L’horreur étatique

Écrit par un auteur déçu de la gauche, qui s’est aperçu progressivement et sans a priori de départ, que la crise avait peut-être une même et unique cause : l’État, cet ouvrage est celui d’une prise de conscience.

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L'horreur étatique, par Alain Le Bihan (Crédits : Tatamis, tous droits réservés)

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L’horreur étatique

Publié le 29 janvier 2014
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Écrit par un auteur déçu de la gauche (mais critique aussi à l’égard de la droite), qui s’est aperçu progressivement et sans a priori de départ, après une lente maturation, que la crise avait peut-être une même et unique cause : l’État, cet ouvrage est celui d’une prise de conscience… peut-être celle qui s’assimile à ce que ressentent de plus en plus de Français.

Par Johan Rivalland.

horreur étatiqueAlain Le Bihan est diplômé du supérieur en Sciences économiques et a occupé diverses fonctions en entreprise et ailleurs, tout en ayant eu une activité militante jusqu’à la fin des années 1980.

Intrigué par cet usage perpétuel du mot crise depuis une quarantaine d’années, il a tenté d’en établir un diagnostic. Petit à petit a germé en lui l’idée que l’État était non pas le rempart contre cette crise, mais à l’inverse probablement bien plutôt l’une de ses causes essentielles.

Un État devenu pléthorique et hors de tout contrôle

Au-delà des chiffres nombreux et impressionnants sur l’importance de la place de l’État en France et le nombre de personnes qui travaillent directement ou indirectement pour lui ou en vivent, Alain Le Bihan s’intéresse à la véritable nébuleuse qui l’enveloppe.

Un État pléthorique que plus personne ne contrôle, d’autant que les politiques considèrent comme trop risquée la mise en œuvre de solutions véritables aux excès et démesures constatés :

Le poids électoral que représentent les personnes dépendant de la puissance publique (étant) tel que tout faux pas serait fatal.

Or, la concurrence entre puissances économiques est telle, au niveau international, et les crises récentes si fortes, que les réformes fondamentales s’imposent d’évidence. Et la question de la définition de l’État, de ses rôles, ses missions, son organisation, sa place dans une perspective démocratique, se posent avec acuité. C’est ce que l’auteur choisit d’étudier, après avoir dans un premier temps analysé l’ensemble des problèmes qui se posent à lui actuellement.

Dans une première partie, l’auteur pose la question « Qu’est-ce que l’État ? » et tente d’y répondre en passant en revue différentes conceptions de l’État au travers des réflexions historiques et philosophiques, même si de manière un peu rapide ; mais il y revient en fin d’ouvrage, à travers de longues annexes retraçant la genèse de l’État.

Puis il cherche à établir un diagnostic sur la crise de l’État et ses multiples causes, dans une perspective plus souverainiste que libérale, à partir de constats souvent intéressants mais qui auraient sans doute gagné à être un peu plus structurés au départ, l’approche étant par moments un peu trop impulsive et foisonnante.

Un point de vue qu’il défend toutefois avec vigueur, avant de justement présenter, cette fois de manière plus précise et chiffrée, les manifestations essentielles de la crise, rappelant au passage que, même s’il ne se dit pas défavorable a priori à la dépense publique qu’il juge dans une certaine mesure bénéfique, le niveau de dépenses publiques est aujourd’hui tel en France (au-delà de 50 % du PIB) que nous sommes par nature et sans que chacun en ait bien conscience, dans un système socialiste, l’un des derniers de la planète.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Dans une deuxième partie, les facteurs essentiels de la crise sont recherchés. « Comment en sommes-nous arrivés là ? » se demande l’auteur.

Plusieurs explications sont avancées : les prélèvements croissants sur la richesse, les effectifs croissants de la fonction publique, les déficits en hausse, de même que la dette, le tout sans que l’efficacité soit au rendez-vous, le chômage atteignant durablement des niveaux élevés, les entreprises en difficulté étant toujours plus nombreuses, l’Éducation nationale se délitant, de même que la justice, la sécurité ou la protection sociale.

Alain Le Bihan montre ainsi :

Les fonctionnaires, occupant la majorité des postes dans l’exécutif et les assemblées élues, sont également désignés par le corps électoral pour assurer le contrôle de la structure permanente de l’État, dont ils sont eux-mêmes issus. Ils sont donc juge et parti […] au point de constituer de fait un lobby puissant pouvant empêcher toute réforme de l’État n’allant pas dans le sens de leurs intérêts.

Sans oublier les syndicats, qui ont moins d’adhérents que jamais, mais « n’en ont plus besoin » au vu des financements publics dont ils bénéficient.

Selon Alain Le Bihan, les fondements de la crise de l’État viennent donc de ce que

La pratique politique française s’appuie sur la certitude que tous les problèmes du pays, à commencer par les problèmes économiques, seront résolus pas l’action de l’État et que les fonctionnaires sont les mieux placés pour mener le combat.

Jusqu’à ce que le système tombe en faillite.

