Norme CE et sécurité des produits : l’information du citoyen en question

Le problème, s’agissant de régulation européenne, est que rares sont les hommes politiques à vouloir dire que la régulation de Bruxelles est plutôt libérale. Il faudrait pourtant mieux l’assumer.

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Détecteur de fumée (Crédits Melinda Taber, licence CC-BY-NC-SA 2.0), via Flickr.

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Norme CE et sécurité des produits : l’information du citoyen en question

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 26 avril 2015
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Par Vincent Pris, du Centre de droit européen.

Détecteur de fumée (Crédits Melinda Taber, licence CC-BY-NC-SA 2.0), via Flickr.
Détecteur de fumée (Crédits Melinda Taber, licence CC-BY-NC-SA 2.0), via Flickr.

La cour fédérale allemande de justice, basée à Karlsruhe a décidé jeudi 8 avril de porter l’affaire PIP  devant les juges de la Cour européenne de justice à Luxembourg. Il leur appartiendra de préciser l’étendue et les modalités des obligations de contrôle dans la certification de produits médicaux. Illustration de la confusion et des difficultés de perception de la régulation européenne en matière de protection du consommateur.

Plusieurs actualités récentes  de consommation  sont venues éclairer  l’écart entre la vision du citoyen consommateur et ce qu’est  la réglementation européenne.  Ni l’une ni l’autre ne sont un problème en soi : les citoyens attendent des régulateurs des moyens efficaces de sécurisation des produits qu’ils  consomment. La réglementation de l’Union vise depuis le Marché Unique à favoriser la libre circulation, la mise en concurrence, l’innovation. Les incompréhensions viennent, comme très souvent,  d’un déficit d’information  ou de transparence.

Illustrons : en vertu d’une directive, la France avait choisi la date du 8 mars dernier pour « imposer » des détecteurs d’incendie dans tous les logements. Logiquement, toutes les parties concernées attendaient  une fiabilité des produits,  sans laquelle  la disposition ne sert à rien et  crée des problèmes nouveaux.  Or, il est vite  apparu que certains produits vendus dans des réseaux irréprochables n’avaient pas les qualités  minimum pour fonctionner efficacement. C’est l’association de consommateurs UFC, et le magazine 50 millions de consommateurs qui, une fois de plus, a signalé le problème. En démontrant que les produits fiables étaient ceux aux normes françaises NF et que nombre de produits non fiables avaient pourtant reçu le marquage CE.

Explication : les détecteurs de fumée doivent obligatoirement répondre aux critères de sécurité de la norme EN 14 604. Et la réglementation européenne est claire :  » Si le produit respecte la norme EN 14 604, alors le fabricant peut apposer la marque CE « . Parallèlement, le produit peut bénéficier d’une norme NF, qui répond à des critères plus stricts, notamment « un suivi et des contrôles plus rigoureux »1. Mais la procédure de vérification de l’AFNOR (seul organisme à délivrer la norme NF) n’est pas obligatoire, c’est le fabricant qui décide seul de s’y soumettre.

Le sujet est en fait  la nature profonde de la réglementation européenne : c’est celle de la confiance au producteur et au distributeur. La réglementation européenne prévoit pour certains produits spécifiques des prélèvements d’échantillons mais seulement au moment du démarrage de la production. Mais il n’y a pas obligatoirement il n’y a donc pas de suivi de la conformité du produit et de la production ; or plusieurs cas ont montré que celle-ci pouvait se dégrader au fil du temps2. L’UFC se retrouve ainsi à jouer le rôle qui, normalement, dans la vision de la régulation européenne, est celui des autorités nationales. Surveiller, alerter, écarter.

Prenons le cas de l’affaire des prothèses mammaires PIP : l’analyse d’un avocat spécialiste, publiée l’an passé dans les Échos, mettait à jour le décalage de perception. Du fait de l’existence de la norme CE, dont tout le monde croit, ou plutôt croyait, qu’elle exige un contrôle sur pièce, l’ Affsaps hier, et l’ANSM aujourd’hui ne se vivent pas en charge de « surveiller » ces marchés pourtant particuliers. Bien que modifiée, la réglementation européenne laisse au fabricant la responsabilité d’apposer la norme CE ; il doit, certes recourir à un tiers de confiance pour valider ses process, mais choisit le niveau de certification, de vérification, sur lequel intervient ce tiers de confiance. Sans qu’in fine le client ne connaisse ce niveau. Allez expliquer aux femmes qui se font poser des prothèses mammaires ou aux personnes qui reçoivent des prothèses de hanche qu’il n’y a toujours pas de contrôle préalable du produit !

