Gaz de schiste : les obstacles à son exploitation

L’exploitation du gaz de schiste pourrait être source de relance économique, sous réserve d’une évolution institutionnelle.

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Puits de Gaz de Schiste de Marcellus (Crédits : wcn247, licence Creative Commons)

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Gaz de schiste : les obstacles à son exploitation

Publié le 5 octobre 2014
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Par Max Falque

Puits de Gaz de Schiste de Marcellus (Crédits : wcn247, licence Creative Commons)Des avantages économiques mais des coûts environnementaux

Bien entendu, l’exploitation du gaz de schiste en France deviendra une réalité car historiquement on n’a jamais vu un groupe humain assis sur une mine d’or et ne pas l’exploiter. En un certain sens, les prises de position récentes de Nicolas Sarkozy confirment une évolution politique, la question étant de savoir à quelle échéance et comment. Pour l’heure, une large majorité de la population (62%) s’oppose à une autorisation de l’exploitation du gaz de schiste en France, selon un sondage BVA rendu public jeudi dernier. Mais au moment où les Français sont inquiets de la poursuite du déclin économique dont ils craignent que la phase finale soit comparable à celle de la Grèce, il est légitime de s’interroger sur ce qui pourrait s’apparenter à une potion magique.

La réponse ne peut être qu’ambiguë. Certes, le gaz de schiste est prometteur mais à condition que son exploitation ne soit qu’un des éléments des multiples réformes auxquelles notre pays répugne.

Sur le plan économique stricto sensu l’observation de ce qui se passe aux États-Unis est encourageante et incontestable :

  • passage d’une situation de pays importateurs à celui de pays exportateur en matière d’hydrocarbures,
  • création d’environ 600 000 emplois qui pourraient atteindre 900 000 en 2040,
  • stabilité et maîtrise des prix des hydrocarbures,
  • division par trois du prix du gaz,
  • augmentation des ressources fiscales pour les collectivités locales,
  • relocalisation des industries lourdes (chimie, sidérurgie…) grosses consommatrices d’énergie.

En définitive on estime que l’exploitation du gaz de schiste contribue à environ 1 point d’une croissances du PNB qui serait de 3% pour 2014. Ainsi on peut penser que les mêmes causes produiraient les mêmes effets en France et en Europe pour autant que la production confirme les espérances de l’exploration (encore interdite).

Bien entendu, il convient de prendre en compte les externalités environnementales :

  • Sur le plan du paysage tout dépendra de la densité des forages et de la sensibilité du milieu mais son impact ne peut être que négatif (encore que l’exploitation du gisement de Lacq n’a pas entrainé de catastrophe). Par ailleurs, une meilleure répartition des centrales de production électrique au gaz pourrait limiter l’impact des lignes de transport d’énergie électrique.
  • La diminution des émissions de gaz à effet de serre apparaît comme une externalité positive en substituant le gaz au charbon plus polluant.

Pour autant on sait que la croissance économique ne peut se développer que dans le cadre d’institutions stables à savoir un état de droit favorisant la confiance entre les citoyens et les pouvoirs publics. À ce titre, le régime de la propriété publique du sous-sol tel que défini par le code minier de 1810 constitue un obstacle invisible mais réel ; en effet la réglementation confère aux pouvoirs publics la propriété du sous-sol et donc des ressources en gaz de schiste.

Trois solutions sont envisageables

  • Le statu quo

Le propriétaire du sol pourra donc être exproprié pour cause d’utilité publique au prix de la terre agricole ou forestière, rien ne garantissant que les riverains seront indemnisés pour les inévitables nuisances. Dans ces conditions il n’est pas étonnant que les citoyens s’opposent à l’exploration et bien entendu à l’exploitation subséquente. On peut s’attendre à une guérilla juridique… sinon physique.

