Programmes scolaires : le problème n’est pas là

Le système de l’Éducation nationale vise à éradiquer les professeurs pour les transformer en fonctionnaires zélés.

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Programmes scolaires : le problème n’est pas là

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 30 avril 2015
- A +

Par Jean-Baptiste Noé.

sheep credits James Good  (CC BY-NC-ND 2.0)
sheep credits James Good (CC BY-NC-ND 2.0)

 

Le scénario est bien rodé, et tellement connu qu’il en devient presque lassant. À chaque publication de nouveaux programmes, c’est le même couplet qui est joué : ceux-ci sont de plus en plus vides, de plus en plus creux, et les élèves apprennent de moins en moins. Tout cela est vrai. Mais outre que cela a l’avantage de montrer qu’en matière d’Éducation nationale on peut toujours faire pire et que, finalement, c’était mieux avant, le problème n’est pas dans le contenu des programmes scolaires, que dans ceux qui les appliquent, à savoir les professeurs.

L’Éducation nationale est confrontée à un mouvement inédit depuis quelques années, et qui va croissant, à savoir d’une part qu’il y a de moins en moins de candidats aux concours de recrutement, et d’autre part, que la qualité intellectuelle des professeurs recrutés diminue. Dans beaucoup de matières, il y a moins de candidats aux concours que de postes à pourvoir. Cela veut dire que même s’il y avait 100% d’admis, de nombreuses classes se trouveraient sans professeur. Et comme les correcteurs se doivent, malgré tout, de sélectionner un peu, le déficit de professeurs est de plus en plus grand.

rené le honzec programme scolaireÀ cela s’ajoute le fait qu’arrivent dans la carrière des jeunes professeurs qui ont été lycéens dans les années 2000. Ils sont la première génération à avoir connu des programmes sabrés. Ce déficit de formation, pour la plupart, n’a pas été comblé à l’université. Ces professeurs ont donc des lacunes graves dans leur matière respective, et il leur sera difficile de transmettre ce qu’eux-mêmes n’ont pas appris. Pour prendre le cas de l’histoire, si la période byzantine est prévue comme facultative au collège à partir de 2016, c’est que la plupart des jeunes professeurs d’histoire n’ont jamais étudié cette période, ni au collège ni dans le supérieur. Comment alors pourront-ils l’enseigner à leurs élèves ?

On pourrait en dire de même de la littérature, des sciences (mathématiques et physique), des langues étrangères. La moyenne du CAPES de sciences de la vie et de la terre est régulièrement inférieure à 8 sur 20 parmi les admis. Dans les sciences humaines, on se retrouve avec des professeurs qui lisent peu ou pas du tout, et qui, souvent, ne maîtrisent pas l’exercice de la dissertation, car cela ne leur fut pas demandé au lycée. Disant cela, nous n’oublions pas qu’il existe de jeunes professeurs bien formés et très grands connaisseurs de leur discipline, mais ils sont l’exception.

Transformer les professeurs en fonctionnaires

Le plus grave est que le système de l’Éducation nationale vise à éradiquer les professeurs pour les transformer en fonctionnaires zélés, soucieux uniquement d’appliquer les textes officiels. Beaucoup râlent sur les nouveaux programmes, de plus en plus creux et vides. Ils râlent parce qu’on leur impose l’idéologie pédagogiste, mais pourquoi l’appliquent-ils ? Ils renient eux-mêmes leur liberté pédagogique, oubliant qu’ils sont les principaux maîtres dans leur classe, libres d’appliquer les programmes et d’étudier ce qui leur semble utile pour les élèves. Fidèles à la servitude volontaire si bien décrite par Étienne de La Boëtie, ils s’asservissent eux-mêmes. En s’attaquant aux maîtres pour les transformer en fonctionnaires, l’État cherche à s’assurer le contrôle de la transmission des savoirs et de la formation des intelligences, afin d’éliminer toute tête pensante et raisonnante. C’est bien le problème des hommes, des encadrants, qui est véritable, plus que celui des contenus que l’on demande de promouvoir.


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  • ils s’asservissent eux même…..et pour cause …on ne mord pas la main qui vous nourrit…..

    • Heureusement ils ne sont pas tous comme ça mais ils restent rares. J’ai eu une professeur d’histoire geographie lors de ma deuxieme seconde en 2005, malgre le fait que la democratie Athenienne n’etait deja plus au programme, elle nous l’a comme fait apprendre de sa naissance en passant par son apogée pour finir par sa destruction (en evoquant Socrate, Platon, les sophistes…) pour ensuite enchainer sur la republique Romaine pour ensuite faire l’empire Romaine, avec egalement l’histoire des religions les 3 principales.
      M’enfin tout ça pour dire qu’ils sont bien rare les professeurs de cette trempe et je dois l’avouer elle etait a 3années de la retraire a l’epoque donc c’est peut etre du « je m’enfoutisme » qui veulent faire de vous des « instruits sans aucun esprit critique ».
      D’ailleurs je me souviens que c’etait surtout l’esprit critique constructif qu’elle nous enseignait.

