Effet du vieillissement de la population sur l’inflation : l’exception japonaise

Quel impact du vieillissement de la population sur l’inflation ? Quel est le sens de l’exemple japonais ?

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Effet du vieillissement de la population sur l’inflation : l’exception japonaise

Publié le 30 mai 2015
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Par Le Minarchiste.

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Une chose sur laquelle les économistes s’entendent est que le vieillissement de la population a un impact négatif sur la croissance économique. On s’entend aussi pour dire que le vieillissement fait augmenter le fardeau fiscal dans les pays où il existe un certain État-providence. Mais qu’en est-il de l’inflation ? Si vous demandez à plusieurs économistes quel est l’impact du vieillissement de la population sur l’inflation, ils vous diront que l’effet du vieillissement est déflationniste. Ils pointeront probablement vers l’exemple du Japon pour corroborer leur opinion. Cependant, le Japon est-il la règle ou plutôt une exception ?

Il est évident que le Japon vieillit ; l’âge médian y est passé de 34 ans en 1980 à 46 ans aujourd’hui. C’est aussi un pays où le vieillissement est en accélération fulgurante. Cependant, le Japon a quelques particularités : 1) il n’y a pratiquement pas d’immigration, 2) une grande part de la dette gouvernementale est détenue localement (90%), 3) le taux de chômage y est structurellement très faible, 4) le pays est fortement endetté.

 

japan-aging

Working age pop UN

Dans un article publié en novembre 2014, Katagari, Konishi & Ueda (KKU) de l’Université Waseda au Japon, font la distinction entre une vieillissement causé par une chute des naissances et celui causé par l’augmentation de la longévité. Dans le premier cas, le gouvernement pourrait être tenté de monétiser son fardeau fiscal (c’est-à-dire créer de la monnaie pour faciliter l’endettement du gouvernement), ce qui résulte en une inflation plus élevée. Dans le second cas, la politique monétaire est plus serrée, ce qui limite l’inflation (et protège la valeur réelle de l’épargne des retraités), mais le gouvernement compense en augmentant les taxes (ce qui nuit aux plus jeunes).

Ce raisonnement est en partie basé sur des considérations politiques. Plus les retraités deviennent relativement nombreux, plus leur part de l’électorat sera grande. Ils seront donc en mesure d’influencer les politiques publiques en leur faveur, ce qui favorisera la hausse des impôts à l’endettement pour combler les déficits fiscaux.

Dans le cas du Japon, KKU pointe vers le second scénario, l’espérance de vie y ayant été constamment révisée à la hausse au cours des dernières décennies. KKU estiment que l’impact du vieillissement sur le taux d’inflation a été de -0.6% par année au cours des 40 dernières années – un impact énorme.

Japan life expectancy

Japan fertility rate

L’étude de KKU montre aussi ce graphique, qui illustre la corrélation entre l’inflation et le ratio de dépendance des 65 ans et plus entre 2000 et 2013. Ce ratio suggère que si la population vieillit, l’inflation sera plus faible. Cependant, les données sont plutôt limitées, ne portant que sur une décennie.

 

CPI and dependency OECD

Une autre étude de Juselius & Takats (J&T) publiée en février 2015 par la Banque de Règlement Internationaux jette un regard plus global sur la question. Ils ont observé 22 pays développés entre 1955 et 2010. À la grande surprise de plusieurs, ils ont découvert que plus une société comporte de « dépendants », c’est-à-dire des retraités et des enfants, plus l’inflation sera élevée, alors que ce sont les travailleurs qui exercent une pression à la baisse sur l’inflation. Leur modèle est en forme de « U », comme le montre le graphique ci-bas montrant l’effet sur l’inflation de chaque cohorte. On y constate que les 60 ans et plus font augmenter l’inflation, tout comme les 5-25 ans, tandis que les 30-60 engendrent une pression déflationniste.

Age cohort effects on inflation

De plus, quand on observe la relation entre le taux d’inflation et le ratio de dépendance pour différents pays, on constate que cela corrobore le modèle de J&T. On observe aussi que la relation n’est pas aussi claire pour le Japon, ce qui suggère que le Japon est l’exception plutôt que la règle…

Inflation vs dependency 5 countries

Ce graphique montre clairement l’impact du vieillissement de la population sur le ratio de dépendance au cours des prochaines décennies pour les pays développés. Selon le modèle J&T, la démographie aura un effet haussier sur l’inflation au cours des prochaines décennies.

