Éloge du blasphème (1)

Éloge du blasphème : de Thomas d’Aquin à Salman Rushdie, en passant par Jacques de Saint Victor, Alain Cabantous et Cesare Beccaria.

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Éloge du blasphème (1)

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 17 janvier 2016
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Par Thierry Guinhut

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Risible en définitive, le délit de blasphème, ce crime d’opinion à l’égard de fictions, paraissait ressortir à une Antiquité poussiéreuse et pittoresque, digne de lourds volumes d’histoire et de théologie.

Pourtant, on assiste bien à un tour de cochon : le « retour du blasphème », tel qu’Alain Cabantous l’ajoute en la conclusion de son essai, Histoire du blasphème en Occident, qui est une sorte de chapitre détaillé destiné à enrichir le bref essai de Jacques de Saint Victor, contant l’histoire d’un crime imaginaire. Hélas, le Moyen-Orient et le Maghreb, le nord-est de l’Afrique, jusqu’au Pakistan, en infiltrant le monde occidental, ramènent sur la scène de l’actualité le blasphème comme délit, crime, digne de l’opprobre et du châtiment, non seulement de la part d’une religion aux mœurs venus du VIIe siècle, mais pire peut-être de la pusillanimité de ce même Occident. Relisant Thomas d’Aquin et Salman Rushdie, en passant par Cesare Beccaria, faut-il plaider la cause du blasphème, en faire l’éloge ?

Emprunté au grec et au latin, blasphemia qui est une parole de mauvais augure (à Rome, seuls les dieux le punissent), le vocable désigne une « parole outrageant la divinité[1. Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, 1992, T II, p 230.] ». C’est injurier, calomnier, maudire, proférer des malédictions, user d’impiété, y compris par l’image. C’est frapper de profanation le Sacré, souiller l’hostie consacrée par exemple. Moïse, qui en délibéra avec Yahvé, annonce aux enfants d’Israël : « Tout homme qui maudit le poids de son Dieu portera le poids de son péché. Qui blasphème le nom de Yahvé devra mourir, toute la communauté le lapidera. Qu’il soit étranger ou citoyen, il mourra s’il blasphème le Nom.1 »

Notons qu’il y a des lustres que les enfants d’Israël ont abandonné une telle brutalité. Et que la parabole de la femme adultère, prononcée par le Christ, enterre la lapidation : « Que celui de vous qui est sans péché lui jette la première pierre ! […] Moi non plus, lui dit Jésus, je ne te condamne pas ; va, désormais ne pèche plus.2 ».

Pourtant, en 538, l’empereur Justinien décréta la peine de mort à l’encontre du blasphémateur, quoiqu’elle fût bien rarement appliquée, et « d’après les lois de Christian V de Danemark, promulguées en 1683, les blasphémateurs étaient décapités après avoir eu la langue coupée3 ».

L’idolâtre est également un sacrilège, ce qui ne manqua pas d’affleurer lors de la querelle byzantine de l’iconoclasme, au VIIIe et au IXe siècle. Comme l’idolâtre, le blasphémateur déclenche la colère et les foudres de l’orthodoxie religieuse, du fou de Dieu qui n’est jamais loin du Diable. Reste que le véritable athée ne s’intéresse guère au blasphème, dans la mesure où « le blasphème, en tant qu’il suppose la croyance en Dieu, est un hommage au Seigneur4 ». Rire de tout5, donc de Dieu et des dieux, est d’autant plus hilarant qu’il pisse avec aisance par-dessus la jambe du blasphème…

Il est cependant de bon ton de blasphémer contre la religion de l’autre, réputée impie, hérétique. C’est ce que fait Celse au IIe siècle lorsqu’il s’irrite de l’intolérance forcenée des zélotes du Christ persécutés dans l’Empire romain, et démonte par une belle argumentation leur fiction, leur culte et leurs prétentions : « y-a-t-il rien de plaisant comme d’entendre les juifs et les chrétiens attribuer à Dieu les mœurs et les manières d’un homme, que de les voir lui prêtant des paroles de colère, d’invective et de menace ? ». « Nul Dieu ni fils de Dieu n’est descendu ni ne descendra ici-bas ».

