Par Philippe P.
Il est gentil, poli, mignon et intelligent et il vient me consulter parce que cela ne va pas. Il vient et revient et moi je ne lui trouve aucun trouble. Il s’énerve, court aussi de son côté les psychiatres pour aller mieux et ils sèchent autant que moi. Pour faire bonne figure, ils lui donnent des antidépresseurs et des anxiolytiques mais cela ne lui fait rien, il est toujours malheureux.
Certes il se dit « plutôt de gauche » mais il n’est pas vraiment socialiste. Sinon j’aurais pu comprendre qu’être socialiste crée chez lui une sorte de désespoir. Non, c’est un jeune type sympa, qui verbalise vraiment bien, explique ce qui se passe mais je ne vois pas. Cela ne ressemble à rien de ce que je connaisse, du moins par rapport aux symptômes qu’il offre. Je me dis qu’il faudra attendre l’autopsie pour savoir ce qu’il a vraiment. À moins qu’il ne soit atteint d’une pathomimie du type syndrome de Münchhausen.
Mais tel n’est pas le cas, je le sais sincère dans l’exposé de ses troubles. Sauf que chaque fois qu’il me consulte, il est frais comme un gardon. Il me parle de ses tourments sans que je ne les observe. Il m’explique ensuite qu’il doit être « borderline » et je lui explique que s’il souffrait vraiment d’une personnalité limite, je m’en serais aperçu sans qu’il ait besoin de me le dire.
Et puis, un soir, il déboule dans mon cabinet complètement à bout, au bord du suicide. Là, on sent enfin la grosse déprime, sauf que rien dans son environnement ne le justifie vraiment. Enfin, j’observe des symptômes, on va pouvoir enfin commencer. Comme il est à cran, je fais tout de même attention, parce que je ne voudrais pas qu’il saute par la fenêtre ni même qu’il se jette sur moi pour tenter de m’étrangler.
Mais bon, même s’il va très très mal, il va suffisamment bien pour que son esprit d’analyse soit intact. Je lui pose donc des questions, auxquelles il répond du mieux qu’il peut. Comme c’est mon dernier patient, j’ai la nuit devant moi pour établir un diagnostic qui tienne la route. Il faut battre le fer tant qu’il est chaud.
Et là, je pense soudainement à un TDAH. Certes, il ne correspond pas entièrement aux critères couramment admis pour ce trouble mais il cadre parfaitement avec ce que l’on imagine. Il ne faut en effet pas voir dans le TDAH l’image du gamin hyperactif, le petit fou, que l’on montre tout le temps, incapable de rester en place plus de dix secondes.
Le TDAH existe d’ailleurs avec ou SANS hyperactivité. Et pour autant que l’on sache, les symptômes ont tendance à s’atténuer à l’âge adulte. De même, l’hyperactivité n’est pas forcément physique mais aussi mentale. Ce qui complique encore le diagnostic. L’hyperactivité est un cadre très hétérogène et les troubles associés sont nombreux comme l’angoisse ou la dysthymie.
De plus mon patient se signalant par une grande intelligence, il a très vite appris à contrôler ce qu’il pouvait contrôler afin que son comportement apparaisse plus neutre. Il n’en est pas moins touche-à- tout, ayant poursuivi diverses filières dans l’enseignement supérieur, incapable de maintenir son attention plus de quelques minutes. On note aussi de l’impulsivité même si il la contrôle plutôt bien. Ça tombe bien, ce sont des patients idéaux parce qu’avec eux, ça va aussi vite que dans un match de squash.
Une fois la séance terminée, je lui promets de lui envoyer des liens avec des tests afin qu’il puisse évaluer lui-même s’il se retrouve dans ce diagnostic. Car même si il adhère totalement à l’explication, et se retrouve dans ce trouble tant controversé, je préfère qu’il soit familiarisé avant de l’envoyer voir un spécialiste du TDAH.
Dès lors le traitement consistera soit en une prescription de Ritaline soit en des mesures visant à améliorer l’adéquation de son trouble à la vie qu’il mène. Quoiqu’il en soit, la compensation qu’il tente d’en faire arrive aujourd’hui à ses limites. Il doit être possible de vivre mieux en ayant ces troubles. Dans tous les cas, contrairement à ce que font les américains qui, sous la pression des laboratoires pharmaceutiques mais aussi des attentes liées aux enfants, prescrivent de la Ritaline n’importe comment, celle-ci ne doit être prescrite qu’en cas de handicap social majeur quand le TDAH devient ingérable.
- être et se sentir désorganisé ;
- avoir de la difficulté à prêter attention, surtout envers des situations qui ne stimulent pas l’intérêt ;
- avoir la bougeotte ou une agitation interne ;
- avoir beaucoup de difficulté à démarrer un projet ou à rester concentré sur une tâche ;
- avoir de la difficulté à gérer son temps au point d’être toujours en retard ;
- être incapable de maintenir sa concentration pour une longue période de temps ;
- perdre des objets régulièrement ;
- oublier des détails ou des engagements ;
- être impulsif et donc amené à une mauvaise prise de décision ;
- souffrir de procrastination et de perfectionnisme chronique ;
- prendre des risques, et plus encore.
Pour aller plus loin, des tests existent, ici, ici ici ou encore ici.
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Le tableau que vous décrivez en fin d’article peut-il s’associer avec la description d’un profil de type « adulte surdoué »? Peut-on être à la fois hyperactif et surdoué ou bien est-on soit l’un soit l’autre ?
Non ce n’est pas ainsi que sont « définis » les « hauts potentiels », je suppose que les deux peuvent s’ajouter, oui.
http://www.contrepoints.org/2014/04/18/163379-enfants-sous-ritaline-futurs-adultes-sous-prozac
Article très intéressant à ce sujet, pour votre patient.
EIP, Asperger et TDAH, bcp de points communs, la solution est de s’accepter ainsi et d’accepter ce qui nous aide ( ritaline, suicide, antidépresseur, travail, individu, rêve, livre, cinema, animal, sport…, ce que vous voulez tant que cela vous rend heureux et vous apaise).
Merci.
Je partage aussi l’avis que «EIP, Asperger et TDAH [ont] bcp de points communs».
Bien à vous,
Romain
Si je peux vous conseiller une lecture, pour votre jeune patient: Enfants exceptionnels, précocité intellectuelle, haut potentiel et talent de T. Lubbart ( c’est accessible et en même temps claire et professionnel)
Maintenant etre « différent » ne signifie pas être un incapable, ce sont des personnes comme les autres, il faut s’adapter, faire preuve d’empathie pour les comprendre. Ce sont souvent des personnes sensibles et qui ont des angoisses semblables à celle des patients border-line, d’où la confusion. Ce sont aussi des individus qui s’ennuient mais qui ne doivent pas nécessairement être sur-stimulés, cela peut être leur demander de se concentrer et d’éprouver les stimulations. Enfin, je ne vais pas vous donner un cours, mais comme je travaille avec ce genre d’enfant, je peux apporter un clin d’œil clinique!
Pour faire un peu de pub, il y a une conférence le samedi 11 avril, à l’hôpital Georges Pompidou, pour les Parisiens, sur les adultes surdoués, organisée par J Sau Facchin!
Intéressant merci
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