Syndrome du Mont Rushmore : le cas québécois

Qu’est-ce que le syndrome du Mont Rushmore, qui atteint les services publics québécois ?

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Mount Rushmore National credits faungg's photos (CC BY-ND 2.0)

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Syndrome du Mont Rushmore : le cas québécois

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 20 août 2015
- A +

Par Mathieu Bédard, depuis le Québec.
Un article de l’Institut économique de Montréal

Mount Rushmore National credits faungg's photos (CC BY-ND 2.0)
Mount Rushmore National credits faungg’s photos (CC BY-ND 2.0)

 

L’Institut de la statistique du Québec avait annoncé la semaine dernière qu’il arrêterait de mettre à jour la Banque de données des statistiques officielles (BDSO) qu’il compile. Presque aussitôt, le gouvernement a annoncé qu’il chercherait des solutions pour maintenir la BDSO en ligne.

Ce n’est pas le seul exemple où les administrations publiques québécoises semblent couper d’abord dans les dépenses les plus visibles et les plus aimées des usagers. Tellement qu’on dirait qu’une grave épidémie de syndrome du Mont Rushmore sévit parmi nos administrations publiques.

Le syndrome du Mont Rushmore est un trouble du service public qui l’empêche de couper « dans le gras », là où les dépenses sont les moins utiles, pour plutôt effectuer les coupures qui risquent de susciter le pire tollé.

En clair, c’est quand on effectue des coupes à des services que les usagers affectionnent, uniquement pour mettre la pression sur le public et les législateurs, et ainsi annuler les compressions budgétaires.

Aux États-Unis, par exemple, pendant la crise des finances publiques d’octobre 2013, des employés du National Park Service avaient fermé l’accès à des points de villégiature donnant vue sur le Mont Rushmore. Il s’agit de petits bas-côtés, aménagés en bordure de la route, qui ne nécessitent aucun personnel, d’où on peut voir les flancs sculptés de la montagne. On les a fermés pour mettre la pression sur le gouvernement, alors que laisser ces belvédères ouverts n’aurait entraîné aucun coût de fonctionnement additionnel. Parions même que leur fermeture avec des cônes oranges a entraîné plusieurs heures de travail supplémentaires…

Les administrations publiques québécoises savent aussi couper de façon sélective pour entraîner la foudre des usagers sur les compressions budgétaires. Les menaces de fermeture de la BDSO en est un excellent exemple. Plusieurs articles de presse rapportent que « la BDSO entraîne des coûts de 1 million de dollars par année », soit 3,95% du budget dans le plus récent rapport annuel disponible.

Du point de vue de l’Institut de la statistique du Québec, le coût du maintien de la BDSO en ligne est relativement faible. Cependant, comme c’est l’une de ses activités phares et qu’un arrêt de ce programme pouvait susciter beaucoup de sympathie et, possiblement, faire annuler les coupures budgétaires, on avait délibérément choisi d’y mettre fin. Le pire, c’est que ça a fonctionné.

D’autres exemples de ce syndrome existent au Québec. Il y a quelques jours, un quotidien montréalais pointait du doigt l’épisode d’Expo-Sciences en décembre dernier. Les Conseils du loisir scientifique menaçaient de sabrer leur programme le plus populaire et leur activité principale, au lieu de l’un de leurs autres projets, ou même de chercher du financement externe.

Tout un éventail d’autres exemples de ce syndrome peuvent être trouvés dans un récent document de travail de l’IRIS sur des compressions budgétaires récentes. Des commissions scolaires qui choisissent de couper dans le « chauffage, éclairage, entretien », qui mettent fin à l’aide aux devoirs, des Centres de santé et de services sociaux qui menacent de couper dans les programmes de dons d’organes et dans l’aide alimentaire aux femmes enceintes. Pas dans la bureaucratie, pas dans les salaires qui bénéficient pourtant d’un avantage moyen de 10,8% par rapport au même travail dans le secteur privé, pas dans les formalités exigées des usagers qui doivent ensuite être vérifiées par des fonctionnaires.

