Baril de Brent à 60 $ : une position d’attente

Après la chute vertigineuse depuis l’automne dernier et le rebond de janvier, a-t-on trouvé le prix d’équilibre ou bien les marchés sont-ils pris entre deux tendances ?

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Baril de Brent à 60 $ : une position d’attente

Publié le 26 février 2015
- A +

La production de brut américain ne baisse pas encore… Pourtant, le nombre de rigs de forage chute, des producteurs repoussent l’achèvement de leurs puits… mais une grande partie de la production est couverte.
Vers l’été, nous devrions voir plus clair. Déjà les Américains sont incités à rouler plus !

Par Aymeric de Villaret.

Les cours du brut (Brent) semblent se stabiliser dans la zone des 60$/baril. Après la chute vertigineuse depuis l’automne dernier et le rebond de janvier, a-t-on trouvé le prix d’équilibre ou bien les marchés sont-ils pris entre deux tendances ?

1) La baisse des cours du brut impactant de manière très nette les investissements avec :

  • les annonces de la part des pétroliers d’une réduction drastique de ceux-ci en 2015
  • la chute des rigs de forage aux États-Unis

2) une offre de brut toujours supérieure à la demande avec :

  • des stocks de brut élevés aux États-Unis
  • une production de la part de l’Arabie Saoudite qui ne ralentit pas. D’après certaines sources (PIRA), le royaume aurait actuellement une production record de 10 Mb/j

Pris entre ces deux tendances, il est compréhensible que les marchés prennent une position d’attente en surveillant de près toutes les données notamment la progression de la production d’huile de schiste américaine… source du conflit actuel avec l’Arabie Saoudite. D’ailleurs le fait que ces derniers seraient dans la zone des 10 Mb/j prêche pour cette bataille de parts de marchés.

 À la recherche du point d’équilibre

Comme toujours dans le pétrole, les marchés cherchent le juste prix et ce n’est pas l’histoire de 2014 qui ira contre cela…

Aymeric de Villaret tous droits réservés

Alors le fait que le plus bas de 45$/baril ait été atteint mi-janvier, qu’un rebond ait eu lieu et que maintenant le Brent navigue dans la zone des 60$/baril est à certains égards encourageant.

Regardons l’évolution de la situation aux États-Unis, source de l’effondrement des prix :

Les rigs de forage continuent de chuter mais avec une vitesse moindre

Certains observateurs ont été déçus car cette dernière semaine les rigs de forage ont moins baissé que les semaines précédentes (-37 contre -84 la semaine d’avant). Il n’en demeure pas moins que la baisse est toujours là :

Aymeric de Villaret tous droits réservés2

C’est bien sûr dans la zone principale de l’huile de schiste à savoir le « Permian Basin » que se situe la baisse des forages mais la dernière semaine a été modérée (-6 contre -48 celle d’avant)

Aymeric de Villaret tous droits réservés3

Signe qu’avec un Brent à 60$, un certain équilibre commence à s’opérer ?

Les producteurs américains d’huile de schiste repoussent de plus en plus la fin des forages de production

En effet alors que pour du pétrole conventionnel, c’est le fait de creuser qui est le coût principal du forage, pour du non conventionnel, la nécessité d’apporter de l’équipement de pompage spécialisé, des réservoirs d’eau et du sable pour la fracturation ajoute un coût non négligeable. Ainsi pour certains puits d’huile de schiste, la phase terminale du puits peut représenter les 2/3 du coût du puits.
C’est pourquoi, on constate, ainsi que l’ont annoncé des producteurs américains, des décisions de délais quant à la fin de ces puits, de manière à pouvoir les reprendre quand les prix se seront améliorés.

Aymeric de Villaret tous droits réservés4

EOG Resources a présenté lors de la publication de ses résultats annuels des graphes intéressants.
Comme le montre le graphique présenté ci-dessus à droite, s’il repousse la fin de ses puits pendant 24 mois -alors que le cours du WTI augmente de 45$ pour le WTI au moment de la décision à 65$, l’amélioration du taux de retour est de l’ordre de 7%. Et si les prix remontent plus vites, le retour est encore plus rapide !
On comprend mieux, dans ces conditions, ces délais, preuve également d’une certaine confiance dans cette remontée des prix. En attendant, cela leur permet de garder du cash.

Les consommateurs américains commencent à rouler plus

À la différence des Européens, les Américains paient peu de taxes sur les carburants et profitent donc pleinement à la pompe de la baisse des cours du baril, d’autant que le baril est libellé en dollar ! Du coup, comme l’indique le Wall Street Journal la semaine dernière, la consommation américaine repart et les américains achètent de plus en plus de gros véhicules (type SUV) très consommateurs de carburant :

Aymeric de Villaret tous droits réservés5

La production de pétrole américaine progresse toujours mais à vitesse moindre

Et finalement, que se passe-t-il dans cette production que les Saoudiens veulent limiter ? Force est de constater que la progression annuelle ralentit :

Aymeric de Villaret tous droits réservés6

Ce n’est plus que de l’ordre de 1 à 1,2 Mb/j que croît la production américaine.
Et d’ailleurs l’AIE (Agence Internationale de l’Énergie) dans son dernier rapport Medium Term Market Outlook 2015 de février, devient plus prudente quant à la croissance de la production des États-Unis pour ces prochaines années.

baril pétrole rené le honzecÀ court terme, comme le dit justement l’AIE dans ce rapport, les plus petits opérateurs ont tendance à couvrir leurs productions car leur cash-flow dépend de quelques ressources concentrées dans une ou deux régions. La plupart ont couvert une partie à un cours supérieur aux cours actuels. Une analyse réalisée en 2015 axée sur les positions des couvertures des indépendants américains indique qu’en moyenne 36 % de leur production 2014 avait été couverte à 95,99$/baril. Ces mêmes opérateurs ont couvert environ 25% de leur production 2015 à une moyenne de 93,25 $/b. De la même manière, les sociétés Amont suivies par Deutsche Bank ont couvert 45 % de leur production 2015. Cela illustre bien que la sensibilité de la production à la chute des prix est modérée en début d’année et qu’elle devrait s’accentuer au fur et à mesure de la fin des couvertures.

Ainsi au cours de l’été, la production américaine devrait subir la chute des prix initiée depuis l’automne 2014.

Conclusion

Un Brent à 60 $, oui à court terme, du moins jusqu’à l’été, cela semble un prix d’équilibre ou plutôt un prix d’attente… pour voir… « Wait and See » comme disent les Anglo-saxons…
Qu’est ce qui va se passer ?

L’Arabie va-t-elle avoir gagné son pari ? La production américaine va-t-elle commencer à ralentir ou, plutôt, à moins progresser ?

Force est de constater que beaucoup d’éléments se mettent en place pour que cela se réalise.

En plus la chute des prix du baril relance la consommation dans le pays plus grand consommateur de pétrole, les États-Unis !
Et comme il s’agit d’une question d’équilibre offre-demande… une sortie par le haut nous apparait, en l’état actuel des choses, la plus probable.

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