La coûteuse fuite en avant des élus locaux

En pointant d’un doigt accusateur l’État, les maires s’exemptent de leurs propres responsabilités.

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Mairie d'Avignon CC Flickr Jean-Louis Zimmermann

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La coûteuse fuite en avant des élus locaux

Publié le 23 septembre 2015
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Par Stéphane Rossard

Mairie d'Avignon CC Flickr Jean-Louis Zimmermann
Mairie d’Avignon CC Flickr Jean-Louis Zimmermann

 

Les maires sonnent la charge contre la réduction drastique des dotations de l’État. Une part non négligeable de leurs recettes. Donc une partie importante de leurs investissements. De leur dépenses de fonctionnement, devrait-on corriger au regard de leur progression bien au-dessus de leurs moyens au cours des vingt dernières années. En pointant d’un doigt accusateur l’État, les maires s’exemptent de leurs propres responsabilités ! L’État, ce bouc-émissaire facile et tout trouvé. Pourtant les avertissements n’ont pas manqué au cours des vingt dernières années !

Le coup de semonce qui aurait dû définitivement faire prendre conscience que le « changement c’est maintenant » pour les élus locaux date de l’année dernière. Ainsi dans son rapport annuel sur les finances locales de 2014, le tableau dressé par la Cour des comptes relatif aux dépenses des collectivités locales est accablant. Elles « n’ont pas apporté la contribution attendue à la réduction des déficits publics », juge l’institution dans son rapport annuel sur les finances locales publié. Avant de renchérir : « Les perspectives d’une plus grande maîtrise des dépenses locales, attendue de la baisse des dotations de l’État à compter de 2014, sont incertaines. »

Mais ce n’est pas tout. En 2013, le besoin de financement des collectivités locales « s’est aggravé, passant de 3,7 à 9,2 milliards d’euros, soit 10% de l’ensemble des déficits publics », s’inquiète la Cour. La Cour des comptes rappelle que le déficit des administrations publiques locales est deux fois plus important qu’attendu (0,4 au lieu de 0,2% de la richesse nationale).

Les frais de personnel des collectivités (communes et intercommunalités, départements, régions) ont augmenté de 3,1% en 2013 ! Soit bien plus que l’inflation !

Pour se justifier, les collectivités locales se défendront d’avoir réalisé des investissements indispensables pour leur modernisation, le développement de leurs transports, la réhabilitation de quartiers, etc. Sauf que la masse salariale est en progression de 3,1% en plus de l’inflation chaque année en moyenne depuis 1983. Autre point très discutable : la croissance élevée des « rémunérations indiciaires (sous l’effet des avancements d’échelon et de grade) et des régimes indemnitaires ». La rémunération du personnel représente environ 35% des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs établissements publics en 2012. Pire, plus de 50% pour les communes ! Imaginez ces mêmes rapports appliqués dans le privé. C’est la défaillance assurée en un temps record !

Enfin, la Cour des comptes mettait en cause « la progression soutenue des achats de biens et de services ». Au total, les dépenses de fonctionnement, toutes collectivités locales confondues, ont atteint 163 milliards d’euros en 2013.

En résumé, et en clair, les collectivités locales dépensent trop depuis vingt ans. Elles vivent au-dessus de leurs moyens !

Les élus locaux croyaient que cette dotation était une manne acquise ad vitam aeternam. Or l’argent public ne tombe pas éternellement du ciel. Les élus ont des comptes à rendre. Et en premier lieu au contribuable !

À leur actif, les collectivités locales ont fait des efforts de mutualisation des services, censée engendrer des économies. Cependant, là aussi l’effet a été dévoyé. Les magistrats de la rue Cambon relèvent que, au cours de la décennie 2000, les effectifs des communes (près de 120.000) ont augmenté de 12,8% et ceux des intercommunalités de 145,6% (plus de 240.000).

Pour la période 2015-2017, les dotations de l’État doivent baisser de 11 milliards d’euros. Or, la Cour des compte estime que « le risque existe que les collectivités choisissent plutôt d’augmenter le taux des impôts locaux (communes et intercommunalités, et départements dans une moindre mesure) ou d’obtenir de nouvelles ressources (régions ou départements) » au lieu de réduire les dépenses.

Au lieu de crier au loup contre l’État radin, les élus devraient plutôt considérer que ce sont eux, avant tout, qui ont conduit à mettre en péril leur commune ou collectivité, à force de fuir leurs responsabilités. Ils espèrent faire reporter les sacrifices qui leur incombaient sur les citoyens-contribuables, comme c’est le cas depuis vingt ans. Une recette qui après tout fonctionne face à des citoyens qui contestent, certes, mais qui se mobilisent peu pour changer radicalement les choses.


