Investissements étrangers : « c’est la chute finale ! »

Les investissements étrangers ont chuté en France de 77% en 2013. Selon la CNUCED, les investisseurs privilégient les pays à fiscalité plus accueillante.

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Investissements (Crédits : René Le Honzec/Contrepoints.org, licence Creative Commons)

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Investissements étrangers : « c’est la chute finale ! »

Publié le 5 mars 2014
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Par Jean-Yves Naudet.
Un article de l’aleps.

img contrepoints125 investissementsVoilà un résultat qui aurait dû faire la Une de tous les médias. Mais le sujet n’est pas aussi vendeur que les rubriques people. Il n’en est pas moins important : selon les chiffres officiels de la CNUCED, les investissements directs étrangers en France ont chuté de 77 % en 2013. Or les investissements étrangers sont l’occasion de créer de l’activité et des emplois. Mais la CNUCED précise qu’il y a à cela une raison : les investisseurs préfèrent les pays à fiscalité plus accueillante. Vraiment ? Quelle surprise !

Une chute de 77 %

La CNUCED, Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement, est un organisme qui regroupe 194 États membres et qui, comme tous les organismes des Nations Unies, n’est pas réputée pour son ultra-libéralisme. Mais la CNUCED sait compter. Elle vient de présenter le rapport annuel sur les investissements étrangers dans tous les pays du monde. Il s’agit des investissements directs étrangers (IDE dits entrants), grâce auxquels un organisme étranger va investir dans un autre pays, en détenant au moins 10 % du capital d’une entreprise. Il s’agit de créer, développer ou maintenir une filiale à l’étranger. Et qui dit investissements dit développement, création de production, de revenus et d’emplois. C’est dire leur grand intérêt, surtout dans la crise actuelle.

Pour notre pays, que dit le dernier rapport de la CNUCED ?

Que les investissements directs étrangers en France ont été en 2013 de 5,7 milliards de dollars. En un an, la chute est de 77 % : un record. Les investissements étrangers boudent donc la France. On dira que c’est dû à « la crise ». Mais le rapport de la CNUCED précise que ces IDE ont atteint globalement 1461 milliards de dollars, en hausse de 12 % au niveau mondial. Autrement dit, dans ce domaine, la crise est derrière nous et le rapport précise que ces IDE « ont enfin retrouvé leur niveau d’avant-crise ». Mais en France, c’est loin d’être le cas. Certains Français craignent les délocalisations et les investissements français à l’étranger ; ils devraient d’abord se demander pourquoi les investisseurs étrangers boudent notre pays.

Une hausse de 37,7 % en Europe

Quelques chiffres montrent que la France est dans une situation différente de celle des autres pays.

Il y a le cas des États-Unis, destination vedette avec 159 milliards d’IDE qui sont allés s’investir dans ce pays. La Chine n’est pas loin, elle a reçu 127 milliards et la Russie 92. Les IDE à destination des pays développés ont augmenté en un an de 12 % en moyenne, mais de 61 % au Japon. Il y a bien quelques baisses, comme en Australie (- 28 %), ou en Norvège (- 46 %), mais nettement moins marquées qu’en France.

Mais peut-être l’Europe tout entière serait-elle touchée par cette désaffection ?

Là encore, la CNUCED ne nous laisse aucun espoir. Les IDE à destination de l’Union européenne ont augmenté en 2013 de 37,7 %. Ils ont pratiquement quadruplé en Allemagne (+ 392 % exactement), atteignant 32,7 milliards. L’Espagne n’est pas en reste, avec une hausse de 37 %, avec 37,1 milliards. En Italie, alors que 2012 avait été catastrophique, ces investissements font le grand retour et passent de 100 millions de dollars à 9,9 milliards ! La hausse est spectaculaire également en Belgique, en Irlande aux Pays-Bas ou au Luxembourg (100 milliards de plus pour l’ensemble des quatre). Tout le monde en profite, les pays en bonne santé comme ceux qui commencent à sortir de la crise.

L’exception française

La France est donc, encore une fois, une exception.

Avec de tels résultats peut-on s’étonner que les créations d’usines soient en recul sensible et que les sites industriels ferment ? Il n’y a que les idéologues pour croire que le capital est l’ennemi de l’emploi, alors que pour créer des emplois, il faut des capitaux et des entrepreneurs. La France n’aime ni les uns, ni les autres. Et certains rêvent encore à « la lutte finale » entre travail et capital.

Résultat : le capital fuit, les entrepreneurs aussi, et il nous reste le chômage.

Sur cette question un article du Monde, journal qui n’est pas réputé pour son amour du libéralisme, évoque le bras de fer qui a opposé notre ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, à Maurice Taylor, le patron de Titan, au sujet du site de production de pneus Goodyear à Amiens. Taylor, qui n’a pas la langue dans sa poche, avait ouvertement critiqué la façon dont étaient accueillis les investisseurs étrangers en France, et il avait souligné le rôle néfaste de certains syndicats, plus soucieux de grève que de productivité.

Le président de la République semble l’avoir compris, en déclarant devant le corps diplomatique :

Les investissements étrangers sont les bienvenus en France. Si vous connaissez des entreprises qui hésitent entre plusieurs pays, je vous fais confiance pour leur dire que c’est en France qu’il faut venir.

