C’est la faute aux marchés !

Quand vous entendez l’expression « problème de marché » venant d’un non-économiste, c’est probablement des foutaises.

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Marché faute (Crédits : René Le Honzec/Contrepoints.org, licence Creative Commons)

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C’est la faute aux marchés !

Publié le 5 janvier 2015
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Par Emmanuel Bourgerie

contrepoints 060 marchéSi, comme moi, vous annoncez publiquement défendre les idées de libre-échange et de concurrence, vous avez probablement déjà été accusé de toutes sortes de choses, et notamment de vouloir aggraver la pauvreté et les inégalités. Admettons, pour les besoins de l’argument, que ce soit vrai, il est cependant intéressant d’analyser le pourquoi du comment.

Reprenons quelques termes tout d’abord, pour être certain que l’on parle de la même chose : un marché est la rencontre entre une offre et une demande. Il y a un marché de la carotte parce qu’il y a des consommateurs qui veulent des carottes, et de l’autre côté des distributeurs qui ont des carottes à vendre. Le prix de la carotte sera donc déterminé par le rapport de force entre offre et demande, dans la limite de la valeur qu’apporte chaque nouvelle carotte au client. Je vous renvoie à mon précédent podcast sur Carl Menger pour en savoir plus sur sa théorie de la valeur.

Un marché qui fonctionne bien est donc un marché dont les prix fluctuent en fonction de l’offre et de la demande. Le pétrole, assez étonnamment, a prouvé être un marché qui fonctionne plutôt bien, puisque l’explosion des pétroles de schiste aux États-Unis a largement augmenté la quantité de pétrole disponible et les prix ont, en conséquence, été ajustés à la baisse.

À l’inverse, l’immobilier est un marché qui est en total dysfonctionnement : la flambée des prix observée sur ces dernières décennies n’a pas été suivie par une augmentation de l’offre (en clair il n’y a que trop peu de nouveaux logements construits), et plus récemment la demande de logements à l’achat a drastiquement chuté sur Paris sans que les prix n’aient frémi.

Je voulais donner ces deux exemples pour définir clairement ce qu’est un marché fonctionnel et un marché dysfonctionnel. Vous pouvez trouver que l’abondance du pétrole de schiste et la baisse de son cours sont des problèmes environnementaux, mais vous ne pouvez pas dire que c’est un « problème de marché » puisque le marché ici fait son travail : coordonner une offre et une demande.

Quand vous entendez l’expression « problème de marché » venant d’un non-économiste, c’est probablement des foutaises. Les dysfonctionnements de marchés existent et sont allègrement documentés par les économistes, mais l’expression elle-même est utilisée un peu à tout bout de champ, par méconnaissance ou par paresse intellectuelle, par des personnes qui ont déjà désigné l’accusé : la vilaine économie qui est responsable de tous nos maux.

On retrouve les mêmes mécaniques en jeu sur le marché du travail : il y a d’un côté une offre (les salariés qui proposent leur force de travail) et de l’autre une demande (les employeurs). Si jamais vous avez un doute sur qui est l’offre et qui est la demande, c’est assez simple : la demande c’est celui qui tient le chèque.

Par ailleurs, on peut traduire le concept d’utilité marginale de façon très concrète ici. Le salaire ne peut pas dépasser l’utilité marginale du salarié, sinon l’entreprise fait des pertes. Qu’est-ce que cela signifie ? Tout simplement que la valeur créée par le salarié doit être supérieure à son salaire. Vous pouvez dire que c’est abominable et injuste, mais c’est la réalité : on n’embauche pas une personne pour perdre de l’argent.

Qu’une personne ne puisse pas prétendre à un salaire « décent » parce qu’elle n’a pas les compétences pour prétendre à mieux n’est aucunement un dysfonctionnement de marché, c’est un autre problème (de formation en général). Accuser l’économie de marché de produire des bas salaires c’est ne pas comprendre comment fonctionne l’économie. On ne peut pas régler le problème des bas salaires si on ne l’identifie pas proprement. Si vous avez un grand nombre de sans-emplois non qualifiés, le marché fait son job de coordination, même si le résultat final ne vous plait pas.

Mais si (comme moi) vous trouvez cela injuste, il ne faut pas se tromper de cible. Les prix agissent comme un thermomètre et nous informent de deux choses : être sans qualifications au 21ème siècle n’est pas un choix de carrière durable, et certaines professions manquent d’effectifs puisqu’à l’inverse les salaires y sont élevés. Une solution ? On peut tenter de jouer les alchimistes à bricoler les prix comme on l’a fait en France, ou l’on peut considérer sérieusement la question de la formation, comme l’ont fait des pays comme la Suisse, qui n’a pratiquement aucun chômage des jeunes.


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  • Excellent article ! A propos des métiers manuels je voudrais faire quelques remarques. Un de mes petits-neveux a choisi à 14 ans de mettre les mains dans le cambouis. Aujourd’hui il est à la tête de sa petite entreprise d’intervention et de maintenance de grosses machines agricoles et il gagne très bien sa vie ! Un de mes neveux a choisi d’être plombier. Il croule sous le travail, 6 jours par semaine, 15 heures par jour ne suffisent pas pour satisfaire les clients.
    Il y a bien d’autres métiers en voie de disparition. Savez-vous ce qu’est un staffeur ? Difficile d’en trouver un si on veut se lancer dans la restauration des corniches d’un appartement XVIIIe. Un mètre de corniche à restaurer, pour peu qu’il y ait des frises à mouler vous en coûtera près de 1000 euros et surtout ne soyez pas pressé ! Et un maréchal-ferrant ? C’est un métier qui réapparaît progressivement puisque la multiplication des loisirs, en particulier les sports équestres, a rendu nécessaire cette profession qui ne demande pas beaucoup d’investissement pour l’exercer. Changer les 4 fers d’un cheval : 400 euros ! Le travail manuel est délaissé par l’Education Nationale et c’est bien triste.

