Un islam du troisième type

Passer d’un islam intégriste à un islam de paix, d’amour et de libertés nécessite une révolution des mentalités.

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Derviches tourneurs soufis (Crédits Carlos Rivera, licence Creative Commons)

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Un islam du troisième type

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 22 septembre 2014
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Par Farhat Othman.

Derviches tourneurs soufis (Crédits Carlos Rivera, licence Creative Commons)

L’islam en Tunisie, et plus généralement au Maghreb, n’est pas l’islam prévalant en Orient. Ni hier ni surtout aujourd’hui. Fortement marqué par un esprit rationaliste et spiritualiste, il a toujours aspiré à une originalité certaine, populaire et informelle souvent, car on a souvent essayé de gommer officiellement une telle spécificité.

Et comme elle est à forte teneur spirituelle, et donc soufie, l’œuvre de Bourguiba en la matière n’a pas peu contribué à discréditer cet islam à la faveur de son esprit se voulant rationaliste et cartésien quand il n’était que dogmatique et cartésiste. Cela a profité, à la faveur de l’autoritarisme du régime bourguibiste, aux tenants de l’islam intégriste et souvent extrémiste. C’est ce qu’on voit aujourd’hui.

Or, de plus en plus de voix appellent à des retrouvailles avec l’islam tunisien, un islam de paix, d’amour et de libertés. C’est même un esprit islamique essentiellement libertaire et hédoniste qui n’est pas moins en stricte conformité avec l’éthique esthétique de l’islam, l’esthétique étant ici utilisée en son sens étymologique de sensible.

C’est un peu le sens de la démarche américaine lorsqu’elle a prôné une prise en compte de la dimension islamique des sociétés arabes musulmanes, initiant l’alliance avec les islamistes ayant permis le Printemps arabe, et qui n’est pas encore un printemps islamique.

Cette démarche est dénoncée désormais par certains au vu des excès que nous vivons de la part des plus extrémistes, et ce jusque et y compris au sein des cercles influents américains. Pourtant, une telle stratégie n’est pas à rejeter totalement ; elle ne s’est trompée que sur la tactique employée.

En effet, la prise en compte de l’islam en politique est inévitable et était inéluctable, l’islam ayant son rôle à jouer sur la scène sociale en tant que composante incontournable du tissu sociologique et son emprise sur les esprits. Toutefois, il ne s’agit pas de n’importe quel islam, mais de celui dont je parlais ci-dessus, un islam essentiellement soufi à réhabiliter. Il suffit de rappeler la figure tutélaire de l’islam en Tunisie que fut Junayd1 et celle d’Ibn Arabi2 au Maghreb pour dire à quel point l’islam peut être en phase avec les exigences de notre temps.

C’est donc un islam à la fois ancien et authentique que sui generis à redécouvrir, car même ceux qui se réclament d’une lecture modérée de l’islam n’en relèvent pas. En effet, un tel islam du troisième type est loin d’être modéré, il est révolutionnaire. C’est pour cela qu’on le rejette aussi bien du côté musulman que du côté occidental. Or, si l’islam doit avoir un avenir, il ne sera que soufi3.

Jugeons-en ! Cet islam est pour la consécration de l’apostasie comme parfaitement licite en islam. Il est aussi pour la reconnaissance de la liberté totale des mœurs dans le cadre d’une vie privée à sacraliser. Même la pratique originale ou minoritaire du sexe, comme l’homosexualité, y est admise. C’est que le sacré y est perçu autrement que comme un tabou, une nouvelle idole, mais d’abord et avant tout comme une sacralité morale.

Voilà autant de spécificités qui expliquent bien pourquoi cet esprit islamique, qui est malgré tout le plus authentique, n’est pas près d’avoir les faveurs même chez les plus laïques de nos élites, car il suppose une révolution aussi bien mentale à laquelle ils ne sont pas prêts. C’est aussi bien évidemment une révolution juridique qui emporterait toutes les lois liberticides en vigueur dans les pays islamiques au nom d’un islam qu’elles violent.

Pourtant, une telle révolution est en cours dans les mentalités et le rôle des élites et d’en favoriser l’occurrence de façon qu’elle advienne plus vite et dans les meilleures conditions. À la veille de la fête du sacrifice, voici un exemple de ce que serait cet islam rappelant cette vérité occultée, à savoir que la fête du sacrifice n’a rien à voir avec l’islam en dehors du pèlerinage, car elle est alors une célébration de la pratique d’Abraham sacrifiant son fils Isaac. C’est que l’islam, outre sa dimension de culte, est d’abord une culture, la foi n’y étant pas uniquement réduite au culte musulman mais aussi plénière, reconnaissant les autres Écritures sacrées consacrant l’unicité divine.


