Grève des chauffeurs VTC : 3 questions pour comprendre

Pour décrypter les enjeux de la grève des chauffeurs de VTC (Uber, Chauffeur Privé, etc.), Contrepoints a interrogé Philippe Silberzahn, professeur à l’EM Lyon et spécialiste de l’innovation.

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Grève des chauffeurs VTC : 3 questions pour comprendre

Publié le 19 décembre 2015
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Uber, leader des VTC en France (Crédits : joakim formo (CC BY-NC-SA 2.0)Les plateformes de réservation VTC comme Uber ou Chauffeur Privé baissent leurs prix, ce qui pousse les chauffeurs dans la rue. Est-ce une nouvelle manifestation de l’ubérisation de l’économie ou plus simplement une « normalisation » après un moment de rupture du modèle économique des transports individuels ?

Philippe Silberzahn : On est dans le jeu normal du marché, qui est le mécanisme le plus efficace de « normalisation ». Que la baisse des prix choque, c’est habituel en France, et ça l’est encore plus dans un système qui est en grande partie encore très régulé. Certaines plates-formes VTC baissent donc leur prix, et cela diminue la rémunération des chauffeurs. Leur colère est compréhensible, mais dans un système de libre concurrence, rien ne les empêche d’aller vers une autre plate-forme plus généreuse. Les bons chauffeurs, ceux qui sont bien notés par leurs clients, devraient être capables de se défendre face aux plates-formes. C’est la force d’un système ouvert. Les taxis, eux, sont totalement prisonniers du système qu’ils contribuent à perpétuer.

Le modèle économique VTC semble être à mi-chemin entre le taxi classique et les nouvelles pratiques collaboratives du genre Uber. Faut-il voir ici un dilemme d’innovation ? Les VTC vont-ils se trouver dans la même position que Kodak par exemple ?

Philippe Silberzahn : Il y a de grandes similitudes. Contrairement à ce qu’on dit partout, Uber n’est pas disruptif, en fait. Être disruptif, c’est aborder un marché avec un modèle d’affaire radicalement différent. C’est le cas d’AirBnB dans l’hôtellerie. Uber lui n’est pas disruptif en ce sens, il consiste en une plate-forme centralisant les demandes et travaillant avec des chauffeurs indépendants, ce qui est exactement le modèle des centrales de taxi. Uber marche parce que bien que faisant la même chose que les taxis et de la même manière, ceux-ci ont une qualité de service déplorable, donc les clients votent avec leurs pieds. La chance d’Uber, paradoxalement, c’est le système actuel des taxis qui rendent ceux-ci prisonniers d’un modèle qui ne les incite pas à la qualité (un bon chauffeur de taxi ne peut pas se faire payer plus, à quoi bon faire de la qualité ?). Si les VTC veulent se développer, rien ne les empêche de créer une plate-forme. Donc ce qu’il faut attendre, c’est une guerre de plates-formes, avec les chauffeurs et les clients comme arbitres. Un marché, en bref.

Pour reprendre une expression d’un des leaders en France des VTC, le marché est cassé. Alors, l’intrusion d’Uber sur celui des transports, c’est bien l’innovation de rupture par excellence, non ?

Philippe Silberzahn : Je ne vois pas en quoi le marché est cassé. Depuis Uber et les VTC, il est à nouveau possible de voyager de manière confortable avec un bon service en France. Encore une fois, la source du succès d’Uber, c’est la mauvaise qualité de service des taxis. À Hong-Kong, où les taxis sont nombreux et professionnels, Uber n’existe quasiment pas. Il n’y a pas de rupture.

A lire aussi : notre dossier spécial sur l’uberisation de l’économie

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  • « Contrairement à ce qu’on dit partout, Uber n’est pas disruptif, en fait. Être disruptif, c’est aborder un marché avec un modèle d’affaire radicalement différent »
    Merci de rétablir une vérité.

    « un bon chauffeur de taxi ne peut pas se faire payer plus, à quoi bon faire de la qualité ? »
    Je ne crois pas que ce soit une simple question de tarif mais il s’agit du monopole des places de stationnement, un taxi est certain de prendre un client lorsqu’il est en début de file, le client n’a pas le choix, il doit prendre le premier de la file. Etre sûr d’avoir un client n’aide pas à s’améliorer.

