L’abolition de l’homme, de C.S. Lewis

Quel est donc cet homme aboli dont parle Lewis dès le titre de son livre, « L’abolition de l’homme » ?

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L’abolition de l’homme, de C.S. Lewis

Publié le 7 août 2015
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Par Jean-Baptiste Noé.

L’abolition de l’homme, de C.S. LewisAlors que les hommes sont en guerre, que l’Europe est sous la botte nazie, et que l’on ignore encore qui, de la liberté ou de la tyrannie, sortira vainqueur de l’apocalypse, un homme, écrivain et professeur, un Irlandais habitant en Angleterre, donne une série de cours sur l’éducation à l’université de Durham en février 1943.

Cet homme, Clives Staples Lewis, plus connu comme C. S. Lewis, est horrifié par la lecture d’un manuel scolaire. Celui-ci, sous des aspects pédagogiques, tend à supprimer la notion même de morale universelle. Et cette idée, présente dans un manuel à destination de la jeunesse, blesse tant l’auteur, qu’il se décide à en faire le point de départ de son cours, donnant ainsi trois brèves conférences, publiées par la suite sous le titre, L’abolition de l’homme.

L’homme aboli, ce pourrait être cet Allemand vitrifié par la pensée nazie, ou ce Russe, déshumanisé par le communisme ; mais non, l’homme aboli c’est n’importe quel homme qui rejette toute idée de morale universelle, et ce que perçoit et dénonce Lewis, c’est qu’il se trouve aussi dans les démocraties qui se battent pour la liberté.

L’abolition de l’homme, par C.S. Lewis

Le texte a été écrit en 1943, et on le croirait sorti d’une plume d’hier. Il trouve sa source et sa motivation dans un manuel scolaire anglais des années 1940, et il pourrait être né de l’inquiétude d’un contemporain sur la tournure des événements actuels. Ce texte est bref, 90 pages, mais il dit tout, tout ce qu’est l’actuelle vision de l’homme. Il devrait être lu par tous les professeurs soucieux de donner un esprit à leurs élèves, il devrait être médité par tous les parents, désireux de transmettre une âme à leurs enfants. Ce texte parle d’éducation, il parle de morale, et il parle de l’homme.

L’orientation nouvelle de l’éducation

Lewis n’a rien d’un réactionnaire moisi, et s’il rechigne sur les évolutions morales de son époque, ce n’est pas par nostalgie du passé, c’est par souci de révéler de très grands maux. Son ouvrage n’a rien de politicien. Il n’évoque jamais l’actualité, la guerre, les combats, à tel point que si l’on ignorait la date de rédaction, on pourrait croire ce texte rédigé dans son cottage, à l’ombre de la paix et de sa tasse de thé.

Pour autant, Lewis a des idées claires sur l’instruction de la jeunesse. Il est essentiel pour lui de bannir la relativité des idées morales, et de fournir à la jeunesse des idées solides, afin que celle-ci puisse affronter la vie. Dans cette optique, il lui apparaît de tout premier ordre de former le cœur, ce qui passe par l’acquisition de sentiments. Vouloir faire des hommes durs, des hommes sans cœur, c’est soumettre la jeunesse à la tyrannie des propagandes futures.

« Faire dépérir la sensibilité de nos étudiants fera d’eux des proies encore plus faciles pour les propagandes à venir. Car il faut bien que la nature affamée se venge, et un cœur endurci n’est pas une protection infaillible contre un cerveau ramolli. »

La sensibilité marche de concert avec l’esprit. Bannir la première de l’éducation, c’est condamner la raison à être faible et à manquer de capacité. Les hommes munis de cœur auront un bon cerveau. Glosant sur une citation d’Aristote dans l’Éthique à Nicomaque, il rappelle que “Le but de l’éducation est d’apprendre aux gens à aimer et à haïr, ce qu’il convient d’aimer et de haïr”. Pour être d’accord avec cela encore faut-il être persuadé que le relativisme moral n’a pas de légitimité, et qu’il y a des choses bonnes et des choses mauvaises par elles-mêmes. Or, la stabilité morale, c’est justement ce que l’éducation nouvelle refuse. Ce thème nous est aujourd’hui familier, et l’on découvre –non sans une certaine stupeur- qu’il était déjà présent à l’époque de Lewis. On devine alors l’historien et spécialiste de la littérature médiévale quand il distingue les deux types d’éducation, au prise l’une avec l’autre pour l’hégémonie sur les esprits.