    • Exactement ce que je pense.

      « A man with a trade will never be oout of work ».

      Ca permet aussi de bosser au noir, ce que j’ encourage fortement.

      Petit problème d’ argent ? Si vous êtes soudeur, mécanicien, électricien, vous pouvez partir sans souci sur une plateforme pétrolière, et vous revenez après une année avec 100’000 dollars au moins.

      Les parents ont aussi leur part de responsabilité, il y a un effet de mode néfaste qui consiste à glorifier les titres universitaires, fussent-ils de psychologie canine ou de Serbo-Croate médiéval…

  • Il y a quelques points avec lesquels je suis en désaccord.

    D’abord, vous semblez vouloir montrer que le marché de l’immobilier n’est pas fonctionnel du fait que les prix de l’immobilier ont augmenté sans qu’il y ait une augmentation de l’offre. Mais, une augmentation de l’offre à demande constante, ne fait pas augmenter les prix, c’est tout le contraire. Par contre, à offre constante, une hausse de la demande fera augmenter les prix. Votre exemple montre au contraire un fonctionnement classique du marché. Par contre, le fait que la demande ait chuté sans que les prix diminuent est un argument admissible.

    Ensuite, concernant le marché du travail, cela pose un problème de le considérer comme un marché comme un autre fonctionnant par offre et demande. En effet, cela suppose que les individus sont substituables entre eux (comme les carottes sont substituables entre elles), ou dit autrement qu’ils forment un ensemble homogène. Or, les individus vous le dites très bien ont des compétences très disparates. Il conviendrait alors plutôt de parler de marchéS du travail. Il faut également tenir compte du fait que le salaire est majoré par une borne inférieure qui dot permettre la reproduction de la force de travail (avoir de quoi survivre pour continuer à travailler aussi efficacement), ce qui peut donc empêcher l’équilibre entre offre et demande. J’ajoute également une remarque sur l’utilité marginale de la force de travail. Cela pose un véritable problème épistémologique puisque la valeur créée par le salarié n’est connue qu’en fin de production lors de la vente des marchandises, alors que le salaire lui est versé avant.

    Enfin, concernant l’argument du dysfonctionnement des marchés, généralement ce sont plutôt les thuriféraires de l’efficacité du marché, de la concurrence « libre et non faussée » qui l’invoque lorsqu’on leur soumet des exemples de marchés qui ne donnent pas les « bons » résultats. Ils emploient un argument assez similaire à celui de certains idéologues soviétiques qui voyant l’échec de leur politique m’expliquait en disant qu’ils n’étaient pas allés encore assez loin( pas assez de libéralisation pour les « néolibéraux »). Leur justification est assez simple. Ils expliquent que si les marchés en question ne sont pas efficaces c’est qu’ils ne sont pas assez libres et pour le « prouver », ils invoquent le fait que les marchés libres sont efficaces. On a alors un beau raisonnement circulaire ou pétition de principe, c’est-à-dire un sophisme. En effet, dire que les marchés libres sont efficaces est logiquement équivalent à dire que si un marché n’est pas efficaces c’est qu’il n’est pas assez libre (c’est ce qu’on nomme la contraposée). Autrement dit, il justifie la proposition p par la proposition p….

  • À l’inverse, l’immobilier est un marché qui est en total dysfonctionnement

    ce n’est pas incompatible, mais vous commettez l’erreur assez récurrente de considérer tout rapport entre une offre et une demande comme un marché homogène, nonobstant le bien en question et sa nature d’utilité, pouvant varier de vitale à négligeable, ayant entre autres conséquences qu’un marché peut avoir plus d’avantage en rigidifiant l’offre tout en atteignant l’équilibre par augmentation du prix fixé qu’en accroissant les quantités.

  • il faut arrêter avec le sohisme qui consiste de faire du marché une personne. le marché n’existe pas en tant qu’entité. Le marché, c’est chacun d’entre nous, chacun de ses acteurs, producteurs et consommateurs ou intermédiaires. Le marché ce sont des acteurs, plus ou moins nombreux selon le type de produit échangé. Ainsi, le marché du pain en France est constitué des millions de consommateurs qui achètent leur baguette, des dizaines de milliers de boulangers, d’agriculteurs, etc. Le marché ne désigne que l’ensemble des relations à la fois volontaires et potentielles entre les personnes. Volontaires, cela veut dire que tout le monde y entre exprès en relation, et c’est une preuve suffisante qu’elles y trouvent toutes leur intérêt. Potentielles, cela veut dire qu’il y a marché tant qu’il y a choix. Si l’échange est à long terme, on entre alors dans un contrat, et quand les contrats sont multiples, dans une organisation.

  • le marché a des imperfections mais comparer le marché à un état parfait est erroné. l’état a aussi des imperfections. or si on étudie les imperfections du marché et les imperfections de l’état on se rend compte que le marché a moins d’imperfections que l’état. c’est pour cela qu’il faut un état limité.

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