L’intervention permanente de l’État dans l’économie a faussé le jeu économique, tout est perturbé, les prix des biens et services, les salaires, les taux d’intérêt, la dimension des entreprises.

Que faire ?

Dans une troisième partie qui occupe plus de la moitié de l’ouvrage, l’auteur s’attache ensuite à établir des propositions en vue de réformer l’État, sauf à en arriver à une révolution

S’appuyant sur le triptyque « Liberté, Égalité, Fraternité » qui est au fondement de notre République, il étudie chacun d’eux pour montrer en quoi il y a eu dérive et ce qu’il serait nécessaire de mettre en œuvre afin de tenter de corriger ces orientations.

En réalité, en étendant à l’infini son champ d’intervention, l’État a vidé de son contenu les conditions dans lesquelles les membres de la société vivent ensemble. Ce fil qui nous relie les uns aux autres […] n’est qu’une suite de contraintes, de taxes, de normes, d’obligations de toute nature, inventées au fur et à mesure des nécessités technocratiques, de prélèvements de toutes sortes et accessoirement de temps en temps d’aides diverses pour justifier l’ensemble.

Il commence ainsi par aborder le problème de la confusion entre égalité et égalitarisme.

La première vise à s’opposer aux privilèges, comme le voulait la Révolution française. Mais finalement, les privilèges accordés par le biais de la mainmise de l’État sur la société, aboutissent à la négation de ce principe. De nombreux salariés du privé se sont appauvris ou se trouvent en situation de précarité quand dans le même temps des salariés du public, exerçant des activités comparables, à qualification égale, bénéficient de multiples avantages (salaires, retraites, couverture sociale, conditions de travail, taux d’imposition…).

Sans aller jusqu’à proposer des mesures telles que la flat tax, par exemple, l’auteur n’en réclame pas moins une remise en cause de la progressivité, ainsi que la suppression de tous les textes favorisant les groupes de toutes sortes et s’accompagnant d’une importante diminution du train de vie de l’État et des dépenses publiques indues.

Quant à la fraternité, elle doit se limiter aux « services mis en œuvre pour atténuer les réelles difficultés de nos concitoyens (difficultés passagères, handicap, vieillesse) », et non à toutes les formes d’aides multiples (aides au logement, etc.) ou de discrimination positive qui ressemblent à de « vraies usines à gaz » plus très bien contrôlées, devenues une véritable « attraction des populations mondiales déshéritées » et n’ayant, en outre, pour effet que de fausser les prix du marché.

Pour ce qui concerne la liberté, il juge qu’elle « a reculé et recule dans des proportions inquiétantes », sous l’effet de la « dictature administrative » présentée auparavant et de la dictature de la majorité, qui s’impose à la minorité.

Il propose donc « une rupture dans l’État », qui passe par une refondation du pouvoir judiciaire, avec en particulier davantage de tribunaux et une élection de leurs représentants, un État resserré et recentré sur les fonctions régaliennes, qu’il précise (et sont un peu plus larges que celles auxquelles on pense habituellement), avec un gouvernement considérablement plus resserré, les autres fonctions assurées aujourd’hui étant sous-traitées, l’interdiction des déficits, une redéfinition du rôle des CCI, etc.

Le service public ne disparaitrait pas complètement, l’auteur faisant des propositions de réformes certes pas purement libérales mais très ambitieuses. Il serait cependant géré de manière radicalement différente, selon des principes généraux que l’auteur expose dans le détail (Éducation nationale, Universités, Recherche, etc.).

La décentralisation serait réorganisée à partir des communes, véritables artisans de la refondation de l’État, plutôt que des régions ou départements qui disparaitraient, tandis que le contrôle de l’exécutif au niveau national serait mieux assuré grâce à une redéfinition du rôle du Parlement et l’abolition d’organismes, commissions, comités, autorités ou observatoires de toutes sortes (à commencer par le Conseil économique, social et environnemental), dont l’utilité réelle est douteuse et le coût bien réel.

En définitive, l’auteur en appelle à une redéfinition complète du rôle de l’État, pour mettre fin à une véritable crise de régime, où l’État prétend tout faire, jusqu’à vouloir régenter, qui sait, notre bonheur, au risque de se transformer en dictature administrative.

Au lieu de cela, Alain Le Bihan en appelle à faire confiance à l’individu, généralement mieux à même de savoir ce qui est bon pour lui et résoudre les problèmes qu’il rencontre.

Un ouvrage de réflexion pertinent et pleinement d’actualité

En conclusion, un ouvrage pas inintéressant, partant d’un diagnostic pour tenter de proposer des solutions. Une approche toutefois parfois un peu dispersée (avec une quantité de fautes d’orthographe et de fautes grammaticales qui m’a surpris et un peu gêné tant elles étaient nombreuses), mais sincère, qui a le mérite d’alerter sur l’ampleur du problème lié à la forte prééminence de l’État en France et apporter des pistes de réflexion pour tenter de réagir, même si pas toujours d’essence purement libérales mais se voulant plus pragmatiques et dont on peut dire qu’elles sont ambitieuses.

