L’insertion sociale d’un individu ne regarde que lui-même

La société se réjouit que des sans-abri puissent se réinsérer par le travail. Elle se soucie aussi un peu de leur transit intestinal.

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L’insertion sociale d’un individu ne regarde que lui-même

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 25 juillet 2014
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Par Nils Sinkiewicz

Clochard credits g3Tography (licence creative commons)Quelques journalistes se sont penchés récemment sur une jeune entreprise parisienne proposant des visites guidées assurées par des sans domicile fixe. Ce n’est pas tout à fait une nouveauté : il y a deux ans, un jeune « entrepreneur social » faisait déjà parler de lui avec Meet My Paris, une start up s’inspirant d’initiatives néerlandaises, britanniques et brésiliennes vouées à la réinsertion par le travail.

Si l’intention est louable, le discours qui l’accompagne pose question. Dans les déclarations des fondateurs comme dans les articles qui leur sont consacrés, l’accent est mis sur la lutte contre l’exclusion sociale et le réapprentissage de la confiance en soi, auxquels travaillent déjà des associations comme La Cravate solidaire ou Joséphine pour la beauté des femmes. Mais la vision du travail rémunéré – même dérisoire – comme tremplin vers la réinsertion n’est jamais exempte de paternalisme.

Bien sûr, on ne peut ignorer l’effet marginalisant du chômage, et les premiers concernés sont aussi les premiers à le rappeler : travailler ne fut-ce que 10 heures par semaine à 10 euros de l’heure, c’est pas le Pérou mais c’est suffisant pour reprendre confiance et se remettre en selle. Ce discours qui nous est à présent familier n’a pourtant rien d’innocent. Si l’idée qu’il s’agit pour les chômeurs de reprendre le « chemin du travail » évoque le réalisme du « pas à pas », elle nous renvoie surtout à la croyance que les petits efforts fournis par l’individu au démarrage finissent par aboutir à une amélioration conséquente de sa situation – et suggère qu’en cas d’échec, l’intéressé ne doit qu’à ses mauvais choix, sa maladresse ou sa mauvaise volonté de n’avoir pas su se maintenir sur l’autoroute de la réussite.

RLH Insertion socialeOn fait donc travailler les exclus, mais surtout, on leur fait une faveur. Ne s’y trompant pas, les journalistes louent ces entreprises qui « offrent la possibilité à des SDF de réaliser des visites guidées », leur permettant ainsi de « se réintégrer dans la société ». C’est le triomphe du marketing RH, qui donne au travail précaire ses lettres de noblesse : petite paie, grandes espérances. De quoi rassurer les près de 4 millions de demandeurs d’emploi en catégorie A qui ont poussé la porte de Pôle Emploi ces derniers mois.

On en oublierait presque que le degré d’insertion sociale d’un individu ne regarde ni son employeur, ni la société, ni aucun autre observateur des « sociétés modernes ». La manière dont il entend utiliser sa paie et mettre à profit son expérience ne regarde que lui-même. Certes, le langage de l’entrepreneur social ne fait que reprendre celui des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) où se recrutent les guides. Mais la nuance est absente du discours commun sur le travail et l’insertion sociale, seule ambition possible des gens raisonnables.

À bien y regarder, les slogans de l’insertion par le travail valent bien ceux de la culture de l’effort tant appréciés par la Droite sociale de Laurent Wauquiez. Deux variétés de paternalisme, une seule réponse au chômage de masse : en attendant le retour de la croissance, les précaires sont priés de « se mettre en chemin ». Pour sûr, ça ne mange pas de pain.


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  • L’objet d’une entreprise n’est pas toujours exclusivement lucratif, il peut être volontairement (ou à ses dépens) social.
    Ici, l’entreprise aurait une vocation prioritairement social (ou paternaliste selon vos termes). Les Salariés, des marginaux sociaux (je récuse qu’on puisse être à 100% exclus d’une société sauf à ne plus être considéré comme un être humain) acceptent ou non un contrat de travail avec l’entreprise et une certaine prise en charge, me semble-t-il.
    C’est là la rencontre de deux intérêts privés qui y trouvent un intérêt commun. Les employeurs y trouvent une satisfaction morale à faire le bien et ils n’ont pas à avoir honte. Ils n’ont enfreint la liberté de personne.

    Et vous faites bien de rappeler malgré tout que les salariés en question sont des individus libres et responsables qui disposent de leurs paies comme ils entendent.

    Si faire du Social, c’est le choix éclairé et parfaitement consenti de proposer son assistance, son temps, des biens ou des capitaux à des individus libres d’accepter ou non alors je dis OUI AU SOCIAL.

    Dès lors qu’on en fait une contrainte, une obligation, morale ou légale pour ne serait ce que pour l’une des parties alors on tombe dans le piège liberticide du Socialisme.

    Souhaitons que cette entreprise ne franchisse pas cette ligne tenue entre action social et socialisme.

