Emploi : la science économique « à la française »

Quinze économistes ont dévoilé leur opinion dans les colonnes des Échos. Et c’est décevant.

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Coq (Crédits : Olibac, licence CC-BY 2.0), via Flickr.

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Emploi : la science économique « à la française »

Publié le 9 avril 2015
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Par Jacques Garello.

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Coq (Crédits : Olibac, licence CC-BY 2.0), via Flickr.

Des économistes français parmi les plus huppés vont réduire le chômage. Du moins est-ce leur présomption. Ils proposent un remède infaillible : l’adoption d’un « Jobs Act à la française ». Ils auraient pu se manifester plus tôt, François Hollande aurait sans doute pu gagner son pari d’inverser la courbe du chômage. Leur silence est coupable, puisqu’il s’agit d’économistes qui ont pignon sur rue, à commencer par Jean Tirole, prix Nobel 2014, deuxième lauréat français après le regretté Maurice Allais, adversaire militant du libre échange et de l’héritage.

Donc, quinze économistes, dont plusieurs membres de TSE et PSE (respectivement Toulouse School of Economics et Paris School of Economics, « écoles » qui ont joui du soutien permanent des pouvoirs publics et de mécènes du CAC 40) ont dévoilé leur opinion dans les colonnes des Échos lundi 30 mars.

Quelle est leur grande découverte ?

sciences eco rené le honzecC’est que la création d’emploi est liée à la flexibilité du marché du travail, en particulier de la réglementation du licenciement économique. Jusque là, rien que n’importe quel entrepreneur ne sache déjà. Certes, nos économistes entendent modifier l’article L 1233-2 du Code du travail sur la définition de la « cause réelle et sérieuse du licenciement » et supprimer l’article L 1233-4 sur l’obligation de reclassement dans l’entreprise. Ces amendements du Code tombent sous le sens : ils limiteraient le pouvoir discrétionnaire du juge devant lequel serait contesté le licenciement, et l’employeur aurait une plus grande marge de manœuvre. Mais ils ne songent pas un seul instant à contester la philosophie de lutte des classes qui inspire un Code du Travail faisant exception au droit commun des obligations. C’est pourtant l’accord entre employeur et salarié, dans le cadre d’un contrat individuel librement conclu, qui permettrait d’embaucher et licencier sans avoir à couvrir un parcours du combattant aujourd’hui dissuasif de la création d’emplois.

De l’avis de nos économistes, d’autres dispositions viendraient accompagner cette réforme majeure : financement des formations dont la qualité est « certifiée par les personnes qui recherchent un emploi » (original), indemnisation du chômage financée par des cotisations de l’entreprise variables avec un système de bonus-malus et « encourageant les demandeurs d’emploi qui le peuvent à sortir au plus vite du chômage » (sic) et révision de la grille des aides sociales pour les « recentrer autour du SMIC » (ce qui dispense les chômeurs de reprendre un emploi). Ces idées ne sont réellement pas sérieuses.

En sens inverse, les idées sérieuses ne sont même pas évoquées. Il n’y a aucune allusion à ce qui pousse les entrepreneurs à créer ou non des emplois. Il n’est rien dit sur la fiscalité des entreprises, l’impôt sur les sociétés n’aurait donc aucun impact. Rien non plus sur la fiscalité personnelle des entrepreneurs, avec une progressivité qui pénalise le succès. La fuite de l’épargne à l’étranger et les délocalisations n’auraient donc rien à voir dans l’affaire. Rien non plus sur le harcèlement textuel dont sont victimes petites et moyennes entreprises qui ne peuvent s’offrir l’aide de comptable et de services sociaux. Rien enfin sur la facture de la Sécurité Sociale, qui plombe les coûts du travail et qui sera de plus en plus élevée tant que l’on n’aura pas brisé le monopole de cette belle administration et changé le système des retraites et de l’assurance maladie.

Reste une question, peut-être la plus intéressante : pourquoi cette référence au Jobs Act ? Nos économistes ignorent-ils ou feignent-ils d’ignorer la vraie nature de ce décret de Barack Obama destiné, lui aussi, à sauver les emplois aux États-Unis ? Le Jobs Act a été une immense gabegie budgétaire ; il a accentué le laxisme monétaire de la Fed. Il a surtout intégré le « Buy American Act » dans le texte, appliquant à l’emploi ce qui était prévu jusqu’à présent pour les produits industriels réputés stratégiques ou prioritaires. Les étrangers n’auront plus accès au marché américain si leur activité ne conduit pas à la création d’emplois pour les travailleurs américains sur le sol des États-Unis. Notamment, ils ne pourront passer des marchés avec des firmes ou des administrations US. Cette disposition a déclenché en 2011 une violente passe d’armes avec les Canadiens qui exportaient une grande partie de leur production vers les États-Unis. Nos économistes seraient donc surpris de savoir que leur référence au Jobs Act les place dans la logique du « patriotisme économique » cher à Christian Estrosi, Arnaud Montebourg et Marine Le Pen.