      • Pas vu, pas pris.

        Si un inspecteur apprend qu’elle est hors de clous, hum…

      • Mais votre professeur ne vous a visiblement pas appris que les adjectifs prennent une minuscule et les substantifs une majuscule, quand vous désignez les citoyens d’un pays et tout ce qui s’y rattache.
        On écrit dès lors les Romains et les Athéniens, voire les Hellènes si l’on est pédant, mais la démocratie athénienne et l’empire romain exigent une minuscule.
        Tout adjectif s’accorde: ils sont donc bien rareS les professeurs… etc.

    • Le statut de fonctionnaire était justement conçu pour éviter qu’ils soient des lavettes, en les protégeant de l’arbitraire.

      Quand on sait l’importance de l’emploi du temps, qu’un agrégé qui a 15 heures par semaine de cours donc de présence obligatoire minimum au lycée peut devoir venir 9 demi-journées s’il a un très mauvais emplois de temps, peut commencer la journée à 8 h et finir à 19 h ou commencer à 10 h et finir à 17 h selon la compétence du proviseur adjoint et aussi sa volonté à faire des emplois du temps corrects (tant pour les profs que pour les élèves qui souffrent de journées trop longues, de cours trop longs, etc.).

  • Les carences que vous signalez avec juste raison pour les professeur recrutés actuellement, touchent hélas, tous les jeunes. Je pense qu’il y a un lien avec le chômage qu’ils subissent. Cette génération est la première victime des élucubrations des crétins qui sévissent rue de Grenelle depuis tant d’années. Beaucoup de parents ont eu le grand tort de faire confiance au système éducatif…

  • Je souscris à l’analyse à 100 % .

  • « Ils sont la première génération à avoir connu des programmes sabrés. Ce déficit de formation, pour la plupart, n’a pas été comblé à l’université. Ces professeurs ont donc des lacunes graves dans leur matière respective, et il leur sera difficile de transmettre ce qu’eux-mêmes n’ont pas appris. »

    Entièrement d’accord avec ce raisonnement.
    Même si je remonterais avant les années 2000. Quand j’étais en première année de fac (en 1988 !!!!) déjà les professeurs étaient obligés de faire des mises à niveau pour ceux qui n’avaient pas appris à faire une dissertation au lycée…

    Le pire est que ce processus est cumulatif. Les professeurs ayant des lacunes forment mal les élèves. Qui ont donc des lacunes encore plus grandes. Qui vont encore moins bien enseigner. Etc.

    A quoi vient s’ajouter le fait que le métier de professeur (étant donné les conditions dans lesquelles il s’exerce) n’attire pas/plus les élèves les plus brillants (heureusement, comme vous le soulignez, il existe encore de fort bons professeurs) mais trop souvent ceux qui manquent d’ambition ou qui jouent la sécurité de l’emploi.

  • Tiens, le socialisme n’a pas marché. Ce doit encore être à cause d’un complot libéral.

    Et si on appliquait à l’école la concurrence, la liberté, la responsabilité ?
    Les socialistes ne veulent pas que nous choisissions entre leur école et celle des autres religions, notamment la catholique, qu’il a détruite en dévoyant la force régalienne, et face à laquelle il n’a aucune chance.

    L’effondrement du niveau n’est pas un échec de l’école socialiste, bien au contraire.
    Le peuple doit être un bétail docile et soumis, donc dénué d’esprit critique.

  • Le niveau de connaissances disciplinaires, des enseignants, mais aussi leur érudition, ont baissé avec la diminution brutale des exigences qui fut la réponse de l’Education nationale à une massification aussi soudaine que bâclée. Pour y faire face, il fallut procéder à un recrutement massif lui aussi d’enseignants peu et mal préparés. C’est donc dans un premier temps pour leur faciliter la besogne que les programmes furent allégés, il a près de quarante ans. Dans la foulée est venue la justification à postériori par des sociologues et une palanquée de spécialistes autoproclamés en (pseudo) sciences de l’éducation comme la pédagauchiste Marie-Danielle Pierrelée contredisant effrontément Jaurès du haut de sa cuistrerie, comme l’a si bien rapporté Finkielkraut. A Jaurès affirmant « ne pas concevoir « en vertu de quel préjugé nous refuserions aux enfants du peuple une culture équivalente à celle que reçoivent les enfants de la bourgeoisie », Marie-Danielle Pierrelée (répond qu’elle) ne voit pas en vertu de quel préjugé nous la leur donnerions. Si vos enfants s’ennuient en classe, affirme-t-elle en substance, (…) c’est parce que, en vertu d’une étrange conception de l’égalité, on veut imposer à toute une classe d’âge un enseignement passéiste et abstrait, adapté seulement à une minorité : ce jeune paysan sarthois « qui se moque éperdument des démêlés de Danton et de Robespierre » prendrait goût à l’histoire si on lui faisait étudier l’évolution des techniques agricoles. « 