En écho, sans doute sous forme de clin d’œil, à un livre à sensation dont le titre était L’horreur économique (Viviane Forrester), qui entendait prendre « l’exact contre-pied de l’idéologie libérale qui prétend subordonner toute décision politique aux seuls impératifs de l’économie », un ouvrage qui établit une bonne synthèse de tous les problèmes qui apparaissent aujourd’hui au grand jour après tant d’années de léthargie. Un reflet de notre temps.

Écrit alors que François Hollande venait fraîchement de prendre ses fonctions, il n’en trouve, au bout de près de deux années de pouvoir de celui-ci, que d’autant plus de pertinence et de raison d’être, face à une situation qui ne s’est pas vraiment améliorée, c’est le moins qu’on puisse dire…

Alain Le Bihan, Lhorreur étatique, éditions Tatamis, septembre 2012, 256 pages.

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  • Donc, il viendrait juste de comprendre ce que nous avons compris depuis 50 ans c’est pas un rapide ce mec ! LOL

  • « un État resserré et recentré sur les fonctions régaliennes, qu’il précise (et sont un peu plus larges que celles auxquelles on pense habituellement), »

    Il y a plusieurs degrés de libéralisme, on peut tout a fait être libéral et considérer souhaitable que l’état assure un ultime filet de sécurité (pour que personne ne meurt de faim / froid ) mais pas en mode « balancer du pognon (RSA, APL et aides diverses) sur les problème.
    plutot en mode dortoir chauffé, extinction des feux a 23h, pates au beurre…

  • « Petit à petit a germé en lui l’idée que l’État était non pas le rempart contre cette crise, mais à l’inverse probablement bien plutôt l’une de ses causes essentielles. »

    Il faut écouter Thomas Sowell raconter (youtube…) comment quelques mois à travailler dans une administration l’ont fait passer du marxisme au libéralisme. Comprendre que les attentes placées dans l’État par les socialistes sont proprement absurdes.

    Qu’est-ce que la dépression de 1930 ?
    Une spirale d’étatisme, comme celle où nous précipitent nos socialistes contemporains.

    « Si les lois providentielles sont harmoniques, c’est quand elles agissent librement, sans quoi elles ne seraient pas harmoniques par elles-mêmes. Lors donc que nous remarquons un défaut d’harmonie dans le monde, il ne peut correspondre qu’à un défaut de liberté, à une justice absente. Oppresseurs, spoliateurs, contempteurs de la justice, vous ne pouvez donc entrer dans l’harmonie universelle, puisque c’est vous qui la troublez. »
    http://bastiat.org/fr/a_la_jeunesse_francaise.html

  • Je doute que le libéralisme absolu soit possible, donc, les pays fonctioneront toujours comme ça..compromis, rapports de force etc…

    mais là le constat est clair ; trop….

    je me pose par contre souvent une question..cette penetration de l’etat dans tous les rouages de l’economie jusqu’à l’absurde, avec par exemple des taxes qui coutent plus à collecter qu’elles ne rapportent…est elle le résultat d’un projet intentionnel ou juste celui d’un bricolage lié à la complexité du machin?

    Quand vous avez un machin relativement complexe que vous voulez modifier vous mettez des rustines et des by pass… parce que c’est moins cher que de tout refaire..mais à la longue…vous n’avez plus le choix et cous n’etes meme plus certain du resultat de vos nouveaux bricolages.

    • lemiere jacques: « est elle le résultat d’un projet intentionnel ou juste celui d’un bricolage lié à la complexité du machin? »

      Complexité, ignorance, bêtise, résultat de millions de petites actions.
      La toile de fond c’est quand même culturel, la manière dont un peuple se voit et je pense que la France n’arrive pas à dépasser les mythes de Zola/les misérables/la révolution.

      • Et encore, si les Français lisaient vraiment Zola, je pense que beaucoup d’avenues à son nom seraient débaptisées dans les communes communistes…

        Le problème est que Zola, dans l’opinion commune, est toujours réduit à « Germinal » et à l’évocation des grèves de mineurs contre le patronat. Comme l’auteur décrit précisément les conditions de vie des mineurs, il est tout de suite perçu comme leur défenseur et s’est fait récupérer par les commmunistes. Mais si l’on lit d’autres de ses oeuvres :
        – « Au bonheur des Dames » : célébration du modèle de grand magasin qui rend la concurrence obsolète
        – « L’argent » (oeuvre très intéressante pour un libéral) : L’argent est reconnu comme source de progrès, « mal nécessaire » mais moteur de la société.

        De plus, Zola est un des premiers écrivains français à considérer que le fait de vivre uniquement de l’argent des ventes de livres et d’articles est une bonne chose, car elle permet à l’écrivain d’échapper au système de mécenat qui peut créer de la censure.

        • C’est certain, c’est pour cela que j’évoquais les « mythes ». La révolution par exemple fut bien autre chose que le mythe admis.

  • limite condescendant. Montrez nous vos chevilles, je vous dirai si vous êtes libéral! Merci pour la mise en lumière de cet ouvrage.

  • pour savoir comment les états fabriques la pauvreté :

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