De plus il ne se prive pas de montrer tout ce que leurs préceptes doivent à Platon. Hélas son « essai de conciliation et appel à l’esprit de confraternité religieuse et patriotique de tous les chrétiens de bonne volonté6 » ne rencontra guère d’écho.

C’est ce que fait en toute bonne foi Dante, lorsqu’en sa Divine comédie il croise en Enfer le prophète Mahomet : « un damné / rompu depuis le menton jusqu’à l’endroit qui pète. / Entre ses jambes pendaient ses entrailles ; / le cœur et les autres viscères apparaissaient, et le triste sac / qui change en merde ce qu’on avale.7 »

Il serait alors de bonne guerre des mots qu’un écrivain musulman mette de même en son enfer le Christ, histoire de se taper entre auteurs édifiants une ou deux bosses (chameau ou dromadaire ?) de rire autour d’une tranche de… et d’un verre de …

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Un « crime imaginaire », contre un dieu imaginaire… Pourtant ce « péché de bouche » fut sanctionné jusqu’à son abolition officielle en 1791 par la France de la Révolution, suite à la liberté d’expression inscrite dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, mais aussi grâce au sort atroce du Chevalier de la Barre, défendu par Voltaire.

C’est cette histoire que Jacques de Saint Victor, le plus clairement du monde, établit en la concision de son essai. Il confirme que ce fut bien la « monarchie de droit divin » qui se chargea d’une « annexion du divin par le pouvoir royal », et qu’en dépit de la clémence papale et ecclésiastique, c’est le bras armé de la politique qui se rendit coupable de la répression brutale du blasphème.

Malgré l’embellie de la période révolutionnaire sur ce point, la Restauration puis le Second Empire profitèrent de la loi de 1819 quant à « l’outrage à la morale publique et religieuse ». S’il elle abandonnait le bûcher, il restait possible d’emprisonner et de punir d’amende un individu, un écrivain. Tels Eugène Sue, pour Les Mystères du peuple, Charles Baudelaire, pour Les Fleurs du mal, en 1857. On sait que la même année, Gustave Flaubert, pour Madame Bovary, échappa à la censure du même Procureur Pinard. Il fallut attendre 1879 pour qu’une loi libérale établisse définitivement la liberté de la presse, abolissant de fait toute trace pénale du blasphème.

Définitivement ? Malgré « le discours anticlérical, ouvertement blasphématoire », de la fin du XIXe et du début du XXe, les ennemis de la liberté aux visages changeants trouvèrent le moyen de pénaliser en 1972 « la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence », au moyen de la loi Pleven, introduisant de plus une dommageable confusion entre les paroles et les actes. Pire, les associations peuvent se pourvoir en justice : l’antiracisme, moralement justifié, devient alors censeur. Si le blasphème n’est plus apparemment convoqué, il reste à l’affut, au travers d’une discrimination à l’égard d’une religion. Même si la jurisprudence reste à peu près garante de la liberté de critiquer une religion, la notion d’injure aux croyants rôde. Heureusement Houellebecq, qui avait déclaré « L’Islam est la religion la plus con », fut relaxé à l’occasion d’une plainte d’associations musulmanes. De même Charlie Hebdo pour ses caricatures.

Hélas le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU adopte en 2009 une résolution visant à poursuivre la « diffamation des religions ».

C’est alors que Jacques Saint Victor montre avec justesse combien une certaine gauche voit le blasphème contre l’Islam comme une conjuration « néocoloniale » et « raciste ». Voilà qui « travestit la liberté d’expression en instrument d’oppression islamophobe ». Devant les coups de boutoir intimidants et meurtriers d’une religion obscurantiste qui vise à l’hégémonie, faut-il sonner (discrètement s’entend) le glas de la liberté d’expression, de critique, de blasphème enfin, ce « crime imaginaire » ? Ni retour à un ordre moral chrétien brutal, ni soumission à un prophète : ce doit être là une éthique à retrouver… Saluons en Jacques de Saint Victor un humaniste libéral, un héritier des Lumières, qui ne veut céder à aucune soumission, soutenant « qu’il doit être possible de critiquer sans réserve ».

9782226253859gMalgré l’érudition scrupuleuse d’Alain Cabantous, en son indispensable  Histoire du blasphème en Occident, XVIe-XIXe siècle, il est un peu dommage, au contraire de Jacques de Saint Victor, qu’il omette de consulter avec précision Thomas d’Aquin, philosophe et docteur de l’Église du XIIIe siècle.

