Tempête de méchanceté sur des chatons théâtreux

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masque de théâtre credits Vollmer (licence creative commons)

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Tempête de méchanceté sur des chatons théâtreux

Publié le 26 avril 2015
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On l’a vu, l’austérité se traduit essentiellement par des augmentations d’impôts musclées au niveau des collectivités territoriales. Pour la diminution des dépenses, on en est encore loin, et la seule évocation d’un gel des budgets a entraîné de nombreuses crises de nerfs notamment dans les domaines de la Culture où la réaction épidermique est de rigueur.

Mais ces petits prurits agaçants ne sont pas les seuls effets étranges que provoque la fermeture, ô combien progressive, des robinets d’argent public. On découvre même, au hasard de petits pamphlets internautiques au bourrichon tout remonté, que l’obligation pour certaines institutions publiques de recourir à des méthodes inventives pour trouver des fonds de fonctionnement provoque un courroux bruyant de la part d’une population d’habitude fort discrète.

Tout part semble-t-il d’un projet d’éducation artistique, le programme Génération(s) Odéon, qui vise à accompagner sur deux ans des élèves de quatrième, et en particulier des jeunes scolarisés en réseau d’éducation prioritaire, dans un parcours de découverte et de pratique théâtrale. Et comme ce programme semble bien fonctionner (deux classes de quatrième du Collège Jules Ferry de Maisons Alfort et du Collège Saint Vincent de Paris en font déjà partie), la direction de l’Odéon-Théâtre de l’Europe (établissement public inauguré en 1782) souhaite l’étendre à deux nouvelles classes chaque année. Pour cela, le théâtre pouvait

  • vendre plus de services, d’abonnements de spectacle, de places à ses événementiels
  • utiliser le 50/50 faire appel au public au travers d’une campagne de mécénat participatif
  • réclamer plus de thune à l’État.

Stupéfaction abominable dans les rangs des artistes du théâtre public : ce n’est pas la dernière solution, pourtant évidente, qui a été retenue, mais la seconde, l’appel aux sous du public. Et faire ainsi appel au mécénat participatif, cela les choque. Profondément.

shocked lolcat

En effet, pour nos choqués, le théâtre national aurait une obligation en terme d’éducation artistique et d’accès à la culture, et cette obligation ne peut pas, ne doit pas passer par un tel financement. Pour eux, le public, c’est-à-dire les gens qui sont directement intéressés dans l’affaire, ne peut absolument pas se substituer au public, c’est-à-dire le contribuable. Impensable, d’autant qu’on fait appel à cette générosité du public pour « une somme qui, rapportée aux 17,6 millions d’euros du budget 2013 de l’Odéon, est dérisoire » (bien évidemment, le dérisoire s’arrête aux portes de nos choqués puisqu’aucun d’entre eux ne semble prêt à mettre 30.000 euros de sa poche).

Pour eux, pas de doute, cette nouvelle expérience du crowdfunding dans le monde feutré et balisé de la Culture est une hérésie insupportable, puisqu’il est, je cite, « le signe du désengagement des tutelles auprès de la création la plus fragile ». AAaah, la création la plus fragile, vous savez, ce petit fétu de paille précieux mais qui ne résiste jamais au moindre souffle de vent, à la moindre brise légère, à la moindre contrainte du réel et qui aurait besoin de toutes les attentions, toutes les bonnes grosses tutelles étatiques, parce que sans leur indispensable ouate moelleuse de financement, elle ne pourra jamais s’exprimer comme l’ont si bien montré les déserts culturels arides des siècles passés dans lesquels même le mécénat était malingre ! Aaaah, cette fragile création, alibi récurrent à la ponction publique de tous ceux qui n’ont jamais réussi à vivre de leur art parce que, … parce que … eh bien parce que le public n’a rien à carrer de leurs productions douteuses.

cat-omg

Et puis, il faut bien le dire : ce crowdfunding pue du bec, il porte l’odeur lourde et méphitique de ce public qui ne passe pas par l’État comme intermédiaire désodorisant. Pouah, que c’est laid, puisqu’on dirait que « cette idée s’apparente en fin de compte à de la charité », cette vertu humaniste qui n’attend rien au retour, au contraire de la belle solidarité, validée par l’État, obligatoire, micro-managée, mesurée et pré-empaquetée pour une distribution facile. C’est insupportable, cette « condescendance à vouloir permettre aux nouvelles générations d’acquérir un bagage culturel » ! Des gens, du public, qui donneraient des sous, directement, pour que des gamins puissent suivre des cours de théâtre, c’est évidemment gluant de dédain et de mépris pour les petits pauvres ! S’il n’y a pas la saine ponction fiscale et la juste redistribution collective, le don est quelque chose d’assez cra-cra, quand on y pense.

