Surveillance – Credits Mike Licht (CC BY 2.0)

Internet permet aux individus d’interagir et de s’organiser librement, sans intermédiaire. Ce qui n’est pas du goût de l’État, qui entend demeurer incontournable – quitte à fermer la porte aux promesses d’un monde ouvert. Il y aura donc deux Internet : l’Internet mondial, et l’Internet français. Un village mondial, un village gaulois.

En dernière analyse, les efforts des politiciens français pour que l’Internet libre s’arrête aux frontières de la France ne révèlent pas que leur préférence systématique des intérêts des lobbies et de l’État à ceux des citoyens, ni jusqu’où ils sont prêts à aller pour garder le contrôle sur l’argent et le pouvoir. Ils montrent surtout à quel point nos dirigeants sont mal à l’aise avec la liberté et ce qu’elle implique : que chacun puisse choisir, et qu’ils ne choisissent pas pour tous les autres.

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  • « les systèmes d’exploitation, en développant un « système d’exploitation souverain » sur le modèle de la Corée du Nord (Redstar OS) ; »

    C’est le plus ridicule, qui va vouloir de ça ? Et surtout l’Etat va-t-il pouvoir développer un truc convenable ? J’en doute fortement.

    Quant à la volonté de nationaliser Internet ça ne marchera pas.

    • L’Etat n’est même pas capable de faire développer un logiciel de paie. Alors, franchement …

      De toute manière, on parle bien de capitalisme de connivence ici. Tout le monde sait qu’il n’y aura pas le début d’un logiciel mais tant que les copains peuvent s’en mettre plein les poches …

      • alors les développeurs ont bien fait un système de paie conforme aux spec mais les petits arrangements avec les primes et petits à côté des différentes agences, ministère, et autres, n’arrivais pas à rentrer dedans.
        donc faute de pouvoir faire ce que l’on veux avec il n’a pas été mis en place.
        je n’imagine même pas les économies réalisées si le logiciels avait été mis en place sur les spec de bases.

  • Excellent billet. La notion de Liberté est sans contexte étrangère à bon nombre de parasites qui encombrent le paysage politique. Je forme le voeu qu’ils perdent sur toute la ligne: leur projet chimérique et généralement d’une imbécilité crasse (exemple, l’interdiction des liens hypertextes. Aux Experts cette semaine, deux invités à l’annonce de ce « projet » se sont spontanément écriés: « Mais elles – les auteurs de cet amendement sont deux femmes ce qui conforte un jugement de Françoise Giroud sur l’avènement de l’égalité homme femme – n’ont rien d’autre à faire? ») et leur sinécure pour qu’ils soient confrontés enfin au monde réel.

    • « l’interdiction des liens hypertextes … »

      Bah ! Il leur a fallu une vingtaine d’années pour comprendre ce qu’est un lien hypertexte et en quoi il réduit à néant leurs petites combines entre amis.

      Comme dit plus haut par Agua : « même pas capable de faire développer un logiciel de paie ». Pour la bonne raison que pour faire développer, il faut spécifier ce qu’on veut de façon claire et précise à des niveaux de détails qu’ils ne maitriseront pas dans un siècle.

      Quant à développer un système d’exploitation … S’il faut former les membres du comité pour qu’ils comprennent les spécifications afin de pouvoir les discuter et les voter, on a un millénaire devant nous pour la phase de formation et encore 10 fois plus pour la phase de discussion. La technologie informatique se prête mal à la démocratie.

      • Pour faire court, Françoise Giroud a déclaré que les hommes et les femmes seront égaux le jour où la connerie des uns rejoindra celle des autres. Je crois que nous sommes rendus.

  • Des incapables payés par nos impots.

    Cela me rappelle de nombreux fumeux entretiens avec des – pseudos – directeurs informatiques de quelques administrations francaises bien pourvues, dont la principale compétence était de ne même pas savoir ce qu’est une Machine Virtuelle.

    Il en sont arriver qu’à une seule chose: un cryptage de bout en bout de tous les flux et l’émergence des dark net.

    Epic fail annoncé 🙂

  • « de surveiller Internet, via une loi renseignement l’autorisant à surveiller le trafic de l’ensemble des Français ».
    Ca s’appelle une intention mais heureusement pour nous, c’est tout simplement impossible.

  • Les idiots, ils ont vraiment aucune notion de ce que sont capable nos ados
    Je crois même pas capable de le penser.
    Bref qu’il croit en leur texte ,ils auront toujours 10 ans de retard.

  • A y regarder de plus près il n’y a que le FN qui a inscrit la liberté de circulation de l’information dans son programme !

  • ils aboient mais sont incapables de développer quoi que ce soit puisque depuis longtemps ils ne décident plus rien !
    quant à la Corée du Nord bravo ! ils ont plutôt intérêt à se protéger du point de vue informatique et autres ! avec 300 têtes nucléaires pointées sur eux depuis 60 ans !!!!!
    il ne faut pas confondre bâillonne son peuple (la France et autres dictatures capitalistes) et le protéger contre des ennemis qui ne jurent que de vous vitrifier (la Corée, Cuba, l’Iran, la Russie, la Chine, la Libye c’est fait !!!)

  • Les Etatistes de tout bord n’ont jamais eu de cesse de contrôler les citoyens par tous les moyens possibles et imaginables. Pour la seule raison qu’ils prennent les gens lambda pour des demeurés… Et donc qu’eux seuls sont à même de savoir ce qui est bon ou pas pour le « peuple ».
    Il ressort de cette analyse une volonté farouche de combattre tout ce qui pourrait détruire l’édifice étatique totipotent et donc la liberté en premier lieu !!!

  • Les commentaires sont fermés.

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