Rôle des think tanks dans la bonne gouvernance en Afrique

Même si plusieurs think tanks ont été créés ces dernières années sur le continent africain, ceux-ci restent sous-financés et relativement peu développés par rapport à d’autres parties du monde.

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Rôle des think tanks dans la bonne gouvernance en Afrique

Publié le 19 avril 2014
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Par Isidore Kpotufe [*], depuis le Ghana.
Un article d’Imani Ghana.

AfriqueEn Amérique ou en Europe… le rôle joué par les think tanks ne peut être en aucun cas sous-estimé. Le triste constat est qu’en Afrique, ces organisations tardent à véritablement voir le jour ou sont confrontées à nombre d’obstacles. Beaucoup sont les Africains qui méconnaissent toujours leur importance et leur rôle dans nos sociétés.

Un think tank, groupe de réflexions, laboratoire d’idées, cerveau politique, cabinet d’experts, cercle de réflexions… comme on l’appelle souvent dans le monde francophone, est une organisation ou structure, en principe de droit privé, indépendante de l’État et ou de toutes autres puissances, réunissant des experts, vouée à la recherche d’idées nouvelles, et cherchant à peser sur les affaires politiques et publiques. Il mène des études et émet des propositions souvent dans le domaine des politiques publiques et de l’économie.

À quoi doivent-ils servir ?

Les think tanks ont des rôles très instrumentaux, surtout celui qui concerne la promotion de la bonne gouvernance. Les think tanks doivent être à opposer à la société politique – la société politique est le lieu où s’exerce la domination d’une minorité du peuple sur la majorité. En conséquence, les think tanks doivent fournir des solutions relatives au bien commun, dans le meilleur intérêt du peuple sans participer directement au pouvoir politique ni tenter de le conquérir. Leur fonction est donc d’inspiration et d’influence. Ils ne seront, en principe, efficaces et puissants que par leur séduction intellectuelle et par la pertinence de leurs analyses.

En France, par exemple, les think tanks comme Terra Nova, l’Institut Montaigne, l’association libéraux.org1 etc. influencent largement, d’une façon indépendante et libérale les décisions politiques, les programmes et interventions « à l’air nuisible » de l’État. De même, aux États-Unis, où on compte d’ailleurs plus de think tanks à l’échelle mondiale et d’où leur genèse, ceux comme Brookings Institution, Atlas Economic Reaserch Foundation, American Institute for Economic Research, Heritage Foundation servent de garde-fous et leur travail pèse solidement sur les affaires publiques comme politiques. D’autre part dans le monde, ces organisations jouent d’importants rôles… Et en Afrique ?

Il faut cesser de croire que l’Afrique est un continent maudit, privé de ressources. Si aujourd’hui on parle de l’absence relative de la liberté [dans toutes ses formes], de la corruption rampante dans le secteur public, de la mal-gestion des affaires publiques se traduisant tous en sous-développement  en Afrique, c’est parce que les dirigeants ne sont pas tenus responsables de leurs promesses et de leurs actions. Contrairement au point de vue que l’Afrique manque de ressources naturelles, financières et humaines qui doivent barder son développement, les dirigeants africains gèrent mal ces ressources mises à leur disposition. Et donc le constat fait, l’un des problèmes est l’absence des think tanks en Afrique. Plus particulièrement, en Afrique francophone, on compte peu de telles organisations. D’une part, cela explique pourquoi les pays francophones sont moins développés que leurs homologues de l’Afrique anglophone, vu le rôle que joue les think tanks dans les pays anglophones.  Ce qui donc valide la nécessité de l’existence des think tanks dans les sociétés africaines.

