Le sport français dopé aux subventions

Le sport français coûte 17 milliards d’euros au contribuable !

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Le sport français dopé aux subventions

Publié le 25 septembre 2015
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Par Alexis Constant.

footballs credits Mark Botham (CC BY-NC 2.0)

Une diminution de l’aide publique au sport amateur et professionnel serait une aubaine pour les contribuables.

Entre 2005 et 2012, l’État a injecté chaque année – via trois ministères (Sports, Éducation nationale, Enseignement supérieur et Recherche) de 4 à 4,7 milliards d’euros dans la sphère sportive. En 2009, sur les 4,3 milliards d’euros « déployés », 3,5 milliards correspondent à la rémunération des enseignants d’éducation physique et sportive (EPS), selon un chiffrage de la Cour des comptes.

Outre les impôts, le sport est financé par des taxes spécifiques. Le Centre national pour le développement du sport (CNDS) en collecte un certain nombre. Ce rapace budgétaire est alimenté par un prélèvement sur les mises de la Française des Jeux, une taxe sur la cession des droits de retransmission TV des manifestations sportives (taxe Buffet) et divers prélèvements. Son budget 2015 s’élève à 270 millions d’euros. Objectif de ce machin : à travers l’attribution de subventions, soutenir le développement du sport pour tous dans l’Hexagone.

Son budget sert notamment à subventionner des clubs, des comités, des ligues, des équipements sportifs, à assurer la promotion du sport à l’international… et à favoriser l’emploi semi-public, via la création de postes d’éducateurs sportifs, 600 de plus en 2015. Les millions d’euros distribués par le CNDS sont une goutte d’eau comparés aux milliards d’euros cumulés au titre de la « dépense sportive nationale ». Par dépense sportive nationale, il faut comprendre l’effort financier total du pays (ménages, entreprises, institutions privées sans but lucratif, administrations…) en faveur du sport. Dans cet agrégat (1,74 % du PIB en 2012), la part de l’État et des collectivités territoriales pèse très lourd.

 

Selon le ministère des Sports, l’ensemble des dépenses publiques dans ce secteur représentait 16,8 milliards d’euros en 2012, dont plus de 12 milliards pour les seules collectivités locales. Que ce soit avec une casquette nationale ou locale, ce sont les contribuables qui financent ces agapes. Les mairies sont les premières à les solliciter. À lui seul, le secteur communal consacre près de 10,8 milliards d’euros à son budget Sports. Cet argent est surtout employé pour la construction et l’entretien d’équipements sportifs mais aussi versé au titre des subventions aux associations sportives amateurs.

Malgré la crise, les communes continuent à dépenser sans compter quand il s’agit d’équipements sportifs. « Beaucoup d’élus paient ces équipements de 20 à 30 % trop cher, car ils sont mal conseillés » estime David Douillet, ancien champion de judo, ministre des Sports sous Nicolas Sarkozy et aujourd’hui député des Yvelines. Lorsqu’il était ministre, l’ancien judoka a proposé de créer un comité d’experts et de techniciens au service des élus projetant de construire un équipement sportif. Ce projet est resté lettre morte.

Et le secteur communal continue à dépenser toujours plus.

Entre 2008 et 2012 ses dépenses sont passées de 9,3 à 10,8 milliards d’euros, dont moins de 50 % d’investissements, la part belle étant faite aux dépenses de fonctionnement et au financement d’emplois publics ou semi-publics. Ces postes de professionnels sont de plus en plus nombreux. L’emploi public dans le sport représente 102 000 postes pour 184 000 emplois dans le secteur privé. Que ce soit à travers les professeurs d’éducation physique (ils sont environ 40 000), appointés par l’État ou les 58 000 animateurs sportifs et divers personnels que les collectivités locales rémunèrent, l’argent public est partout.

À ce moloch administratif, s’ajoutent des emplois indirects créés au sein des grandes structures sportives grâce aux subventions. Elles représentaient 88 millions d’euros en 2012, c’est beaucoup d’argent… Cette politique est-elle efficace ? Allez savoir ! Les magistrats de la rue Cambon soulignent que les subventions sont versées sans stratégie claire dans les critères d’attribution.