La morale de cette histoire, c’est qu’il faut bien se méfier lorsqu’on annonce que seront coupés certains programmes particulièrement appréciés du public, ou dont le coût est relativement négligeable. Il s’agit parfois du syndrome du Mont Rushmore, dont le principal symptôme est un comportement stratégique pour défendre ses intérêts, et la prise des usagers en otage.

Si vous croyez que votre administration publique en est atteinte, je recommande une dose d’honnêteté, deux doses de bonne gestion, et beaucoup de « gros bon sens ».

Sur le web

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  • C’est machiavélique 😮
    Si seulement les politiciens étaient aussi inventifs pour créer de l’emploi et de la croissance !

  • C’est un phénomène assez courant en effet. Les services municipaux réduisent leurs horaires d’ouverture, laissent les trottoirs dans des états déplorables, ne vident plus les poubelles dans les parcs… des trucs bien voyants.

    • Bien voyants ? Je n’ai rien remarqué d’inhabituel…

      • C’est peut-être que votre municipalité n’est pas en difficulté: c’est en effet en prévision de diminution budgétaire ou d’augmentation de la fiscalité locale que cela s’organise, bien sûr: déjà les « craintes » dues au redécoupage des régions se sont exprimées: pourtant, si on regroupe, c’est bien pour fusionner des services, avec, en théorie, une économie d’échelle, donc moins de personnel, moins de cadres, de directeurs de ceci ou cela: pas étonnant que la crainte d’un ajustement budgétaire (qui fait partie des motivations) soit justifiée même si, probablement, à part les contractuels qui seront peut-être remerciés, les statutaires retraités seront moins remplacés: normal qu’ils annoncent déjà qu’ils ne pourront plus assuré la même qualité de service: ça demanderait de la présence et du travail!

        • Depuis au moins 20 ans, c’est plus de personnel et moins de services, d’heures d’ouverture, etc. Donc rien d’inhabituel, « business » (si j’ose dire) as usual.

        • moins de cadres, de directeurs de ceci ou cela:

          Non, c’est possible en fRance ❓ C’est déjà arrivé ❓
          Chez vous peut-être …

          • exact! Moins de gens qui travaillent vraiment mais plus de petits chefs d adjoints de couches de planqués titulaire de la carte du parti qu il faut mettre à l abri avant le possible (mais j en suis de moins en moins sur)* coup de balai de 2017.
            * beaucoup trop de gens impliqués dans les combines, vont pas scier la branche!

  • Une bonne approche serait de dire à chaque service « vous avez un budget de x » débrouillez vous et d’avoir simultanément une évaluation de chaque service par les usagers. Si un service ne donne pas satisfaction, sa dotation diminue de 5% et son boss est viré pour faute grave.
    Gageons que dans un tel cas, on laissera ouvert au maximum les services qui se voient et qui compte et on coupera dans le gras innutile.

    Mais au Québec comme en France, donner la parole aux usagers sur le « service public » est considéré comme un déni de démocratie, une hérésie atroce. Donc on est mal barrés.

    Sauf à virer tous les fonctionnaires non-régaliens et à contractualiser ce qu’ils font (en gros privatiser tout ce qui ne relève pas réellement des compétences publiques). Mais ça risque de faire crier dans les bas fonds.

  • Je ne savais pas sur le Mont rushmore, mais je sais à propos d,un monument aux Vétérans de la 2emem Guerre Mondiale, payé par les Vétérans, avec aucun argent public, qui n’avait aucun garde, vigile ou cout d’entré, et bien ils ont payé des types qui ont posé des clotures et monté la garde et bloqua l’acc`s au monuments à des vétérans de 90ans+ qui venaient spécialement à D.C. pour voir le monument une fois dans leur vie.

    Sans dire que les citoyens ont poussé les barrières, les Rébuplicains sont venu les aidés, et au diable Obama!

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