  • Une nouvelle réglementation

Il existe pourtant un précédent remarquable qui pourrait débloquer la situation. Le 25 août 1992, la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, a signé un protocole avec Électricité de France dont l’article 5 précise : « en vertu des principes de droit applicable, tout propriétaire qui estime subir un préjudice du fait notamment de la proximité visuelle d’une ligne électrique peut, à défaut d’accord amiable avec EDF, en demander réparation à la juridiction compétente. » Ce protocole dérogeait aux principes de l’ordonnance de 1943 interdisant l’indemnisation des servitudes réglementaires mais du même coup mettait fin à un conflit qui dans certains cas avait abouti à mort d’homme.

Cette sage disposition pourrait inspirer une nouvelle politique où le propriétaire reçoit une indemnité pour vente ou expropriation de son terrain et reçoit une participation aux fruits de l’exploitation.

Les riverains subissant des nuisances seraient également indemnisés. Enfin la commune serait, elle aussi, participante au titre d’une taxe spécifique assise sur le montant de l’investissement ou de la production de gaz de schiste (comparable à l’ancienne taxe professionnelle).

  • Le recours au marché

Les exploitants du gaz de schiste établissent librement un contrat de location ou de vente portant sur le sous-sol et le foncier de surface avec le ou les propriétaires concernés, ce qui suppose un abandon préalable de la propriété publique sur le tréfonds. Un tel système est précisément celui du recours à la Common Law (c’est-à-dire au droit privé). Bien entendu la puissance publique pourrait participer au bénéfice en contre-partie de la cession de son droit de propriété et veiller au respect d’un cahier des charges environnemental.

Ségolène Royal, qui a réussi il y a 22 ans au même poste de ministre de l’environnement aurait l’autorité et l’expérience pour mener à bien une réforme indispensable si nous voulons affirmer notre place dans le concert des nations industrielles et organiser notre « transition énergétique ». Après tout, le principe de précaution n’interdit pas de veiller au développement économique auquel doit impérativement participer le gaz de schiste.

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  • Soyons clair : le gaz de schiste ne sera jamais exploité en France !
    Et même si un politicien courageux met cela en place la règlementation et le cadre fiscal seront probablement trop contraignants pour la plupart des investisseurs, ou si jamais le cadre est intéressant (très peu de chance) il y aura des manifestations d’extrémistes écolos ou sabotages.
    Je n’ai aucune illusion là-dessus.

  • « Ségolène Royal, qui a réussi il y a 22 ans au même poste de ministre de l’environnement aurait l’autorité et l’expérience pour mener à bien une réforme indispensable »: c’est de la propagande ou quoi?
    Primo, Royal n’a jamais réussi qu’une seule chose: dilapider l’argent des contribuables pour satisfaire son égocentrisme démesuré (voir le fiasco des mirifiques voiturettes Eco & mobilité);
    Segondo, elle totalement opposée à l’exploitation du gaz en question qui, pour elle, n’est qu’une « bulle spéculative ».
    Point final.

  • les français veulent peut être l’exploitation du gaz de schiste….mais pas à proximité de leur habitation….plus loin , chez le lointain voisin , ou dans un autre département , ailleurs quoi ….

    • Les Anglais ont réglé le problème très simplement au Pays de Galles : les propriétaires des terrain perçoivent un loyer de la part des compagnies exploitantes et un intéressement sur le prix du gaz produit. Le comté reçoit également une rémunération substantielle. Tout le monde est content. En France le code minier interdit ce genre de procédure. Pour l’anecdote, j’avais un ami professeur à UCLA habitant à Berverley Hills. Je suis allé dîner un soir chez lui et sa maison empestait le pétrole, et pour cause, il y avait une pompe dans son garage et il produisait, chez lui, 800 barils par semaine, c’était même à cette époque (fin 70) un homme très riche, faites le calcul : aujourd’hui cela représente 80000 euros par semaine.
      Je raconte cette histoire parce qu’il peut très bien y avoir aussi de l’huile de roche mère en France !!! Si le code minier est modifié, il est impensable que qui que ce soit refuse une telle manne, ce sera le contraire, les gens se batteront pour qu’on fasse des forages sur leurs terres !!!