Par leur ignorance, par leur prétention, nos économistes apportent la preuve que la science économique n’est pas admise dans l’Hexagone. Il est vrai que ce sont souvent de simples économètres mathématiciens, peu connaisseurs du monde de l’entreprise et du travail.

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  • Economistes fonctionnaires ou apparentés !

  • Les étrangers n’auront plus accès au marché américain si leur activité ne conduit pas à la création d’emplois pour les travailleurs américains sur le sol des États-Unis.

    Dans quelle limites est-ce compatible avec l’OMC ?

  • Ceci n’est pas la panacée mais pourrait être un début d’action …. (bien d’accord avec vous sur la pauvreté des solutions proposées !)

    ET SI UN CLEMENCEAU DE L’EMPLOI POUVAIT ETRE UN DEBUT DE SOLUTION ?

    Le problème de l’emploi est trop complexe et trop enraciné dans le fonctionnement actuel de notre société pour pouvoir être réglé d’un coup de baguette magique. Il n’en reste pas moins qu’il est tellement dramatique pour notre société, qu’en attendant des solutions plus pérennes, telles que la création massive de nouvelles entreprises marchandes*, proposant de nouvelles offres compétitives, qu’il serait tentant, déjà, de l’attaquer à court terme à la façon dont Clémenceau attaqua en son temps le problème de la guerre en 1917.
    Pourquoi ne pas favoriser systématiquement dans toutes les décisions politiques, la création d’emplois marchands *. Trouvons rapidement un Clémenceau de l’emploi : pour mémoire il paraît que cet homme avait l’habitude de répondre à toutes les questions : « je fais la guerre ». Ayons le courage de dire « je crée de l’emploi »pourvu qu’il soit solvable !
    Faut-il autoriser le travail le dimanche ? Si je crée de l’emploi : OUI, la messe et les syndicats n’auront qu’à suivre…
    Faut-il libéraliser les taxis ? Si je crée de l’emploi, OUI ; tenir compte de leurs problèmes dans la mise en place de la solution, oui, la reporter, NON ; ceci est d’ailleurs valable pour la plupart des monopoles qui gèrent des rentes …..
    Faut-il bouger les seuils sociaux en les doublant par exemple ? Si je crée de l’emploi, OUI ! Le Code (et l’Inspection) du Travail devront suivre …. Et ceci de manière définitive, la confiance ne se recrée pas sous condition.
    Faut-il obliger les jeunes à remplir les emplois vacants ? si je crée de l’emploi, OUI, la tolérance sociale va-t-elle en souffrir, oui un peu, mais des gens reviendront-ils dans le circuit économique, oui alors allons-y …..
    Faut-il accepter les jobs à temps partiels ? Mieux vaut une part d’emploi complétée par des aides sociales que pas d’emploi du tout, donc OUI…. Cela signifie-t-il que nous allons casser notre système ? En partie peut-être mais il faut savoir ce que l’on veut. Quelle est LA PRIORITE ?.
    Faut-il c réer des emplois aidés ? NON ! Ils seraient financés par l’impôt est donc viendraient à terme détruire l’emploi existant ….
    Faut-il sauver les emplois de la SNCM ? NON, pour les mêmes raisons que les emplois aidés, ils ne sont plus compétitifs.
    Faut-il créer des emplois dans le gaz de schiste ? OUI au moins au niveau de l’exploration et de la recherche si les investisseurs privés sont prêts à tenter l’aventure. Cela ne veut pas dire d’ailleurs laisser faire n’importe quoi ….. C’est bien d’ailleurs ce que nous faisons dans les éoliennes.
    Faut-il accueillir les étrangers, y compris des émirs, dans les hôpitaux français ? Si cela crée des emplois et que ceux-ci payent leurs prestations, alors OUI, trois fois OUI.
    La loi Duflot a-t-elle bloqué la construction et les emplois afférents ? Si OUI, alors détruisons-là. Tant pis pour l’ego de Mme Duflot …….