Et puis, on ne la leur fait pas, hein : nos grands brûlés du théâtre post-austérité comprennent bien que ce crowfunding truc machin, introduit là par un directeur de théâtre au salaire sulfureux, n’est que le début d’un délitement gravissime de leurs modes de financement habituels. Les robinets publics se tarissent les uns après les autres, et ils ont bien vu qu’on leur demandait de diversifier leurs ressources. Horreur des horreurs, de fil en aiguille, il va falloir s’adapter aux demandes du public (celui qui vient, qui regarde, qui écoute, qui critique, et qui décide ou non de payer, le cuistre !).

Abomination supplémentaire lorsqu’on apprend qu’en plus, « L’entreprise est désormais la bienvenue dans tous les théâtres publics » et qu’elle en devient donc un mécène acceptable. Le Grand Capital sur nos planches ? Autant se jeter tout de suite dans les bras d’Hollywood, de risquer les succès planétaires ou un retour à ces heures les plus sombres où la Culture française, sans ministère ni subventions, rayonnait sur toute la planète. L’entreprise ??!! Mais vous n’y pensez pas, pauvre fou !!

cat shock shock shock

austérité : dépenses administrations publiques - 2013Mais ce qui emporte le pompon, ce qui brise le vase de Soissons, ce qui fait péter les câbles, les fusibles, les bretelles et les élastiques de nos petits chatons théâtreux, c’est l’ultime affront, la claque inouïe, l’indécence ignominieuse que peuvent représenter la défiscalisation (partielle) des dons effectués dans le cadre du crowdfunding. C’est tabominable, thonteux, thorrible, et pire, c’est tobscène « cette manière de « valoriser » la défiscalisation des dons. ». À l’heure où l’austérité frappe de plein fouet les théâtres, où les impôts baissent si fortement, il est impensable d’accorder encore plus de latitude au contribuable en lui permettant ainsi d’échapper à une partie de son devoir par l’utilisation de ce don. Normalement, le bon sens redistributif et collectiviste voudrait au contraire que tout don soit accompagné d’une réduction d’impôt de -100%, autrement dit que chaque don de 100€ soit accompagné d’une augmentation d’impôt de 100€, l’État partant du principe que qui peut donner 100 peut donner 200, merde à la fin, cette austérité a assez duré.

ils défiscalisent les dons

Non, vraiment, on ne peut que comprendre le cri du cœur de nos petits minous effarouchés pour qui « le véritable financement participatif, c’est l’impôt ! », le seul à même de les dégager de toute trace de responsabilité, de toute exposition un peu rude aux contraintes du réel (produire pour un vrai public qui paye, par exemple), et de toute contingence matérielle totalement impropre à l’exercice de leur art. Parce que s’il y a bien une chose de certaine avec l’impôt, c’est son petit côté magique™, même quand il n’y a plus une thune.

socialisme magique
—-
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  • excusez moi cher maitre mais quand c’est l’état qui paie on peut faire des projets sérieux , les dons , on ne sait jamais combien on va toucher , le partage devient problématique et le banquier soupçonneux , un artiste ne peut pas vivre comme ça !

    • La France étant l’un des rares pays à financer ainsi sa « culture », dois je en déduire que la France est un des seuls pays où la culture existe?

      Il s’agit simplement de trouver des investisseurs pour soutenir un projet, ce que fait n’importe qui quand il s’agit de monter un projet quelconque.

      Et on parle des films? Ces magnifiques films d’auteur que personne ne regarde, parce qu’intrinsèquement, ils sont totalement nullissimes, et ne cherchent pas à être bons! Avec des couts de production bien élevés, le tout grace au cachet des acteurs principaux, le petit salaire du real et le bonus du producteur (souvent des grandes chaines de télé), tout ce petit monde participant à la farce pour envoyer ensuite la facture à l’Etat…

      Tu es réalisateur? Tu as un bon scénario? Et bien va voir des grandes entreprises, des grands groupes de médias, des studios etc, et si ton idée est vraiment bonne, il y a de bonnes chances que les financements tombent sans avoir recours à l’Etat. Bien sur cette méthode exclue de fait l’idée de faire de faux films avec des cachets astronomiques pour deux semaines max de tournage.

      Quand une entreprise créée un produit qui ne se vend pas, est ce que vous considérez que c’est à l’Etat de combler son déficit?

      • dans le contexte de la liberté d’entreprendre , l’escroquerie artistique n’est qu’un abus de faiblesse , qu’attend l’état pour se défendre……a priori l’état n’existe pas vraiment , il n’y a que des hommes faibles avec les forts forts avec les faibles et ces hommes utilisent l’état ..et ils sont libres de le faire comme nous sommes libres de les empêcher de nous nuire..peut être un problème constitutionnel et notre belle langue de Molière !

    • Avant qu’on soit d’accord, il te reste à nous donner la raison qui justifie que si l’un a besoin de certitude dans le flux financier dont il espère bénéficier cela permet de ponctionner de force l’autre pour satisfaire ce besoin. Et là, j’ai peur que ce soit le désert en explications et justifications. En tout les cas, on t’attend de pied de ferme coco.