Ces critères profitent à certaines fédérations plus qu’à d’autres. Un classement réalisé en 2013 par le Journal Le Monde fournit le palmarès des fédérations les mieux dotées par l’État. D’abord, celle de ski (3,95 millions d’euros en 2011), puis celles de handball (3,26 millions), de cyclisme (3,2 millions), d’aviron (3,2 millions), d’athlétisme (3,1 millions), de natation (3,04 millions)… Pour stopper cette course aux millions, la Cour des comptes invite les 117 fédérations à réfléchir à la mutualisation de leurs moyens et à accroître leur autonomie financière en cherchant des « ressources propres ».

Au chapitre des personnels, la Cour pointe aussi du doigt le statut dérogatoire des 1680 conseillers techniques sportifs (CTS) mis à la disposition de 77 fédérations (les 31 fédérations olympiques, 31 fédérations non olympiques reconnues de haut niveau et 15 fédérations multisports ou chargées du sport handicap).

Autorisée par le Code du sport (article L.131-1) qui prévoit que des personnels de l’État ou des agents publics qu’il rémunère puissent exercer des missions de CTS, cette pratique revient cher : 110 millions par an. Pour réduire la facture, les magistrats de la rue Cambon demandent le toilettage des modalités de rémunération des CTS et un meilleur contrôle des compléments de rémunération qui leur sont versés par les instances sportives.

Pour justifier tous les milliards engloutis dans le sport, l’État met en avant sa volonté de le démocratiser afin de le porter à son meilleur niveau. Côté vitrine, cela fonctionne. En 2012, selon le classement mondial des grandes nations du sport, publié par Havas Sports & Entertainment, la France occupait le 4e rang mondial des pays derrière les États-Unis, la Chine et la Russie.

 

Tout ça pour ça ?

Côté coulisses, les choses sont plus contrastées.

Pour la Cour des comptes, le sport de haut niveau féminin est trop souvent en retrait ; les résultats obtenus aux Jeux paralympiques, mauvais ; et les médailles décrochées par la France sont trop concentrées sur un nombre réduit de disciplines. Si on se réfère aux classements internes des fédérations sportives, la place de la France dans l’Olympe sportive est moins favorable. Elle n’occupe que le 8ème rang pour le football, le 7ème pour le rugby.

Bien que soutenues par l’État et les collectivités territoriales, de nombreuses ligues sont dans une situation financière préoccupante.

Selon un rapport de 2013 de l’Inspection générale des finances : « les structures professionnelles peinent à équilibrer leur compte d’exploitation, gagnent peu d’argent, et le plus souvent, en perdent ».

Parmi les sports collectifs, le foot affiche la perte la plus élevée : 130 millions d’euros (2012), à rapporter à un chiffre d’affaires de 1,35 milliard d’euros pour les deux divisions professionnelles. L’ovalie a aussi ses problèmes : en 2013, la Ligue nationale de rugby affichait une perte d’environ 16 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 327 millions.

Depuis 2009, l’État a constitué un réseau national du sport de haut niveau dont l’animation a été confiée à l’Institut national du sport, de l’expertise, et de la performance (INSEP). Cette grande structure est confortablement installée dans le bois de Vincennes. Elle rassemble la crème de la crème, avec environ 600 résidents de haut niveau qui partagent leur vie entre cours et compétitions. Là aussi l’argent public coule à flot : achevée en 2014, la rénovation du centre a coûté 230 millions, une dépense justifiée par la volonté de transformer l’INSEP en « usine à champions ». Cette usine cafouille. Lors des JO de 2012, la France n’a rapporté « que » 35 médailles, soit 6 de moins qu’en 2008. Plus inquiétant, 14 de ces distinctions ont été obtenues dans deux disciplines (natation et judo). Ailleurs, dans des disciplines où le pays brille de longue date (escrime, équitation, cyclisme, voile…), les résultats ont été mauvais. Il serait temps que l’usine à champions augmente sa productivité !