    « Donc ce qu’il faut attendre, c’est une guerre de plates-formes, avec les chauffeurs et les clients comme arbitres »
    Les tri-parties sont beaucoup moins efficaces que les bi-parties mais il faut espérer que ça fonctionne dans un pays aussi liberticide.

    • Bah non, un client est libre de choisir son taxi dans une file d’attente aux gares, aéroports ou stations, si le premier ne lui convient pas pour plusieurs raisons. Ne prend pas les animaux, la carte bancaire, plus de 3 passagers etc… C’est un droit fondamental et le chauffeur de taxi n’a aucun droit de s’y opposer. La règlementation du taxi en fait référence. Le problème est que les gens pensent ou écrivent sans savoir.

      • « C’est un droit fondamental »
        Et la ville de Rennes s’en contrefout.
        Article 2 de la réglementation locale : Elles [les voitures] prennent rang au fur et à mesure de leur arrivée, avec obligation de prendre en charge la clientèle à la tête de la station.
        Ce type de mesure étant poussé par les syndicats, je ne serai pas étonné qu’elle existe presque partout en France.

        « La règlementation du taxi en fait référence »
        Justement non, comme vous pouvez le constatez.

        • Les taxis doivent prendre les clients suivant l’ordre de la file des clients, mais les clients ne sont pas tenus à prendre les taxis dans l’ordre d’arrivée (voir plus bas)

          • Le client n’est donc plus en tête de la station et ça devient le bordel si tout le monde fait pareil (avec l’humeur de certaines personnes, on risquerait de voir la clientèle se taper dessus pour savoir qui est arrivé le premier au tacos). Bref je pense que c’était plus une règle pour l’ordre que les taxis ont pris pour une obligation les concernant.

            La réglementation nationale ne parle apparemment pas des files de taxis, seules les réglementations locales y font mention.

      • FAUX justement dans l’emprise des gares ,notamment (aéroportuaire ou autre) constitué de files de taxis ils est obligatoire de prendre le 1er véhicule car ils arrivent en file indienne et donc respecte un ordre d’arrivé ……..sauf s’il n’accepte pas les animaux (obligation pour chien d’aveugle ou handicapé) la carte bancaire (herf beaucoup refuse grrrr) plus de 3 personne heuuu je prend souvent le taxi avec des amis et nous somme 4 plus le chauffeur sa fait 5 et ont paye un supplément pour le 4e donc le taxi n’hésite pas ……..

        franchement je commence a comprendre les taxis la désinformation et partout et votre droit fondamentale vous l’avez inventé ou?????

        De plus faire greve pendant l’état d’urgence vraiment étrange il me semble que c’est interdit ^^ je croit que les taxis vont comprendre que la prefecture et l’état utilise les vtc pour faire baisser la licence et pouvoir les racheter et la c’est nous les clients qui allons se faire ubérisé avec des courses a 300%

        Abel je vais faire comme vous je ne citerais pas mes sources et je vais inventer des lois a ma convenance ^^

        • « Vous êtes libre de monter dans le véhicule de votre choix. Prendre le taxi en tête de file est simplement un usage. Vous ne devez pas hésiter à choisir un monospace plutôt qu’une berline, quitte à subir les mécontentements des premiers chauffeurs. »

          http://www.dossierfamilial.com/consommation/loisirs/prendre-un-taxi-quelles-sont-les-regles-55690

          Il n’y a pas de lois donc de source sur des situations dont ne s’est pas encore emparé le législateur mais avec des gens comme vous ça ne saurait tarder… 😀

        • « Vous êtes libre de monter dans le véhicule de votre choix. Prendre le taxi en tête de file est simplement un usage. Vous ne devez pas hésiter à choisir un monospace plutôt qu’une berline, quitte à subir les mécontentements des premiers chauffeurs. »

          googlez ce texte (le lien ne passe pas).

          Il n’y a pas de lois donc de sources pour régler des situations dont le législateur ne s’est pas encore emparé mais ça ne saurait tarder. Ce qui n’est pas interdit est encore autorisé.

  • Les commentaires sont fermés.

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