Perfidement, Le Monde, après avoir cité cette phrase, conclut l’article : « Pas sûr qu’un tel appel de pied suffise… »

Une fiscalité accueillante ?

Mais la CNUCED appuie là où ça fait mal. Parlant des pays dans lesquels les investissements directs étrangers ont rapidement progressé, elle explique :

Des pays à la fiscalité accueillante, et offrant un environnement très favorable aux établissements et organismes financiers tels que les Fonds commun de créances.

Évidemment, il est difficile d’attirer les capitaux étrangers lorsqu’on affirme « mon ennemi, c’est la finance ». Certes la campagne électorale est loin et le discours a changé, mais la réalité reste pour l’instant la même qu’auparavant. Le président lui-même vante les mérites du Fonds Public d’Investissement, destiné à engloutir l’épargne française dans des projets sans lendemain.

En fait, comme le précise la CNUCED, les investissements se font là où « l’environnement est propice ». Ce peut être aux Caraïbes, avec une hausse des IDE de 37,8 %.

Mais il n’y a pas que les « paradis fiscaux » qui attirent les placements : si les pays du Benelux ou l’Irlande progressent considérablement en matière d‘accueil des investissements directs étrangers, c’est certes parce que leur fiscalité est bien plus accueillante que la nôtre, mais pour autant ils ne s’empêchent pas de taxer certaines activités ou certains revenus. La seule chose, c’est qu’ils taxent moins qu’en France.

Ce ne sont pas des paradis fiscaux mais la France, elle, est un enfer fiscal.

D’ailleurs la fiscalité est-elle la seule composante d’un « environnement propice » ? Entrent en jeu la réglementation, le droit du travail, les relations sociales, notamment avec les syndicats, le niveau d’éducation et de qualification du personnel. En France, on n’aime pas les entreprises, donc les entreprises n’aiment pas la France.

Peut-être tout va-t-il changer, le président se met à aimer les entreprises et leurs charges vont être allégées (pas de trop, 10 milliards au mieux). Mais, même si le discours va dans la bonne direction, le poids de l’État et de ses contraintes demeure. Le taux d’imposition sur les bénéfices des sociétés est le plus élevé d’Europe, à plus de 34 %, pratiquement le triple de celui de l’Irlande (12,5 %). Les autres charges demeurent, de même que le SMIC, parmi les plus élevées, et le Code du travail est le plus épais du monde.

C’est tout cela qu’il faut changer pour restaurer la confiance des investisseurs étrangers. Pour l’instant ils n’entendent que la musique de « la lutte finale » et ils s’attendent à « la chute finale » de notre économie.


Sur le web.

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  • Ou bien, c’est la lutte finale?

  • Qu’est-ce à dire? Faudrait faire une analyse plus fine (je ne l’ai pas trouvée sur le site a première vue) , mais au regard des statistiques, (sauf 2000) l’Allemagne se trouve généralement largement en-dessous de la France en terme de simple flux entrant réels… spécialement en 2012. 2013 n’est pas repris dans les tableaux.

    • La RFA a une balance commerciale très excédentaire, un taux de chômage bas, et continue à investir dans la délocalisation des tâches à moindre valeur ajoutée et la mondialisation de ses entreprises.

      Elle n’est donc pas dépendante des IDEs entrants, et est elle-même promotrice d’IDEs sortants. Pas de comparaison possible entre un état allemand qui a favorisé l’internationalisation de ses entreprises, dont il retire aujourd’hui le bénéfice, et un état français qui a freiné cette internationalisation et en subit les conséquences. Par exemple : Peugeot – RIP.

      La république populaire française sera bientôt, comme d’autres, un vassal d’une autre république populaire certes, mais en revanche favorable à l’entreprise et à ses entreprises et où assistanat, pseudo justice sociale et déni de réalité n’on pas cours. Dans moins d’une génération l’Elysée sera une annexe de l’ambassade de Chine.

  • Je ne suis pas fana des IDE : dans ce sigle la lettre importante c’est le I de « investissement », pas le E de « étranger ».
    Un fort IDE peut-être un signe de grande attractivité, certes, mais ça peut aussi être le signe que le capital autochtone est insuffisant ou frileux (frilosité qui peut d’ailleurs se justifier !).
    Inversement, je suppose que l’Allemagne n’a que des besoins réduits d’IDE : elle ne manque ni de capital ni de compétences

  • surpennant !!!!!!

  • Il faut bien faire attention lorsqu’on manipule de telles études. En effet, les IDE englobent des choses très diverses : investissements productifs des entreprises, fusion-acquisition, flux financiers à l’intérieur des multinationales par exemple. Lorsqu’on regarde les investissements créateurs d’emploi, ceux qui ont un intérêt, on s’aperçoit qu’ils sont proches de ceux de 2012, un peu en baisse certes, ils nous placent 3ème en Europe derrière le RU et l’Allemagne, mais à un niveau élevé par rapport à la moyenne des années 2000. Regardons donc plus précisément les données plutôt que de nous livrer à une diatribe qui relève davantage de l’idéologie.

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