« Là où l’ancienne éducation initiait, la nouvelle ″conditionne″. Avec l’ancienne, on traitait les élèves comme les oiseaux traitent leurs petits pour leur apprendre à voler ; dans la nouvelle, on les traite plutôt comme un éleveur traite ses jeunes volailles, pour des raisons dont elles ignorent tout. En un mot, l’ancienne éducation était une sorte de propagation, des hommes transmettant la force de leur humanité aux hommes, la nouvelle n’est que propagande. »

Propagation ou propagande ? Il fallait un certain sens de la provocation pour avancer cette dialectique en pleine guerre mondiale. La propagande, c’est-à-dire l’éducation chargée d’engraisser les hommes sans vouloir les rendre capables de voler, n’est pas seulement le propre des régimes que l’Angleterre combat. Et la propagation, c’est-à-dire la transmission des savoirs et l’élévation vers l’humanisation, est une fonction essentielle de l’éducation qui se fait ranger au placard. Entre l’instruction limitée à l’accumulation des savoirs, et l’éducation uniquement tournée vers le développement des sentiments, il y a un parallèle commun. La première crée des esprits, la seconde modèle des animaux, mais aucune ne forme un homme.

« La tête gouverne les entrailles par l’intermédiaire du cœur, le siège, comme Alain de Lille nous le dit, de la magnanimité, des émotions organisées en sentiments stables par des habitudes bien entraînées. Le cœur, la magnanimité, le sentiment, tels sont les indispensables agents de liaison entre l’homme cérébral et l’homme viscéral. On peut sans doute même dire que c’est cet élément médiateur qui fait de l’homme un homme ; car par son intellect, il est simplement esprit et par ses appétits, simplement animal . »

Cette nouvelle éducation modifie donc la conception de l’homme.

« Les professeurs ne façonnaient pas l’homme selon un modèle choisi. Ils transmettaient ce qu’ils avaient reçu ; l’enseignant initiait le jeune néophyte au mystère de l’humain qui les recouvrait l’un et l’autre de sa majesté […] Cela change désormais. Les valeurs ne sont plus que de simples phénomènes naturels. Dans le cadre du conditionnement, on s’efforce de produire chez l’élève des jugements de valeur […] Ils [les pédagogues] savent comment produire une conscience et décident quel genre de conscience ils veulent produire. Eux-mêmes se situent en dehors, au-dessus . »

Produire des consciences en fonction des nécessités du moment, et pour des orientations bien précises, telles semblent être les volontés de ces nouveaux professeurs.

« Les conditionneurs vont par conséquent devoir choisir quel genre de Tao artificiel ils veulent produire dans l’espèce humaine, pour des raisons qui leur sont propres. Ils pousseront les autres à agir, ils seront créateurs de motivations. Mais d’où tireront-ils eux-mêmes leurs motifs d’agir ? »

Voilà une question qui est pertinemment posée. S’il s’agit de transmettre la morale naturelle, il est facile de la trouver et de la propager. Mais si l’on veut bâtir une nouvelle morale, sur quoi celle-ci va-t-elle reposer, et comment est-il possible de la justifier ? Car si l’on refuse toute valeur, comment faire perdurer le système ? Les premiers vont enseigner des valeurs, parce qu’ils ont été formés avec l’ancienne morale qu’ils ont aboli. Malgré eux ils sont conditionnés par elle et vont la transmettre. Mais ces valeurs se délitent à chaque génération, et arrive un moment où les nouvelles générations n’ont plus été élevées dans cette morale, qui est notamment la morale de la transmission. Et si la valeur de la transmission n’est plus transmise, comment peut-on justifier de transmettre quelque chose aux autres ?

« Ce n’est pas que ce soit des hommes mauvais ; ce ne sont plus des hommes du tout. En sortant du Tao, ils ont sauté dans le vide. Ceux qui leur sont soumis ne sont pas non plus nécessairement des gens malheureux. Ils ont perdu toute humanité ; ce sont des produits fabriqués. La conquête finale de l’homme s’avère être l’abolition de l’homme. »

La disparition de la morale conduit nécessairement à la disparition de l’homme lui-même.

