Sur fond blanc, par Frédéric Lamoth

Critique du livre Sur fond blanc, par Frédéric Lamoth (Bernard Campiche Editeur).

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Sur Fond blanc, par Frédéric Lamoth (Crédits Bernard Campiche éditeur, tous droits réservés)

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Sur fond blanc, par Frédéric Lamoth

Publié le 28 décembre 2013
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Par Francis Richard.

Sur Fond blanc, par Frédéric LamothLa photographie, et le cinéma, puis la télévision ont commencé par ce que l’on appelait le noir et blanc, avant de bénéficier du spectre entier des couleurs.

Aujourd’hui on revient volontiers aux nuances de gris sur fond blanc.

Ce retour aux sources n’est pas anodin. A la réflexion, il ne s’agit pas de nostalgie. Il semble plutôt qu’on veuille revenir au dessin et à l’esquisse plutôt qu’au tableau saturé de couleurs.

Car les couleurs cachent l’essentiel; elles dissimulent les lignes; elles tuent l’imagination, tandis que les lignes la favorisent, grâce à leur pureté, aux creux qu’elles créent, que l’esprit comble.

En passant dans une rue de Lausanne, le narrateur découvre dans une galerie d’art des photographies de paysages hivernaux, de maisons, de toits couverts de neige.

Alors que rien ne le précise dans le texte, pourquoi imaginé-je que ces photographies ne puissent être qu’en noir et blanc?

Sous chacune de ces photographies, un bristol en donne un court descriptif, daté, localisé.

Le narrateur arrive devant la dernière d’entre elles : « Deux visages sur un fond blanc, un drap plissé. Les yeux fermés, côte à côte sur le même plan. Deux femmes qui dormaient dans le même lit et dont le sommeil semblait transformer la réalité en rêve. »

Ces deux femmes portent leurs vêtements de jour. Sur la tempe gauche de l’une d’elles, une marque, comme une ancienne cicatrice. On ne sait si elles sont mortes ou si elles dorment…

Alors le narrateur, qui écrit un livre sur le mythe de Merlin, et ses liens avec la fée Nimuë, et qui observe, un peu plus tard, la rencontre de deux femmes dans un café lausannois, ébauche, en les voyant, une histoire qui se terminerait par la photographie de « ces deux femmes assoupies qui semblent attendre le prince charmant ».

Il leur donne deux noms qui traduisent leur complicité et leur divergence, Diane pour celle qui vient de la nuit, Claire pour celle qui attend dans la lumière. Il imagine qu’elles se revoient vingt ans après s’être perdues de vue au sortir de l’école hôtelière. Du café lausannois elles se rendent chez Diane, où se trouve un tableau préraphaélite de Merlin et Nimuë… Elles se racontent et se souviennent.

Le père de Diane était juriste, sa mère femme au foyer. Du temps de leurs études, Diane dessinait, mais elle a rangé ses crayons. Elle est le modèle de Jürgen, le photographe des deux femmes assoupies, et vit avec lui. Elle se rend une semaine par an en Asie où elle retrouve Paul, son mari. C’est elle qui a une cicatrice à la tempe.

Les parents de Claire tenaient un restaurant sur les hauts de Montreux, mais elle ne voulait pas prendre leur suite. Elle travaille maintenant dans un centre de congrès à Evian. Elle sortait avec Franck. Maintenant elle est avec Conrad, un informaticien. Ils habitent Génolier.

Elles se souviennent notamment de Lorenzo, un jeune homme, beau et chauve, rencontré sur un quai de gare. Il avait une leucémie. Il est mort depuis quelque vingt ans. Lorenzo possédait dans sa chambre d’hôtel une photo d’une inconnue, au dos de laquelle il y avait une inscription en italien:

« Amore…Nave senza nocchiere sul mare calmo della sera… » (Amour…Navire sans timonier sur la mer calme du soir…)

Destiné à la prêtrise, Lorenzo avait renoncé à sa vocation. Ses expériences sexuelles avaient été désastreuses. Il s’était révélé impuissant, son désir se volatilisant à chaque fois qu’il s’agissait de passer à l’acte.

Lorenzo, Diane et Claire forment un temps un trio improbable. Ils jouent respectivement les rôles du patient, de l’infirmière et de la lectrice : « La maladie, le corps, l’esprit, trois formes, trois expressions d’une même substance, avec des visages bien distincts. »

Diane et Claire se confient à son sujet ce qu’elles ne se sont pas dit à l’époque. Elles n’ont pas été bien loin avec lui, ni l’une ni l’autre, en raison de son impuissance, alors qu’elles croyaient chacune le contraire…

Le narrateur raconte enfin comment Diane s’est fait sa cicatrice, comment elle et Claire se sont retrouvées dans le même lit et comment Jürgen les a prises en photo dans cette situation.

Le livre se termine dans l’attente de la neige : « Elle viendrait. Peut-être déjà ce soir ou pendant la nuit. Elle précéderait l’aube, avec le silence et le gel, elle se condenserait comme les dernières visions d’un rêve, elle effacerait toute trace. »

Et l’on se dit que sur le fond blanc des pages qu’il a écrites, Frédéric Lamoth laisse une trace onirique qui, elle, ne s’effacera pas…  

Sur fond blanc, Frédéric Lamoth, 144 pages, Bernard Campiche Editeur

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