Le jeu malsain de l’État et des hôpitaux

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Lit d'hopital (Crédits Dan Cox, licence Creative Commons)

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Le jeu malsain de l’État et des hôpitaux

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 9 novembre 2015
- A +

On le sait : l’État, toujours donneur de leçon, toujours prompt à réclamer son dû, est en revanche fort mauvais payeur. Aujourd’hui, au travers d’un témoignage de lecteur (que je remercie au passage), je vous propose de découvrir un nouvel exemple de cette très mauvaise habitude.

Le contexte qui nous occupe est celui des établissements de soins publics, les hôpitaux donc, et plus particulièrement, les relations qu’ils nouent (ou, comme on va le voir, qu’ils maltraitent) avec les mutuelles et les compagnies d’assurances. Ces dernières, pour des raisons techniques, opérationnelles et de rationalisation de coûts, sous-traitent la gestion des facturations que les hôpitaux leur font parvenir.

En pratique, il n’existe en France que quelques sous-traitants dont le travail consiste donc à gérer, pour le compte des mutuelles et des compagnies d’assurances, les rapports entre les professionnels de santé, les assurés et les assureurs, ainsi qu’à organiser et réaliser les paiements de ces professionnels de santé pour le compte des assureurs. Modernité du siècle oblige, l’ensemble est maintenant largement numérisé et des armées de développeurs informatiques ont réalisé des applications qui automatisent largement ces pénibles transactions.

Cependant, dans le cas spécifique des centres hospitaliers, il y a comme un écart sensible entre la théorie et la pratique.

En théorie, un assuré qui bénéficie des services d’un hôpital peut, à un moment ou un autre, donner sa carte de mutuelle, afin de bénéficier de sa couverture. Dans ce cas, ce n’est pas la mutuelle mais son sous-traitant gestionnaire qui recevra la facture émise par l’hôpital. Toujours en théorie, cette facture est bien évidemment vérifiée avant son paiement, comme pour n’importe quel professionnel de santé. Ensuite, la facture est payée, et tout le monde est content. Ici, les uns tombent dans les bras des autres, des cris de joie sont échangés, c’est magnifique, c’est super. La théorie, ça roxxe.

Le Président Des Bisous

En pratique, les choses prennent une tournure une peu plus distrayante.

En effet, le service public dont peut s’enorgueillir la société française n’est malheureusement pas toujours au plus haut de sa forme. Il lui arrive parfois de faire quelques boulettes et les administrés en savent quelque chose. Avec les facturations de mutuelles, c’est malheureusement aussi le cas : si en théorie, le centre hospitalier envoie une facture correcte pour se faire payer par la mutuelle du patient, il est en pratique extrêmement fréquent que ce centre hospitalier facture alors que la mutuelle de l’assuré n’est pas cliente chez le sous-traitant qui la reçoit, que la prestation n’est pas la bonne ou que le centre hospitalier fraude tente des voies alternatives de facturation (comme facturer systématiquement une chambre double alors qu’il n’y avait qu’une chambre simple – exemple au hasard, et malheureusement sport très prisé, il n’y a pas de petits profits).

La facture reçue, le gestionnaire pour compte d’assureur complémentaire la lit, la vérifie, l’analyse, l’ausculte et comprend qu’il y a comme des petits soucis, et informe alors le centre hospitalier que non, non, non, nous ne paierons pas parce que faut pas pousser, il y a erreur sur la marchandise et reprenez-vous que diable ! (Je brode, je pense que vous saisissez l’idée) Retour à l’envoyeur, donc.

La balle étant revenue dans le camp du service public dont — pour rappel — la société française s’enorgueillit avec moult superlatifs et une bonne louchée d’impôts festifs et citoyens pour faire bonne mesure, on peut logiquement s’attendre à de nouvelles boulettes qui forment pour ainsi dire la colonne vertébrale du travail d’équipe dans ces administrations. Ce qui doit arriver arrive alors inévitablement : l’information du rejet n’est pas traitée par le centre hospitalier, évidemment débordé. Quelques mois s’écoulent alors.

gifa girafe nessy meanwhile

richard gereUn petit matin frais, le trésorier du centre hospitalier — appelons-le Richard, pour faire simple — est tranquillement en train de prendre son café lorsque, soudain, il se rend compte que la facture en question n’a pas été réglée par le méchant gestionnaire. Sapristi de saperlipopette, cela ne se peut pas ! Il en va de la bonne santé financière de l’établissement que Richard gère (séparation des fonctions oblige), et n’écoutant alors que son sens des finances publiques, Richard émet sans plus attendre quelques cris gutturaux et une Opposition à Tiers Détenteur (OTD). Fini de rire : magie des pouvoirs publics et de la coercition dévolue à l’État, ses administrations et ses sbires, cette OTD va permettre à l’État de se payer tout seul comme un grand en prenant directement l’argent sur le compte bancaire du gestionnaire sans qu’il puisse s’y opposer.