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  • mobilisation des citoyens : que faire ?

  • il y a deux ou trois mesures de base pour enrayer cette machine infernale.

    1- un étage administratif territorial doit être autonome dans ses recettes, financées par une taxe locale clairement identifiée, les tarifs d’usage des services par les usagers…
    2- sauf à démontrer qu’un fonctionnaire est plus efficient qu’un contractuel, et je ne vois aucune fonction qui le justifierait hormis peut être le decideur sur l’attribution permis de construire… transformation de tous les fonctionnaires en salariés contractuel en CDI, avec l’ancienneté.
    3- abandon des regles d’achat spécifique, pour appliquer les lois commerciales communes.

    •  » autonome dans ses recettes, »

      les collectivités locales ont compris que c’est l’évolution attendu, mais cela ne limitera en rien les prélèvements .
      De plus en plus il est question d’une sorte d’impôt sur le revenu, appliquée aux taxes locales, et qui s’ajoutera au reste: les barons locaux ne doutent de rien !

    • @Cap2006

      1- C’est pas très réaliste. Les régions sont des distributrices de subventions, les Départements gèrent le RSA, etc …

      2- Pas plus, ni moins celui-ci qu’un autre. Le problème est plus dans l’incapacité des encadrants actuels à passer dans une optique de service public rigoureux et économe, faute aux élus en premier lieux et à la perte d’un certain devoir moral des autres.

      Des fonctionnaires peuvent être plus rentables que des privés pour la simple et bonne raison qu’il n’y a pas de recherche de profit ou de dégagement d’une marge. Mais ce n’est pas valable pour toutes les activités.

      Je pencherai plus pour laisser le statut actuel des fonctionnaires, fermer progressivement les services non régalien, avec redéploiement des personnels (un certain nombre passera alors au privé volontairement) et toutes nouvelles embauches en CDI à commencer par les encadrants.

  • qu’est ce que la mutualisation ?
    connaissez vous son fonctionnement ?
    qu’elles en sont les intervenants ?

  • Ce qu’il faut faire ?
    Très simple.
    1 – plus d’intecommunalité aucune. A supprimer et tout le personnel au RMI (ils n’ont pas contribué au indemnités de chômage donc ..)
    2 – chaque commune a un maire, un seul , élu ou tiré au sort ; OUI, OUI , tiré au sort. On peut ajouter comme formation minimale des études , etc..
    3 – toute dépense autre que courante doit être voté obligatoirement par les citoyens de la commune. Si une partie se désintéresse , tant pis pour eux. Le vote se fait par internet (l’adresse IP est une preuve), ou par courrier.
    4 – le reste , le balancer a la poubelle , sans regret …

    • toutes les communes n’ont pas la même taille en population. Si une grosse commune près d’une petite, elle peut aider (matériel, personnel etc…).Une déclinaison de faisabilité est nécessaire.
      Faire travailler toutes les entreprises de la commune ( revoir le contenu des marches publics).
      Partisan des emplois stables et durables, je rejette le RMI.
      Un groupement de communes peut fonctionner comme un groupement d’entreprises pour l’emploi.

    • Bien sûr, on peut être libéral, ce que je ne vais sûrement pas condamner!

      Mais la politique, « c’est l’art du possible »! Dans la France actuelle, il n’y a pas de possibilité d’imposer une gouvernance libérale, faute d’un appareil politique doublé d’un électorat suffisant.

      Je pensais précisément que si E.Macron avait été choisi par Fr.Hollande, c’était dû à ses qualités moins politiciennes qu’économiques et pragmatiques mais on se rend bien compte que le virage qu’on pouvait espérer est consciencieusement saboté par ses « amis politiques » qui craignent trop pour leur réélection!

      D’autre part, je crois que la politique n’évolue pas car les idées et le verbe y sont trop souverains: ce n’est pas critiquable, en soi, surtout en France.

      Cependant, la prudence et l’humilité pourraient au moins tester les idées « neuves » avant de les généraliser.

      Ce genre d’argument concret n’est que trop exceptionnellement utilisé, alors que cette méthode « par essai et erreur » se montre utilisée et rentable par tout le monde et dans tous les domaines!

      Pour une fois que la politique peut justifier que les « sciences politiques » sont autre chose qu’une farce!

      • Macron ? C’est une posture tactique destinée à rehausser le côté « bankable » de Hollande pour le « peuple de gauche ».

        Technique classique du « repoussoir », de mise en valeur par opposition.

        Ainsi Hollande peut « trancher » au milieu, apparaître comme raisonnable.