    Si nous choisissons l’emploi, il faut avoir le courage de le dire et de le faire. En faisant attention aux modalités certes mais en acceptant que c’est l’emploi qui prime, pas le passé, pas les avantages acquis ou les monopoles ou les statuts etc ….
    Aménager le SMIC, au moins dans sa régionalisation, est certainement faisable et utile (le coût de la vie est différent à Paris, à Lyon et à Guéret, voire en campagne !) les horaires tant hebdomadaires qu’annuels aussi. Acceptons simplement que LA PRIORITE EST L’EMPLOI et donc quelque part la remise en route d’une spirale économique positive même si elle aura à l’arrivée un aspect un peu différent. Cela n’exclue pas comme le proposait l’étude Mac Kinsey de booster certains secteurs comme le bâtiment ; encore faut-il vérifier que l’on installe des conditions de marché qui feront que les locataires pourront payer mais aussi que les investisseurs y retrouveront leur compte. Sinon, nous aurons un résultat à la Duflot : baisse des mises en chantier !
    L’avantage de cette solution, de court terme, est qu’elle pourrait permettre avec un peu d’énergie, de constance et de chance :
    de stopper la hausse du chômage
    de contribuer à rétablir des équilibres globaux : hausse des rentrées, baisse des aides…..
    de participer à la restauration de la confiance

    *Emplois marchands : facturé via un produit ou un service, ils financent les dépenses collectives. Ils s’opposent à la majorité des emplois publics qui, gratuits en apparence pour les consommateurs, sont en fait financés par les emplois marchands via l’impôt et les prélèvements.

    • Il faudrait d’abord que votre Clémenceau ait la science infuse pour juger de si une mesure va créer de l’emploi ou se noyer dans les effets pervers, et ensuite que l’emploi soit la cause de la prospérité économique alors qu’il en est la conséquence. Si vous voulez mener une bataille, occupez-vous de créer des employeurs et de leur faciliter la vie, et les emplois viendront tous seuls. Donc 3 mesures : 1. liberté totale de contrat entre employeur et employé, 2. versement du salaire complet à charge pour l’employé de s’assurer, et 3. une seule flat tax à faible taux pour remplacer toutes les autres.

      • @MichelO
        A que vos propositions seraient les bienvenues. Ja n’aurais plus a payer (indirectement) pour ces parasites d’intermittents du spectable.

  • Et surtout rien sur le fardeau de la fonction publique, véritable boulet qui empêche la création d’emploi …

  • L’Europe et la France surfent sur des mauvaises idées, les bonnes sont interdites, elles ne correspondent pas au formatage de la pensée, c’est aussi ce que je décris ici http://lautrevoie.org/docshtml/syriza.html

  • lls sont surtout tous socialistes…

  • Au moins il y a des efforts de fait! Pour réduire le chômage, il faut relancer l’immobilier. Avec les taux d’emprunt très bas, le prix de la pierre en baisse, et les dispositifs de défiscalisation mis en place (www.simulation-pinel.fr), cela va créer des emplois, et donc relancer la croissance. Je pense que l’immobilier est une des clefs pour résoudre le chômage.

  • Même économètre est trop honorable, non ce sont simplement des singes savants dont le mérite est de savoir donner un vernis de respectabilité intelligente à n’importe quelle connerie de leur maître… ils ont été dressés durant des années à gérer au mieux les susceptibilités de chacun pour préserver voir augmente leur privil… budgets… Savoir dire ce que le maître veut entendre est tout un art, dans le privé cela donne des super pro du marketing et dans les républiques bananières, cela donne des courtisans…

  • Puisque le chômage de masse est le symptôme d’une hypertrophie de l’Etat, emprunter à la médecine son adage « premum non nocere »
    Commencer par les mesures qui facilitent l’action des producteurs : alléger fiscalité et règlementation. Ouvrir de nouveaux secteurs à la concurrence. Supprimer les subventions pour alléger les impôts. Equilibrer le droit là où il ne l’est plus, ex : le logement. Sur cette dynamique engendrée par la liberté économique, libérer le marché du travail.

    A contrario commencer la libéralisation du pays par le contrat de travail peut amener de nombreux salariés à perdre leur emploi actuel, sans bénéficier d’une nouvelle ,à cause du sous-investissement dû à la sur-fiscalité d’un Etat demeuré obèse. Premum non nocere.

  • Les commentaires sont fermés.

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