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  1. Junayd est considéré comme ayant posé « les assises sur lesquelles furent bâtis les systèmes postérieurs du soufisme » (Encyclopédie de l’Islam, 2e édition). Avant même la fondation des tarîqa, il était désigné comme « le seigneur des soufis », « le maître des maîtres ». C’est de son école et de sa lignée spirituelle que proviendront plus tard les confréries. Il est mort à Baghdad en 298 de l’hégire (911 de l’ère chrétienne). Pour plus de détails, voir : Enseignement spirituel, traités, lettres, oraisons et sentences, trad. R. Deladrière, Sindbad éd., Paris, 1983.
  2. Ibn Arabi est né en 560 de l’hégire (1163 de l’ère chrétienne) à Murcie, en Andalousie ; mort en 638/1240 à Damas, il est considéré comme le plus grand maître soufi (al-sheikh al-akbar). Ibn Arabi n’a pas créé de tariqa, mais la profondeur de son enseignement métaphysique a exercé une immense influence sur les penseurs et mystiques venus après lui. Henry Corbin pense que son départ en Orient marque le début du déclin de l’islam. Auteur d’une œuvre abondante que résume son grand texte : Fuçûç al-Hikam, partiellement traduit par Titus Burckhardt sous le titre : La Sagesse des Prophètes, Albin Michel éd., Paris, 1955, 1974. Voir aussi : Osman Yahia, Histoire et classification de l’œuvre d’Ibn ul-‘Arabi, Étude critique, 2 volumes, 1964, Institut Français de Damas éd. et aussi, du même auteur, Futûhât al-Makkiyah, d’après les critères scientifiques, 37 volumes, Le Caire.
  3. Voir, par exemple sur le soufisme : Eva de Vitray-Meyerovtch, Anthologie du soufisme, Spiritualités vivantes, Albin Michel, 1995.
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  • « C’est aussi bien évidemment une révolution juridique qui emporterait toutes les lois liberticides en vigueur dans les pays islamiques au nom d’un islam qu’elles violent. »

    Je suis fatigué de voir des musulmans non seulement affirmer haut et fort leur foi personnelle dans un islam dénué de charia, donc de djihad, ce qui est leur droit; mais encore exiger que, par respect pour leur sensibilité, on considère qu’ils ont raison, que leur point de vue prévaudra.

    Eh! bien non.
    Le soufisme de prévaudra pas, selon moi.
    Je ne prendrai pas mes désirs pour des réalités.
    Je ne sais pas pourquoi l’islam suscite autant d’adhésion, ni encore mois l’islamisme, mais je constate que les rapports de force au sein de l’islam sont favorables aux islamistes.

    De plus j’ai écouté les arguments des islamistes, considéré la vie de Mahomet, et je suis résigné à l’idée qu’il ne sera jamais possible de mettre les islamistes en contradiction objective avec l’islam.

    Le Jésus des Évangiles chrétiens a inventé le concept d’une autorité suprême mais limitée, dégageant l’espace théorique du pouvoir séculier et de la société civile.
    Mahomet rétablit celui, plus simple et hélas normal, d’une autorité suprême et illimitée.
    Fin de la parenthèse historique.

    « reconnaissant les autres Écritures sacrées consacrant l’unicité divine »

    Il faut ici contrer un préjugé erroné.
    Les occidentaux, familiers du christianisme, tendent à transposer et à supposer que, comme la bible chrétienne inclut la juive, les textes musulmans incluent la Bible.
    Rien n’est plus faux: elle est impure et bannie.

    C’est d’ailleurs le livre le plus interdit du monde puisque communisme et islam se rejoignant pour la bannir.
    Cela devrait questionner des libéraux…

  • bonsoir à tous,

    J’aimerais intervenir en disant que le soufisme n’est pas l’islam comme le prétendent certains c’est une énorme désinformation,le mot même de soufi n’existe dans aucun verset coranique ni dans une parole prophétique « el hadith « .
    Le soufisme comme on le nomme maintenant à une origine noble qui se résume tout simplement à dompter les passions humaines et le comportement tout en respectant l’enseignement initié par le prophète Mohamed que la paix soit sur lui,appelé la science du comportement « ilm assoulouk « .
    Mais de nos jours le soufisme est transformé en danse invocation d’esprit économie lucrative pour les chouyoukhs des confrérie et pour faire passer la pilule ils disent que le soufisme c’est l’islam d’amour et de paix.

    Je tiens à dire à ces gens là que l’islam fut un empire et on bâti pas ça avec de l’amour et de l’eau flèche tout les empires à travers les siècles ont usé de force, d’argent donc de pouvoir.
    Et comme l’islam est un concept globale, il sait faire la guerre quand il faut et aimer son prochain réciproquement.

    Si l’islam était comme vous le dite jamais il ne serait arrivé là où il est désormais il se serait cantonner en Arabie.

  • Une des cause qui a rendu l’Islam maghrebin contaminé par le radicalisme venu d’Arabie Saoudite est justement l’emprise de l’Etat sur celui ci par des rationalistes cartésiens tel Bourguiba ou le roi « absolu » Hassan II. La religion doit rester dans la sphère du privé. Vouloir protéger le soufisme et le malékisme contre le wahabisme est du non sens et contraire même aux principes du soufisme. L’Islam dans un état dont la constitution n’admet pas le droit de libre conscience sans parler de la liberté de travail du capital …

    • … est aussi une insulte envers l’intelligence humaine. On est musulman quand on a le choix.