La disparition de la morale

Morale, le mot fait peur. Pourquoi ? Parce que morale est devenue synonyme de restriction et d’interdiction, alors même que c’est elle qui assure la liberté. Oui, sans morale, pas de liberté possible. Et la disparition de l’une rend Lewis inquiet sur la pérennité de l’autre. Si, dans l’éducation, le cœur et le sentiment ont été rejetés, que reste-t-il pour fonder la morale ? L’instinct. Et voilà l’homme qui retombe dans ses travers animaux, alors même que l’on pensait que le combat contre les sentiments allait l’en délivrer. Et si c’est l’instinct qui gouverne, alors la morale est réduite aux volontés des personnes. Chacun son instinct, donc chacun sa morale. Chacun sa morale, cela porte un nom ; c’est le relativisme. “Si rien n’est obligatoire en soi, rien n’est obligatoire du tout .” Et voilà comment une conception erronée de l’éducation donne une compréhension faussée de ce qu’est la morale.

Ainsi, devient moral ce qui est voulu, ce qui est guidé par l’instinct. Et l’homme bâtit sa propre morale, sans se demander si celle-ci est fondée sur la raison et si elle repose sur la justice. L’homme veut donc créer une nouvelle éthique, mais a-t-il ce pouvoir ? “D’où est-ce que le Novateur tire cette autorité de prendre et de choisir ce qui lui convient ? ” s’interroge Lewis. Et plus loin de répondre :

« La loi naturelle n’est pas un système de valeurs possible parmi beaucoup d’autres. C’est la seule source de tous les jugements de valeur. Si on la rejette, on rejette toute valeur. Si on conserve une seule valeur, on la conserve tout entier. (. . .) La rébellion des nouvelles idéologies contre la loi naturelle est une rébellion des branches contre l’arbre : si les rebelles réussissaient, ils découvriraient qu’ils se sont détruits eux-mêmes. L’intelligence humaine n’a pas davantage le pouvoir d’inventer une nouvelle valeur qu’il n’en a d’imaginer une nouvelle couleur primaire ou de créer un nouveau soleil avec un nouveau firmament pour qu’il s’y déplace. »

Non, la morale ne dépend pas d’une volonté humaine, la morale est une découverte, une compréhension de ce qu’est l’homme, la morale fait partie de la nature même de l’homme, l’on ne peut donc pas la modifier, à moins de vouloir modifier l’homme. Ce fixisme moral ne signifie pas qu’il n’y a pas d’évolution possible, mais les évolutions, ou les améliorations, doivent venir de la morale elle-même, et non pas de l’extérieur. Ce sont plutôt des approfondissements que des créations. Le rejet du concept de valeur amène les sceptiques à vouloir trouver de nouvelles normes, alors même qu’ils ont rejeté les anciennes. Cette attitude n’a pas beaucoup de sens.

L’homme aboli

Quel est donc cet homme aboli dont parle Lewis dès le titre de son livre ? C’est l’homme qui a perdu le combat mené contre la nature, un combat perdu dans la victoire. C’est là que l’historien se fait jour, et qu’il comprend le drame qui se tisse en Europe depuis plusieurs siècles. L’homme a en effet la capacité de plier la nature à sa volonté, il a, grâce au développement technique, la possibilité que celle-ci lui soit ordonnée, et l’homme cherche de plus en plus à s’en affranchir. Or maîtriser la nature et la mettre au service de l’homme est une chose, mais cette situation aboutit, paradoxalement, au contrôle de l’homme.

« Si les rêves de certains planificateurs scientifiques se réalisent, la conquête humaine de la nature sera synonyme de domination de quelques centaines d’individus sur des milliards d’êtres humains. Dans ce cas, il n’y a et ne peut y avoir d’augmentation du pouvoir de l’homme. Tout nouveau pouvoir conquis par l’homme est aussi un pouvoir sur l’homme. Tout progrès le laisse à la fois plus faible et plus fort. Dans chaque victoire, il est à la fois le général qui triomphe et le prisonnier qui suit le char triomphal. »