Ce dernier qualifie le blasphème de « péché de malice caractérisée », ajoutant :

« Le blasphème que l’on profère de propos délibéré procède de l’orgueil de l’homme qui se dresse devant Dieu8». Même s’il s’agit de « l’intention de souiller [le] sacrement », l’Église peut être encline au pardon. En effet, « l’homme pécheur est capable de grâce9». Le droit canon ne médite alors aucune sanction contre le blasphème.

Hélas ni « le Temps de l’Église » ni « le Temps du Prince » n’ont assez entendu la clémence de Thomas d’Aquin. Alain Cabantous montre que pouvoir spirituel et pouvoir séculier sont la main dans la main pour punir ce « péché permanent », voire que le séculier a la main la plus lourde. Le blasphème est bien pour le pouvoir « cette immixtion intolérable du profane le plus vil à l’intérieur de l’espace sacré ». Il faut ensuite penser que le verbe étant Dieu, il ne peut être utilisé contre lui. Selon Jean Billot, au XVIIIe, c’est un « déicide » ! L’historien rappelle néanmoins que le premier blasphémateur est Jésus, qui se prétend fils de Dieu et compte siéger « à la droite du Tout-puissant », ce pourquoi il fut crucifié.

La chasse à la « parole infernale », selon Vincent de Paul, des XVIe au XVIIIe est ardente. On s’insurge contre l’omniprésence des jurons. Catholiques et protestants s’accusent réciproquement de blasphème, quand on va jusqu’à considérer de même la simple présence des communautés juives. On brula le Talmud à Rome en 1553, cinq Juifs furent pendus à Mantoue en 1603. Sous Louis XIII, on peut être condamné à mort pour requête à Belzébuth, donc pour activité de sorcellerie10.

Très active est l’Espagne de la reconquête, des conversions forcées, puis de l’Inquisition, quoique cette dernière ne tint compte du blasphème que pour une infime partie de ses procès… De plus « l’hérésie blasphématoire verse alors franchement dans l’athéisme et s’exprime surtout dans la culture écrite, libertine et souvent clandestine ». Spinoza étant évidemment visé.

Kierkegaard, quoique sans réclamer de poursuite, voit dans « L’abandon du christianisme », un motif de scandale : « les mots même du Christ […] il faut, surtout à nous chrétiens, sans répit nous les intimer, nous les réitérer, nous les redire à chacun particulièrement. Partout où on les tait, partout du moins ou l’exposé chrétien ne se pénètre point de leur pensée, le christianisme n’est que blasphème11».

Ce qui est certes le cas lorsque les ecclésiastiques agissent en dépit de la parole christique.

Mais la justice laïque en ce domaine supplanta bien vite celle ecclésiastique. Car plus violente, perçant la langue et les lèvres, elle se vit en revanche conseiller par le pape Clément IV « d’éviter d’infliger des peines corporelles ». Le XVIe siècle, temps des guerres de religions, est particulièrement vindicatif : pour ses « reniements et blasphèmes », Armand Carrière, à Tarbes, en 1518, est « condamné à avoir la langue tranchée, à être pendu, puis brûlé ». Car bientôt blasphème et lèse-majesté unissent leurs prérogatives. Quoique bientôt « la société du blasphème », suite à « l’effacement progressif de ce délit parmi les préoccupations du Saint-Office », aura raison de la tyrannie religieuse et politique au cours du siècle des Lumières… Seul le Chevalier de la Barre, en 1766, fut exécuté, moins pour n’avoir pas ôté son chapeau devant une procession, que pour avoir frappé, selon la rumeur, un crucifix à coup d’épée ; ce qui donna lieu à l’indignation de Voltaire.

Par ailleurs auteur d’une Histoire de la nuit, XVIIe– XVIIIe siècle12, notre historien nous présente un tableau édifiant, nombreux et très documenté du blasphème occidental.

