Gary Becker : augmenter le SMIC, c’est augmenter le chômage

Un salaire minimum plus élevé réduira encore les occasions d’emploi des travailleurs peu qualifiés

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Gary Becker : augmenter le SMIC, c’est augmenter le chômage

Publié le 5 mai 2014
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Les économistes savent depuis longtemps qu’augmenter le salaire minimum a des conséquences directes en matière de hausse du chômage. Dans un article datant de 1995, le Prix Nobel d’économie Gary Becker, mort ce samedi, récapitulait de façon simple pourquoi. Une traduction d’Hervé de Quengo.

Des coûts du travail plus élevés diminuent l’emploi. C’est pourquoi la proposition du Président Clinton d’augmenter le salaire minimum fédéral doit être rejetée. Un salaire minimum plus élevé réduira encore les occasions d’emploi des travailleurs peu qualifiés.

Les adolescents, ceux qui ont arrêté l’école de bonne heure, les immigrés et autres travailleurs faiblement qualifiés gagnent fréquemment moins de 5,15 dollars par heure, le nouveau minimum proposé. Ils trouvent des emplois dans de petits établissements, particulièrement dans les chaînes de restauration rapide et dans les autres secteurs de vente au détail. Augmenter le minimum, comme le veut le Président, en mettra certains au chômage car leur productivité n’est pas assez grande pour justifier leur coût aux yeux des employeurs.

Au cours des dernières décennies, de nombreuses études ont prouvé que l’augmentation du salaire minimum réduit bel et bien l’emploi des jeunes et autres personnes faiblement qualifiées. Cependant, les lois sur le salaire minimum sont toujours demeurées populaires chez les syndicalistes et auprès de beaucoup de politiciens. Et périodiquement, certains économistes ont contesté l’opinion dominante quant à ses effets néfastes.

Un exemple récent et largement cité de ce type de défi provient de plusieurs études faites par deux économistes de l’Université de Princeton, David Card et Alan B. Krueger – le second étant désormais l’économiste en chef de Robert B. Reich au département du Travail. L’une de ces études trouve que le changement d’emploi après une augmentation du salaire minimum n’est généralement pas plus grand dans des États possédant une forte proportion de travailleurs à faibles salaires – le groupe qui devrait être le plus affecté par des minima élevés.

Une autre étude est fréquemment mentionnée par Reich et d’autres membres du gouvernement pour soutenir l’argument selon lequel un salaire minimum ne diminuerait pas l’emploi. Cette étude compare les changements sur l’emploi dans les établissements de restauration rapide du New Jersey et de la Pennsylvanie après l’augmentation du minimum par le New Jersey en 1992. Parce que l’emploi diminua autant en Pennsylvanie que dans le New Jersey, Card et Krueger prétendent que la baisse a dû être provoquée dans les deux États par des causes autres que l’augmentation du minimum.

Il se trouve certaines personnes, dont je fais partie, qui croient que ces études présentent de sérieux défauts. Plusieurs de ceux-ci ont été expliqués par Donald R. Deere et Finis R. Welch de l’Université Texas A&M et Kevin M. Murphy de l’Université de Chicago, dans des recherches présentées aux conférences de janvier de l’American Economic Association.

Par exemple, le minimum fédéral plus élevé en 1990 et 1991 a causé une baisse plus importante de l’emploi des adolescents au New Jersey qu’en Pennsylvanie, ce qui pourrait expliquer pourquoi l’emploi n’a pas plus baissé au New Jersey quand l’État augmenta son propre minimum en 1992. Les employeurs du New Jersey ont probablement anticipé l’augmentation du salaire minimum de leur État quand ils ont fortement réduit l’emploi en réponse à la première hausse de salaire.

Les études de Card et Krueger sont erronées et ne peuvent pas justifier d’aller contre les preuves accumulées par de nombreuses études passées et présentes qui trouvent des effets assez importants, et négatifs sur l’emploi, aux minima élevés. L’étude de Deere, Murphy et Welch montre que l’augmentation en deux temps du minimum fédéral, de 3,35 dollars à 4,25 dollars en 1990 et 1991, a réduit l’emploi des jeunes, des personnes ayant prématurément abandonné l’école et des autres groupes à faibles revenus.