Dans tous les cas, l’organisme tiers, bien qu’agréé, applique la procédure  d’évaluation de la conformité à laquelle le fabricant a lui-même décidé de se soumettre ; certaines procédures l’exemptent de contrôles sur le produit, pour se limiter simplement à une vérification du dossier de fabrication, et donc de la conformité théorique. On le voit en matière de jouets : régulièrement des importateurs ou distributeurs sont poursuivis après avoir apposé à leur initiative la marque CE. L’évaluation externe de la conformité est à la charge d’organismes désignés par les États membres conformément à des critères communs d’évaluation et notifiés à la Commission et aux autres États membres

Certains on pu plaider pour des réformes de la réglementation européenne. Aux États Unis, culturellement plus favorables au « marché », aux producteurs, les appareils médicaux doivent être autorisés par une procédure proche de celle des médicaments. Ce n’est pas le cas en Union Européenne.

Mais le sujet de fond n’est pas la réglementation ; il est sa connaissance. Si les citoyens européens connaissaient la réglementation européenne, leurs  représentants exigeraient de faire apparaitre le niveau de certification, de vérification.  Les médecins, les cliniques, les distributeurs de jouets ou d’appareils divers seraient plus exigeants. Il y a un vrai besoin d’information et de transparence. Le problème, s’agissant de régulation européenne, étant que  rares sont les hommes politiques à vouloir admettre que la régulation de Bruxelles est plutôt libérale. Il faudrait pourtant mieux l’assumer.

  1.  UFC Que Choisir, Détecteurs de fumée, n°533, février 2015
  2.  UFC Que Choisir, Les Failles de la Réglementation, n°533, février 2015
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  • CE : China Export
    Il suffit de marquer CE sur l’étiquette et le tour est joué 🙂

  • Exemple des multi prises électriques : un produit de qualité legrand CE et NF 4 prises il est indiqué 3680w ce qui est insuffisant et dangereux ! il faut indiquer la consommation à ne pas dépasser PAR prise pas seulement le total maxi des 4
    pour un meme type de produit pas cher à l’ achat de marque inconnu CE l’ ayant démonté suite à un dysfonctionnement destination la poubelle

    • Piouhhh…. « un produit de qualité legrand CE et NF… » : Legrand est une marque, pas une qualité, CE est une autocertification, pas une qualité, NF est une certification, pas une qualité.

      D’autre part je ne vois pas l’intérêt ni la nécessité à exiger le marquage de la consommation maxi par prise sur un bloc multiprise à partir du moment où la section des connexions internes de liaison et leur longueur sont largement aptes à supporter la puissance maximum indiquée pour le bloc de 4.

      D’autre part, la puissance que vous indiquez est compatible avec les fiches standard 16A et vous pourriez très bien brancher une seule fiche sur votre bloc pour alimenter un appareil de puissance 3680W. C’est au fabricant de votre appareil consommateur d’avoir prévu la section idoine des conducteurs pour supporter le courant en ampères nécessaire à cette puissance.

  • Magnifique ! Comment passer complètement à coté du sujet !

    Cet article aurait pu être l’occasion de montrer que ce n’est pas à l’état ou à des organes de régulation étatique d’établir des normes ni même de les faire respecter.
    Et justement le cas des prothèses PIP est un big fail car la certification induit en erreur le consommateur final. Cette certification lui fait croire que le produit est sûr alors qu’elle ne fait que valider en théorie un processus de fabrication théorique.

    Si l’on réfléchit un tant soit peu on en arrive à la conclusion que ce sont les sociétés d’assurance qui devraient exiger – si elles le souhaitent – uh respect de normes minimales auxquelles elles auraient participé en même temps que des moyens de contrôle.

    Ainsi, dans le cas des détecteurs de fumées votre société d’assurance ne vous assurerait pour le risque (biens et personnes) que si vous êtes en mesure de prouver que vous avez mis en oeuvre les moyens exigés, qu’il s’agisse d’un respect de normes et/ou de certification.