Maîtriser la nature revient à donner à quelques hommes le pouvoir de contrôler les autres. Sur ce point Lewis évoque, à de nombreuses reprises, la question de la contraception. Cela surprend le lecteur d’aujourd’hui car la libéralisation de la contraception n’est pas un thème très développé des années 1940. Nous sommes encore loin des mouvements pour la dépénalisation de l’avortement ou de la pilule. Pour autant il en parle, et il voit juste. Sa justesse est prophétique, tant il perçoit clairement les distorsions anthropologiques que la contraception amène. La contraception est liée à la définition de la morale. Celle-ci conditionne toutes les questions de morale sexuelle, car désormais il ne s’agit plus de perpétuer l’espèce mais d’obtenir du plaisir. Le plaisir n’est pas un moyen de la perpétuation des personnes mais la fin de l’acte. C’est donc le bon vouloir qui conduit les êtres, la satisfaction égoïste a pris le pas sur la raison. Le plaisir individualiste ayant dépassé l’intérêt général, cela touche d’autres secteurs, comme les relations familiales ou sociales. La morale elle-même n’est plus fondée sur la justice ou le bien commun, mais sur le plaisir de chacun. Devient juste ce qui me plaît, devient juste la relativité des émotions.

Non seulement la contraception modifie les règles de la morale mais elle modifie également les rapports humains : elle détruit l’amour comme fondement pour le remplacer par l’intérêt. Avec la contraception il est possible de pratiquer l’eugénisme et la sélection humaine, c’est donc donner aux générations présentes un pouvoir sur les générations futures, ce qui introduit une défiance entre les générations : l’enfant n’est pas le fruit de l’amour de ses parents, mais de leur besoin. Si l’enfant n’avait pas correspondu à leurs besoins il aurait été éliminé. Dans ces conditions, comment pourrait-il avoir confiance en eux ? Et sans confiance, comment l’éducation peut-elle être assurée ?
La victoire de l’homme se fait donc aux dépens de celui-ci :

« Au moment de la victoire de l’homme sur la nature, on constatera que l’humanité tout entière est assujettie à certains individus et que ces derniers sont eux-mêmes soumis à ce qui est purement ″naturel″ en eux, c’est-à-dire à leurs pulsions irrationnelles. La nature, qui ne sera plus entravée par les valeurs, régnera sur les maîtres du conditionnement et, à travers eux, sur toute l’humanité. La conquête humaine de la nature s’avérera être, au moment de son succès apparent, la victoire de la nature sur l’homme. »

Puisque la morale a disparu et que la seule règle valable consiste à faire ce que les pulsions commandent, l’homme libéré se retrouve plus que jamais enchaîné par sa nature propre. Le général qui pavoise sur son char n’est qu’un esclave regimbant dans sa prison. Ce phénomène touche tous les pays, et pas seulement ceux que combattent les démocraties.

« Le processus qui, si on ne l’arrête pas, abolira l’homme, va aussi vite dans les pays communistes que chez les démocrates et les fascistes. Les méthodes peuvent (au premier abord) différer dans leur brutalité. Mais il y a parmi nous plus d’un savant au regard inoffensif derrière son pince-nez, plus d’un dramaturge populaire, plus d’un philosophe amateur qui poursuivent en fin de compte les mêmes buts que les dirigeants de l’Allemagne nazie. Il s’agit toujours de discréditer totalement les valeurs traditionnelles et de donner à l’humanité une forme nouvelle conformément à la volonté (qui ne peut être qu’arbitraire) de quelques membres ″chanceux″ d’une génération ″chanceuse″ qui a appris comment s’y prendre. »

Il faut un certain courage à Lewis pour proclamer le parallèle entre nazis et démocrates au moment où son pays est en guerre contre l’Allemagne. Pour autant, il n’hésite pas à aller plus loin, et à faire remonter à la soif de science les origines de l’abolition de l’homme, une soif de science qui est liée à la magie :

« Il y avait très peu de magie au Moyen Âge ; c’est au XVIème et au XVIIème siècle que la magie a atteint son apogée. L’investigation magique et l’investigation scientifique, menées avec sérieux, sont deux entreprises jumelles : l’une était malade et mourut ; l’autre était vigoureuse et a prospéré. Mais c’était bien des sœurs jumelles. Elles sont nées du même désir. »

Et plus loin :