        Raisonnable pour un électeur gauchiste… pris entre d’un côté le FN (« les heures les plus sombres ») et de l’autre la horde des libéraux mangeurs d’enfants qui seraient emmenés par Macron et tous les autres, il se dira « Hollande au fond, c’est la sécurité, je joue la sécurité ».

        Bref, cela pue la petite opération politicarde, vaguement vicelarde, comme les aime Hollande.

        On complètera le dispositif par le coup de l’union nationale / union de la gauche… par une redite de l’opération Je Suis Charlie.

        Mélanchon pourrait lancer un « appel solennel » à quelques mois de la présidentielle : « en ces heures graves suite à (ici rayer la mention inutile : guerre, attentat, menace de l’extrême droite etc.) j’ai décidé de ne pas me présenter et j’appelle tout le peuple de gauche à faire front, derrière Hollande, même s’il a fait des erreurs et qu’il n’est pas parfait ».

        Il suffit juste de grappiller quelques %…. et arriver en deuxième position derrière Marine Lepen (qui sera loin devant).

        Le scénario est cousu de fil blanc.

        Hollande de toute façon n’en a pas d’autres.

        • « j’appelle tout le peuple de gauche à faire front, derrière Hollande »

          +1000.

          Les staliniens n’ont pas de convictions, ce sont juste des opportunistes prêts à collaborer avec leur pire ennemi si ça peut servir leurs intérêts. Quant ils étaient sincères, les communistes avaient toujours des problèmes avec leurs camarades.

          Quant à Stalinenchon, si MLP est élue un jour, il collaborera avec elle sans sourciller.

        • C’ est pas mal vu il joue le role des  » frondeurs » càd d’ une opposition à l’ intérieur de la majorité en meme temps il pourra servir de jocker c’ est une séduisante et habile stratégie politique , preuve ici

  • les premiers responsables sont les citoyens qui se sont toujours contentés de voter pour celui qui promettait le plus sans se soucier du financement des machins plus ou moins utiles ( un nième stade , une médiathèque encore plus grosse encore plus belle , une piscine encore plus grande , des rond-points fleuris partout …. , des tas de copains embauchés alors qu’il y a déjà deux fois trop de monde ).
    que les citoyens paient !! la prochaine fois ils réfléchiront avant de voter

  • Il ne faut pas accuser les « citoyens », ils ne savent pas comment fonctionne une collectivité territoriale.
    Comme toute administration, son fonctionnement est issu du code général des collectivités territoriales.
    Je pense que c’est à l’élu d’informer sa population qui est contribuable. L’élu vote des taux et le contribuable paye.

  • Le problème vient aussi de la corruption des citoyens qui votent pur celui qui fera le plus gros chèque de subvention au club de foot etc… Il y a aussi les maires « engagés » qui ne sentent plus pisser quand ils sont élus et se lancent dans des projets pharaoniques et des préemptions à la chaine. C’est même pas par électoralisme mais parce que ce sont des mégalos beaufs élus surtout devant une absence de concurrence réelle ou premiers dans un concours de circonstance. Leur seul programme se résume à du yaka fokon. On voit surtout ca dans les petites communes, mais quand on prend en considération le nombre de mairies en france, les conséquences sont bien entendu démultipliées.

  • Il serait temps que les français payent les choses á leurs juste prix, en commençant par les licences de sport une cotisations de football a 50€ suffit elle a financer un terrain, des vestiaires et leur entretien. La cantine scolaire et le personnel mis à sa disposition est-il payé au juste prix par les parents? Les crèches fonctionnent elles sans aide, malgré l investissements des collectivités? Les centres de loisirs accueillient par les municipalités doivent ils être à la charge de celle-ci? Et l entretien des lieux de culte et des salles associatives?

  • Comme solution, je propose:

    1- Geler les investissements jusqu’à stabilisation des comptes. Je remarque que certaines communes malgré la crise actuelle se lancent dans des projets incroyables sans prendre en compte le futur de leur commune et la crise de la dette.
    2- Geler les embauches jusqu’à stabilisation des finances. Au pire des cas, prendre des stagiaires chaque année.
    3- Assainir les finances en se débarrassant des emprunts dangereux. S’ils veulent de l’argent autant emprunter à des entreprises et non à des banquiers qui chargent énormément en intérêt.
    4- Forcer l’état à rendre l’économie locale. C’est à dire si jamais la commune réalise des économies alors elle conserve cette économie pour pouvoir l’utiliser plus tard (pour baisser les impôts par exemple).
    5- Les grands travaux se votent désormais avec l’aval des habitants. Les votants seront uniquement ceux et celles qui paient les impôts.
    6- M’élire comme maire….non je rigole.

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