Pour une obsolescence programmée des lois

Les clauses de caducité automatique, bien utilisées, peuvent être une solution aux problèmes posés par l’inflation législative et normative.

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Pour une obsolescence programmée des lois

Publié le 19 juillet 2014
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Face à l’engorgement réglementaire français, donnons une durée de vie limitée aux lois. Certaines d’entre elles contiendront ainsi leur propre mécanisme d’auto-destruction. Elles devront donc prouver leur efficacité afin d’être reconduites, sous peine de disparition !

Par Nicolas Beyls.
Un article de Trop Libre.

Code du travail (Crédits : René Le Honzec/Contrepoints.org, licence Creative Commons)

Notre beau pays compte 300 fromages, 36 000 communes et près de 400 000 réglementations. « Nul n’est censé ignorer la loi ». Mais le rapport Lambert-Boulard (2013) sur l’inflation normative constate qu’en 1833 huit codes pouvaient être rassemblés dans un ouvrage de 828 pages, quand aujourd’hui sept d’entre eux comptent au total près de 21 000 pages. Le législateur français abuse de la logorrhée législative, selon l’expression du Conseil d’État. Et ce n’est pas sans conséquences. Pour 2012-2013, la France a été classée 126ème sur 144 en matière de complexité administrative par le World Economic Forum. D’après la Commission Consultative d’Évaluation des Normes, le coût des nouvelles normes entre 2008 et 2011 s’élève à plus de deux milliards d’euros.

Que faire ? Les clauses de caducité automatique, bien qu’éloignées de la tradition juridique française, sont une solution. À l’instar de l’OCDE en 2004, le rapport du sénateur Dolligé sur la simplification des normes préconisait en 2011 d’introduire « une clause de révision périodique, selon l’exemple des sunset laws américaines ». Ce dispositif permettrait de « renverser la charge de la preuve » selon l’OCDE : les textes législatifs, pour ne pas disparaître, devraient être réexaminés systématiquement au bout d’un certain temps par l’administration. Il convient cependant de tirer des leçons des expériences étrangères afin d’introduire efficacement des clauses de caducité en France.

Leçon 1 : adopter une approche ciblée

Les sunset clauses sont nées aux États-Unis dans les années 1970 à la suite des travaux de Theodore Lowi dans The end of liberalism. Selon lui, l’accroissement du pouvoir exécutif suite au New Deal a favorisé l’émergence d’agences fédérales bureaucratiques, au détriment du pouvoir de contrôle du Congrès. Il propose donc de limiter à 5 voire 10 ans l’existence de ces agences afin de favoriser leur évaluation par le Parlement. Menés par le Colorado dès 1976, plusieurs dizaines d’États américains introduisent des sunset clauses, certains ayant une approche globale, d’autres étant plus sélectifs. Mais douze États les ont abandonnées dans les années 1990 par manque de temps et de moyens.

Il faudrait donc ne pas généraliser ce dispositif et adopter une approche sélective comme en Suisse, où les clauses de caducité sont introduites au cas-par-cas. Elles concernent notamment les réglementations à l’impact incertain ou celles traitant d’un problème temporaire.

Leçon 2 : renforcer l’évaluation des politiques publiques

En Suisse existe une véritable culture de l’évaluation, qui est menée par une multitude d’acteurs dispersés. C’est aussi le premier grand pays au monde à avoir introduit une clause d’évaluation dans sa Constitution (article 170).

Dans l’État de Victoria en Australie, un organisme indépendant, le Victorian Competition and Efficiency Commission, fournit aux administrations un protocole pour mener des études d’impact ex-post (pour les réglementations existantes) mais aussi ex-ante (pour les nouvelles réglementations). Ces Regulatory Impact Statements se traduisent par des consultations, l’examen de solutions alternatives, des études coûts/bénéfices… mais qui sont rarement menées par des administrations impréparées.

Leçon 3 : mettre en place une organisation institutionnelle appropriée

Face aux écueils rencontrés en Australie et en Suisse dans l’évaluation des politiques publiques, privilégions en France un organisme interministériel et indépendant, remplissant des missions de conseil et menant des études d’impact. Ainsi, les Länder allemands recourent largement aux clauses de caducité afin de réduire le fardeau réglementaire. Mais seuls ceux ayant mis en place un bureau indépendant de conseil et d’évaluation, comme la Hesse et la Rhénanie du Nord-Westphalie, obtiennent des résultats probants. Enfin, un soutien politique aux sunset clauses est indispensable !


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  • En France la seule technique consiste en l’abrogation de codes entiers et leur remplacement par quelques pages de principes simples. le reste étant renvoyé aux parties et, éventuellement aux tribunaux ordinaires. Dans la foulée, on devrait ausi supprimer les tribunaux d’exception que sont les Prud’hommes et les Tribunaux Administratifs.

  • L’organisme de conseil existe chez nous: la cour des comptes.
    Et ses conseils ne sont bien entendu jamais suivis par nos politiciens.

  • En France, LA loi la plus importante (la loi de finances) n’a une durée de vie que d’un an, et ça ne dérange personne.
    Comme quoi ça n’a rien de compliqué de faire des lois à caducité automatique

    • Méfiance, quand même : ils ont planté un Sapin ministre du budget. C’est peut-être pour éviter que ces feuilles-là ne deviennent caduques ?

  • Je trouve que cette revendication d’impermanence des textes est un peu contradictoire avec l’envie d’un cadre legal stable, revendication éternelle et souvent légitime des entrepreneurs.