Et hop. Facile, la vie, non ?

À l’heure où ces lignes sont écrites, le principal gestionnaire français, le plus gros payeur des hôpitaux en France pour la part complémentaire, qui représente 400 personnes et environ 60M€ de chiffre d’affaires, se retrouve avec un trou de 1,2 million d’euros, récupérés par des établissements suite à une OTD pour couvrir l’émission d’une facture erronée.

Bien évidemment, le gestionnaire ponctionné tente régulièrement de discuter un peu avec les hôpitaux et les trésoreries et parfois, ça marche. Mais la plupart du temps, ça ne marche pas et sur le plan du droit, le gestionnaire a ensuite toute latitude pour se retourner contre l’établissement indélicat qui finalement s’est payé pour une facture qu’il n’aurait jamais dû émettre. C’est donc la phase « Tribunal administratif », pénible s’il en est. Pour le gestionnaire évoqué au paragraphe précédent, cela représente une vingtaine de procédures engagées depuis deux ans. Au passage, on peut noter que sur les 4 jugements rendus en 2015, les 4 sont en faveur du gestionnaire et condamnent les centres hospitaliers à la restitution des sommes ainsi qu’à des pénalités et frais de justice. On peut en rire, jusqu’au moment où on se rappelle que ces pénalités et ces frais sont payés par l’État, c’est-à-dire… vous.

Au passage, on peut noter cette recrudescence des OTD sur les trois dernières années puisqu’avant les hôpitaux ne faisaient que très rarement des OTD. Or, le cas d’un des plus grands centres hospitaliers du sud est intéressant en ce qu’il est un faiseur de n’importe quoi assez régulier dans son faisage de n’importe quoi, mais qu’il avait jusqu’à présent le bon goût d’assumer son n’importe quoi avec une décontraction toute méridionale, et ne faisait pas délivrer d’OTD.

Les finances étant ce qu’elles sont (ou ne sont plus, disons), son gentil administrateur a cependant changé son fusil d’épaule et c’est ainsi que, pour reprendre le cas maintenant illustratif du principal gestionnaire pour compte d’assureur, ce dernier vient de se faire délivrer pour 250.000€ de telles OTD sur les six dernières semaines. Questionné sur le pourquoi d’une telle avalanche, l’administrateur expliquera :

« J’ai reçu des ordres, il faut faire rentrer de l’argent par tous les moyens, or je dispose de cet outil donc je l’utilise. »

Et paf. Rappelé que ceci entraînera l’assignation en justice de l’hôpital dont il a la charge, avec frais et condamnation aux dépens, il répond toutefois que pendant ce temps là, l’argent est chez lui. Et toc.

Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes socialistes où les finances commencent à s’étioler. Les mesures prises semblent à la fois s’inscrire dans la durée et portées par le bon sens ; entre les frais supplémentaires qu’elles entraînent qui appauvrit encore le contribuable et les trous de trésorerie qui vont, un beau matin, provoquer la faillite des gestionnaires, il semble évident que tout ceci va très bien se terminer.

this will not end well bike
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  • Eh ben dites donc, cela fait cher du prêt forcé ❗ Richard (Coeur de Lion :?:) se met la corde au tour du cou seul comme un grand : cela ne peut durer, les gestionnaires vont peut-être tous disparaître ❗

    Mais qu’ils accélèrent donc le mouvement 🙂

  • C’est le propre de l’Etat socialiste que de voler:
    – voler les citoyens, notamment la classe moyenne, les chefs d’entreprise, les riches, les petits retraités, les agriculteurs, les artisans, les commerçants… en fait, tout le monde, sauf l’électorat bobo socialo technocratique assisté (qu’il faut bien ménager par moult aides, exonérations et autres subventions)…
    – voler les entreprises, tout du moins celles qui n’ont pas été subordonnées au pouvoir des énarques mauvais gestionnaires (vous suivez mon regard, non?).
    – voler la sécurité sociale, en y prélevant ce qu’il veut pour mener à bien ses débiles projets de « politique publique » (ex: construire une route alors que tout le reste du réseau est en mauvais état).
    – voler la nation en la faisant crouler sous les déficits, la dette, le chômage…

  • Et on appelle ça « Etat de droit »?
    Ce qui est à craindre, c’est que les parasites et profiteurs du système soient assez nombreux pour le faire perdurer. Nul doute qu’ils mettront tous les moyens pour cela.

