École : l’inspection générale dénonce le manque de formation des instituteurs

La formation des enseignants en France, à revoir complètement ?

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École : l’inspection générale dénonce le manque de formation des instituteurs

Publié le 3 mars 2014
- A +

Par Anne Coffinier.

classe d'école

Le rapport  de l’IGEN intitulé « Bilan de la mise en œuvre des programmes issus de la réforme de l’école primaire de 2008 » et publié en juin 2013 rend les professeurs des écoles responsables des piètres résultats de l’école primaire française. Cette mise en accusation des instituteurs est particulièrement violente. Ce rapport a été très mal perçu du monde enseignant qui y a vu une marque de mépris condescendant émanant précisément de personnes qui portent une large responsabilité dans l’insoutenable complexification de la profession enseignante : les inspecteurs généraux de l’Éducation nationale.

Il nous semble que l’on peut tirer quelques conclusions sûres de ce rapport :

  • Les professeurs sont trop livrés à eux-mêmes, sans aucun repère clair et pérenne auxquels s’accrocher, particulièrement en début de carrière ;
  • La formation initiale des instituteurs en France est particulièrement légère ;
  • La formation continue, qui est au cœur de la qualité des systèmes éducatifs les plus performants, notamment dans les pays scandinaves, est très insuffisamment développée et elle ne porte quasiment jamais sur la manière d’enseigner les matières principales ; vous trouverez ainsi à l’envi des formations sur la gestion des conflits, l’analyse transactionnelle plutôt que sur la manière de faire comprendre la règle de trois à ses élèves.

Pour notre part, ce qui nous frappe, c’est que les chefs d’accusation des enseignants sont surtout des pierres pour le jardin de l’administration, de l’inspection, de ceux qui pilotent l’Éducation nationale. Est-ce la faute des enseignants si aucune formation initiale ou continue n’est dispensée par leur employeur, l’État ? Sont-ils responsables si les nouveaux programmes sont imposés sans aucune forme d’explication et de formation ? Est-ce leur faute si les programmes demeurent tellement alourdis de choses accessoires qu’ils en deviennent parfaitement irréalistes ? Non, c’est bien plutôt cette administration de l’Éducation nationale, qui leur complique savamment la vie sans leur apporter de moyens pour mieux faire leur métier. Ainsi, la fonction classique de formation, de conseil et d’accompagnement des professeurs par les Inspecteurs a plus ou moins disparu. L’inspecteur note, vérifie la docilité à la ligne pédagogique, mais il ne dit plus que faire concrètement pour bien enseigner.

Un blog d’information, « L’instit’humeurs », le reconnaît nettement :  « Passée la dureté des mots, la sécheresse des constats, vient peu à peu l’idée d’un instit livré à lui-même, perdu parfois, à côté souvent, se débattant dans le brouillard. On s’éloigne alors d’une accusation brute et entre les lignes de ce rapport décidément complexe, pas toujours facile à saisir, on perçoit que l’instit n’est pas le coupable, mais plutôt la victime d’un système imparfait qui ne lui donne pas les moyens de réussir dans sa mission, le bras désarmé d’une institution qui ne se préoccupe pas de savoir si ce qu’elle veut peut être mis en œuvre concrètement. »

Emmanuel Davidenkoff, dans son analyse du rapport, le résume brillamment : « Si ce qui est écrit dans ce rapport relève de la réalité, on ne peut que relever le formidable cynisme de l’institution, parce qu’il est tout de même assez facile de reprocher aux professeurs des écoles de ne pas savoir faire des choses auxquelles on ne les a pas formés et pour lesquelles on ne leur donne pas suffisamment de temps. Plus que jamais cette question de la formation initiale et continue des enseignants s’impose comme le véritable cœur de la refondation de l’école. »

« Pour tous les domaines, les préconisations de l’Inspection Générale ne concernent pas les instits, mais l’administration centrale, les autorités académiques, les inspecteurs de circonscription. Ce sont eux qui peuvent faire bouger les choses, en aidant les instits, » conclut le blog « l’instit’humeurs ».

img contrepoints112Pour aller plus loin :  voici quelques extraits du rapport de l’Inspection Générale.

Sur la lecture :

« Il manque donc aux maîtres des compétences importantes que la formation ne leur offre pas. Ce défaut semble valoir aussi bien pour les maîtres depuis longtemps dans les classes, qui n’ont donc pas bénéficié des derniers apports de la science et pour les nouveaux venus, sans formation depuis 2008. »

Sur le français : « Il convient d’insister ici sur l’impression de « panne didactique » en français, à l’école primaire, qui appelle des réponses en formation. Beaucoup reste à faire pour faire connaître et comprendre les travaux aujourd’hui exploitables de la recherche ».

Sur les mathématiques : « L’enseignement des mathématiques à l’école primaire souffre de l’insuffisance de formation des maîtres et des inspecteurs dans cette discipline. Si la formation initiale des enseignants doit être assurée dans les futures ESPE et soutenue par le maintien d’exigences de bon niveau au concours de recrutement des professeurs des écoles, la formation continue restera un élément essentiel de la professionnalisation des maîtres. Dans le cadre d’un accompagnement des programmes, d’un apport de connaissances scientifiques ou d’un approfondissement didactique, les mathématiques doivent rester une discipline majeure de la formation continue ».

