George Smiley, ou la revanche des ringards

Que peut nous inspirer George Smiley, héros de littérature, en matière de management ?

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George Smiley, ou la revanche des ringards

Publié le 12 janvier 2016
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Par Philippe Silberzahn.

Nerd credits David Sittig (CC BY-NC-SA 2.0)

Après avoir évoqué le camarade Gletkin, défenseur sans âme d’une révolution qui n’est pas la sienne, évoquons un autre héros de la littérature, un certain George Smiley, personnage central des premiers romans d’espionnage de John Le Carré. Que peut-il nous inspirer en matière de management ?

George Smiley est un héros improbable, à l’opposé de son compatriote James Bond. Petit, bedonnant, peu sportif et myope, il est l’un des employés grisâtres du Cirque, le service secret britannique dans les années 60. Tandis que Bond parcourt le monde au bras des plus jolies filles, Smiley est un cérébral qui compulse les dossiers et s’essouffle au moindre mouvement. Sa femme, la jolie Ann, le trompe ouvertement, et avec son idole et ami d’enfance, le fameux Bill Haydon, étoile montante du service. Après une honorable carrière, il se fait finalement évincer à la suite d’une révolution de palais lorsque son mentor, le fameux Control, chef du service, déjà sur le déclin, rate de façon spectaculaire une opération clandestine en Tchécoslovaquie.

Exit les ringards, lutteurs de la guerre froide et place aux modernes, heureux de la détente qui s’annonce en cette fin des années 60. De sa retraite, où il étudie d’obscurs poètes allemands du moyen-âge, Smiley contemple la nouvelle génération désormais à la tête du service, sa réorganisation, ses changements d’hommes à tous les niveaux, et il perd peu à peu contact avec la nouvelle organisation.

La nouvelle équipe produit rapidement des résultats. Sensible à l’air du temps, qui est à la détente, elle évite les opérations hostiles et sait se faire bien voir des autorités politiques en comprenant bien leur objectif principal : surtout pas de vagues. Coup de maître, elle réussit en outre à trouver une source au plus profond de l’appareil de gouvernement soviétique et produit des renseignements de grande valeur. Sa réussite est spectaculaire.

Jusqu’au jour où… jusqu’au jour où un ministre appelle discrètement Smiley, le ringard exilé, et le sort de sa retraite : le gouvernement est persuadé qu’il y a une taupe au plus haut niveau du cirque, et seul Smiley peut la démasquer. Ce que ce dernier fera au cours d’une traque épique et tout à fait fascinante.

Le retour de l’exilé, du ringard, pour nettoyer les écuries de ceux qui l’avaient évincé au nom de la modernité, est une marque de fabrique des premiers romans de Le Carré. Sans doute, dans une période de ruptures où l’on oppose sans arrêt les anciens et les modernes, ceux qui sont pour le changement et ceux qui sont contre, cette parabole est-elle utile pour montrer que les choses sont sans doute plus compliquées que cette opposition binaire et qu’avant de qualifier de ringards ceux qui expriment des doutes face à une évolution jugée inéluctable, il faut imaginer que l’on aura sans doute encore besoin d’eux pour longtemps.

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