Interdiction de fumer : chronique d’une erreur

Voilà un an maintenant que le Luxembourg a introduit l’interdiction de fumer dans les bars. Le résultat ne devrait plaire ni aux fumeurs, ni aux non-fumeurs.

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Interdiction de fumer : chronique d’une erreur

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 18 mars 2015
- A +

Par Bill Wirtz.

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Le 1er juillet 2013, la Chambre des Députés a voté la nouvelle loi anti-tabac avec 56 voix en sa faveur. Cette loi interdisait désormais aux propriétaires d’autoriser leur clientèle à fumer dans leur bar. Cette formulation revêt une grande importance puisqu’elle démontre l’erreur qui a été commise par ceux qui ont prôné la grande valeur de cette loi : il ne s’agit pas de défendre les droits des fumeurs ou des non-fumeurs, mais ceux des propriétaires. C’est pourtant le propriétaire qui devrait décider de ce que l’on peut faire ou pas au sein de son établissement, et aucunement le législateur. Mais ce n’était  apparemment pas si simple que cela, notre santé était en jeu.

Après la mauvaise affectation des droits en question, cette interdiction légale généralisée a rendu caduque l’orientation commerciale de certains bars de l’interdiction de fumer, réduisant ainsi à néant ce modèle d’affaires. Leur décision était volontaire, tout comme celle de leurs clients de fréquenter leur établissement. En 2013, 21% de la population luxembourgeoise se définissait comme fumeuse, à tendance décroissante ; par conséquent l’argument selon lequel la clientèle potentielle intéressée n’existe pas peut nous sembler trompeur. Aucune déclaration sur ce sujet de la part du Ministère de la Santé, l’ancien ministre Mars Di Bartolomeo (LSAP) affirmait simplement que notre santé était en jeu.

La Fédération Nationale des Hôteliers, Restaurateurs et Cafetiers du Grand-Duché de Luxembourg HORESCA a annoncé dans un communiqué de presse  que la consommation dans les bars et les restaurants a diminué de 4%, et environ 8-10% pour les seuls bars. Le gouvernement a rejeté tout lien avec l’interdiction sans pour autant présenter de contre-arguments pour sa défense, tout comme l’avait fait le précédent gouvernement. La survie financière des propriétaires de ces établissements est devenue de plus en plus difficile, surtout depuis l’augmentation de la TVA début 2015. Une hausse qui a nécessité du courage, le même qui a pourtant manqué au gouvernement lorsqu’il s’agissait de réduire les dépenses publiques.

L’HORESCA nous interpelle sur la réduction considérable du nombre de bars au Luxembourg, ainsi que sur l’injustice créée par la loi anti-tabac : avec les dispositions restrictives des fumoirs (superficie du bar, dimension du fumoir, interdiction d’y servir des boissons, système de ventilation, etc.), la loi a créé une concurrence déloyale. Les bars avec plus de moyens financiers et de plus grandes surfaces ont des avantages, contrairement aux établissements moins aisés.

Le premier argument en défense de cette interdiction est de préserver la santé des fumeurs en réduisant sa consommation de tabac dans certains lieux. La question est alors de savoir si la loi anti-tabac faisant interdiction de fumer dans les bars-restaurants a atteint son objectif. En l’absence de chiffres pour l’année 2014 nous empêchant de tirer des conclusions, comparons notre situation avec celle de notre pays voisin, la France, qui a introduit cette interdiction en 2008. Les deux années ayant suivi la loi, la consommation de tabac y a augmenté de 1500 tonnes. 1Lorsque les autorités ont constaté l’absence d’effets de cette interdiction, voire même ses effets contraires, elles ont multiplié l’augmentation des trois années précédentes par 300%, pour arriver finalement au résultat souhaité. Le lien avec l’interdiction y est alors absent.2

 

vent_cig2014 / illustration article Bill Wirtz 17 mars 2015

Les augmentations de taxes sont seules à avoir un effet sur le tabagisme. Sont-elles justes ? (Source: INEPS)

Le deuxième grand argument était celui de la protection des non-fumeurs : il s’agit de reconnaître leurs droits en prohibant la consommation de tabac au sein des bars etc. Par cette logique argumentative, fumer chez soi ou dans sa voiture devrait aussi être interdit. La discussion ne porterait plus seulement sur le tabac mais pourrait très bien être engagée pour le barbecue, les friteuses, la pollution des voitures, des avions etc. Personne ne vous oblige à entrer dans un bar, c’est votre choix. Vous êtes client, votre comportement n’intéresse qu’une seule personne, à savoir le patron.