  • 8/20, dites-vous, mais c’est bien pire à Créteil: on devient prof avec 4/20 c’est pourquoi il faut supprimer les notes et soigner l’école agonisante en cassant le thermomètre
    http://www.contrepoints.org/2014/05/21/166642-les-professeurs-sont-ils-des-cancres

  • La note au concours est peu significative en elle-même. Il est facile, par le jeu des barèmes, d’élever ou d’abaisser la barre d’admission, sans rien changer au nombre d’admis ou à la compétence exigée.

    En revanche, les autres arguments sont valides.
    Les changements de générations peuvent effectivement laisser craindre une rupture majeure. On a sauvé les meubles pendant quelques décennies, en bricolant des petits arrangements avec les réformes. On avait encore le souvenir plus ou moins vague de ce qu’il fallait faire. Mais maintenant, les erreurs du passé vont enfin produire tous leurs effets délétères. J’ajoute que c’est vrai pour le niveau intellectuel, mais aussi pour la culture du travail, fortement mise à mal par le RMI. Les effets moraux des lois se font sentir pleinement avec 20 ou 30 ans de retard. On est en plein dedans.

    Le déficit de candidats est grave et reflète les difficultés croissantes du métier. Les étudiants n’ont pas envie de se lancer. On les comprend. En lettres classiques, c’est encore pire, car le vivier d’étudiants susceptibles de se présenter est tari. Même si brusquement, par miracle, le métier redevenait attractif, même si tout à coup les salaires bondissaient, il n’y aurait pas assez de jeunes connaissant le latin et le grec.

  • Une remarque sur la servitude volontaire.
    Il est toujours possible, en effet, de se trouver des espaces de liberté. Mais parfois, cela relève d’une forme d’héroïsme. Héroïsme que j’approuve, là n’est pas la question. Mais, même si j’ai moi-même mis ma carrière de côté, jusqu’à quel point puis-je inciter les autres à le faire? On peut chercher à préserver des îlots de vertu, mais ce n’est pas avec l’abnégation de quelques-uns qu’on construit un système scolaire viable. Un bon système doit pouvoir fonctionner avec des gens médiocres, pas avec des saints.

    C’est un peu la limite des écoles hors contrat, dans l’état actuel des choses.

    • Quand on voit comment les libéraux bas de gamme qui grouillent ici et les droitistes leur crachent à g., on ne voit pas pourquoi les profs se fatigueraient et se mettraient à dos l’inspection et l’administration, alors que même les parents ne font RIEN face à des dysfonctionnement majeurs.

      • C’est un peu excessif. Beaucoup de parents s’impliquent positivement. La plupart font quand même confiance aux professeurs.
        Il y a certes une destructuration de la famille, mais ça ne signifie pas pour autant que les parents sont démissionnaires. Au contraire, j’aurais plutôt tendance à penser qu’on en demande beaucoup trop à tout le monde. Quand des parents lâchent l’affaire, c’est par découragement, pas par insouciance ou égoïsme. D’ailleurs de nos jours les gens vraiment égoïstes ou insouciants ne font tout simplement pas d’enfants, ils avortent et c’est tout.

        Ne tombez pas vous-même dans le travers de faire retomber les défaillances du système sur les acteurs ordinaires. Là où vous avez raison, c’est qu’il est parfaitement vain d’accuser en bloc une catégorie de personnes aussi vague que les professeurs, même fonctionnaires. On peut légitimement s’interroger sur le fait qu’ils soient agents de l’Etat mais pas leur reprocher de l’être, puisqu’il n’y a pas vraiment d’alternative.

        • « Beaucoup de parents s’impliquent positivement. »

          Je parle en particulier d’un cas précis de dysfonctionnement grave d’un lycée parisien, d’un fonctionnement totalement illégal, affaire pour laquelle le rectorat de Paris n’a bougé le petit doigt, comme on peut s’y attendre, pour laquelle l’inspection n’a bougé le petit doigt, comme on peut s’y attendre, mais pour laquelle les parents, ayant connaissance de ce dysfonctionnement aisément démontrable, n’ont pas non plus bougé le petit doigt. De peur que les enfants subissent des représailles, sans doute…

          Au final tout le monde se soumet.

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Les auteurs : Nathalie Sayac est Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen Normandie. Eric Mounier est Maitre de Conférences en didactique des mathématiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC).

 

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