La comm’ de l’Élysée à l’heure du pousse-café

Café du commerce, Café théâtre, etc. L’action politique du gouvernement est en train de se prendre les pieds dans la comm’ !

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La comm’ de l’Élysée à l’heure du pousse-café

Publié le 14 novembre 2015
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Par Nathalie MP.

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L’action politique du gouvernement français s’est déplacée récemment sur le terrain du café. Et vu la façon dont les choses se passent on est fortement tenté de parler de café-théâtre. Remarquez que les expressions « café-concert de couacs » ou « café du commerce électoral » marchent très bien aussi. Ce fut d’abord l’épisode lorrain du café chez Lucette, beau comme un clair-obscur de Rembrandt, une véritable cène hollandaise. Gaspard Gantzer, l’homme de la com élyséenne, nous a livré sur Twitter une impeccable image d’harmonie modeste et heureuse entre le Président de la République et une quintessence de Française éblouie par tant de proximité :

comm

Mais, en professionnel scrupuleux qu’il est toujours, Gaspard Gantzer ne pouvait laisser François Hollande arpenter la scène nationale sans quelques répétitions. Ici comme ailleurs, c’est lui qui organise toutes les représentations de l’Élysée, qui écrit les scénarios, cisèle les dialogues, choisit les décors et place les personnages. Et de son côté, François Hollande ne pouvait se permettre d’endosser son tout nouveau rôle d’ami des « sans-dents » sans quelques garanties, sur la qualité du convivial café par exemple. Comme au théâtre, tant de spontanéité millimétrée n’a été obtenue qu’au prix d’un dur labeur, et ça a fini par se savoir comme le montre la vidéo de BFM TV ci-dessous (2′ 29″):

Il faut croire que le gouvernement n’a pas complètement perçu le ridicule achevé de ses manœuvres, pourtant largement moquées et commentées dans la presse et sur les réseaux sociaux. En effet, dix jours plus tard, c’est-à-dire avant-hier 11 novembre, Manuel Valls faisait pour son compte le coup du « café des amis » en se montrant tout sourire et innocence avec Emmanuel Macron, ministre de l’Économie (44″) :

Pour le Premier ministre, Emmanuel Macron est surtout un redoutable rival, un jeune loup plein d’ambition qui commence à lui casser les pieds en lui piquant ses idées de droite au moment où il faudrait songer, si ce n’est à se reporter à gauche, au moins à rester unis, dans la perspective d’élections régionales qui se présentent assez mal pour la gauche. Dans le baromètre de popularité Ipsos-Le Point du mois d’octobre 2015, le ministre de l’Économie obtient 44 % de bonnes opinions, se hissant ainsi à la cinquième place nationale, tandis que Manuel Valls ne récolte que 38 % d’appréciations favorables. D’où panique et café des amis.

Habitué à jeter des petits cailloux libéraux qui sont autant de pavés dans la mare socialiste, Emmanuel Macron a récidivé ces jours-ci. Après ses propos sur les trente-cinq heures, puis sur le statut de la fonction publique, sur lesquels il a avancé puis reculé, il soutient maintenant le projet d’indexer au mérite une partie de la rémunération des fonctionnaires. L’idée est naturellement scandaleuse, tous les fonctionnaires sont méritants par construction, surtout avant les élections. Le ministre de l’Économie, comme à chacune de ses incartades, s’est rattrapé aux branches, mais avec moins de conviction que d’habitude : « Je n’ai jamais dit que j’étais contre les fonctionnaires » s’est-il justifié. Et d’ajouter, façon « Et pourtant elle tourne » : « Maintenant, regardez la réalité des choses ».

Or « la réalité des choses » est terriblement embarrassante. La situation est « fort claire » comme disait Didier Bourdon dans son sketch Beyrouth : le mandat de François Hollande, débuté il y a trois ans et demi, entre dans sa phase finale, pour ne pas dire terminale, et rien n’a vraiment tourné comme espéré par le Président. Le « peuple de gauche » arrivé au pouvoir en 2012 est maintenant tout aussi éclaté que le Moyen-Orient décrit par Les Inconnus. Il s’agissait de faire le contraire de Sarkozy, il s’agissait de mettre l’Europe et la finance au pas, il s’agissait de domestiquer le chômage et d’apaiser la France, tout en se montrant bon gestionnaire du budget et de la dette que Sarkozy avait honteusement laissée filer, mais à ce jour, aucun résultat tangible n’est à porter à l’actif du gouvernement. Les réformes ou changements tant vantés sont soit des ajustements secondaires sans impact structurel fort sur notre économie (exemple : loi Macron) soit des décisions catastrophiques (exemple : loi Alur) aboutissant à l’inverse de ce qui était souhaité au départ.