Toutefois, si tatillon l’on est, pourrait-on lui reprocher un parcours un peu erratique, répétitif par endroits, et de proposer en conclusion de trop brèves incursions, quoique fort pertinentes, vers notre contemporain malmené par le blasphème : « Le retour du blasphème » et « Rire à en mourir ou l’autre retour du blasphème », sont des postfaces à cette réédition qui tiennent compte du « paroxysme vengeur, primitif et sanglant » contre les journalistes de Charlie Hebdo, contre des blogueurs saoudien et grec, Raif Badawi et Filippos Loïzos (pour une parodie d’un moine orthodoxe) diversement condamnés, tout en espérant beaucoup de la puissance libératrice du rire. Là il pointe la défaillance de l’État, lorsqu’il « renonce à octroyer au blasphémateur le rôle social qui était devenu le sien », quoique, notons-le, il doive prendre garde à ne pas imaginer un nouvel avatar du blasphème en sacralisant à l’excès le drapeau, la Marseillaise et la déesse Laïcité…

Nul doute que l’italien Beccaria fasse allusion au blasphème lorsqu’il dit :

« Je ne parle que des délits qui émanent de la nature humaine et du pacte social, non pas des péchés dont les peines, même temporelles, doivent être réglés par d’autres principes que ceux d’une philosophie limitée. »

C’est ainsi, en 1764, au siècle des Lumières, qu’il sépare la justice criminelle de la sphère religieuse, qu’il sépare les péchés et les crimes, préparant une réelle sécularisation du droit pénal. Il semble qu’à cet égard les principes de Beccaria en faveur de la laïcisation de la justice soient encore à atteindre, quand un État, le nôtre en l’occurrence, de par les filets de sa justice, croit encore recevables des plaintes pour diffamation religieuse (donc blasphème) et incitation à la haine d’une communauté, tant qu’il ne s’agit pas de prosélytisme explicite en faveur de la violence criminelle.

1727757-gfIl faut saluer à cet égard cette nouvelle édition Des délits et des peines de Cesare Beccaria, sa traduction d’Alessandro Fontana et Xavier Tabet, enrichie de notes abondantes, judicieuses et précieuses.

Outre que l’auteur, apprécié à sa juste valeur par Voltaire et les Encyclopédistes, combat « la cruauté des peines et l’irrégularité des procédures criminelles », et bien entendu la peine de mort, il promeut le principe général suivant : toute peine « doit être essentiellement publique, prompte, nécessaire, et la plus petite parmi celles possibles dans des circonstances données, proportionnée aux délits, dictée par les lois ».

Surtout, en ce qui nous concerne ici, il se dresse contre « les barbares tourments multipliés avec une sévérité prodigue et inutile pour des délits non prouvés ou chimériques13».

Ainsi, au nom de la raison, dit-il combien le blasphème est une chimère puisqu’il s’adresse à d’autres chimères, les dieux, leurs images et les absurdes interdits édictés par leurs prophètes, soutenus avec vigueur et violence par leurs séides et affidés, contre l’homosexualité, contre le porc et le vin.

Citons alors un délicieux propos blasphématoire de Charles Lamb contre un animal intelligent :

« Le cochon ressemble à de la nourriture, une offrande dodue en brochette, prêt à perdre à tout instant son individualité et à glisser sur l’échelle métaphysique de l’état de créature à celui de chair à saucisse. […] Je ne pense pas que l’auteur du Lévitique ait correctement perçu les intentions de Dieu, et je suis enclin à croire lorsqu’il s’agit du porc, que ce serait de l’ingratitude, voire un blasphème, que de refuser d’en consommer.14»

Sur le web

  1. Lévitique, 23, 14, La Sainte Bible, Le Club Français du Livre, 1964, T I, p 341.
  2. Évangile de Jean 7, 8, 7 et 11, La sainte Bible, ibidem, T III, p 3371.
  3. Henri-Charles Léa : Histoire de l’inquisition au Moyen Âge, Alcide Picard, 1902, T I, p 266.
  4. François Porché : L’Amour qui ne dit pas son nom, Grasset, et P. Dupré : Dictionnaire des citations, Trévise, 1959, p 190.
  5. Voir : Peut-on rire de tout ? D’Aristote à San Antonio
  6. Celse : Contre les chrétiens, Sillage, 2014, p 50, 54, 91.
  7. Dante : Divine comédie, Enfer, XVIII, 23-27, Les Libraires Associés, 1965, p 146.
  8. Thomas d’Aquin : Somme théologique, Cerf, 1985, T III, p 101, 905.
  9. Thomas d’Aquin, ibidem, T IV, p 629.
  10. Voir : Silvia Federici : Caliban et la sorcière
  11. Sören Kierkegaard : Traité du désespoir, Tel Gallimard, 1996, p 493.
  12. Alain Cabantous : Histoire de la nuit, XVIIe-XVIIIe siècle, Fayard, 2009.
  13. Cesare Beccaria : Des Délits et des peines, Gallimard, Bibliothèque de philosophie, 2015, p 193, 207, 70.
  14. Charles Lamb, cité par Ibn Warraq : Pourquoi je ne suis pas musulman, L’Âge d’homme, 1999, p 401.
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  • C’est clair, seul l’Etat a la légitimité de déterminer ce qu’il est criticable, insultable, etc…et de donner accès à la justice a certains et pas à d’autre.