      Ceci étant dit, voici quelques interrogations pour lesquelles tu vas avoir de la peine à défendre ta position de façon cohérente.

      Et le boucher? Et l’ébeniste? Et le café du coin? Et le cimentier? Et le carreleur? Et le coiffeur? Etc., etc., Bref, et toutes les activités privées, elles font comment? Tu crois que tous ces gens ils savent combien ils vont toucher alors que cela dépend de si le client vient passer commande ou se faire servir et que cela fluctue en fonction de centaines de paramètres incontrôlables pour eux? Tu crois que pour eux le banquier ne se fait pas soupçonneux si l’argent ne rentre pas régulièrement ou que le partage ne divient pas problématique? Pourtant ils sont toujours là alors que c’est pas l’incertitude qui fait défaut. Ils font comment eux? Quel font-ils eux que les artistes seraient incapables de faire ?

      Par ailleurs, si j’applique ton argument jusqu’au bout, par extention, comme toutes ces personnes qui exercent des professions privées ne peuvent pas non plus vivre comme ça, comme tu dis, on va devoir tous les subventionner à coup de brouettes de pognon des contribuables aussi?

      Tu vis sur quelle planète coco?

      • Euh… Il faut voir l’humour dans le post de reactitude, et ne pas monter sur ses grands chevaux ! Il faut beaucoup d’humour pour faire passer le message libéral, comme l’écrivait maître Bastiat déjà en son temps…

      • un artiste a que faire de la politique , pour vivre , il doit avoir un sponsor car sa carrière est courte et la concurrence sauvage . que cela soit l’état ou une entreprise ou un millionnaire n’a aucune importance pour lui , c’est un artiste , il vit pour son art mais il doit aussi manger .
        l’état ( dans son ensemble)se comporte vis à vis des artistes comme il se comporte vis a vis des entreprises , copinage , corruption …., ‘danseuses’ , c’est ça la France de gauche de droite ou du milieu , elle passe son temps a manger en bonne compagnie..et si ‘c’est l’état qui paie’ …pourquoi se gêner.

        Nota : le petit peuple des artisans ne se gène pas non plus , si il peut tirer un avantage du monstre étatique ou de son maire ou du ‘riche’..

    • « un artiste ne peut pas vivre comme ça »

      C’est leur problème. Nous naissons « hommes », pas « artistes ». Le fait de disposer d’une compétence ou de se spécialiser n’a rien à faire avec la capacité à en vivre. C’est le problème de chacun de développer les compétences qui sont utiles dans un contexte donné.
      Si les gesticulations sur planches ne marchent plus, c’est bien dommage, mais démerdez vous.
      Aucune société humaine ne peut subsister si elle donne une rente perpétuelle à tous ceux dont les compétences deviennent obsolètes.

      • ‘Si les gesticulations sur planches ne marchent plus, c’est bien dommage, mais démerdez vous.’

        c’est ce qu’ils font , ce n’est pas moral , la vie n’est pas moral , ce sont toujours les plus forts qui gagnent

  • Il y a vraiment des coups de pieds au cul qui se perdent…

  • http://www.voici.fr/news-people/actu-people/jeannette-bougrab-l-ex-compagne-de-charb-quitte-la-france-pour-fuir-la-mechancete-558783

    Elle a accepté un poste a l’étranger . wow je me suis dit elle a de la ressource pour décrocher un job a l’étranger… Avant de voir que le job, c’est : chef du servic eculturel de l’ambassade d efrance a Helsinki. Bref une sinécure en forme de convalescence avec les honneurs et privilèges. Quand ces parasites commencent a têter la mamelle de l’état ils s’accrochent pire que des morpions.
    Elle ferait mieux de se trouver un vrai job pour se reconstruire ce serait autrement plus gratifiant; quel satisfaction trouver a devenir un pique assiette de la république? On s’étonne ensuite que ses gens sans honneur aient l’impudence de nous faire constamment la leçon?

  • LOL ENORME!!….
    je suis allé voir si on trouvait des témoignages concernant le biais collectiviste et étatiste en cours de lycée science éco, et le traitement réservé aux auteurs libéraux.
    j’ai cherché sur google :

    « citer bastiat en science eco »

    … google a pas compris et m’a suggéré :

    « citer bastia en science eco »

    LOL

  • Faire croire aux élèves des quartiers difficiles qu’ils vont pouvoir trouver du travail dans le spectacle, c’est une autre signature socialiste.
    Mentir a des jeunes par démagogie ou idéologie, en faire des futurs frustrés, déçus, révoltés, C’est dégueulasse.

    • au moins il en restera quelque chose, l’ouverture vers les autres , l’art de la communication est un plus pour discuter de son CV en milieu hostile !

      • discuter de son CV en milieu hostile accueillant …
        Ce qui est hostile, c’est l’environnement de l’entreprise. Non ?

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