    Chaque acteur dans la chaîne de fabrication ou de distribution du produit s’appuierait ainsi sur les déclarations et les assurances fournies en amont.

    Le problème n’est pas celui de l’auto-certification ni même un problème de normes mais la façon dont un acteur doit assumer sa responsabilité en cas de manquement à ses déclarations. Actuellement, si vous achetez un produit et que le fabricant, le distributeur ou l’importateur a failli dans es déclarations et qu’au moment où le risque apparaît cet acteur a disparu vous ne pourrez que très difficilement vous retourner contre sa compagnie d’assurances si tant est que vous la connaissiez… et quand bien même vous la connaîtriez il faudrait connaître les termes contractuels de la couverture et sa durée.

    Le libéralisme c’est la responsabilité de chacun par rapport à ses actes.
    Les normes étatiques c’est du protectionnisme.

    • Evidement c’ est un fabricant , une marque si vous voulez ! si vous saviez à quel point je suis idiot … et je confirme c’ est un fabricant qui produit de la qualité
      mon post n’ est pas clair c’est vrai NF et CE n’ est pas une qualité évidemment suis je bete !
      CE est une autocertification ?possible mais il faut una autorisation
      Ma multi Legrand donc , le plastic d’ une prise a fondu or la puissance maxi que j’ ai utilisé sur celle ci est de 2000w voila c’ est vrai et ce n’est pas clair non plus ça …..

      • Non, sur la plupart des produits l’apposition du CE est une autocertification qui ne nécessite pas une autorisation. C’est le fabricant qui l’appose sous sa propre responsabilité et il n’y a même pas de dossier à constituer mais il engage sa responsabilité (lui ou l’importateur ou le distributeur).

    • L’ article ne passe pas complètement à coté ! il met en évidence ce que vous écrivez sur sur la certif CE qui PEUT induire en erreur le consommateur

      • Dans le cas des prothèses PIP la vérification était effectuée pat le TUV qui est un peu comme le Bureau Veritas. C’est un peu comme les normes ISO9001 : vous pouvez très bien fabriquer un produit dans lequel il y a une erreur de conception que personne n’a remarquée et l’organisme de certification ne le verra pas plus que vous, même moins puisque leur but n’est pas de tester vos produits mais juste de s’assurer que vous faîtes comme vous avez dit.

        Oui ça induit en erreur les gens et tout système de ce type ne pourra qu’induire en erreur. Il n’y a pas de solution miracle, vivre est un risque.

        Pour ce qui est de votre multiprise qui était calibré pour 3680W (soit 230V x 16A), normalement lorsqu’il y a un court-circuit c’est le fusible ou le disjoncteur qui devrait sauter. mais un courant de court-circuit peut faire plusieurs centaines d’ampères et souvent à cause de la longueur de la ligne le courant de court-circuit cause des dégâts avant d’être détecté par le disjoncteur. Il se peut aussi que ces dégâts aient été causés lors d’une précédente utilisation, ce qui a fragilisé le bloc multi-prise.

        Il se peut aussi que l’appareil alimentée avait une connexion mal serrée et cela crée des surintensités, il se peut aussi que le fiche avait du jeu, ce qui revient au même. Il se peut aussi que l’appareil ait été à de multiples reprises branché ou débranché sous tension (en branchant ou débranchant la fiche) ce qui crée des courants induits destructeurs.

        Il se peut aussi que ça vienne d’un défaut de fabrication du bloc multiprise et que par exemple un rivet d’une barrette de jonction ait été mal serti : la fabrication zéro défaut ça n’existe pas et il est très difficile de descendre en dessous d’1 ppm (1 défaut par million) et couramment les défauts sous garantie sur ce type de matériel simple sont de 0.1% et vous faisiez partie de cette personne sur 1000 qui a eu un problème.

        • Que les Cies d’ assurance y mettent leur grain de sel comme vous le suggérez serait logique . C’ est le pré carré des politiciens et bureaucrates européens mais c’est un sujet vraiment intéressant qui aurait sa place sur Contrepoints comme ce bon article ci dessus de Vincent Pris

  • Il a pire que cela les chinois pour ajouter de la confusion ont créé un sigle quasi identique a la norme CE dénommé China Export soit CE il faut les avoir les uns à coté des autres et le modèle de référence de l’UE pour en faire la différence

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