Temps de travail des internes : le changement, c’est maintenant

Et si la réduction du temps de travail des internes en médecine révélait tout simplement que leur présence est indispensable au fonctionnement des hôpitaux ?

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Couloir d’hôpital (Crédits : Ralf Heß, licence CC-BY-NC-SA 2.0), via Flickr.

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Temps de travail des internes : le changement, c’est maintenant

Publié le 2 mai 2015
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Par Phoebe Ann Moses

Couloir d’hôpital (Crédits : Ralf Heß, licence Creative Commons)
Couloir d’hôpital (Crédits : Ralf Heß, licence CC-BY-NC-SA 2.0), via Flickr.

 

Un décret du 26 février 2015 entrant en vigueur le 1er mai ramène le temps de travail des internes en médecine à 10 demi-journées par semaine au lieu de 11. Ce décret n’est nullement l’aboutissement de négociations syndicales, comme voudraient le faire croire certains syndicats qui demandaient depuis longtemps cet ajustement, mais une mise en demeure datant de 2013 de la Commission européenne pour non-transposition en France de la directive concernant le temps de travail des médecins en formation. Le temps de travail des internes ne doit pas dépasser 48 heures de travail hebdomadaire en moyenne sur 3 mois, alors qu’il se situe actuellement autour de 60 heures.

Du côté des internes, on se réjouit de cette demi-journée en moins. Certains syndicats demandaient depuis longtemps que leur semaine de travail aille du lundi au vendredi, ce qui facilite le calcul de 10 demi-journées de travail. Le samedi pourrait alors être compté comme une garde. Cette mesure en leur faveur permettra certainement d’avoir l’adhésion totale à la Loi de Santé des médecins de demain.

Du côté des hôpitaux, l’heure est à l’inquiétude : en effet, si on enlève la demi-journée du samedi jusqu’à présent comptée dans le planning de présence des internes, qui sera là pour assurer la continuité des soins le samedi matin ? Se pose un problème de manque de personnel. Ou si l’on préfère, de temps de travail de l’ensemble du personnel. Certains soulèvent aussi le coût engendré par cette réforme du temps de travail : le CHRU de Montpellier évoque déjà la somme de 500 000 € !

L’ironie de cette situation est que depuis plusieurs semaines, le ministère de la Santé entretient savamment le buzz autour du financement des études de médecine en assénant dans les médias que les études des médecins étant payées par l’État, ils ont une « dette » envers leur bienfaiteur et se doivent de la rembourser en obéissant aux consignes ministérielles (plus spécifiquement en appliquant la Loi de Santé sans la discuter). Les médecins répondaient que leur dette était largement payée par leurs années d’internat, où ils étaient corvéables à merci, faisant les tâches les plus ingrates du métier (incluant évidemment les formalités administratives), sous prétexte de « formation », d’« apprentissage du métier », alors qu’il s’agit le plus souvent de se décharger sur eux d’activités chronophages comme la recherche de lits pour placer des patients, ou les gardes de nuit que ne veulent pas faire les médecins, pour une rémunération sans commune mesure avec le temps de travail effectué (environ 16 000 € bruts annuels la première année à bac +6, 25 000 € en fin d’internat à bac +11, toujours en brut annuel, une garde de nuit de plus de 12 heures étant rémunérée en dessous de 120 euros). Sans compter les activités qui ne concernent plus vraiment la formation d’un interne, comme la recherche bibliographique pour des PU-PH dont la carrière se mesurera au nombre d’articles publiés (et parfois, même pas écrits par eux) et non au temps clinique passé auprès des patients.

Les internes sont utilisés pour faire des économies de personnel. Par exemple, dans certains CHU, à la différence de petits hôpitaux périphériques, un interne en chirurgie servira d’aide-opératoire pendant plusieurs semestres au lieu de se former à devenir chirurgien : c’est-à-dire qu’il approchera les instruments chirurgicaux, qu’il tiendra des jambes pour une chirurgie de hanche, et éventuellement pourra faire les points. Ce qu’il sait déjà faire depuis son externat. Un interne en chirurgie commencera réellement à opérer en toute fin d’internat.