Sur l’histoire : « des enseignants de très bonne volonté, trop peu formés », « la nécessité de programmes précis et clairs », « des enseignants mis en difficulté par le manque de temps, le manque de formation, le manque d’outils ».


Sur le web

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  • Intéressant mais cela fait la part belle aux enseignants. Quand un pêcheur ne ramène pas assez de poissons, il se remet en question, cherche à se former, à utiliser de nouveau outils. Quand un enseignant a des élèves qui échouent dans l’apprentissage de la matière, que se passe-t-il ? Rien. Il n’est pas touché par les conséquences.

  • Très intéressant.

  • Les responsables sont les inspecteurs de l’EN et leur hiérarchie politique. Plus de concours avec une épreuve écrite pour devenir inspecteur, mais une cooptation où l’indigence intellectuelle le cède à la médiocrité. Renseignez-vous et vous le constaterez : l’épreuve de culture générale a été remplacée par un « dossier » déjà reçu par les membres de cette sinistre confrérie. De pauvres exemplaires humains à la botte de textes pondus par le ministère et où les grilles d’une évaluation bidon à remplir ont pris la place du bon sens et de la responsabilité. Des lâches pour qui l’honneur d’une profession ne vaut plus rien, car cirer les bottes de leurs supérieurs devient un art de vivre> Et les instits dans tout cela ? On a supprimé les écoles normales pour les remplacer par des IUFM, où de pseudos enseignants supérieurs délivre la preuve renouvelée de leur incompétence notoire, sans aucun rapport direct à l’enfant et aux exigences de l’instruction. Pauvres instits, devenus professeurs des écoles, leur nouveau titre en a fait des insuffisants certains, avec une culture générale en berne et une absence tout à fait remarquable d’esprit critique. Que devons nous attendre de l’EN ? Rien, il faut absolument la détruire, de fond en comble.

  • Que peut-on attendre des ESPE?
    Même principes, mêmes défauts que les IUFM. Dans un système centralisé, la formation risque d’être le problème plus que la solution.

  • Mon dieu ! Les pauvres victimes ! Vite les mouchoirs

    Oui, il y a souffrance, mais la victimisation et la déresponsabilisation ne rend pas les enseignants moins responsables de leur sort.

    Qu’espéraient-ils obtenir en prêchant pour plus d’Etat ? Ils en veulent toujours plus, il l’ont, ils sont servis. Commencer par cesser de chérir les causes du malheur serait un premier pas vers des solutions.

    Deuxièmement, qu’est-ce qui les empêchent de ne plus obéir ou de démissionner ?

    • Démissionner, dans un système monopolistique, c’est soit renoncer à sa vocation, soit s’exiler. Les écoles privées sous contrat suivent à peu près les même règles que l’école publique. Les écoles vraiment libres sont beaucoup trop rares pour changer la donne.
      Démissionner, c’est aussi abandonner tout le pouvoir aux mains de ses adversaires. Je ne sais pas si c’est un bon pari de rester malgré tout, dans l’espoir d’agir de l’intérieur. Mais avouez que la question se pose.
      Beaucoup de professeurs songent à s’en aller, à cause des nombreuses réformes qui ont pourri le métier, mais c’est une décision très difficile à prendre. Et pas seulement pour des raisons égoïstes.

      Quant à désobéir, ce n’est jamais simple, même lorsque c’est possible.

  • Il aurait fallu supprimer l’éducation nationale (en tant qu’institution) il y a longtemps déjà.
    Juste après le constat de faillite de la méthode globale de lecture.
    Le reste n’est que pointage des doigts refus de responsabilité comme d’habitude.

    • oui, l’éducation ne doit pas etre socialiste … les parents doivent eduquer les enfants, y compris pour l’enseignement …. chaque parent devrait décider … en toute liberté .. avec des entreprises privées …cela permettrait aux enfants de gagner du temps et d’etre des citoyens plus rapidement …quand on pense que certains dorment à la fac jusqu’a 25 ans …

  • L’ auteur Coffinier omet de signaler que la société française a changé les enseignants nouveaux ou pas doivent se coltiner avec ce qui leur a été légué y compris en dehors du système éducatif
    autrement dit assumer les erreurs des autres et les siennes …

  • Quelle découverte !!!!
    On rigole en lisant de telles billevesées …même écrites dans ce rapport IGEN: nous connaissons la lente, parfaite et définitive décrépitude des enseignants
    Arrêtons de les dédouaner même si les Mînistres successifs leur ont laissé le champ libre en renonçant à toute forme d’évaluation de leur travail depuis la suporession du certificat d’études primaires !
    L’évaluation des élèves était devenue trop gênante : elle mettait en évidence criante le laxisme et la désinvolture des maîtres du cycle « primaire »
    « Primaire  » : beurk , encore un vilain mot qui dévaluait les instituteurs…alors , on règle le problème et on les nomme « Professeurs des écoles « 

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Les auteurs : Nathalie Sayac est Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen Normandie. Eric Mounier est Maitre de Conférences en didactique des mathématiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC).

 

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