    Avec des avis « libéraux » comme celui là, le totalitarisme a de beaux jours devant lui.

    Et dire que ce sont les mêmes qui font la leçon sur la différence entre les droits à et les droits de et qui ne font aucune différence entre la liberté de et la la liberté à …. Ou qui hurlent quand on blasphème les droits naturels…

    • Je n’ai pas le sentiment que les ouvrages que l’auteur de l’article commente indiquent que seul l’État a légitimité de déterminer ce qui est critiquable ou insultable. Il me semble plutôt que l’idée est que le délit de blasphème ne doit exister entre aucune mains.

      • La simple notion de délit implique l’Etat.

        Déterminer comme le fait l’auteur que les religions doivent être assujetties a une justice particulière, sous la régulation de l’Etat est absolument scandaleux et antiliberal au possible.

        Le fait que l’injure soit destinée à une religion (ou tournez la cible dans le sens que vous voulez, cela ne sera que de la rhétorique) ne justifie en aucune façon que cela soit discriminé et considèré comme nul par principe.

        Soit on considère que toute victime, toute cible d’une attaque visant à la dénigrer, à l’insulter, à se moquer, etc… a possibilité de recourir à la justice, soit on fait du bon gros deux poids deux mesures, du bon socialisme qui détermine ce qui est moral de façon générale et par principe et pour tout le monde, bref du bon totalitarisme.

        Sinon d’un point de vue bien plus pragmatique, je ne vois vraiment pas ce que raviver les guerres de religion peut apporter. Le jour où des groupuscules ultra orthodoxes blasphèmeront la religion d’en face en version croisade officielle, je ne sais pas ce que racontera l’auteur. Je ne sais pas si il se rend compte qu’il justifie et fait l’éloge du mécanisme de recrutement des terroristes par exemple qui utilisent cet argument dans les deux sens : vu que les ocidentaux nous blasphèment impunément, nous les blasphémons nous aussi de bon droit.

        Cette rhétorique du « j’ai bien la liberté de tout » m’exaspère au plus haut point : pas plus que « d’avoir le droit à », « avoir la liberté de » implique la protection de l’Etat nounou.

        Sans l’Etat, aucune insulte ne reste sans conséquence.

        • Injurier qui que ce soit n’est pas un acte positif et comme vous dites cela peut alimenter le terrorisme.
          Mais si blasphème il y a et comme vous rejetez l’action de l’Etat (ce qui est logique) qui ou quoi doit appliquer le délit de blasphème, comment « aucune insulte ne reste sans conséquence ».

          • Insulter n’est pas un « droit naturel » ou une « liberté » donc n’a aucun besoin d’être protégé ou excusé par une quelconque loi.

            Le seul point est que l’insulte ou le blasphème, le manquement aux conventions, le manque de respect …. etc peuvent être involontaires et que la simple expression des opinions peut également être mal percue.