      • Monsieur vous êtes un dogmatique, qui a décidé que la religion devait rester dans la sphère privée ?

        Ce discours est celui des laïcs franc-maçon anti religion pour quoi voudriez vous nous imposer votre pensée,?

        Mon texte précédent est à charge du soufisme actuel et à décharge de celui d’antan mais.je.ne pense pas que vous êtes capable de.voir la nuance tellement vous êtes aveugles par ce suprimacisme, laïc.
        L’Arabie saoudite à sa vision de.la religion car ils sont de l’école juridique de l’imam ahmad et en Algérie ils suivent malik tout en déformant de par et d’autres la vraie pensée de ces deux imminent personnes.
        Quoiqu’il en.soit l’islam est sur le terrain et plus on le combat mieux il se porte.
        Un conseil oubliez cette idée de remettre la religion dans l’emballage du privé tout les empires ont été pousser par une idéologie,y a que les naïfs qui pensent le contraire.

        • dogmatique laic franc macon aveugle …. apprends à écouter les gens !
          La réponse à ta question  » qui a décidé que la religion devait rester dans la sphère privée ? « est dans ton commentaire : « L’Arabie saoudite à sa vision de.la religion car ils sont de l’école juridique de l’imam ahmad et en Algérie ils suivent malik TOUT EN DEFORMANT de par et d’autres la vraie pensée de ces deux imminent personnes. » (justement ils le déforment à des fins politiques)
          Il est clair que mettre la religion entre les mains des Etats, c’est a dire entre les mains de ceux qui ont le monopole des armes, est très dangereux. Je te conseille d’aller relire l’histoire des premiers siècles de l’Islam, tu verras peut être que les 4 branches du sunnisme ont émergé de l’initiative privée de grands hommes, et ne fut pas planifié par des états ou des institutions centralisés.

          • Monsieur,

            L’Arabie saoudite ne représente pas l’islam pour la simple et bonne raison qu’ils n’ont jamais revendiquer le kalifa d’antan,donc pour moi L’Arabie saoudite est un état purement laïc.

            la religion ici est un bâton utilisé contre les plus démunis.

            La preuve est qu’ils ont tous ce que l’état laïc représente, un territoire, une constitution et ça peu de gens le savent, un drapeau, une économie usuraire etc…..

            L’islam n’est pas une spiritualité, c’est un corpus complet, et son origine est divine celui qui veut couper le lien entre Allah et ses serviteurs n’a rien compris à la religion.
            La laïcité est contradictoire avec l’islam.

            Salam alikoum.

            • A Monsieur Chabane,
              Ce que vous écrivez est absolument affolant. L’Arabie Saoudite un pays laïc?????????
              Mais monsieur, vous n’avez aucune idée de ce qu’est la laïcité. Je vous conseille de revoir vos classiques.
              La raison, la sagesse (musulmane), voudrait que l’on ne parle pas de ce que l’on ignore. Et dans votre cas vous êtes ignorant en matière de laïcité. En écrivant ce que vous avez écrit, cela démontre que vous n’avez aucune connaissance de ce qu’est la laïcité.
              Alors reprenez vos dictionnaires et instruisez vous d’abord, et après relisez-vous, vous comprendrez les absurdités que vous écrivez sur la laïcité. respectueuses salutations

              • Monsieur, le professeur.

                Avant de me traiter d’ignorant ayez la modestie de poser au moins une question sur le contenu de mon message,au lieu de me prendre de haut comme vous le faites,tout en me respectant à la fin de vos lignes.

                Je parlais de L’Arabie saoudite en tant qu’etat et oui que ça vous plaise ou non c’est un état laïc, simplement si vous avez pris le temps de lire ce que j’ai écrit vous auriez compris que mon propos fut sur le système étatique dans ce monde globalisé et non sur une séparation entre la religion et la politique ou la vie publique en général.

                Com tout les pays du monde l’arabie saoudite à un territoire et des frontières, un drapeau, une monnaie des banques usuraire une nationalité ce qui contredit totalement la religion islamique,en effet l’islam n’a pas de nationalité ni de monnaie, est contre l’usure qui est le moteur de chaque pays dit séculaire, l’or et l’argent sont la base de l’économie islamique, ayant une valeur intrinsèque la richesse est directement liée à la disponibilité et non à la spéculation et à la d’évaluation de la monnaie au gré des banquiers gangsters.

                Ma vision de la laïcité monsieur est beaucoup plus large que vous le pensez la laïcité est une duperie afin de vous éloigné du créacteur,jules fery disait que le rôle de l’école publique et laïque était d’enlever dieu des coeurs.

                Je pense que vous savez que jules fery était un franc-maçon dévoué à l’occulte, et que c’est eux qui ont instauré la république et la laïcité après la chute de la monarchie en France.

                Je connais mes classique monsieur le professeur c’est à vous de voir comment soigner votre constipation intellectuelle.

                Sans rencunes.

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