La participation active à la bonne gouvernance de l’Afrique implique de disposer de visions et de solutions relatives aux principales problématiques, qui, mondialisation oblige, frappent avant tout les pays les plus faibles. Les gouvernements ne parviennent  qu’à intervenir dans des cas d’urgence et gérer les problèmes ordinaires. Ils n’ont pas le temps de mettre véritablement en place des politiques à long terme. Les gouvernements ne peuvent pas comprendre, en toute sincérité, les situations que vit le peuple – ils n’ont pas de solutions à nos problèmes. Les gouvernements ne sont pas visionnaires : construire des usines, des entreprises… afin de garantir l’avenir de la génération encore très jeune dans les vingt ans à venir, ils ne le font pas ! L’avenir des populations ne sera que garanti par l’existence de vrais think tanks, des think tanks capables de soumettre les programmes, les politiques publiques, les projets de tout gouvernement, susceptibles d’avoir des effets systématiques sur le développement socio-économique des populations à des analyses et évaluations très vigoureuses et, par la suite, proposer des solutions et recommandations aux problèmes identifiés en mettant au centre les intérêts du peuple.

Les études menées par le « think tank and civil societies progran », un programme d’identification et de classement des think tanks les plus influents selon leurs régions d’opération, sous l’égide de l’Université de Pennsylvanie, mettent au clair qu’il y a une forte croissance en nombre de think tanks sur le continent africain, ces deux dernières décennies. Le continent se dote désormais de think tanks compétents au service du peuple : Free Market Foundation en Afrique du Sud, IMANI Center for Policy & Education au Ghana, CEDRES au Kenya, Audace Institut Afrique en Côte d’Ivoire, CODESRIA au Sénégal etc.

Mais malgré cette croissance fulgurante depuis les années 90, les think tanks africains restent sous-financés et relativement peu développés par rapport à d’autres parties du monde. Ailleurs, le financement des think tanks provient de sources multiples et variées, ce qui leur permet d’être non seulement indépendants mais aussi compétents et plus influents sur le terrain de fonctionnement. On attend désormais du secteur privé, à savoir les entreprises, les universités, les philanthropes qu’il participe plus activement au soutien de ces instituts, centres et groupes. Les médias, eux, doivent redoubler le soutien déjà accordé à ces structures, notamment dans la reproduction de leurs publications et aussi l’éducation du public sur leur rôle et leur importance.

Pour conclure, il convient de rappeler quelques-uns des avantages de l’existence des think tanks dans nos sociétés :

  • Lorsqu’il est question de leur fonctionnement, la première tâche des think tanks est d’identifier, suffisamment en amont et à l’avance, les nouveaux défis d’importance auxquels les  pays risquent d’être confrontés, et de les porter à la connaissance des décideurs politiques avec des principes de solution.
  • Ce sont des instruments d’’éclosion d’idées nouvelles et originales qui peuvent influer sur la façon dont les décideurs perçoivent les problèmes et envisagent des solutions aux défis globaux, les think tanks étant en quelque sorte des usines à idées.
  • Par ailleurs, les think tanks permettent de créer un réservoir de capacités et de talents politiques destinés à la haute administration, dans le futur. Ces futurs leaders étant suffisamment équipés à faire face aux challenges…
  • Et aussi, l’éducation du public et sa formation aux grandes questions de société, de politique économique ou de sécurité sont également des atouts majeurs de ces instituts, dont l’activité incessante et la remise en question permanente – due à la fréquence des relèves politiques – est un gage de dynamisme. Les think tanks permettent ainsi de dynamiser la réflexion et sont un outil hors pair de diffusion et de vulgarisation du savoir.
  • Selon R. N. Haass, dont l’expérience en la matière ne peut être mise en cause, les think tanks jouent, sans conteste, le rôle de médiation qu’ils peuvent être amenés à jouer entre des parties opposées sur un dossier précis.

Une société ne valorisant pas les think tanks, est une société sans visions ; on dirait qu’ils sont des prophètes du peuple. Avec tout ceci, c’est dommage qu’ils soient les grands oubliés. Vive les think tanks ! Vive l’Afrique.


[*] Isidore Kpotufe est responsable d’IMANI-Francophone, projet francophone du think tank IMANI classé 4e think tank le plus influent en Afrique en 2013 par l’Université de Pennsylvanie.

  1. Pas un think tank en tant que tel, mais une association dont les idéaux sont fondés sur les principes du libéralisme.

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