Ainsi, le bilan de la loi Di Bartolomeo est négatif sur quatre aspects : charges considérables pour les patrons de petites entreprises, aucune influence sur la consommation de tabac, concurrence déloyale, autoritarisme. Ceci ne devrait laisser personne indifférent, fumeur ou non-fumeur. Il faudrait au contraire redonner la liberté aux patrons tout en prônant la responsabilité individuelle de chaque citoyen.

Sinon la cohérence consisterait à taxer tout ce qui pourrait être nuisible aux personnes, pour ainsi aboutir à la réduction des recettes budgétaires et des emplois. Mais je vous avoue que j’ai des doutes sur cette voie à emprunter… notre santé y est un enjeu.

Sur le web

  1. Entre 2008 et 2010, la consommation de tabac est passée de 63.400 tonnes à 64.800 tonnes. (Source)
  2. Entre 2008 et 2010 le prix d’un paquet de 20 cigarettes de la marque la plus vendue avait augmenté de 35 cents, passant de 5,30€ à 5,65€. Entre 2010 et 2013 le prix est passé à 6,70€, soit 1,05€ de plus. (Source)
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  • Il est certain que la réglementation telle qu’elle a été instaurée en France et au Luxembourg n’est pas une solution brillante, mais ça n’est pas non plus un problème aussi simple que vous semblez l’affirmer. Nous nous trouvons sur la ligne de front entre les libertés incompatibles du fumeur et du non-fumeur, avec un patron dont le job est de trouver une solution qui maximise la satisfaction de tous ses clients potentiels afin qu’ils fréquentent son établissement. Je soupçonne nombre de patrons de souhaiter que la législation les décharge d’assumer un choix de règlement intérieur vis-à-vis des récriminations de clients qui risquent de ce fait de se fâcher avec eux.

    Il se peut que la loi ne réduise pas la consommation de tabac, mais je vous assure qu’elle soulage nombre de non-fumeurs qui ne sont plus obligés de se faire insulter s’ils veulent faire respecter leur liberté de ne pas être enfumés.

  • Vous devriez vous renseignez un peu plus sur la perception par la population française d’une telle loi.
    La plupart des gens que je croise (indifféremment fumeurs ou non fumeurs), sont ravis de pouvoir passer des soirées non enfumées, d’apprécier la finesse d’un plat sans supporter la fumée du voisin qui a terminé son repas, d’aller à un concert sans avoir mal à la gorge le lendemain ou être obligé de passer tous ses habits à la machine à cause de l’odeur de tabac froid, etc…
    La question du choix est biaisée. Cette loi fait a fait évoluer des comportements qui tenaient simplement de l’habitude (habitudes dictées par la toxicomanie des fumeurs qui spontanément, pour la plupart, fument dès qu’ils en ressentent le besoin sans vraiment se préoccuper du reste et par des commerçants qui ne font que coller au comportement de leurs clients, sans vraiment se préoccuper du reste non plus).
    Maintenant en France les habitudes sur cette question ont évolué sans réels heurts, et s’ils restent des voix pour remettre cette loi en cause, elles sont largement minoritaires, chacun mesurant bien le confort que représentent pour tout le monde de pouvoir passer des soirées non enfumées.

    • Je comprends votre argumentation, et puisque mon article n’est qu’une traduction, je ne suis pas sûr si mon point de vue a entièrement été compris. ll s’agit pas de savoir si une interdiction est comfortable ou non, mais si elle respecte les droits de la propriété.
      Je suis d’accord avec vous que de nombreuses personnes préfèrent se retrouver dans un bar sans fumée. Tout intérêt ainsi que le propriétaire instaure une telle interdiction lui-même s’il juge que ce nombre de clients est assez considérable. Comme dit, ce n’est pas une de vos obligations d’aller dans un bar. Mais si vous faites le choix, je crois que vous devez accepter les conditions du propriétaire, tout en ayant la possibilité de les négocier.