Pire, la recette qui devait maintenir la gauche au pouvoir en toutes circonstances est en train de se retourner contre elle : le FN, qu’il fallait judicieusement renforcer pour tuer la droite et attirer tous les votes à gauche dans un second tour Hollande – Le Pen, est devenu à la fois si puissant et si proche des idées de gauche qu’il est en train de reléguer le PS en troisième division en captant ses voix sans affaiblir la droite. Les sondages les plus récents concernant les prochaines élections régionales confirment assez nettement cette sombre perspective de la gauche.

Sur l’ensemble de la France, selon une enquête Ipsos-Sopra Steria pour France 3 publiée vendredi 6 novembre, la droite (LR, UDI, Modem) obtiendrait au premier tour 32 % des suffrages, le Front national 26 % et le Parti socialiste 20 %. Le Front de gauche et EELV totaliseraient 12 % ensemble ou séparés. Dans la nouvelle région Nord-Pas de Calais-Picardie, un sondage BVA du 23 octobre donne la chair de poule aux socialistes. Au premier tour, Marine Le Pen récolterait 42 % des voix, laissant 25 % à Xavier Bertrand (LR) et seulement 15 % à Pierre de Saintignon (PS). Dans tous les cas de figure, elle remporterait le scrutin haut-la-main au second tour.

D’où panique et café-théâtre au sommet. Totalement dédié à sa campagne contre le Front national, Manuel Valls ne sait plus comment s’y prendre. Tous ses efforts sur les thèmes conjugués de l’anti-racisme et du danger fasciste que représente le FN semblent n’aboutir qu’à augmenter les intentions de vote en faveur de ce parti honni. Je n’apprécie guère le FN non plus, mais la méthode Valls parait clairement hystérique et contre-productive.

Il n’empêche que dans un mouvement de panique désespérée, le Premier ministre n’en continue pas moins sur sa lancée. Il a proposé hier une fusion des listes PS et LR dans le Nord-Pas de Calais-Picardie, et le moins qu’on puisse dire, c’est que cette belle idée n’enchante ni la gauche ni la droite. Il vient immédiatement à l’esprit qu’une telle proposition ne peut que soutenir l’idée d’une collusion PS/LR, grand argument politique de Marine Le Pen pour gagner des points. À vrai dire, les observateurs les plus directs dans leurs propos se demandent purement et simplement si Valls n’est pas en train de « perdre complètement les pédales. »

Au-delà du combat controversé de Manuel Valls contre le FN, le gouvernement semble complètement désarçonné par la situation politique qui est en train de se nouer. Plongé dans les difficultés de boucler le budget 2016, tenu par sa récente promesse d’alléger la charge fiscale des classes moyennes, il n’a certes pas besoin en plus des idées plus ou moins fumeuses de députés en manque de spectateurs, dont l’ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Et pourtant !

Ce dernier, poussé par la promesse non tenue de Hollande de procéder à une remise à plat fiscale pendant son mandat tout autant que par un relatif désœuvrement personnel, a réussi à faire adopter hier en première lecture à l’Assemblée nationale un amendement sur la dégressivité de la CSG pour les bas salaires. Ceci n’est pas sans poser de nombreux problèmes aussi bien techniques que politiques, le plus ennuyeux étant qu’il s’inscrit contre la promesse de pause fiscale pour les classes moyennes, que le gain dégagé par les bénéficiaires risque d’être déduit de la prime d’activité prévue pour entrer en vigueur au 1er janvier 2017 et que leur revenu fiscal de référence va possiblement augmenter jusqu’à les faire entrer dans l’impôt sur le revenu. Un beau méli-mélo en perspective si cette mesure devait être adoptée définitivement, et une confirmation du pilotage à vue délétère qui se joue entre le gouvernement, le Parti socialiste et ses divers députés.