            Point de délit, mais un recourt en justice possible en cas de plainte. la jurisprudence suffit largement pour statuer si l’acte a un but délibéré de prosélytisme, de violence, commercial, etc…

            • Je vous rejoins sur le fait qu’insulter n’est pas un droit qui devrait être protégé mais à l’inverse pourquoi alors l’objet de l’insulte devrait-il être protégé ?
              Car c’est cela, vous inversez le processus, protéger du blasphème ou de l’insulte le sentiment religieux implique que l’on devrait faire de même pour les idées politiques ou sociétales (ex végétarien, féministe etc…).
              Bien sûr c’est absurde et j’écris cela car en bon athée que je suis ne donne aucune primauté (mais aucune infériorité non plus) aux religions.
              Sinon le problème c’est que l’on donne à la religion une place particulière, ne serait-il pas plus « libéral » de laisser la parole (ou le dessin) totalement libre avec tous les excès qui s’en suivrait.
              Bon sinon, il m’a fallu potasser cette partie du droit pour découvrir le délit d’injure que je ne connaissais pas.
              Pour que l’injure soit constituée il faut :
              – L’emploi d’une expression outrageante, un terme de mépris ou d’une invective,
              – Visant un corps, un groupe ou une personne déterminée,
              – Être employés avec l’intention de nuire,
              – Être publics.
              Ce qui voudrait dire qu’une injure peut être attaquée en justice si elle porte sur une personne (exemple le Pape) ou un groupe constitué (ex l’église Catholique) mais pas contre Dieu (blasphème) qui n’appartient à aucune religion en particulier et ne peut porter plainte lui même. Dessiner Dieu avec une mitraillette dans le dos est un blasphème mais pas une injure.
              Le blasphème est donc une injure indirecte, Il y a attaque contre une idée qui blesse une communauté. Un problème est que c’est la communauté qui juge tel ou tel acte blasphématoire cela peut aller du plus véniel au plus méchant. Peindre Dieu comme sur le plafond de la chapelle Sixtine est un blasphème pour toutes religions qui abhorre la représentation de Dieu.

              Pour la jurisprudence OK mais comment estimer le dommage et donc la réparation ? je rappelle que le blasphème ne blesse physiquement personne, ne détruit aucune propriété…
              Si votre jurisprudence est laxiste ou simplement légère (1€ symbolique pour tout blasphème) vous croyez que cela va apaiser ceux qui se sentent « humiliés » ?
              Si on prends le cas des caricatures de Mahomet doit-on juger selon la colère ressentie par les musulmans ou selon le désir de nuire des dessinateurs qui est difficile à statuer surtout qu’ils étaient plusieurs ? Y a t’il volonté de nuire ou simplement indifférence ?

              Vous donnez trois critères possibles et non exhaustif de jugement « prosélytisme, de violence, commercial », ce qui tendrait a dire que c’est l’acte qui est jugé pas l’effet ressenti. Mais si je pense que le critère de violence nécessairement mentale est relatif une parole ou un dessin n’est pas un coup ou une rafale de 7.62, comment juger de la violence d’un dessin qui fera peut être sourire certain ?
              Bon la violence peut être mis au malus du jugé mais qu’en est il des deux autres est-il mal de faire du prosélytisme ? l’aspect commercial choque t’il le libéral ?

              • Le problème est qu’avec la vision positiviste prédominante, on pense uniquement dans un sens … dans le cas précis, en terme de droit (positif) et non en terme de liberté (négatif), effet renforcé par le sophisme de Rousseau comme quoi la liberté, c’est le droit de faire tout ce que l’on veut dans la limite où l’on ne nuit pas à autrui.

                Comme cette définition est fallacieuse (droit attribué par qui ?) et totalement subjective (nuire en quoi ?) elle dévie forcement dans la rhétorique du Moi, le droit se centre alors sur l’auteur de l’acte, enfant roi, materné par l’Etat nounou qui fustige les contrevenants à grand coup de règles morales et de discours moralisateur, alors que tout le droit devrait en l’occurrence se concentrer sur la cible de l’acte, ou les collatéraux.

                Laissons de coté le cas où le blasphémateur blasphème par innocence, par non connaissance, par erreur.

                Reste donc le cas où le blasphème est soit un acte délibéré pour en tirer profit (vendre des journaux par exemple), pour nuire (engendrer de la violence) ou tout simplement pour ne pas s’embarrasser du respect de l’autre.

                Les trois cas amènent un profit gratuit au détriment du « propriétaire » de l’objet visé (que l’on ne vienne pas tenter de m’expliquer que les athées seraient propriétaire ou se sentiraient responsable d’une religion). Et les « profits gratuits » au dépend des autres, sans leur demander leur avis, justifiés par des règles morales générales et protégés par l’Etat … c’est exactement la définition de base de l’antilibéralisme, du socialisme.

