Communication politique : techniques et pratiques du media training

Le media training se décline sous plusieurs formes, valables à tous les niveaux. Les dirigeants d’organisation politique devraient autant penser à la formation de leur base militante que de leurs cadres.

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Communication politique : techniques et pratiques du media training

Publié le 24 juin 2015
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media-training-formation (libre de droits)

Quiconque s’intéresse à la communication, à la notion « d’image publique » et au coaching de dirigeants (entreprise, politique…) a déjà entendu parler de media training. Mais de quoi s’agit-il exactement ? Serait-ce uniquement réservé aux « dirigeants » ? Qui peut faire du media training, dans quel but, et selon quelle méthode ?

Le media training – ou « formation aux médias » – se résume souvent à s’entraîner à parler devant une caméra… Le fait d’être filmé pendant vos interventions vous permet de vous découvrir en suivant votre image à l’écran. Il est ainsi possible d’analyser votre comportement et de tester vos réactions face à l’objectif – afin d’identifier les signes de trac et de nervosité, de développer les bons réflexes, de mieux maîtriser votre image et contrôler votre communication dans tout type de contexte.

À vrai dire, nous avons déjà tous l’habitude d’être filmés ou photographiés lors d’événements informels. Nous sommes habitués à une certaine image de nous-mêmes, que nous pouvons donner volontairement ou involontairement. Mais il s’agit toujours d’un contexte favorable, plutôt cordial, détendu voire carrément décontracté. Quelle image donnons-nous lorsque nous devons intervenir pour défendre une cause, diffuser un message spécifique ou répondre à des attaques ? Faire face à des journalistes, passer à la télévision ? C’est à ce type de situations que s’intéresse plus particulièrement le media training.

Le media training a donc pour but de vous mettre dans une situation où vous devez faire autorité : bien souvent vous n’intervenez pas en votre nom propre mais en tant que représentant d’un mouvement, d’un organisme, d’une entreprise, d’une institution ou d’une fonction…Vous parlez au nom d’autres personnes. Vous vous engagez. C’est pourquoi l’image que vous devez renvoyer doit être la plus nette possible, à la fois professionnelle et sympathique, adaptée à ce qu’attend votre public, sans fausse note.

En retour, lors d’une intervention médiatique, vous devrez bien souvent faire face à un journaliste, qui lui aussi fait figure d’autorité. Dans notre société, les médias représentent une forme de quatrième pouvoir, et beaucoup s’affirment comme de véritables prescripteurs de la pensée. Les présentateurs TV ont un pouvoir disproportionné, essentiellement basé sur leur notoriété : ils s’invitent chaque soir dans tous les foyers et sont connus de tout le monde. C’est pourquoi répondre aux questions d’un journaliste peut se révéler très intimidant pour qui n’y est pas préparé, et ce quel que soit le titre, le statut ou la position sociale de la personne interviewée.

D’une certaine façon, le media training est évidemment très utile pour les personnes amenées de par leur métier à s’exprimer à la télévision, et donc concerne en priorité les dirigeants d’entreprise, les responsables d’associations, les personnalités politiques. Toutefois, tout le monde peut en bénéficier, pour apprendre à mieux se connaître et améliorer sa communication. Le media training est un outil très puissant pour obtenir des progrès rapidement, en se confrontant directement avec l’image que l’on renvoie.

En fonction de la personne coachée, de ses besoins et des événements auxquels elle doit se préparer, le media training peut prendre plusieurs formes. S’agit-il d’une interview, d’un débat contradictoire, ou d’une intervention libre ? Des invités pourront-ils réagir ? Le contexte est-il plutôt favorable ou défavorable ? Parle-t-on de communication de crise ou d’influence ?

Nous pouvons essentiellement décliner le media training sous 4 formes :

1 – Le speech

Sous sa forme la plus simple, il s’agit de s’exprimer sur un sujet donné face à une caméra. Deux modes possibles : intervenir sur un sujet préparé à l’avance, ou improvisé. Dans les deux cas nous observerons un ensemble de réactions typiques telles que : les moments de gêne, les silences non assumés liés à des hésitations, regard fuyant et gestes involontaires trahissant un certain stress ou un manque d’assurance… Tout autant d’éléments parasites symptomatiques du trac qui risquent de brouiller le message, qu’il faut donc identifier et éliminer.

Cette forme basique de media training est idéale comme première approche pour apprivoiser son image. Bien souvent, les personnes qui se découvrent à l’écran sont surprises de voir qu’elles donnent une image bien meilleure qu’elles ne le pensaient. Elles se rendent également compte que leur principaux défauts ne sont pas là où elles croyaient. Le media trainer (le coach qui filme) est là pour leur donner les clefs d’analyse tout en indiquant les points faibles à améliorer, ainsi que les points forts à consolider.