Un interne évite donc l’embauche d’aide-opératoires, d’infirmières ou de secrétaires, qui de toute façon seront aux 35 heures, un temps de travail dont il est déjà prouvé qu’il n’est pas approprié au monde d’aujourd’hui.

Si la réduction du temps de présence des internes empêche l’hôpital de fonctionner correctement, cela prouve donc que mal payés et faisant le travail, ils sont indispensables et économiques. La question de leurs études « payées par l’État » ne se pose donc même pas.

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  • Madame Marisol Reveyrand de Menthon a-telle jamais travaillé pour 1,5 € les 24 heures?

  • Tout ceci est exact mais ne date pas d’hier, dans les années d’avant crise , l’interne était celui qui travaillait le plus longtemps, qui aidait les externes, préparait les confs et articles des patrons et PH…Bref cela faisait partie « de la tradition »…Comme Mme Touraine ne fait que suivre la méthode Sarko en donnant le plein pouvoir au directeur, chef de l’entreprise hôpital, avec une mission: réduire les effectifs soignants, réduire le nombre de lits, et maintenant la durée du séjour hospitalier( vive l’ambulatoire), les internes se retrouvent avec une charge de travail d’autant plus importante..(informatisation des dossiers et des données..etc..). Et arrive, cerise sur le gâteau la régionalisation !!!! Des disciplines quitteront un CHU pour aller sur un autre plus grands et la médecine légale, l’hématologie , les greffes entre autres ne se feront que dans certains établissements…Et les internes iront vers ces établissements et des CHU vont perdre leur U et seront tributaires des médecins généralistes locaux qui voudront bien de qqs vacations ….Et cela coûtera encore moins cher….Avant de choisir votre lieu de vie , renseignez vous bien sur l’hôpital local….Vaut mieux, la vie est si fragile….

    • +1000!
      Et l n’y a pas que ça! Le problème principal, en France, a été la multiplication des institutions, Oh! Pas les institutions de soin! (Plutôt clairement en réduction accélérée) Non, l’administration de l’organisation administrative des soins, de leur contrôle, de leur efficacité, de leur rendement, (non, ce n’est pas pareil), le tout pour tenter de cacher cette vérité insupportable: on est souvent bien soigné dans un CHU, c’est la moindre des choses vu le coût (souvent un peu opaque) de ces hôpitaux qui restent les « gâtés » du système. Mais hors CHU, le reste du secteur public ne peut rivaliser avec les cliniques privées, malgré toutes les tracasseries administratives mises en oeuvre, et le public reste plus coûteux (il y a de rares exceptions, je dois le reconnaitre).

      Et plus les arcanes administratives ont été multipliées, plus le travail administratif des soignants (mais pas seulement, du service d’entretien – propreté, hygiène et problèmes techniques, aussi touché, comme est évidemment alourdi le travail des administratifs de la « maison »), je disais donc: plus ce travail administratif augmente, moins il y a de temps pour les soins. Et comme un patron de PME consacre une partie toujours plus importante de son temps à satisfaire tous les étages du mille feuille étatique, en-dehors de « son métier », le monde des soins doit consacrer une part importante de son temps à des taches administratives complexes, en-dehors dumétier de faire fonctionner un hôpital ou une clinique et à soigner des gens malades. Ce coût administratif, JAMAIS CALCULÉ, est de l’argent volé aux malades comme aux soignants ainsi que soit au monde du travail par les cotisations sociales soit aux contribuables-citoyens.

      C’est ce qu’on appelle pudiquement « un choix de société » qui veut en outre faire croire à la population que cette accumulation d’usines à gaz ne rejette pas de CO2 dans l’atmosphère et n’a rien à voir avec les 57,5-58% de PIB bouffé par l’état et ses annexes!

  • 81h cette semaine. Encore loin des 48h….

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Un article de Romain Delisle

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