  • Nous ne sommes pas en France au pays du consensus. Peut-on réformer par la concurrence des collectivité entre elles ?

    Quid de la concurrence législative et règlementaire entre Etats, entre régions ? C’était la règle dans l’Europe médiévale. Elle existe aux Etats-unis, en Suisse, pays qui ont su garder leur héritage médiéval.

    En France elle a décliné avec l’absolutisme, et la Révolution y a mis un terme définitif avec son principe de lois nationales. Cette concurrence décline aussi dans la Communauté Européenne à cause de la primauté de ses règles sur celles des Etats membres.

    En France restaurer cette concurrence commande aussi de restaurer l’autonomie et la responsabilité budgétaire et fiscale des collectivités locales. Fini les subventions de L’Etat.

    Bref s’affranchir de deux niveaux de normalisation Europe et République pour être en mesure de sélectionner les meilleures lois d’après leurs résultats d’après l’expérience. Du pain sur la planche.

  • si la loi est aussi touffue que nul ne peut la connaître en entier alors que le principe essentiel que « nul n’est tenu d’ignorer la loi » est à la base de toute démocratie, c’est que la loi doit être frappée d’illégalité.
    Mais il y a de puissants intérêts derrière cette situation ubuesque : administrations, système judiciaire, politiques

  • Plus simple
    Toute loi votée par le parlement a une durée de vie identique à celle de la législature en cours au plus long et de 9 mois au plus court.
    Les autres lois doivent être adoptées par référendum, et ont une durée de vie calquée sur l’espérance de vie moyenne de ceux qui les votent (donc grosso modo 50 ans).

    Il est intolérable qu’on me dise que je suis, au nom de la démocratie, tenu à respecter une loi votée par un gus juste avant qu’il ne se fasse démettre par ses électeurs, il y a 60 ans, bien avant même ma naissance. Cela n’est qu’une autre forme de dictature arbitraire. Au moins un tyran qui décide de la loi a une idée, même vague, de ce que donne son application. Les 2/3 de nos lois ont été votées par des gens morts, et le reste, à un epsilon près, par des gens battus aux élections.

    • En outre il faut permettre des référendum d’initiative populaire d’annulation de lois, comme en Suisse. Le peuple peut souvrainement décider que la loi est mauvaise et qu’il faut la suprimer.

      Plus encore, s’il faut une forte majorité pour créer une nouvelle loi, une simple minorité « significative » (mettons 33.3%), devrait suffire pour la supprimer.

      Nous avons besoins de moins de lois, mettons en place une méthode qui en annule plus qu’elle n’en produit.

    • OK. Ca signifie donc que le droit de la famille, par exemple, changerait a chaque majorité?

      • Non.
        Qu’il n’y en n’aurait pas. Ou alors seulement ce qui est indispensable. Sauf à s’imaginer que les députés arriveraient à re-pondre un corpus législatif complet à chaque législature… Les quelques lois intéressantes resteront et seront adoptés par référendum, les lois clientélistes, opportunistes, ou autre « marketing politique » ne seraient jamais longtemps en place, donc sans trop d’intérêt et donc ne seraient sans doute pratiquement jamais votées.

        • Reflechissez une dizaine de minutes et vous réaliserez l’irréalisme total de votre écrit.

        • Idéal et idéalisme ce sont les mots que vous cherchez… Mais si on ne vise pas un idéal, l’union soviétique ou la France d’aujourd’hui ça doit vous aller.

          par contre, c’est totalement réaliste comme approche. Puisque ça prend en compte les « biais humains », dont la paresse, l’envie de tout régenter, l’envie de laisser sa marque etc.

          Et puis, si ça ne marche pas, rien n’empêche de revenir à notre merveilleux système actuel, non ?

          • Ok donc imaginons que le droit des contrats change a chaque legislature, vous faites comment pour securiser vos approvisionnements aupres des fournisseurs?

            • Il n’y à pas besoin de loi, il y a des contrats, et une justice pour les faire respecter ou aider à l’interprétation en cas de litige. Au contraire c’est quand il y a une loi (susceptible d’être changée du jour au lendemain pour satisfaire tell ou tel lobby) qui régit les relations avec mon fournisseur que je suis en état d’insécurité.

  • Un beau rêve, en effet …
    L’inflation législative est une conséquence de l’exploitation de naïveté du peuple, et cette pratique rapporte de l’argent : radars, répressions arbitraires (stupéfiants) et tout ce que l’hystérie sécuritaire héritée des Etats Unis apporte aux mafias qui payent l’état (corruption) pour faire ce genre de lois.

    La seule façon de mettre un terme à cette incurie, c’est d’aller attraper ces mafias par le col et les jeter en prison à la place des innocents (citoyens), devenus les vaches lait d’une oligarchie d’escrocs au pouvoir.

    Un telle proposition sera rejetée en bloc par le conseil constitutionnel (à la solde du pouvoir politique) et du conseil d’état à la solde d’une « idéologie judéo-chrétienne » imposée aux Français, comme c’est le cas depuis des siècles, malgré la révolution de 1789…

    Et comme nos élus ont préférés remplacer la liberté par la sécurité, avec l’accord consenti de citoyens naïfs, dans 20 ans les lois auront doublées et les conséquences criminogènes aussi…
    Apparemment cela convient à tout le monde, puisque l’on continue de voter à chaque fois pour ceux qui maintiennent cette escroquerie.

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