Par Nicolas Beyls.
Ken Schoolland, auteur libéral et professeur d’économie et de science politique à l’Université d’Hawaii, offre avec ce roman, traduit par Jacques de Guenin et paru aux éditions Tatamis, une synthèse entre Les Voyages de Gulliver de Jonathan Swift (la référence est explicite) et Atlas Shrugged d’Ayn Rand (dont le héros John Galt partage les mêmes initiales).
D’abord publié aux États-Unis en 1981, puis traduit en 44 langues, ce best-seller au ton léger se livre à une critique imagée des travers de l’intervention publique et conte une philosophie de la liberté.
Les Aventures de Jonathan Gullible débutent par un topos propre à la littérature enfantine. Le jeune héros, habitant d’une contrée relativement libre, est surpris par une vigoureuse tempête alors qu’il s’était imprudemment éloigné du rivage et se retrouve, après avoir longuement dérivé, sur une île exotique, qu’il cherche aussitôt à découvrir. Sa surprise est grande lorsqu’il découvre une présence humaine : de vigoureux bûcherons, abattant des arbres à l’aide de gourdins, viennent d’arrêter une femme qui, pour s’être servie d’une hache, se voit accusée de menacer ainsi leur emploi.
Jonathan vient en fait de débarquer sur l’île de Corrumpo, véritable enfer étatiste dirigé par un Conseil de Seigneurs élus grâce à des pratiques clientélistes. Notre héros, de nature naïve comme son nom l’indique si bien, découvre lors de son périple les méfaits de l’interventionnisme. L’auteur recourt souvent au comique de l’absurde. Le Code des Impôts de Corrumpo prévoit par exemple, afin de mettre fin aux différences de taille, une taxe proportionnelle à la taille des habitants : un grand nombre de gens se mettent alors à circuler dans la rue en marchant sur les genoux voire en rampant ! Ken Schoolland parvient à employer la caricature pour mieux dénoncer l’absurdité des impôts, des réglementations et des décisions politiques qui nous accablent.
Ce roman remplit un rôle didactique : il favorise la compréhension des principaux mécanismes économiques à partir d’exemples simples. Milton Friedman a d’ailleurs constaté que cet « ouvrage imaginatif et très utile » permettait de présenter « les principes économiques de base d’une manière simple et intelligible ». Jonathan Gullible constate ainsi que le contrôle des loyers à Corrumpo a favorisé la dégradation voire l’abandon des immeubles. Cela rappellera au lecteur français les conséquences désastreuses de loi ALUR sur le marché immobilier. On retrouve un Seigneur Ponzi qui met en place un Caisson de Répartition afin d’assurer une solidarité entre jeunes et vieux, mais qui se vide à vue d’œil : jolie pyramide ! On rencontre aussi Monsieur Georges, l’ancêtre de nos « patent trolls », qui a racheté grâce à la complicité des Seigneurs un brevet sur l’idée d’un inventeur décédé, appelée « métalaiguisésurunmanche », en fait la hache.
L’auteur est, par ailleurs, un fin connaisseur de la pensée libérale : la référence à Frédéric Bastiat est explicite lorsque le héros est invité à signer une pétition visant à interdire le soleil. En effet, sa lumière et la chaleur, gratuits, représenteraient une concurrence redoutable pour l’industrie des bougies et des manteaux !
Ce roman est surtout un vibrant plaidoyer « en creux » en faveur d’une philosophie de la liberté, fondée sur le principe de non-agression, la responsabilité individuelle et le droit de propriété. Dans sa conclusion, l’auteur prône la liberté de disposer de son corps, le recours à l’échange mutuellement consenti et le droit à la légitime défense. Il condamne logiquement le meurtre, la réduction en esclavage et le vol, qu’ils soient réalisés par de simples individus ou par des hommes de l’État investis de l’autorité. Ken Schoolland place ainsi la liberté de choix et le refus de la coercition comme fondements d’une société libre, dans laquelle on ne pourra recourir à la force pour imposer sa vision du monde.
— Ken Schoolland, Les aventures de Jonathan Gullible : Une odyssée de la liberté, Tatamis, 2011, 253 pages.
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Je suis toujours mal à l’aise avec les contes philosophiques, si jolis soient-ils. La vie réelle est bien plus compliquée que cela.
Je l’ajoute à ma liste de livre à lire !
Merci Nicolas
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