      En ce qui concerne le fait qu’une « loi fait évoluer les comportements », je peux vous dire que l’idée me semble particulièrment affrayante. Vous supposez donc que le fait qu’un groupe de personnes se réunit pour changer le comportement d’un individu par la force est légitime? N’est-ce pas la tyrannie de la majorité?

      • Votre question est pertinente et je n’ai pas de réponse.
        Je constate simplement que la situation précédente (sans loi sur le tabac et les lieux publics donc) avait instauré de fait la tyrannie du tabacomane, qui imposait tranquillement sa pollution à tous (les tenanciers d’établissement commerciaux étant généralement réduits à la liberté de satisfaire le gros de leur clientèle s’ils souhaitent prospérer; et aux non-fumeurs il restait la liberté de passer de soirées sans leurs amis fumeurs….quel choix !). La loi a fait évoluer les choses dans le bon sens en protégeant la liberté de ne pas se faire enfumer plutôt que celle d’enfumer impunément tout le monde.
        Je ne tire aucune généralité de ce cas, je constate simplement.
        De toute manière il me semble toujours très délicat d’invoquer la liberté, quand on parle de sujets comme la toxicomanie, qui par définition est la perte de liberté de se passer d’une substance…

      • Le problème est la violence du consommateur drogué.

        Le drogué est naturellement violant. On ne peut pas mettre cela de coté.

        Le fumeur est un agresseur.

  • Que les fumeurs veuillent se suicider, c’est leur problème(bien que les charges pour la sécu soient supportées par tous ),mais qu’ils enfument leurs voisins a leur insus est insupportable et la loi sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics est une exellente chose ,elle a permis a une nouvelle clientèle qui avait boudé les bars restaurants d’y revenir; Certe, c’est une violation de nos libertés individuelles mais le fait de pouvoir respirer sans etre obligé d’inhaler la fumée du voisin est aussi une liberté individuelle et il est normal que ce soit le géneur qui quitte les lieux plutôt que l’inverse

  • D’accord avec MichelO : cela a dû arranger bien des gérants.
    D’accord avec Noun : en tant que non-fumeur qui haïssait rentrer chez soi en puant la cigarette, cette loi, égoïstement je le reconnais, me plaît beaucoup.

    Mais, fondamentalement, je reste en désaccord : l’État n’est pas légitime pour instaurer de telles interdictions.

    Maintenant que ces lois sont votées, que chacun, fumeur comme non-fumeur, apprécie la situation actuelle, que les gérants de bars et resto ont banni la cigarette… pourquoi ne pas supprimer cette loi ?

    Combien de lieux resteront non-fumeurs ? Pour ma part, j’apprécie tellement de pouvoir sentir l’odeur de ma bière et rentrer propre chez moi, que je ne mettrai simplement plus les pieds dans un bar ou resto fumeur. Combien s’y habitueront à nouveau, combien tiendront fermement à cette absence de fumée ?

    Il me semble que cela vaudrait la peine de supprimer ces interdictions et de laisser les propriétaires décider.

  • Est ce que j’ai le droit de péter dans une épicerie sous peine d’incommoder mon voisin ?

    • Ce n’est pas une question de droit mais d’éducation, vous savez cette ancienne science du comportement entre individus respectueux des autres si mal remplacée par les droits de l’homme (et les devoirs de personne!)