    • « C’est là la rencontre de deux intérêts privés… »
      Mouais, parler d’intérêts privés au sujet d’une entreprise solidaire qui bénéficie de subventions… et qui en plus va aider un marginal à obtenir les aides auxquelles iladroa… faut que tu ailles militer avec DAL.

      Et opposer lucratif et social ce n’est pas mieux, on n’est pas loin de NPA là…

      Vouloir réintégrer un marginal c’est de l’abus de faiblesse, on a failli mettre en prison un président pour ça.

  • Un individu réinsérer coûte moins cher à la société qu’un individu assisté. De plus en ayant une activité professionnelle on est moins tenté par la délinquance pour subvenir à ses besoins. Enfin je dirai que le travail c’est la santé, en effet on est moins sujet aux conduites addictives dangereuses pour la santé physique et morale en travaillant que lorsqu’on est au chômage. Un individu en bonne santé coûte moins cher à la société qu’un malade.

    • Un collector :
      « … le travail c’est la santé… Un individu en bonne santé coûte moins cher à la société qu’un malade. »

      Pour la réouverture des camps de travail ? Arbeit macht frei !
      P’tain les gars c’est un site libéral ici, pas celui des adeptes du mangez 5 fruits et légumes par jour !

      • Je préfère réinsérer les chômeurs pour qu’ils puissent bénéficier d’une rémunération en échange d’un travail productif plutôt que de les payer à rien à faire avec l’argent de nos impôts. Avec vous le point Godwin est atteint très rapidement, encore un peu et je vais être soupçonner de stalinisme. Moi qui pensais que les libéraux n’étaient pas des dictateurs de la pensé et acceptais le débat contradictoire je me suis trompé. Désolé de ne pas être un disciple du dogme de la main invisible. Ai je tout de même le droit à la parole ou il faut être membre du club?

        •  » Je préfère réinsérer les chômeurs  » : tu changes ton sujet. Un chômeur n’a pas besoin d’être réinséré mais à besoin de travail, quoique de l’argent lui suffirait comme disait Coluche. Le sujet était la marginalité.Mais soit.

          En quoi ta préférence devrait CONDUIRE les choix de vie faits par des individus quand bien même c’est un chomâge de longue durée qui les a conduit à la marginalité qui est actuellement un choix délibéré ou non (au sens par défaut, mais c’est un choix quand même) quand on voit le paquet d’aides dont peut disposer celui qui n’a pas de ressources. Les marginaux sont souvent des drogués, des alcooliques ou des asociaux et c’est cette situation qui les a conduit à la marginalité, pas le chômage même si l’oisiveté est la mère de tous les vices. faut arrêter de regarder « Joséphine, ange gardien ».

          Donc de quoi tu te mêles en voulant qu’ils vivent dans ce que toi tu considères comme ce qui est bien ?

          Tu parles de dictature de la pensée à mon égard alors que je ne fais que dire que personne n’a le droit de dicter la conduite de quelqu’un d’autre tant qu’elle n’interfère pas avec notre propre liberté et qu’il n’y a pas de victimes mais toi tu fais moins de finesses : fais comme ça, c’est bien, rentre dans la normalité… et mange 5 fruits et légumes par jour, ne bois pas sucré, fais une pause toutes les 2h sur la route, ne fume pas, ne signe pas ça, ne travaille pas moins de 24h/semaine ni plus de 35h, peins tes volets en marron, éteins la lumière, règle ton thermostat à 21°, aère ton logement 10 minutes par jour… etc…

          La moindre délinquence du fait de l’insertion est une excuse. La délinquence se traite par la prison pas par des aides à moins que tu donnes de l’argent à tes gosses quand ils te manquent de respect.

          Quant au point Godwin, ça aurait été avec plaisir mais cette phrase (tiré d’un bouquindu XIet toussa Xème) était le slogan de la république de Weimar en 1928 lors d’un grand programme d’emplois publics… ça te rappelle un truc, nan ?

          Wiki:
          It was adopted in 1928 by the Weimar government as a slogan extolling the effects of their desired policy of large-scale public works programmes to end unemployment. This use of the phrase was continued by the Nazi Party when it came to power in 1933.

          Je suppose donc que soit tu es inculte (ça s’excuse), soit tu fais partie des gens qui traitent les autres de facistes car ils disent que le ciel est bleu, la preuve qu’ils sont fascistes c’est que Le pen a dit aussi que le ciel est bleu.

          Qu’est ce qui empêche le débat contradictoire ? Tu es martyrisé ? T’as plus d’idée ?
          La vérité est violente parfois.

      • Je n’oppose pas l’objet lucratif d’une entreprise à son objet social. J’entends que ces deux objets sont au contraire complémentaires et co-dépendants.

        Vouloir réintégrer un marginal contre sa volonté serait criminel, à l’encontre de l’objectif même.

      • J’ajouterais qu’être libéral et avoir un minimum de sens social n’a rien d’incompatible.

        • Oui le sens social devrait même être plus important dans une société libérale, non dans l’idée d’un intérêt collectif (dans son acception actuelle qui est une forfaiture) mais dans le sens du win-win.

  • Les commentaires sont fermés.

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