Econ_dependency ratios

Finalement, le FMI a publié une étude en août 2014 rédigée par Anderson, Botman & Hunt (ABH), laquelle démontre qu’en vieillissant, le taux d’épargne des Japonais a chuté drastiquement. Cependant, la plupart des actifs vendus par les retraités étaient investis à l’étranger ; le rapatriement de ces sommes a donc occasionné une appréciation du taux de change qui aurait contribué à affaiblir l’inflation au Japon.

Conclusion

En somme, on constate que la relation entre le vieillissement de la population est plus compliquée qu’on ne pourrait le croire de prime abord et qu’elle est plutôt contre-intuitive. Dans les pays industrialisés, on peut s’attendre à ce que la hausse du ratio de dépendance mette une pression à la hausse sur l’inflation car les gouvernements, déjà fortement endettés et en déficit fiscal, n’auront d’autre choix que de créer de la monnaie pour monétiser la dette gouvernementale gonflée par les dépenses reliées aux retraités.

Le Japon est une exception à cet égard, car la hausse du ratio de dépendance n’a pas encore mené à une pression inflationniste. L’un des raisons pourrait être que depuis la crise Asiatique, l’endettement japonais est à un niveau stratosphérique, laissant peu de place à la croissance du crédit. Le processus décrit ci-haut ne peut donc pas s’y manifester. Cependant, les choses pourraient bien changer sous Shinzo Abe et ses « Abenomics ». Sa stratégie économique consiste à créer de la monnaie pour stimuler l’inflation. S’il atteint cet objectif, le Japon deviendrait alors l’exception qui confirme la règle…

Quant aux autres pays développés, il est impératif qu’ils adoptent des mesures visant à réduire leurs déficits fiscaux et leur endettement de manière à se donner une marge de manœuvre pour faire face aux imposants engagements financiers engendrés par le vieillissement démographique dans un contexte d’État-providence. Autrement, on pourrait observer des accélérations fulgurantes de l’inflation… ce qui serait un désastre pour les retraités vivant de leur épargne…

Sources

Sur le web

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  • 2) une grande part de la dette gouvernementale est détenue localement (90%) + 4) le pays est fortement endetté

    ==> ??? c’est quoi une dette gouvernementale? La dette de l’état japonais est colossale (245% du PIB) mais souveraine et quasiment 100% japonaise: ménages 94% et le reste se partageant entre la Poste japonaise et diverses compagnies d’assurance

  • Sans compter le fait que le fonctionnaire ne couvre que 27 % des cotisations de sa future retraite.
    Pour la France ce sera au bas mot 10000 milliards à trouver. Si on extrapole à la France le chiffre de 2450 milliards concernant les engagements à prévoir pour la Belgique, cela donne 15000 milliards, si ce n’est plus.
    Vertigineux.

  • « Une chose sur laquelle les économistes s’entendent est que le vieillissement de la population a un impact négatif sur la croissance économique. » La plupart des économistes socialo-keynésiens analysent en effet le vieillissement démographique comme une des causes de la « stagnation séculaire » parce qu’il déprimerait la « demande globale ». Pour les vrais économistes qui savent que la demande globale keynésienne ou la stagnation séculaire sont des élucubrations d’esprits faibles, les perspectives sont différentes. On se souvient que le concept de stagnation séculaire a été inventé dans les années 30. On sait ce qu’il en a été depuis. Pourtant aujourd’hui, il est de nouveau à la mode de nous servir ces concepts rances, y compris au niveau des plus hautes instances mondiales (FMI par exemple), parce qu’il faut à tout prix justifier l’interventionnisme collectiviste débridé, les dettes folles et l’hyperinflation à venir. C’est une question de survie pour les Obèses, une fuite en avant vers le gouffre dans lequel ils veulent entraîner les populations avec eux.

    Par ses politiques discrétionnaires budgétaires ou monétaires, l’Etat-providence ruine les populations à son profit, notamment les seniors mais également les jeunes actifs, pour justifier de leur venir en aide, donc pour justifier sa propre existence. L’Obèse n’est pas providentiel, c’est en réalité un cercle vicieux.

    Cette crise est la crise terminale des Obèses, peu importe la démographie. La proportion d’individus qui s’en sortent malgré les Obèses se réduit au fur et à mesure de l’augmentation des agressions fiscales et monétaires qu’ils doivent supporter. Globalement, l’économie mondiale ralentit parce que les Etats obèses la parasite avec obstination.
    Nous sortirons de cette crise lorsque les interventions étatiques désastreuses cesseront. Nous sortirons de cette crise lorsque les Etats providentiels ne seront plus qu’un mauvais souvenir, une parenthèse malheureuse remisée dans la poubelle de l’histoire.