  • Dans la situation idéale où un fumeur, avant d’allumer sa cigarette, demande à son entourage si ça le gêne, il n’y aurait as besoin d’une telle loi. Si les gens ne roulaient pas trop vite dans les zones urbaines, il n’y aurait pas besoin de ralentisseurs.
    Bref, un certain nombre de lois liberticides sont peut-être dues à un certain individualisme et au manque de respect d’autrui. C’est un vaste problème dans nos sociétés: la liberté suppose une éducation et l’acceptation volontaire de contraintes pour le bien des autres. A défaut, elle est restreinte.
    Les excès du « droitdelhommisme » ont fait beaucoup de mal…

  • je peux vous assurer que dans notre contrée l’effet anti tabac dans les bistrots a provoqué la fureur de non fumeurs dépités de voir ceux qui alimentaient de leurs rires les endroits qu’ils fréquentaient tous par ce qui ressemble à une forme de racisme.Ceux nés dans la commune ont tous sans s’etre concertés réagi comme des exilés ,ils ne vont même plus au centre faire leurs achats préférant se faire livrer à domicile par les petits commerces du coin et sourient en entendant les politiciens se plaindre du manque de vie sociale dans ce qu’il faut bien nommer un village vidé de ses âmes .Sans doute ignorent -ils l’expression ,on ne fait jamais d’omelettes sans casser des œufs ou tel est pris qui croyait prendre

  • En tant que non-fumeur j’apprécie de trouver des espaces publics où l’on ne porte pas atteinte à ma santé. Ma liberté de ne pas chopper un cancer du poumon aussi.

  • Les fumeurs sont des drogués.

    Ils ont donc un comportement de drogué.

    On ne peut pas discuter avec eux, ni les raisonner. Ils parlent d’un droit à fumer, à nous enfumer.

    Il faut donc des interdictions.

  • J’allais dans une boîte à la mode, pas bien grande, mais hyper enfumée, 2 fois par semaine.
    Et je fumais aussi…
    Je me demande : comment suis-je encore en vie ?

    • Demandez-vous plutôt comment vous seriez aujourd’hui si vous n’aviez pas subi toutes ces agressions 😉

  • comment se fait-il alors pour répondre à certains commentaires qu’au sein de mouvances sectaires comme les Amish pour ne citer qu’eux il y eut des gens souffrant de tumeurs aux poumons /l’ancien terme pour désigner le cancer
    Et que dire du cancer qui fit mourir la femme d’un empereur Romain?
    En médecine comme en religion tout comme pour l’environnement tout est relatif
    Ce qu’il y de plus nocif que la fumée ce sont tous ces groupes de technocrates n’ayant jamais ouvert un bouquin et qui donnent leur avis souvent juste pour contrarier.Ce sont peut-être de futurs politiciens ,allez savoir/rire

    • Si je comprends bien, vous vous estimez bien informée sur les risques liés au tabagisme et en mesure d’en tirer des choix éclairés. Pensez-vous que vos choix doivent s’étendre aux autres ?

      • loin de moi l’idée dé faire la morale à qui que ce soit mais ayant toujours travaillé dans les soins alors oui j’en connais un rayon et on ne peut que déplorer le temps ou Internet n’existait pas et que tous le monde avait à cœur de cultiver la biodiversité comportementale sans préjugé ni agressivité

  • Un petit rappel à toutes ces personnes qui se proclament libérale.

    « Un des principes fondamentaux est que la liberté des uns s’arrêtent là ou comment celle des autres. »

    Par conséquent, mon voisin qui m’enfume porte atteinte à ma liberté de ne pas fumer.

    • Et inversement, votre liberté de ne pas fumer m’oblige à ne pas fumer non plus. Je perds ma liberté de fumer au profit de votre liberté de ne pas fumer.
      Donc votre liberté empiète et limite ma propre liberté. Ce qui est contraire au principe « la liberté des uns s’arrêtent là ou comment celle des autres », et ce dans les deux sens. Il n’y au aucun choix possible qui ne limite pas la liberté d’un groupe. Le plus censé est donc de préférer la liberté du plus grand groupe (pour satisfaire un maximum de gens), soit respecter la liberté des non-fumeurs.

      Je suis d’accord avec Xavier C qui propose de laisser les propriétaires de restaurants/bars d’autoriser ou non de fumer. Je suis persuadé, comme Xavier C, que très peu de bars l’autoriseraient à nouveau. Personnellement, en tant que fumeur, j’apprécie le fait d’aller prendre l’air quelques minutes et me polluer les poumons avec une cigarette de temps en temps, au lieu d’enchaîner 15 clopes en une seule soirée (vécu lors d’apéros entre amis fumeurs).

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