« Il y a quelque chose qui unit la magie et la science appliquée tout en les séparant toutes les deux de ce que les siècles précédents appelaient la ″sagesse″. Pour les sages d’autrefois, le problème essentiel était de mettre l’âme en conformité avec la réalité, et les moyens d’y parvenir étaient principalement la connaissance, l’autodiscipline et la vertu. Pour la magie, aussi bien que pour la science appliquée, le problème principal est de soumettre la réalité aux désirs humains ; et la solution est une technique ; dans la mise en pratique de cette dernière, toutes les deux sont disposées à faire des choses considérées jusqu’alors comme repoussante et impies, comme déterrer et mutiler les morts. »

Non pas se conformer à la réalité mais conformer la réalité à ses désirs, voilà le grand tournant de l’homme, un tournant qui l’a conduit à porter sa foi dans la technique et à rejeter les sentiments. Comme le fait remarquer Lewis :

« Quand on a discrédité tout ce qui dit ″c’est bien″, il ne reste plus que ce qui dit, ″j’ai envie″. Sic volo, sic jubeo. »

Que reste-t-il donc à l’homme ? La mort.

« Si on ne veut ni obéir au Tao, ni se suicider, il ne nous reste pas d’autre possibilité que d’obéir à nos pulsions (et par conséquent, à long terme, à la nature). »

C’est-à-dire que l’homme qui croit maîtriser la nature se délivre de la morale naturelle, et que cette délivrance le fait retomber dans la nature, à un degré qu’il n’avait même jamais atteint. La nature a donc conquis son farouche vainqueur et cette conquête sonne le glas de la civilisation.

« Le naturel est le contraire de l’artificiel, du civilisé, de l’humain, du spirituel et du surnaturel. »

Cette dernière sentence siffle comme un couperet. Lewis montre très bien comment l’homme civilisé annihile sa propre civilisation et que cette annihilation n’est pas le résultat d’une déviance, mais la conséquence d’une route bien suivie. Comment ne pas être stupéfait de lire ces lignes en 1943, au moment même où la technique a semé la terreur et la mort en Europe, au moment même où l’homme artificiel est retombé dans la barbarie primaire. Relire ces lignes à l’aune des événements qui se sont succédés par la suite, c’est mieux comprendre le lien invisible mais solide, qui relie le nazisme au communisme, et finalement au matérialisme pratique des démocraties. Rejeter la morale, rejeter la nature, c’est rejeter l’homme. ″La nature est contraire au spirituel et au surnaturel″, écrit le chrétien Lewis, converti en 1931. L’athéisme qui s’abat en Europe au moment où il donne ces cours a prouvé de façon pratique ce que Lewis avance de manière théorique. « Un monde totalement transparent est un monde invisible. ″Percer tout à jour″, c’est ne plus rien voir du tout. » Lewis a réussi à associer le fait de percer à jour son époque et ses drames tout en continuant à voir clairement les conséquences des actions des hommes, voilà pourquoi son œuvre éclaire encore ceux qui veulent sortir du monde invisible.


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  • Merci pour cette remarquable recension. Je suis estomaqué par la perspicacité et le culot de Lewis (que je ne connais que de Narnia, je dois avouer). Je commande l’ouvrage.

  • L » homme à eu tort de vouloir chercher à s’ abstraire de la nature, si je comprend bien l’ auteur, admettons….. Il se trouve que je ne suis plus tout jeune, et j’ ai connu ma grand mère maternelle qui était une très très vieille dame, qui elle même dans son enfance avait fréquenté des gens nés en 1830 ou 40, à une époque où la science moderne n’ existait pas et où dans son village des alpes suisses on vivait aux costumes près comme au moyen âge ou peu s’ en faut. Dans ses évocations la mort et la misère étaient omniprésents, la mort par la tuberculose, la gangrène qui vous emportait pour une bûche qui vous tombe sur la jambe en rangeant le bois pour l’ hiver, ou la bronchite qui vous tuait en une semaine parce qu’ après une bonne suée à faire les foins à l’ alpage vous vous étiez rafraîchi un peu trop vigoureusement dans le torrent qui coulait là. Pour ma grand mère seule survivante de quatre enfants, la mort de sa mère à sa naissance… Et la misère ça voulait dire pour ceux qui le pouvaient le voyage sans retour vers la Californie ou l’ Argentine, et pour ceux qui restaient une vie de privations, j’ ai encore dans les papiers de famille des inventaires après décès ,après toute une vie de travail pour simplement ne pas mourir de faim, que restait-il ? quelques chemises et chaussures usagée, quelques outils, une casserole en fonte….
    Pour reprocher à l’ homme son éternel combat pour s’ abstraire de la nature par les conquêtes de la science, il faut avoir été complètement déconnecté de cette réalité et de ces souvenirs là, c’ est caractéristique chez nos actuels écologistes, apparemment c’ était déjà possible en 1943…. Je me demande comment ce discours aurait été reçu dans nos villages il y a un siècle et demi ? Il me rappelle ceux qui aujourd’hui proposent comme seul avenir pour le tiers monde la hutte et le panneau solaire…

    • Bien dit !