L’amplitude de ces réductions sonne juste, surtout après la prise en compte par les auteurs de la récession économique de l’époque. Après l’augmentation de 27 % du salaire minimum, l’emploi des jeunes, garçons et filles, baissa respectivement de 12 % et 18 %, alors que l’emploi de ceux ayant abandonné l’école avant la fin des études secondaires diminua d’environ 6 %. Si le Congrès augmente le taux horaire de 18 %, à 5,15 dollars l’heure, ces résultats signifient que l’emploi des travailleurs peu qualifiés diminuera de plus de 5 %.

Le Président Clinton a justifié le besoin de salaires horaires plus élevés en notant qu’une famille ne peut pas vivre décemment avec les revenus du salaire minimum. Cependant, même Card et Krueger n’ont pas trouvé que l’augmentation du minimum constitue un moyen efficace de réduire la pauvreté, car les familles pauvres ne retirent typiquement qu’une faible fraction de leur revenu de la part de membres dont le salaire est proche du minimum.

Le Président veut aussi accroître les aides actuelles à la formation des travailleurs les moins qualifiés, mais ces aides ne serait pas nécessaires si Clinton ne défendait pas en même temps la hausse du salaire minimum fédéral. Des minima plus élevés découragent la formation professionnelle des travailleurs peu qualifiés, car ces derniers passent leur temps à apprendre au lieu de produire.

Même un magicien aurait de grosses difficultés à repousser la loi économique selon laquelle un salaire minimum plus élevé réduit l’emploi. Comme les politiciens ne sont pas des magiciens, ils ne devraient pas même essayer.


Notre dossier spécial en hommage à Gary Becker décédé ce samedi

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  • Qui est John Galt ?

  • je pense que le président Clinton essaye d’éviter le plafonnement du salaire des patrons. si le SMIC augmente, les ( énormes ) salaires des patrons seront justifiés. donc c’est une stratégie pour faire tourner les yeux du peuple -surtout ceux qui demandaient des augmentations – vers les rémunérations , De même Clinton peut proposer aussi d’augmenter les bien-faits des périphériques de la rémunération . le président Clinton peut être un patron et il peut être qu’une marionnette d’une ou plusieurs patrons d’entreprises ,et il s’en fou des adolescents et des moins qualifiés. c’est ce que je pense , corrigez moi si j’ai insulté quelqu’un avec mon commentaire .

  • bah , le smic est toujours un sujet de polémique mais ce n’est qu’un levier parmi d’autres pour influencer l’économie..et cela n’a , bien entendu, rien a voir avec le bien être des salariés ( pouvoir d’achat , taux de chômage , pouet pouet, ils s’en foutent ).
    quelqu’un connait la vraie raison de l’utilisation du smic dans une économie dite ‘ libérale ‘ comme aux USA ou bientôt en suisse ?

    • « quelqu’un connait la vraie raison de l’utilisation du smic dans une économie dite ‘ libérale ‘ comme aux USA ou bientôt en suisse ? »

      Ce sont toujours les socialistes (de droite comme de gauche) qui le mettent sur la table, pour soi-disant (comme d’habitude) l’intérêt général, autrement dit, la ruine pour tous… quant à la Suisse, le « bientôt » est prématuré : attendons le résultat de la votation, il risque de vous surprendre dans le bon sens, au propre comme au figuré, bon sens que les suisses pour la plupart ont su garder, c’est-à-dire NON.

      Pour rappel, ¨le 11 mars 2012 les suisses ont massivement voté NON à une sixième semaine de vacances à la stupéfaction des français, qui eux évidemment en large majorité auraient voté OUI sans hésiter.

    • « bientôt en suisse ? »

      Que l’extrême gauche Suisse organise un vote là dessus ne signifie pas automatiquement leur victoire.

      Les socialistes et communistes ont toujours été très forts pour faire passer leurs propres initiatives et leurs propres intérêts comme étant ceux du peuple…

    • Au départ, n’était-ce pas par racisme pur et simple (en imposant un salaire minimum élevé, on exclut bon nombre d’émigrés du marché du travail)? Il me semble avoir lu quelque chose dans le genre.

      • En Suisse, ça collerait bien avec la xénophobie camouflée des cuistres qui proposent l’instauration d’un SMIC…

  • Les commentaires sont fermés.

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