  • « Sport et argent public : la France qui perd »Les Enquêtes du contribuable d’août/septembre 2015 – 5,50 €€. En kiosque. Vous pouvez commander en ligne ce numéro. 

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  • Mais existe-t-il un objectif précis dans ce financement ? Et s’il y en a un est-il vraiment pertinent ? Parce que à la fin de l’article il est question de faire briller le pays aux JO ou aux championnats du monde, alors que les compétitions sont avant tout individuelles, la « représentation du pays » étant surtout une construction de l’industrie des médias pour ne pas avoir trop à travailler sur la discipline en question et sur la signification produite par sa mise en scène. Je ne suis vraiment pas certain que l’action publique sur le sport soit correctement mesurée par le nombre de récompenses individuelles parmi un tout petit nombre de personnes qui pourraient peut-être très bien financer eux-mêmes leurs entraînements pour le coup.

    Il y a le sport de masse et l’élite, même massifier l’élite n’apporte pas forcément une amélioration de l’élite et quand Federrer domine le tennis mondial ça ne dit pas grand chose sur la pratique du tennis en Suisse. Même quand on dit « il y a 5 français dans le top10 mondial du ski nautique » (je dis 5, je n’y connais rien hein), on parle de 5 personnes quand-même, et ça ne représente toujours rien de la pratique globale du ski nautique dans le pays.

    Quelles est la mission du ministère du sport ? Comment la mesurer ? Après… il y a des chances que la définition même de mission soit discutable, mais discuter des résultats et de coûts en premier me semble impossible. Si l’objectif c’est de dépenser de l’argent par exemple, alors les résultats sont les coûts, et on doit pouvoir encore dépenser plus.

    • La mission du ministère ? C’est très bien expliqué par l’ancien ministre David Douillet : créer des commissions pour aider les élus à choisir auprès de qui dépenser pour leurs équipements sportifs.

  • Ca merde parce que ce pays n’est pas assez communiste. regardez les performances de l’ex RDA de l’urss et de la chine !-))))

  • Et au final les tennisman vont vivre en Suisse………..

    • Mais pourquoi pas : a priori les spectateurs du sport professionnel, qui sont des millions, s’intéressent surtout à savoir si ils connaissent les paroles des premiers couplets de la Marseillaise.
      Quand un footeux est payé par rapport au volume de pizzas (je simplifie) et qu’il ne court pas suffisamment (pourquoi il courrait, on ne sait pas, c’est pas vraiment le but du foot mais peu importe) et qu’en plus il ne connait pas la belle musique bleu-blanc-rouge, le spectateur fait quoi, il arrête de payer des impôts ? Non, il rachète une pizza et demande à son maire de donner plus d’argent au club pro de sa ville, quitte à en faire enlever au club dans lequel joue ses gamins.
      En Espagne les gens sont prêts un jour à manifester pour la baisse des impôts, le lendemain pour en lever de nouveaux pour leurs clubs.

      On pourrait parler d’une politique sportive, ou peut-être même d’une absence de politique sportive. Mais le truc c’est que les gens regardent la télévision, et c’est même pour ça qu’ils continuent à voter (sinon ils se seraient rendus compte que c’était contreproductif) : les soirées électorales sont d’ailleurs construites comme des soirées de compétition sportive, c’est le même dispositif et les mêmes discours, en gros.

  • Il aurait fallu comparer avec d’autres pays et faire un rapprochement entre total investissement public et résultats sportifs. Mais bon je sais que ce n’est pas évident et que ce n’est pas l’objet de l’article. D’autre part il n’y a pas que les JO, chaque compétition a ses championnats d’Europe et ses championnats du monde.
    Dans tous les cas cet article est très intéressant et demontre une chose: le domaine du sport a été nationalisé à moitié en France et semble être financièrement géré comme une poubelle. Je ne crois vraiment pas que l’on puisse en être fier.

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