      « il faut avoir été complètement déconnecté de cette réalité et de ces souvenirs là, c’ est caractéristique chez nos actuels écologistes »

      Ce n’est pas limité aux écolos : Lewis et l’auteur de l’article me semblent avant tout influencés par une morale chrétienne. La construction du raisonnement part de faits observables et de remarques pratiques sur les limites et les travers du contrôle de l’éducation et de la morale pour au final y substituer sa propre morale et appeler à un « contrôle adapté ».

      Je pense que leur à priori religieux les empêchent de voir la principale contradiction dans le discours : dénigrer l’instinct et prétendre que « la morale fait partie de la nature même de l’homme ». Car bien sur pour un croyant, l’homme est plus que son enveloppe charnelle et donc que son instinct. Du coup toute la logique de cet exposé est du vent. Si on admet à priori que l’homme est plus que son instinct, c’est qu’on a déjà admis les conclusions qu’on va en tirer.

      Et comme toujours, les « grands penseurs » ne se remettent jamais en cause quand ils finissent par proférer des monstruosités pour combattre d’autres monstruosités.

    • Votre intervention, quoique tout à fait juste, tombe à côté du sujet et montre que vous n’avez pas bien lu ou pas bien compris l’article. Il n’est jamais question de remettre en cause le progrès et le bienfait de surmonter notre dépendance à la nature!

      Relisez: « C’est-à-dire que l’homme qui croit maîtriser la nature se délivre de la morale naturelle, et que cette délivrance le fait retomber dans la nature, à un degré qu’il n’avait même jamais atteint. »

      L’auteur parle de morale naturelle, à mettre en relation avec les lois naturelles, et nullement de revenir à un idéal grotesque d’état de nature.

  • J’ oubliais la surpopulation ( pas de contraception) e les très faibles rendements(pas d’ engrais) qui entraînait déforestation et destruction des espèces sauvages « concurrentes.

  • Ce texte est très long. Trop long. Et certaines propositions sont discutables.
    Se soumettre à une tradition, aussi arbitraire qu’elle nous paraisse, ne peut pas être une vertu en soi.
    Considérer la tradition comme un patrimoine à accueuillir, à enrichir, à transmettre, voilà ce qu’il faut.
    Et le plus grand dommage causé par l’éducation « nationale » de masse, c’est d’avoir causé des dommages irrémédiable aux mécanismes de la transmission familiale intergénérationnelle.
    Mais considérer qu’il n’y a aucune place pour une mise en cause des valeurs traditionnelles à l’aune des nouvelles connaissances n’est ni plus ni moins que la définition de l ‘obscurantisme.
    Par ailleurs, si on veut la notion de morale ai un sens, il faut bien que le sens moral des différentes populations converger vers un recueil unique de valeur.
    Néanmoins, décreter que les valeurs sont d’ores et déjà connues, fixes, c’est se placer simplement dans la lignée du monothéisme chrétien et de son arrogance à vouloir monopoliser la morale.
    Une arrogance qui a couté cher à ces doctrinaire, et qui a couté cher à ceux qui ont été sous leur joug pendant des siècles.

  • Dès le début de la lecture de cet article conservateur j’ai compris qu’il en viendrait à parler de sexualité. Pour en dire du mal, évidemment. Et surtout de la sexualité féminine, ça aussi cela va de soi.
    Les conservateurs sont tellement prévisibles que ça ne m’amuse même plus d’être aussi perspicace. J’en viens presque à souhaiter me tromper, en tombant sur un article conservateur qui, contrairement à ce que je m’imaginais, se révèle véritablement sincère, c’est-à-dire pense sincèrement que les traditions, la religion, la famille, la nation, sont des choses importantes en elles-mêmes et non pas juste de bons prétextes dont peuvent se servir les conservateurs pour ne pas que les femmes « aillent voir ailleurs. »

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