Dans le même vent de panique, la promesse de campagne du candidat Hollande d’introduire le droit de vote des étrangers extérieurs à l’Union européenne pour les élections locales vient d’être prestement abandonnée par Manuel Valls. Dans un sursaut de lucidité, afin de ne plus pousser les Français vers le vote FN, encore plus dommageable au PS qu’à la droite ? Apparemment oui. Selon lui, une telle disposition reviendrait à mettre « le pays sous tension sur un sujet qui ne serait pas jugé comme prioritaire. » Surtout, il y aurait peu de chance de trouver une majorité, que ce soit par référendum ou par vote du Parlement réuni en congrès.

Grâce à Jean-Christophe Cambadélis, nous sommes passés du café-théâtre au théâtre de boulevard. Interrogé hier matin sur RFI à propos de la proposition de Manuel Valls de fusionner les liste PS et LR pour les prochaines élections afin de faire barrage au FN comme indiqué plus haut, le premier secrétaire du PS s’est montré complètement opposé à cette idée et a plaidé pour l’unique objectif de faire gagner le PS au premier puis au second tour. Dans sa bouche, cette stratégie devient :

« Je n’ai pas l’habitude de mettre mon caleçon après mon pantalon. »

En fait de théâtre, Cambadélis est un expert, il nous l’a amplement prouvé lors de son référendum sur l’unité de la gauche pour les élections régionales.

Et grâce au bel esprit d’Arnaud Montebourg, nous passons du théâtre de boulevard à l’opéra-bouffe : la rubrique Les indiscrets du Point nous apprend que depuis son poste de Vice-Président d’Habitat, l’ancien ministre de l’Économie est extrêmement inquiet des développements de la politique française. Selon lui, tout est en place pour une victoire de Marine Le Pen en 2017 :

« L’Élysée feint de croire que tout n’est pas perdu. Or Hollande ne doit sa victoire en 2012 qu’à la rencontre de deux complexes hôteliers : le Sofitel où DSK s’est perdu et le Fouquet’s où Sarkozy s’est trop montré. En 2017, rien de tout cela ne se reproduira. Je suis très pessimiste pour mon pays. »

Moi aussi, je suis très pessimiste pour l’avenir de mon pays. Mais Montebourg, ancien ministre de Hollande, s’en souvient-il seulement ?, ne va pas assez loin dans ses « indiscrétions. » Il oublie de s’interroger sur le pourquoi de cet état de chose. Si une telle éventualité devait se produire en 2017, cinq ans après l’élection de François Hollande, presque neuf ans après le début de la crise des subprimes, à quoi, à qui devrait-on en attribuer la responsabilité ? Encore une fois à Sarkozy, qui n’est certes pas sans responsabilité dans l’élection de Hollande, ou peut-être aussi un tout petit peu à François Hollande et ses ministres, vivants concentrés d’idéologie, de mensonge, d’incohérence et d’incompétence ?

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  • hollande a trompé les français ; mais quand on est capable de trahir sa propre compagne ( valérie ) on peut bien tromper le reste du monde ; ce type , décidément , n’a pas de figure ;

  • Alors voyons? de 29 à 39 ça nous fait 10 ans TTC (Environ)

    Pendant cette décade (Comme disait Ian Curtis) les chose ne se passaient pas tellement très bien. Voire limite pas bien. Ca agaçait un peu tout le monde, les gens voulaient manger tout ça, il fallait de l’ordre ou abattre la finance internationale (Ainsi que divers apatrides crucificateurs du Christ) bref tout le monde passait de l’abattement à l’énervement, y avait même des gars très énervés, alors ils évitaient de manger de la viande, ça a un coté énervant, il leur fallait de grands espaces et l’air des hauteurs, là ça allait sinon ils se mettaient à envahir l’Autriche (Faut dire qui z’écoutaient aussi un petit peu trop Wagner ).

    Alors voyons de 2008 c’était y’a combien de temps?

    Faudrait pas que les gens y s’mettent à être énervés et qui y aient des troubles dans le monde. Non Y faudrait pas. Pasque à force de s’énerver les gens y pourraient s’agacer et à désigner tels ou tels comme responsable et si y savaient pas c’est qui les responsables, ben on le leur montrerait.

    Ben y reste plus que 2 ans. C a l’air de se mettre en place.

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