    • « … mais pas à proximité de leur habitation » : s’ils deviennent riches grâce au gaz de LEUR sous-sol, bien sûr que si, mis à part les quelques obtus du bulbe comme il y en a toujours et partout. On ne va pas s’arrêter pour si peu.

      Pour le reste, excellent article.

  • Drill baby drill : une étude argumentée à lire pour ceux qui veulent se faire une idée de la situation américaine http://www.postcarbon.org/drill-baby-drill/. Par J. David Hughes : he is a geoscientist who has studied the energy resources of Canada for nearly four decades, including 32 years with the Geological Survey of Canada as a scientist and research manager. He developed the National Coal Inventory to determine the availability and environmental constraints associated with Canada’s coal resources

    • Cette étude si j’en crois son résumé est une étude économique et technique sur le futur de l’exploitation du gaz de schiste, même si les problèmes évoqués sont bien réels – mais probablement exagérés – elle méconnait l’énorme capacité d’innovation technique et économique propre au capitalisme et de l’humanité en général. Une sorte de malthusianisme technique.
      Une histoire du gaz da schiste aux USA par un exploitant :
      http://www.skyfall.fr/?p=1277

    • « Post Carbon Institute integrates and connects high-level thinking with on-the-ground action. We bring together the best ideas and models for transitioning from the carbon-addicted world to the post-carbon world as quickly, equitably, and sustainably as possible. »

      Quand on connaît déjà toutes les réponses, à quoi bon faire des analyses et des études ?

  • « Bien entendu, l’exploitation du gaz de schiste en France deviendra une réalité car historiquement on n’a jamais vu un groupe humain assis sur une mine d’or et ne pas l’exploiter. »

    Vous pouvez toujours rêver ! Etant donnée que les médias écolo-castrophistes influencent massivement l’opinion publique et qu’ils ne sont pas prêts de changer, ce n’est pas de notre vivant que le gaz de schiste sera exploitée dans nos contrées.

  • bof , on peut toujours essayer , mais regardez ce qu’il arrive a ceux qui en ont hors USA :
    pipeline interdit
    port d’exportation interdit pour pas déranger les baleines

    et on va en faire quoi de notre gaz alors qu’il sera toujours plus cher que le gaz russe américain norvégien algériens etc ?

    • Euh ! Le brûler dans ma chaudière par exemple. Si quelqu’un est assez fou pour produire du gaz à perte et n’arrive pas à le vendre, je veux bien l’en débarrasser.

    • Laissons justes les investisseurs prendre leurs risques et, le cas échéant, se brûler les doigts.

  • Moi non plus je ne sais pas si le gaz de schiste deviendra une réalité en France car, si je simplifie un peu mais à peine, un politicard dans l’opposition sera pour et un politicard au gouvernement sera contre. J’en veux pour preuve la volte-face de Sarkozy mais aussi celle de Royal (que l’on souligne moins) qui nous expliquait lorsqu’elle n’était pas au pouvoir (ni ses potes) qu’il ne fallait pas être sectaire sur le sujet.

    J’ajoute que si les dirigeants français étaient raisonnables, cela se saurait. Ils préféreront couler le pays au nom d’un stupide principe de précaution bien relayé par la presse subventionnée qui y va à grands coups de clichés sur le gaz de schiste (d’où le sondage à 62% de contre, je suis même surpris qu’il y ait autant de pour).

    Reste l’histoire que personne n’en voudrait à côté de chez lui. Je suis certain qu’avec une rente régulière, beaucoup de Français changeraient d’avis mais surtout cet argument est fallacieux car :
    – Qui veut d’une centrale nucléaire près de chez lui ?
    – Qui veut d’un site de stockage de déchets nucléaires (pourtant propres selon la propagande officielle) près de chez lui ?
    – Et même qui veut d’un champs d’éoliennes près de chez lui ?
    Je pourrais multiplier les exemples à l’infini (autoroute, voie ferrée, aéroport, usine chimique quelconque, barre de HLM -désolé c’est un fait-, etc…) or cela n’empêche pas le monde d’évoluer.

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