« Le diable est-il libéral ? » de Christian Julienne

Peut-on accuser le libéralisme de tous les maux d’aujourd’hui ? Sur un essai toujours d’actualité.

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« Le diable est-il libéral ? » de Christian Julienne

Publié le 8 décembre 2015
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En suivant une passionnante discussion sur un autre article, où quelqu’un évoquait le « diable libéral » (selon les socialistes), ce titre m’est revenu en mémoire. Présentation d’un ouvrage au titre évocateur.

 Par Johan Rivalland

Ce livre de 2001 constituait une réponse de l’auteur à Viviane Forrester, Pierre Bourdieu, Bernard Maris et autres responsables d’ATTAC, du Monde diplomatique, et consorts, dont la probité intellectuelle et les affirmations gratuites ou non fondées étaient plus que douteuses, et les propositions radicales inspirées d’un modèle dont on sait ce qu’il a engendré comme malheurs dans le monde au XXe siècle.

Christian Julienne y revient avec force dans sa postface.

 

L’emploi

Comme le rappelle d’emblée notre auteur, les pays capitalistes ont créé 300 millions d’emplois entre 1960 et 2000, et cela a bien sûr continué depuis.

Et, ainsi qu’il le note un peu plus loin, en réponse à ceux qui ont la critique un peu facile (si l’on peut estimer qu’on n’en reste qu’à ce stade modéré), sans le souci d’objectivité qui devrait l’accompagner :

La vie dans un système libéral n’est pas un long fleuve tranquille, elle n’a pas le caractère paisible de la carrière d’un employé de direction des impôts, de la direction de la construction ou d’un chercheur à vie du CNRS. Mais nos ultrasocialistes qui fondent tous leurs espoirs sur l’invention d’un nouvel ordre social semblent avoir oublié les conditions sociales – et policières – de la création des villes nouvelles en Sibérie, du défrichement des terres vierges du Kazakhstan, de la création d’une nouvelle économie vivrière à Cuba, du retour à la terre au Cambodge, des complexes sidérurgiques de Nowa Huta ou du grand bond en avant de la Chine populaire. Les mouvements de l’emploi en économie libérale sont difficiles mais tout de même plus tranquilles qu’en économie socialiste.

Et il rappelle ainsi ce que l’économiste Joseph Schumpeter nous a appris sur le processus de destruction créatrice, consubstantiel à nos économies et à l’évolution du monde.

 

Le recul de la pauvreté

Christian Julienne le diable est-il liberalAutre élément marquant : tandis que la population mondiale augmentait de 40 % entre 1975 et 1995, la production mondiale de biens et services augmentait de 364 %, soit neuf fois plus.

Jamais un tel bond n’a été enregistré dans l’histoire de l’humanité.

D’autres chiffres forts et d’importance sont cités, ainsi que de multiples données officielles, ce qui en fait un pamphlet solide et argumenté, duquel ne sont pas absentes non plus, et c’est ce qui est intéressant et n’en fait pas un essai vain, de multiples propositions concrètes en vue d’améliorer notre système et de tenter de vaincre ses maux.

Christian Julienne montre ainsi parfaitement bien que, loin d’assister à une dictature des marchés, un regard plus objectif conduit à considérer les vertus du capitalisme sans nier l’existence d’une pauvreté, toutefois nettement en déclin, les chiffres le prouvent indéniablement.

Et surtout, dans un chapitre consacré à la pauvreté, l’auteur propose de multiples solutions très concrètes et pragmatiques, basées sur la proximité, l’aide individualisée concentrée sur ceux qui sont vraiment pauvres et démunis, sans véritable moyen de s’en sortir, plutôt que sur un recours à la loi et aux solutions globalisantes auxquelles nous sommes généralement habitués, sans réel souci de l’humain, pour venir en aide aux personnes touchées par cette pauvreté.

Ces solutions tout à fait réalisables et efficaces en surprendraient plus d’un, et changeraient le regard sur ce qu’est vraiment un libéral, véritable humaniste à l’opposé de l’image diabolique que l’on veut bien lui coller de manière complaisante.

 

L’État de droit

Christian Julienne consacre également un chapitre aux pays sous-développés pour montrer qu’il n’y a paupérisation que là où n’existe pas d’État de droit (voir aussi, sur ces questions, les très instructifs Le mythe du fossé Nord-Sud : Comment on cultive le sous-développement d’Yves Montenay, ou La famine menace-t-elle l’humanité ? de Jean-Philippe Feldman).

Ainsi qu’il le relève :

Les dictatures de Duvalier, Milosevic, Hassad, Khomenei, Suharto, l’armée au pouvoir en Égypte, le parti unique hier au Mexique, des Coréens et Vietnamiens, le fascisme cubain, les nombreuses dictatures africaines, les régimes islamistes, font beaucoup plus pour la paupérisation de leur pays que l’impérialisme ou le néocolonialisme pourfendus par le Monde diplomatique.

Il défait au passage un certain nombre de mythes à ce sujet et dénonce la démagogie.

 

Vous avez dit libéralisme ?

Puis Christian Julienne dresse un panorama des écoles, journaux, magazines, partis politiques et grands chefs d’entreprise, pour montrer que notre pays est très nettement et clairement constructiviste et social-démocrate, ne comptant que d’extrêmement rares libéraux, généralement très peu écoutés et fortement contestés.

Ceci permet de nier les assertions permanentes sur la soi-disant dictature cachée de l’ultralibéralisme, qui n’a véritablement aucun sens.

 

Et de nombreux autres sujets…

Les autres sujets abordés par Christian Julienne sont nombreux.

On y trouve pêle-mêle la place de l’État obèse, les multiples scandales comme celui de la justice et des prisons injustement délaissées au regard des énormes gâchis parallèles dans tant d’autres domaines ou, déjà, l’importance démesurée de la dette de l’État, extrêmement préoccupante (que dire, quatorze ans après !).

Un ouvrage intéressant, dont la portée reste tout à fait valide. Les constats demeurent globalement les mêmes, les solutions proposées toujours à examiner avec intérêt.

Alors, le diable est-il libéral ?

Seuls ceux qui veulent bien le croire et refuseront radicalement de lire un tel ouvrage pourtant extrêmement argumenté et étayé par de nombreux chiffres officiels sont invités à penser que oui. Les autres pourront peut-être en discuter et poursuivre leurs lectures pour approfondir leur réflexion.

Et il y a les convaincus que le diable n’est pas libéral. Je ne doute pas que la discussion peut potentiellement être animée sur le sujet, si elle ne fait pas doublon avec la discussion évoquée en préambule…

Lire sur Contrepoints tous les articles de Johan Rivalland

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  • « la vie dans un système libéral n’est pas un long fleuve tranquille, elle n’a pas le caractère paisible de la carrière d’un employé de direction des impôts, de la direction de la construction ou d’un chercheur à vie du CNRS. »

    Vous venez de formuler la thèse majeure des anti-libéraux. Les libéraux nous empêchent de vivre peinards.

    Et c’est assez vrai. Pas mal de gens se contentent de peu du moment qu’on vient pas les embêter.

  • Le dieu chrétien est sans doute le plus libéral de tous, il permet même le mal qu’il ne commettra lui-même jamais. En revanche, pas plus constructiviste, antilibéral et pleins de bonnes intentions que le diable. Et vous savez sans doute de quoi est pavé l’enfer… Si l’enfer existe, il est socialiste et c’est le goulag.

  • Les commentaires sont fermés.

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