    • Mais la justice PEUT faire quelque chose … seulement si la victime se plaint !
      C’est pareil dans tout « Etat de droit ».

  • « Richard gère » ?
    Elle est mignonne ?

  • Des sources disponibles sur cette affaire ? Aucun lien dans l’article…

  • de toute façon le mot d’ordre est donné: tout doit être en place pour éviter les problèmes et masquer la situation réelle de la france avant les élections de 2017, objectif unique du pédalo.

    Aucun domaine n’est épargné, et tant pis si cette procrastination coute alors beaucoup plus

  • Il y a juste un tout petit problème : utiliser indument un outil-marteau pilon, comme l’OTD, n’est pas sans risque pour l’utilisateur.
    En effet :
    code pénal Article 432-10
    Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, de recevoir, exiger ou ordonner de percevoir à titre de droits ou contributions, impôts ou taxes publics, une somme qu’elle sait ne pas être due, ou excéder ce qui est dû, est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction.
    […]
    La tentative des délits prévus au présent article est punie des mêmes peines.

    La victime restent donc bien gentille, ou bien ignorante, sans quoi , c’est devant le juge pénal — moins rigolo que le juge administratif — que le cas de l’administrateur et de ses OTD injustifiés se réglerait. Surtout en récidive.
    A titre amiable un simple rappel du code pénal suffirait probablement à calmer administrateur, après un joli recommandé lui signifiant que telle facture dont il réclame le règlement par OTD est infondée, ce qui le place dans la situation où il « sait ne pas être due, ou excéder ce qui est dû ».
    L’administrateur est froussard et il sait que si l’administration le soutiendra avant et pendant l’instance, en cas de défaite elle le laissera tomber, voire l’enfoncera bien profond, en expulsant le condamné de ses rangs, bouh l’affreux …

    • Effectivement, il vaut mieux connaître son Code pénal sur le bout des doigts… ainsi que tous les autres !
      Merci encore du tuyau pour le pékin moyen…

  • Quoique les méthodes soient maladroites voire malhonnêtes, elles révèlent néanmoins que l’hôpital a pris conscience que tout a un coût. Il essaie donc par tous les moyens de renflouer les caisses.
    Par comparaison, l’éducation nationale, elle, dont les comptes ne sont équilibrés qu’à coup d’argent prélevé, continue de refuser à imaginer qu’un élève puisse payer plus que 450 euros son année universitaire.

    • Ils paient bien plus avec ses impôts.

      Ce sont les mêmes qui paient des impôts et envoient leurs gamins à l’Université publique. Qu’on arrête de prendre les gens pour des cons.

  • « facturer systématiquement une chambre double alors qu’il n’y avait qu’une chambre simple – exemple au hasard, et malheureusement sport très prisé, il n’y a pas de petits profits »

    En réalité c’est l’inverse : la tentation est de facturer systématiquement le « supplément chambre individuelle » même si le patient n’a pas demandé expressément à être dans une chambre seule ( car dans la réglementation il doit le demander). Le truc amusant dans votre démonstration, c’est que ce petit jeu est surtout joué par les cliniques privées dites « lucratives » qui en général n’ont que des chambres seules (or dans cette situation le patient n’ayant pas le choix, il ne devrait donc en aucun cas se voir facturer un supplément « chambre individuelle »).

    Bon çà n’enlève rien aux propos sur certains errements de facturation, mais il faut être lucide sur leur caractère général et non spécifique au secteur public, car les temps sont durs pour tout le monde !!

  • Chambre individ ou non , sur ma facture rien n’ est mentionné la dessus ! la journée chirur : 1181€ en 2014 + un forfait (?) de 18€
    Ce qui est croustillant et sordide c’ est ça :
    OBSERV : AUCUN DROIT ASSURANCE MALADIE alors que je cotise chaque année avec les prélevements obligatoires csg . Voleur et Minable la Cour Europ a jugé il me semble non ?

  • Bizarre bizarre mon petit doigt me fait penser à l’APHM !un directeur d’hopital s’est il retrouvé un jour devant la cour de discipline budgétaire concernant ses admissions en non valeur ?

  • Lors d’une opération dans une clinique privée, j’avais demandé à être en chambre double. Je me suis retrouvé en chambre simple sans avoir à payer de supplément du fait qu’il n’y avait plus de place en double. Le privé n’est pas plus malhonnête que le public.

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