    • Allez raconter ça à un CGTiste il vous rira au nez ! Maintenant pour en revenir au Japon, j’observe que les vieux Japonais sont très conservateurs et consomment peu. ils roulent avec des voitures presque aussi vieilles qu’eux, vivent dans des masures et mangent un bol de riz agrémenté de quelques pincées de petits trucs qui lui donnent du goût, ils ont des smartphones loin d’être du dernier cri et ne font pas de folies vestimentaires. Ils se déplacent rarement à l’étranger. Comment voulez-vous qu’ils aient une influence sur la consommation dans leur pays car si je ne m’abuse c’est l’augmentation de la demande qui fait augmenter les prix. Quant aux plus jeunes, l’exemple de leurs parents leur a déteint dessus. Je crois qu’on a oublié dans ces analyses cet aspect très traditionnel de la population japonaise. Et quant à la dette du Japon, elle s’évaporera avec la disparition de cette classe d’épargnants qui en détiennent plus de 90 % et qu’ils ne peuvent pas céder, je parle des bons du trésor ou l’équivalent, car elle est taxée outrageusement à plus de 90 %. Shinzo Abe a bien reposé son plan sur ce dernier point.

      • @Jacques

        « car si je ne m’abuse c’est l’augmentation de la demande qui fait augmenter les prix.  »

        Dans ce cas-ci, c’est la consommation gouvernementale financée par création de monnaie. Car il ne faut pas oublier que dans une société où il y a état-providence, les personnes âgées coûtent beaucoup plus cher à l’état que les travailleurs.

        Par ailleurs, si les vieux Japonais consomment peu comme vous dîtes, il n’en demeure pas moins qu’ils ne produisent quasiment rien et n’épargnent plus. Donc cela met quand même pression à la hausse sur les prix.

  • La France avait annoncé la faillite des caisses de retraites dans 2 ans pour l’une et 3 ans pour l’autre..
    Hier : Miracle, ce sera dans 30 ans pour l’une et 50 ans pour l’autre…
    Analyser la démographie du Japon comme catastrophique, moi je la trouve formidable, voir des vieux ou vieilles de 96an et plus en pleine possession de leurs moyens, s’amuser en ville ou travaiiler dans les campagnes. Est une réussite pour ce pays ; on peut être vieux et en bonne santé ! Formidable.
    Leurs vieilles bicoques, valent aujourd’hui 600 fois plus que leur prix d’achat. Ils sont à la tête d’énormes patrimoines. La Société s’adaptera à ce défi, sans immigration, elle pourra consacrer son argent à ses vieux.

    Nous avons choisi l’immigration,et sans être anthropologiste : ceux qui arrivent ont plus de 48 ans en majorité… Et ce n’est pas ainsi qu’on vit de l’immigration. Il ne faut accueillir que des jeunes femmes et homes 50%- 50% de moins de 21 ans, pour les former et les intégrer. A 48 ans ou plus ils sont à 10 ans de la retraites… Et 95% d’hommes ????

    • « Leurs vieilles bicoques, valent aujourd’hui 600 fois plus que leur prix d’achat. »

      Tant qu’il y’a quelqu’un pour les acheter. Si le pays est peuplé uniquement de vieux, par définition installés et peu mobiles, leurs bicoques ne valent plus rien.

  • parler d’exception japonaise est une erreur , on doit parler d’exemple japonais .
    la vieillesse est la raison pour laquelle une société est durable , elle est l’exemple même de l’obsolescence programmée et de son utilité dans l’économie . une société oubliant le rôle économique essentiel des vieux et vouée a la disparition.
    un petit exemple:
    que serait une société si les hommes ne craignaient pas de vieillir ? ils consommeraient 100% de leur travail ou travailleraient juste ce qu’il faut pour leur besoin immédiat… tiens, cela ressemble étrangement a une vie d’artiste , un société de cigales incapables d’avoir de projets , une société sans avenir, sans progrès ….et il suffit de voir ce que font les milliardaires , ils passent leur temps dans des frivolités, ils se font plaisir et parfois nous font plaisir , leurs projets , faire le tour du monde en avion solaire , le mécénat , soigner la pauvreté a coup de dollars ..ils s’amusent pendant que les autres travaillent a leur avenir lorsque l’état le permet !

  • @Moi Vous ne connaissez pas le marché immobilier Japonais, il est plus dyanmique que ce que l’on imagine

    http://tokyopremiumrealestate.com/archives/2021

    Il semble qu’ils ne soient pas encore tous vieux, pour ne rien acheter.
    Pour ceux qui ne le savent pas, notez également le dynamisme de la Chine. Incroyable en gagant 400Europs par mois, ils achètent des appartements de 200 000 à 8 000 000 d’Euros.
    Pour la France on a tellement sorti nos mouchoirs..qu’il n’ya a plus de larmes.

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