                L’argument comme quoi Dieu n’existerait pas (selon l’auteur) serait une justification est complétement fallacieux, il procède de la logique Rousseauiste décrite auparavant : pour la cible, ce n’est pas le cas.

                Après, on peut trouver cela bien … c’est un autre discours, qui s’entend complétement, mais dans ce cas là, on poste ses articles sur des blogs Trotskistes, qui font l’éloge de la libération, du nihilisme et du relativisme moral.

  • Je ne comprendrai jamais quel plaisir on peut prendre à se prosterner, sauf dans un délire sado-masochiste.

    • Monsieur , j’abonde complètement dans votre sens , et si dieu existe je préfère encore Lucifer car lui au moins ne se prosterne ni ne se soumet à personne , même s’il sait son combat perdu . Comme on dit familièrement , il  » en a ‘ !
      Je ne crains absolument pas ce dieu et je n’aime pas ce tyran . Je ne me soumets pas .

      • D’ailleurs Lucifer vient de  » lux ferre , celui qui apporte la lumière  » . C’est celui qui a apporté la connaissance aux hommes ( à ne pas confondre avec Satan ou Azazel ) , c’est Prométhée !

    • @ Ragoul

      Qu’est-ce qu’il y a de sado-masochiste à se prosterner?

      La prosternation est simplement un geste qui permet de témoigner du respect.

      Elle est utilisée par exemple au judo pour montrer que l’on ne considère pas l’adversaire comme un ennemi, mais comme un partenaire. Elle provoque le même plaisir que n’importe quel autre geste amical.

      @ Jacques

      Dans la tradition chrétienne, le diable, même révolté, continue de se soumettre au moins partiellement à Dieu… 

      Dans la mythologie grecque, lorsque Prométhée est délivré par Héraclès, il continue de porter un anneau en soumission au châtiment initial de Zeus… 

      Si le dieu chrétien existe, vous avez de la chance, car il vous laisse libre de rejeter sa « tyrannie ».

  • très intéressant.

    réflexions en vrac:

    -blasphémer n’est pas injurier
    -heureusement que certains ne s’embarrassent pas de savoir si le blasphème prononcé ne va pas faire de la peine à son voisin ou participer à stigmatiser tel ou tel population, l’autocensure étant la faiblesse attendu des terroristes de la pensée. ( Ce qui n’oblige personne à dire du mal de tel ou tel religion)
    -les dieux ne sont-ils pas parfois remplacés par les hautes fonctions politiques ou administratives, avec tentatives d’intimidations contre les critiques jugées trop véhémentes envers ces dernieres ?

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Par Michael Kelly

Ceux qui ont observé le couronnement du roi Charles III en mai 2023 pourraient penser que le Royaume-Uni est tout le contraire d’un pays laïc. Dans l’abbaye de Westminster, le nouveau chef de l’État a reçu son mandat de l’archevêque de Canterbury et est ainsi devenu chef de l’Église d’Angleterre. Pourtant, les apparences sont trompeuses.

La situation actuelle outre-Manche est complexe, tributaire des contradictions et des compromis de l’histoire britannique. Dans le fond, l’Angleterre devient une société séculi... Poursuivre la lecture

Parmi ceux qui, en France, condamnent l’islam et les musulmans, il y a les croyants et les non-croyants.

Or les croyants, d’abord, doivent se souvenir que la religion a besoin de concurrence. À peine la démonstration a-t-elle besoin d’être faite.

Dès 1684, Basnage de Beauval explique que quand une religion n’a point de concurrents à craindre, elle s’affaiblit, se corrompt.

En Angleterre, Voltaire fait cette remarque que la concurrence des religions y est extrêmement favorable à la liberté :

« S’il n’y avait en Angl... Poursuivre la lecture

Le Conseil d’État fut saisi par un référé-liberté (article L.521-2 du Code de justice administrative, CJA) par l’association « Action droits des musulmans » afin de suspendre l’acte de droit souple de nature impérative en question s’appliquant dans l’enseignement primaire et secondaire.

La note de service prévoyait notamment, qu’en vertu de « l’article L. 141-5-1 du Code de l’éducation, qui reprend la loi du 15 mars 2004, le port de telles tenues [l’abaya et le quamis], qui manifeste ostensiblement en milieu scolaire une appartenance r... Poursuivre la lecture

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