2 – L’interview

À la différence du speech, il s’agit de répondre aux questions posées par le media trainer. C’est la forme habituelle de la plupart des séances de media training. L’exercice peut sembler plus facile, car c’est au media trainer (dans le rôle du journaliste) de rythmer convenablement l’entrevue, de meubler et de relancer la discussion quand il le faut.

Cependant, attention : le journaliste peut chercher à piéger la personne interviewée, à lui tirer les vers du nez, à lui faire dire ce qu’elle n’a pas dit ou ne veut pas dire, à la provoquer. Une interview peut donc prendre des allures de joutes verbales, où la personne interviewée ne doit pas se laisser entraîner n’importe où, en donnant juste ce qu’il faut comme informations tout en évitant la langue de bois, face à un journaliste en quête de scoops, d’aveux, de révélations et de scandales.

3 – Le débat contradictoire

Tous les coups sont permis. Entre deux candidats qui débattent, il n’y a plus la courtoisie propre à l’interview du journaliste. Le débat a ses règles, bien sûr, mais il se présente d’emblée comme un combat et non comme une simple discussion. Le but n’est pas de rechercher un accord mais au contraire, pour chaque débatteur, de marquer et de maintenir au mieux sa position.

Ce type d’exercice est excellent pour les candidats politiques. Il est également très utile pour les dirigeants d’entreprise devant se préparer à répondre à des attaques, en communication de crise par exemple avec des consommateurs critiquant un produit. Bien sûr, il impose d’être deux (à moins que le media trainer joue également le rôle du contradicteur).

4 – Le micro-trottoir

Forme peu habituelle de media training, le micro-trottoir est particulièrement recommandé en communication politique pour former les militants d’un parti. Il s’agit d’une sorte d’interview impromptue, pouvant être réalisée n’importe où, notamment dans la rue.

Pour réaliser correctement cet exercice, la scénarisation est primordiale. Il faut imaginer un contexte et se mettre en situation. L’environnement est également déterminant : il faut s’entraîner à rester concentré même dans des lieux très bruyants, par exemple avec beaucoup de monde parlant autour. Imaginons par exemple des journalistes posant des questions à des passants en marge d’une manifestation, ou à des personnes réunies lors d’un congrès.

Lorsqu’on est militant, comment profiter au mieux de cette tribune soudainement offerte ? Souvenons-nous du piège tendu aux sympathisants libéraux par les journalistes de Canal+ : le 14 mai 2006, à l’occasion du congrès fondateur d’Alternative Libérale, ceux-ci demandaient aux participants « De quoi en avez-vous marre ? » Les personnes interrogées répondaient donc en reprenant les premiers mots dans leur formule : « Y’en a marre de… », « J’en ai marre de… », « On en a marre de… » De quoi ? Nous ne le saurons jamais vraiment, car au montage la suite a été coupée, compilant simplement une séquence de plaintes sans queue ni tête. Résultat, les journalistes annonçaient hilares leur reportage ayant pour titre : Les libéraux en ont marre ! Si les participants avaient été davantage sensibilisés à ces modes de communication médiatique et les risques qu’ils présentent, peut-être auraient-ils flairé le piège et se seraient concentrés sur le positif en reformulant la demande des journalistes : « Ce que nous voulons vraiment, c’est… » Les dirigeants d’organisation politique devraient autant penser à la formation de leur base militante que de leurs cadres.

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  • ceux qui auront vécu des « interviews » de médias,montage tronqués,coupures,éléments de phrases sorties de leur contexte,auront compris que tous ces trainings sont peu utiles(malheureusement)face aux ficelles des médias.Relire des articles de laurent C. à ce sujet pour les lecteurs du site.

    • Justement j’aurais tendance à dire qu’il faut connaître leurs ficelles et leur façon de faire pour limiter les dégâts, pour éviter de faire des phrases ambiguës lorsqu’elles sont coupées. Le journaliste n’invente rien, il sélectionne, positionne, coupe et remonte des séquences, mais au final l’interviewé a aussi sa part de responsabilité lorsque sa langue a fourché, lorsqu’il s’est laissé distraire ou piéger, lorsqu’il s’est fait embarquer dans une argumentation hasardeuse de laquelle il n’a pas su se dépêtrer. C’est le jeu, si on veut de la visibilité il faut assumer le risque de s’exposer plutôt que de tout le temps critiquer les autres. Mais c’est vrai qu’en dernier recours c’est le média qui est toujours gagnant

  • Les commentaires sont fermés.

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